10 : Saisir les opportunités
(12.01) coma (n.m) : fait de dormir vingt trois heures dans une journée qui en fait vingt-quatre
NOTHING (-Clare)
...
menthe.heure : mec, on a trouvé le prénom de la petite!!!!!!!!!!!!!!!
just1.plc : ????!
menthe.heure : non mais je partageais juste l'info, je vais pas te donner le nom de mon futur enfant, t'as serré
Justin éclata de rire, même pas étonné que son ami agisse ainsi. Il était aussi excité que ça depuis des jours et des jours, sans interruption. Il ne laissait plus une seconde de répit à ses potes et leur parlait toutes les deux minutes -sans exagération aucune, vraiment- du bébé. S'il avait eu peur au début, Noam avait désormais simplement trop envie que le bébé arrive pour commencer sa nouvelle vie.
just1.plc : t'es nul
just1.plc : Arthur sait que Louise accouche dans deux semaines ?
Il regretta son message moins de quinze secondes après l'avoir envoyé et voulu le retirer, mais Noam était toujours dans la discussion et l'avait donc déjà lu. Justin se mordilla les lèvres, en attente de la réponse de son ami.
Il ne savait même pas pourquoi il se souciait autant d'Arthur. Après tout, celui-ci lui avait planté le pire couteau dans le dos qui existe en draguant la copine de Justin derrière son dos. Mais pourtant, peut-être à cause des trois années d'amitié qu'ils avaient partagé, le brun ne pouvait s'empêcher de penser à lui et d'être envahi d'une culpabilité intense. Sur le moment il avait pensé que lui casser le nez l'aurait soulagé mais maintenant qu'il y réfléchissait, il se trouvait complètement con. Pas évident que Clare se soit barrée face à un tel fou furieux.
Il n'avait plus eu de nouvelles, ni d'elle ni d'Arthur. Celui-ci n'avait pas ignoré que Justin et avait totalement renié tout ses amis, sûrement parce qu'il sentait qu'ils étaient tous plus ou moins dans le camp adverse au sien. Cependant, Clare n'avait pas renié sa vie toute entière. Elle l'avait seulement renié, lui.
Et ça, ça lui faisait tellement de mal qu'il n'arrivait même plus à prononcer son nom. C'était devenu un sujet tabou avec tout le monde : personne ne parlait de Clare. Jamais. Et durant cette semaine ils avaient tous réussi à ne pas fauter une seule fois -même Audrey et sa maladresse légendaire, c'est pour dire.
Mais ne pas parler de quelque chose ne le fait pas disparaître, et le fond d'écran de Justin était là pour le lui rappeler à chaque instant. Il n'avait pas encore eu le courage de retirer cette photo d'eux deux amoureux et complices, pas encore. Peut-être un jour, quand ça ferait moins mal. Si ça fait moins mal.
Pour se changer les idées, Justin avait décidé de ranger toute sa chambre. Il s'était laissé aller pendant des semaines, mais maintenant il avait compris que pour aller de l'avant il n'y avait qu'une seule solution : se reprendre en main. C'est pour cela qu'il était en train de tout rassembler dans des caisses en plastique. Il avait accepté de repeindre sa chambre, finalement.
-Baisse un peu ta musique, tu veux ?
Justin se détourne vers sa mère, qui dépose des échantillons de peinture sur son bureau.
-Pourquoi ?
-Parce que je veux te montrer quelque chose.
Justin arque un sourcil en baissant le volume du rap craché par son enceinte.
-Tu sais quoi ? Coupe-la complètement, demande-elle, les poings sur les hanches.
Cette fois, le brun est véritablement intrigué. Il verrouille son téléphone et se tient bien droit, dans l'attente de ce que sa mère va lui dire. Est-ce que ça y'est, elle quitte la maison ? Est-ce qu'elle le laisse tout seul ici avec son père ?
Pitié, non, pense-il intérieurement.
Sa mère le regarde quelques instants sans rien dire, le regard brillant, puis quitte la chambre sans un mot en disparaissant dans le couloir.
-Mais, maman ! Qu'est-ce que tu...
Il s'interrompt de lui-même quand Elo apparaît dans l'encadrement de la porte. Elle est plus petite que dans son souvenir, et ses cheveux sont plus courts. Elle est plus mince aussi, et plus musclée. Cependant, elle est toujours aussi bien habillée que d'habitude.
-Oh. Salut.
Ce sont les seuls mots qu'il arrive à dire. Il resta planté là, face à sa sœur avec les bras ballants, sans savoir ce qu'il doit dire. La journée venait de commencer et il n'était pas prêt à s'embrouiller, pas dès dix heures du matin.
-Salut, répondit Elo en se mordillant les lèvres.
Il y eut un nouveau silence gênant qui désola Justin. Depuis quand est-ce qu'ils se comportaient comme ça l'un envers l'autre ? On aurait presque dit... des inconnus.
-Je suis passée récupérer quelques affaires, alors j'ai pensé que je pourrais en profiter pour, tu sais... Arranger un peu les choses entre nous.
-Avec papa aussi ? demanda Justin.
-Non, pas avec papa, répondit Elo d'une voix catégorique en secouant la tête. J'arrête définitivement d'essayer de sauver ma relation avec lui, essayer de régler les problèmes ne mène jamais à rien avec lui.
Justin se contenta d'acquiescer avant de s'asseoir sur le bout de son lit.
-Tu repeins ta chambre ? demanda-elle en jetant un œil aux échantillons de peinture déposés sur le bureau.
-Ouais. J'hésite entre blanc cassé et rouge.
-Pas totalement le même délire, commenta-elle en souriant avant de promener son regard sur les murs de la chambre.
-Pas faux.
Ils échangèrent un sourire gêné, n'ayant pas plus envie l'un que l'autre de rentrer en premier dans le vif du sujet.
-On s'entendait bien avec papa quand on était petits, intervint alors Justin.
Elo haussa les épaules en venant s'asseoir à côté de lui.
-Je ne me rappelle plus vraiment quand ça a commencé à changer, dit alors Elo.
-Moi oui, murmura Justin en gardant ses yeux sur le parquet clair de sa chambre. Il avait des ennuis au boulot et maman et lui, ça n'allait pas fort. Ensuite, tout a empiré.
-Sûrement à cause de lui.
-Sûrement.
Ensuite, ils ne disent plus rien pendant une minute qui leur paraît interminable à tous les deux. Finalement, Justin se laisse tomber sur le dos en même temps qu'Elo, visiblement toujours synchronisés même sans le faire exprès. Cette constatation mutuelle leur arrache à chacun un sourire qu'ils s'appliquent soigneusement à cacher.
-Depuis quand t'as des photos de planètes au plafond ? demande soudainement Elo en fronçant les sourcils, ses bras croisés sous sa tête.
Justin lève à son tour les yeux sur le plafond et son regard se pose sur les images qu'il a imprimé puis découpé et collé soigneusement le mardi même en rentrant du McDo. Il avait passé une journée particulièrement affreuse : les clients avaient été insupportables, Marion était de mauvaise humeur à cause d'un plan cul qui avait eu la bonne idée de lui préparer un petit déjeuner en réveillant -il faut dire que d'habitude ils avaient tous disparu lorsqu'elle émergeait-, il avait été obligé de nettoyer les toilettes car Tahina la femme de ménage était malade et pour couronner le tout il avait croisé Gab', l'ami de Clare, qui passait dans le coin pour voir un ancien pote du lycée. Voir une partie de la vie de Clare l'avait plongé dans une nostalgie profonde et il avait décidé sur un coup de tête, pendant une insomnie insupportable aux alentours de cinq heures du matin, de coller des images de planètes et de constellations au-dessus de son lit. Ainsi, il avait l'impression d'avoir un minuscule bout de celle qu'il aimait toujours avec lui et l'idée de se retrouver seul dans le noir confronté à ses démons lui était un peu moins insupportable.
-Depuis mardi. Elle a ça au-dessus de son lit aussi.
Pas besoin de prononcer son prénom. De quelle autre fille pourrait-il bien parler, de toute façon ? Il n'y avait qu'elle, et il n'y avait toujours eu qu'elle.
Elo n'insista pas et hocha la tête. Justin prit alors conscience que si elle était là, c'est parce qu'elle avait dû apprendre la 'bonne' nouvelle de la bouche de sa meilleure amie.
-Elle était mal ? demanda alors Justin sans détourner les yeux du ciel étoilé artificiel déployé sous leurs yeux.
-Qui ça ?
Il poussa un soupir qui dissuada Elo de continuer sur cette pente, et elle pressa ses paupières quelques secondes avant de répondre :
-Pire que jamais. Elle était... Je ne l'avais jamais vue comme ça. C'était... Flippant. Et difficile à supporter.
-Putain.
Un 'putain', c'est tout ce que Justin arrivait à dire pour exprimer ce qui se passait au fond de son cœur. ses entrailles se tordaient dans tous les sens rien qu'en imaginant Clare dans un état aussi douloureux. C'était sa faute, uniquement sa faute. Et ça le tuait de savoir qu'il avait fini par rendre malheureuse celle qu'il s'était promis de toujours voir avec le plus beau des sourires sur le visage.
-Et toi, tu tiens le choc ? demanda alors Elo en se tournant sur le côté, son coude calé sous son oreille.
Embarqué par sa petite sœur, Justin se tourna aussi, le cœur lourd.
-Je sais pas trop. J'essaie de pas y penser.
-Bonne technique, murmura Elo en lui adressant un sourire compatissant.
Ils se regardèrent dans les yeux quelques instants, et Justin la remercia du regard de ne pas lui dire que tout allait bien se passer comme n'importe qui d'autre l'aurait fait. Parce que dans le cas présent, ça aurait été lui mentir et ça ne lui aurait apporté aucun réconfort.
-Et toi, ça va ? questionna alors Justin en prenant conscience qu'ils n'avaient pas encore réellement parlé d'Elo.
-Ça va. Mon stage vient de se finir et même si j'étais dégoûtée de retourner en cours, je m'adapte. Et puis, Yves Saint Laurent avaient l'air intéressés par mon travail et m'ont demandé de leur laisser mes coordonnées.
-Waouh, Elo ! s'exclama Justin en lui pinçant le bras. Tu deviens grave famous, j'hallucine !
Elo prit un air prétentieux en faisant mine de saluer une foule de fans, et ils se mirent tous les deux à rigoler. Quand ils arrêtent de rire, Justin arrive enfin à trouver le courage d'enclencher sérieusement la discussion. Il est temps de mettre les choses à plat, pour de vrai.
-Tu étais où pendant tout ce temps ?
Elo avala sa salive, comprenant qu'elle allait bientôt devoir à une foule de questions.
-Chez Léo, répondit-elle. J'ai débarqué avec mon petit sac à dos, j'étais trempée à cause de la pluie, j'étais à la fois en pleurs et en colère et je voulais juste tomber dans un coma profond. J'ai passé tout le week-end à somnoler dans son lit en regardant des dessins animés, puis il a fallu retourner au travail.
Justin imaginait très bien Elo débarquer, profondément blessée et désorientée. Ce n'est pas rien de quitter son foyer, sa famille, ce qu'on a toujours connu. Justin se sentit alors très égoïste, parce qu'il croyait bêtement durant tout ce temps qu'elle était mieux sans eux et qu'elle n'avait pas le moindre regret. Il ne comprit que maintenant qu'elle avait du souffrir énormément.
-J'arrivais à faire face la journée mais le soir, j'étais au bout du rouleau, poursuit-elle. J'étais insupportable : je critiquais tout, je n'avais envie de rien, je m'isolais sans arrêt et je passais plus de temps à aller courir dans son quartier pour me changer les idées qu'à passer du temps avec lui. À sa place, je me serais expulsée moi-même depuis longtemps.
-C'est un bon gars, lâcha alors le brun.
Et Justin le pensait sincèrement. S'il avait pensé secrètement qu'il était gay en le voyant la première fois, il avait finalement été heureux d'apprendre qu'il sortait avec Elo. Il lui avait redonné le sourire dès leur première rencontre, et son frère l'avait bien vu. De plus, même si Léo et Justin n'avaient jamais eu de grande discussion, il lui avait tout de suite paru rigolo, mature et bienveillant. Ses intentions envers Elo étaient claires et honnêtes, et il avait débarqué tout de suite dans le Sud quand Justin lui avait envoyé un message pour lui demander de venir sauver l'été de sa sœur. Bref, c'était le genre idéal et Justin ne pouvait pas rêver mieux pour Elo, encore plus maintenant.
-Au bout de quelques semaines, j'ai commencé à sortir la tête de l'eau et à m'ouvrir de nouveau à lui. Et depuis, bah... C'est le top.
Le sourire qui se dessine malgré elle sur ses lèvres est tout simplement trop adorable à regarder et fait sourire Justin à son tour.
-Pourquoi t'es revenue alors ? la taquine-il.
-Parce que les seuls dessins animés qu'il aime vraiment bien sont Toys Story et Monstres et Cie, et même si j'adore Bob Razowski j'avais besoin d'une pause.
Justin éclate de rire si fort qu'il doit se tenir le ventre. Il faut dire que l'idée d'imaginer Léo en train de regarder des Pixar avec sa copine le fait vachement rire.
-Arrête de rigoler, je suis sûre que Clare aurait...
Elle s'interrompit en plaquant une main sur sa bouche, se rendant compte de sa bêtise.
-Pardon, je voulais pas... commença-t-elle.
-C'est pas grave.
Justin secoua la tête pour appuyer ses propos, mais un trou béant vient de se former au fond de lui. Une plaie douloureuse qui, il le savait, va continuer de s'ouvrir un peu plus chaque jour tant que Clare n'est pas là, à ses côtés.
-Je peux savoir ce que c'est que cette petite chose ? intervint soudain une voix dans l'entrée de la chambre.
Elo et Justin se redressèrent comme un seul homme et tombent face à leur mère... Qui tenait Amsterdam dans ses bras.
-Euh... Un chat ? tenta Justin, qui savait très bien la raclée qui se profilait pour lui à l'horizon.
Face à l'étrangeté de la situation, Elo ne peut s'empêcher d'éclater de rire. Entraîné par sa sœur, Justin se joint rapidement à elle, suivis par de leur mère. Finalement, ils se retrouvèrent tous les quatre à taper leur meilleur fou rire dans la chambre
-Pas question de le garder, finit tout de même par conclure Laure en laissant le chat s'échapper sur le lit.
-Oh, maman ! se plaignit Justin en faisant ses yeux de Chat Potté les plus convaincants. Il ne fait pas de bêtises et il est super sage, je te jure.
-La preuve : il est là depuis des mois et tu n'as rien remarqué, compléta Elo en s'asseyant en tailleur, le chaton maintenant entre ses jambes.
-'Des mois' ? Vous plaisantez j'espère ?! s'exclama leur mère, les poings sur les hanches.
Justin et Elo échangèrent un regard complice qui arracha un soupir à Laure, qui se laissa tomber sur la chaise la plus proche.
-S'il te plaîîîît maman, demanda Elo pour tenter de rattraper sa mini-bourde. Tu n'auras rien à faire, on s'en occupera tous seuls !
-Je m'en occuperai tout seul parce que c'est mon chat, dit Justin en écarquillant les yeux exagérément avant de récupérer son chat.
Elo roula des yeux et siffla pour attirer Amster'. Et comme l'appel des caresses ne se refuse pas, le chat s'échappa aussitôt pour la rejoindre, ce qui arracha un sourire taquin à sa nouvelle maîtresse.
-On s'en occupera, conclut-elle.
Laure affronta leurs regards attendrissants quelques instants de plus avant de céder :
-Bon, très bien ! Mais à la moindre connerie, c'est dehors !
Justin entraîna sa mère sur le lit et ils se mirent à rigoler tous les trois avec le chat pendant l'heure qui suivit, enfin réunis.
Peut-être que les choses étaient en train de commencer à rentrer dans l'ordre, enfin.
...
-Ça doit faire, genre, deux ans qu'on s'est pas fait un date hors du McDo.
Justin haussa les épaules en buvant une gorgée de Desperados, bien enfoncé sur sa chaise. Il faisait super froid dehors mais Marion avait insisté pour se mettre en terrasse, et il avait fini par accepter. Il n'était pas d'humeur à se prendre la tête, ces temps-ci.
-Ça m'avait pas manqué, plaisanta-il.
Marion tenter de lui envoyer une cacahuète dans le visage mais le loupa complètement et manqua de peu la table de derrière, ce qui fit ricaner le brun.
-Oups, lâcha Marion en rigolant avec une main sur la bouche.
Justin s'apprêtait à lui montrer comment bien lancer une cacahuète quand le téléphone de son ami se mit à sonner, faisant vibrer toute la table.
-Les Totally Spies, vraiment ? commenta Justin en souriant d'un air amusé.
-Je ne suivrais jamais les règles de l'idiot qui a décidé qu'on devait grandir, déclare-elle en attrapant son téléphone. Roh, non, pas encore lui ! s'exclame-elle rageusement en le reposant sur la table.
-C'est qui ? demanda Justin, intrigué.
Il faut dire que Marion était beaucoup, beaucoup, sur son téléphone. Quand elle n'était pas au McDo ou qu'elle ne révisait pas pour son DUT, elle pouvait passer des nuits entières à rire toute seule sur Twitter ou à se perdre sur Youtube pour regarder des théories conspiratrices délirantes sur la mort de Kennedy ou le sens caché des films Disney. Et, sûrement à cause de ce temps incroyable passé sur son portable, elle répondait toujours au téléphone. En fait, Justin n'avait jamais envisagé la possibilité qu'elle puisse refuser un appel.
-C'est mon plan cul. Fin, plus trop maintenant qu'on couche plus ensemble, dit-elle en se passant une main dans les cheveux, les paupières closes.
-C'est quoi le but d'un plan cul avec qui tu couches pas ? demanda Justin en rigolant, le nez froncé.
Marion but une gorgée de Perrier en haussant les épaules, visiblement fatiguée par la situation.
-Je l'ai rencontré dans un pub le soir du Nouvel An ; au début je me suis mise d'accord avec moi-même pour ne pas le ramener dans ma chambre, sauf qu'il m'a lâché un 'dommage, on aurait bien commencé 2020'. Ça m'a convaincue.
En temps normal, Justin aurait éclaté de rire face à ce genre de remarques mais la mention du Nouvel An lui rappelle seulement qu'il avait trop bu et qu'il avait partagé sa soirée entre les toilettes pour vomir et la chambre d'Audrey pour chialer sur sa misérable existence. Pas top, comme façon de clore l'année.
-Et donc, il t'a refilé la chlamydia ? blagua Justin en sirotant sa bière.
-J'aurais presque préféré, dit-elle sur un ton amer. Je me suis réveillée le matin avec une gueule de panda bourré -j'avais zappé de me démaquiller, quelle gourdasse-, et je l'ai trouvé au beau milieu de ma cuisine en train de préparer le petit dej'. Non mais vraiment, qui fait ça ?
-Un mec bien ?
Marion lui adresse un regard noir pour le punir de ne pas la soutenir.
-Mais ça je te l'avais déjà raconté, poursuit-elle. Le pire, c'est quand j'ai remarqué qu'il avait oublié sa veste chez moi en partant. J'ai été obligée de lui donner rendez-vous quelque part pour la lui rendre, et il a insisté pour qu'on marche. On dirait qu'il ne peut pas s'empêcher d'essayer d'apprendre à me connaître, cet idiot.
Justin fronça les sourcils et ironisa :
-Il s'intéresse à toi, quel crime !
-Mais je veux pas qu'on s'intéresse à moi ! protesta-t-elle. Je voulais partager mon lit le temps d'une soirée et basta, pas finir mariée avec un inconnu !
-T'es pas obligée de te marier avec lui, répliqua Justin.
Son amie haussa les épaules, sa queue de cheval châtain se balançant sur ses épaules.
-Je sais pas, c'est bizarre, dit-elle en faisant tourner sa paille dans son verre. On dirait presque qu'il... m'aime bien.
-Attends, t'es sûre qu'il n'a aucun problème mental ?
Marion lui lança un regard qui signifiait 'ahah, très drôle' et s'enfonça un peu plus sur sa chaise, bien emmitouflée dans son écharpe.
-Résultat : il me faisait pitié et j'ai accepté de le revoir vendredi soir pour lui rendre ses cinq euros.
-Juste pour 'lui rendre ses cinq euros', hein ? la taquina Justin, amusé.
-Ben, oui, se défend Marion. Il m'a payé un café sur les quais de Seine l'autre fois, faut bien que je le rembourse.
-AH ! s'exclama Justin en la montrant du doigt. Tu cherches une excuse pour le revoir !!
-N'importe quoi, répond son amie en roulant des yeux. Je ne veux rien devoir à personne, c'est tout.
-Pourtant tu me paies bien des gaufres quand on va au marché de Noël ensemble, non ? dit Justin en lui pinçant gentiment la joue.
Elle lui donne un grand coup de coude pour qu'il ne la touche plus, ce qui fait encore plus rire Justin. Il a donc bien raison, elle ne veut pas admettre qu'elle aime ce type un peu plus que pour un plan cul.
-Mais toi c'est pas pareil, j'ai pas... Oh, tu m'énerves ! s'exclame-elle en se levant.
-Tu vas où ? demande Justin en la voyant ranger sa chaise.
-Loin de toi !
Et elle s'éloigne de façon théâtrale, laissant derrière elle un Justin hilare. Décidément, Marion n'aura jamais aucun secret pour lui.
Après avoir payé leurs boissons -elle ne lui avait pas laissé un centime pour régler la note, cette traîtresse-, il quitte le café et remonte la rue commerçante avec ses écouteurs dans les oreilles. C'est la première fois depuis des jours qu'il s'autorise à penser à Clare en écoutant le dernier album de Coldplay, l'un de ses groupes préférés. La première fois qu'ils avaient dansé un slow, c'était sur Hymn for the Weekend. Ensuite, chaque fois qu'ils l'entendaient, ils s'étaient mis à danser ensemble, peu importe l'endroit. Il se revoyait encore au milieu de la cuisine de Clare en train d'imiter Chris Martin alors qu'elle faisait Beyoncé.
C'était la première fois depuis la rupture qu'il osait se confronter à la réalité, et qu'il ne fuyait pas. Bon, il s'y était déjà frotté au Nouvel An, mais il n'était pas vraiment sobre alors ça ne comptait pas. Cette fois, il avait toute sa tête et il avait l'impression qu'on était en train de lui enfoncer d'immenses aiguilles de tous les côtés, tel une poupée vaudou qu'on maltraite. Il était sérieusement en train de se rendre compte que sa vie désormais devrait se composer sans Clare, et cela l'effrayait plus que tout parce qu'il n'avait vécu sans elle. Avant qu'ils ne se mettent ensemble elle faisait déjà partie de sa vie, simplement en tant que meilleure amie d'Elo mais elle était déjà là. Puis peu à peu, au fil des années, elle était devenue indispensable à son bonheur et maintenant, il ne savait plus comment avancer sans elle.
Justin fut brutalement sorti de ses pensées quand sa musique se coupa à cause d'une notification. Il jeta un œil à son écran, espérant qu'on ne l'avait pas dérangé pour rien.
LE CREW/ ariqueen7 : face time NOW
C'était le groupe Snapchat qu'ils avaient crée en ajoutant tous les membres de leur groupe de musique avec les gars, et le message provenait de Charles -qui d'autre pouvait bien s'appeler 'Ari Queen' de toute façon ?
Justin cliqua alors sur l'appel en cours et les trois visages de ses potes s'affichèrent en même temps.
-Wsh poto, bien ou bien ? demanda Owen dès que Justin apparut sur son écran.
-Bah moi tout baigne, répondit Justin. Et visiblement toi aussi puisque t'es pas en panne de joints.
Owen lui fit un doigt d'honneur tandis qu'Elias éclatait de rire. En effet, Owen avait, comme d'habitude, son joint bien calé entre ses lèvres. Justin se demanda si sa fumette avait toujours des effets même après la quantité astronomique qu'il tirait chaque jour.
-Par contre bougez votre cul parce que faut que j'aille réviser là, demanda Elias en frappant dans ses mains pour les presser.
-T'as pas déjà travaillé, quoi, vingt-six heures aujourd'hui ? commenta Charles en tapant sa meilleure pose d'influenceuse beauté.
Elias roula des yeux en s'allongeant sur son lit, le téléphone calé sur son ventre.
-Alors mon Charlie, tu voulais nous dire quoi ? demande Justin en tournant à gauche après avoir traversé au grand carrefour.
Un immense sourire apparut alors sur le visage de Charles, qui eut soudainement l'air tout émoustillé. Il s'approcha d'ailleurs si près de la caméra en secouant les mains pour montrer son excitation que Justin remarqua le vernis noir qu'il portait. Avant cet instant Justin n'aurait jamais cru penser ça un jour mais ça lui allait bien, vraiment.
-Version courte ou version longue ? demanda-il en tirant la langue d'un air excité.
Les trois autres gars crièrent 'version courte' en même temps, connaissant la tendance impossible à vivre de Charles à raconter les histoires dans les moindres détails.
-Ok, version longue, conclut l'intéressé avec un air espiègle. Donc vous voyez samedi soir j'étais en boîte de nuit avec un ami quand...
-Un ami, ah oui, le taquine Owen en effectuant une danse suggestive des sourcils.
-C'est pas parce que je suis gay que j'ai pas d'amis masculins, trouduc', l'envoya aussitôt chier Charles en plissant les paupières. T'as pas de potes filles, toi ?
Owen fit mine de réfléchir, puis répondit en haussant les épaules :
-Si je couche avec elles de temps en temps, ça compte ?
-Goujat.
Owen éclata de rire à sa propre blague mais ça ne dura pas longtemps car Charles lui hurla un 'tais-toi je veux parler' qui le força à s'arrêter de ricaner dans le combiné.
-Donc je disais, reprend Charles en fusillant Owen du regard à travers son écran, que j'étais en boîte avec un pote quand il m'a présenté un ami à lui qu'on a croisé par hasard. Le gars était super mignon -genre sur une échelle de un à dix il était à vingt-neuf- et il avait même des fossettes et une grosse...
-...OK, je pense qu'on a saisi ! le coupa Elias, faisant rire Justin au passage.
-Bref, je lui ai parlé vite fait de notre groupe de musique et il m'a alors expliqué que son frère tenait un bar dans Paris et qu'il cherchait justement un groupe pour animer un peu le bar le samedi soir parce qu'il vient d'ouvrir et qu'il veut attirer des clients.
-Attends, ne me dis pas qu'on va vraiment jouer dans un bar ? demanda alors Elias en clignant des paupières, incrédule.
Charles leur lança un regard complice, et Owen s'étouffa avec son ter en comprenant qu'il ne plaisantait pas.
-C'est quoi l'embrouille ? questionna alors Justin, méfiant. Ils acceptent un groupe d'ados inconnus qui n'ont jamais joué devant des gens sans aucune contrepartie ?
-Je te jure que non, c'est juste... commença Charles.
-C'est un bar gay, j'en étais sûr ! le coupa Owen en frappant dans ses mains comme s'il venait de trouver la réponse à un problème qui était jusque là non résolu par l'humanité.
-Ferme ta gueule ou je te jure qu'on trouve un autre batteur juste pour ce soir là, rétorqua Charles.
Ça eut le don de stopper le flot de mauvaises blagues d'Owen.
-C'est vraiment incroyable, lâcha alors Elias dont le sourire lui mangeait plus de la moitié du visage. Vous vous rendez compte ? On va jouer dans un vrai bar, avec un vrai public !
-D'ailleurs, reprit Charles, j'ai pensé qu'on pourrait mettre en place un petit dress code pour mieux attirer l'attention de nos fans.
-Y'a tellement de choses qui ne vont pas dans cette phrase que je ne sais pas par où commencer, plaisanta Justin en tournant de nouveau à gauche, maintenant tout près de chez lui.
Il salua sa voisine lorsqu'elle ralentit en voiture pour lui dire bonjour puis accéléra de nouveau en soufflant sur ses mains pour les réchauffer avec la hâte de se mettre au chaud.
-Donc conclusion : on joue dans un bar de ouf le vingt-cinq janvier au soir et vous avez intérêt à venir beaux, lâcha finalement Elias pour mettre un terme à la conversation.
Visiblement, il avait l'air super heureux de cette nouvelle mais aussi super stressé de prendre du retard sur ses devoirs. Il était tellement investi dans sa prépa qu'il en oubliait presque de respirer, c'était flippant.
-On commence à jouer à vingt heures à l'ouverture du service, expliqua Charles. Le proprio est d'accord pour qu'on vienne en avance pour s'entraîner.
-Ça marche, confirma Justin.
Il passe le portillon et est en train de le refermer quand Owen déclara :
-Bah les gars, la prochaine fois qu'on se voit on joue devant un public. Moi je trouve qu'on se met bien.
Et même si Justin était terrifié à l'idée de laisser entrevoir aux autres la seule partie de lui qu'il avait toujours gardée secrète, il avait le cœur gonflé d'excitation.
C'était le moment d'avancer, merde.
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