Chapitre 59: Lucie
Je fixais mon téléphone depuis plus de dix minutes. Je doute même avoir cligné des yeux pendant ce laps de temps.
— Tu es sûre que tout va bien ? me demande Matt inquiet.
— Oui, bien-sûr. Je suis totalement d'accord avec toi.
Je vis mon précieux écran se faire dérober de mes mains sans que je n'aie le temps de protesté.
— Lucie, tu ne m'écoutes même pas, se plaignit Matt en rangeant mon téléphone dans sa poche. Tu te fais du mal à regarder cette machine. La situation ne va pas s'échapper de tes mains si tu arrêtais quelques minutes ton duel de regard perdu d'avance.
— C'est faux, et je suis parfaitement attentive. Rend le moi Matt s'il te plait!
— Hors de question, me lâcha-t-il simplement en se levant.
Je pense qu'il me fallut bien dix seconde pour que mon cerveau fasse la connexion entre mes synapses. Avais-je bien entendu ? Il venait de me dire non. Et moi j'étais restée assise sur l'herbe du parc en le regardant tranquillement s'éloigner.
Je me suis précipitamment mise debout pour courir à sa poursuit, afin de récupérer mon bien.
— Matt ! Ce n'est pas drôle. Rend le moi maintenant, j'en ai besoin.
— Non, répondit-il alors que j'arrivais tout juste à son niveau. Tu es puérile Lucie. On est tous dehors à profiter que l'on soit ensemble et toi tu restes planté devant une machine.
— Mais c'est important ! m'exclamais-je. Tu ne comprends pas que c'est nécessaire ?
—Nécessaire pour qui ? Pour toi ? Pour Tristan ? Ce n'est justement pas le cas et c'est sur ce point que tu fais erreur. Te faire un sang d'encre pour une personne qui n'est pas là, en regardant ton téléphone et en attendant qu'il daigne de t'appeler, n'est pas sain.
— Mais je m'inquiète pour Tristan, soufflais-je en stoppant mon pas.
Il ne fallut pas bien longtemps pour que mon ami stoppe également le pas et détruise un peu la distance qui s'était creusée.
— Tristan est un grand garçon capable d'assumer ses décisions. S'il n'est pas venu alors qu'il l'avait promis, ce n'est pas sans raison. Alya t'a dit qu'il était malade et qu'il se reposait. Que te faut-il de plus pour admettre qu'il ne se passe rien de grave? Écoute Lucie, il faut que tu décroche et que tu profites de la journée. Peut-être n'a-t-il pas envie de venir ou de te parler. Tu devrais accepté que tu ne puisses pas contrôler toute sa vie. On ne sait pas ce que l'avenir nous réserve chaque nuit alors autant profiter de nos journées et faire en sorte qu'elle soit magnifique. Personnellement, il suffit que je tourne autour de moi et que je vois le paysage pour être comblé. Je suis entouré d'ami, de vrais amis. Mais également de mes sœurs qui ont un sourire magnifique sur leurs lèvres. Je viens d'assister à un match magnifique de basket et je l'ai adoré malgré la défaite. Il fait beau. On est posé dehors et il fait encore extrêmement bon pour une fin de novembre. Que demander de plus ?
— Que Tristan réponde.
— J'en ai marre.
Et il se remis en route vers les jumelles qui faisait un parcours du combattant aux côtés d'Anna.
— Je rigole Matt, attend moi ! lui criais-je en le poursuivant.
J'entendais les rires des deux petites mélangé à celui d'Anna. Ils étaient doux et me réchauffais le cœur. Matt avait raison, je ne profitais plus vraiment de la journée depuis que l'on avait finis le repas du midi. Je regardais le trio ramper au sol avec ardeur, tâchant indéniablement leurs vêtements. Elles ressemblaient tous les trois à de jeunes enfants qui s'amusent innocemment.
— Tu as enfin décroché de ton téléphone ? Je suis fière de toi, me dit Anna en se tournant vers moi.
— On ne m'a pas vraiment laissé le choix.
— Je lui ai confisqué, surenchérit Matt.
— Bien joué mon grand ! s'exclama la jeune fille. Je n'aurais pas osé. Mais je me disait aussi que c'était étrange que ce soit Lucie qui te cours après. C'est vraiment pas dans ses habitudes de courir derrière les garçons.
Elle lui tapa dans la main en signe de victoire lorsque mon ami arriva à son niveau.
— Qu'est-ce que vous faites exactement ? demanda-t-il.
— On fait une expédition dans une grotte ! s'exclama Mia en levant son point en l'air fière d'elle. Tu viens avec nous ?
— Avec plaisir, répondit le garçon.
— Et toi Lucie ? demanda la petite avec un sourire suppliant.
— Non, désolé. Je vais plutôt opter pour la discussion avec Sacha, Rubis et Ethan. Ils ont l'air d'être installés confortablement et ne font pas trop d'efforts physiques. C'est tout ce que je recherche actuellement.
— Dommage.
C'est sur ces mots que je les ai quittés à leurs jeux d'enfants. Ils étaient tellement innocents. Ils paraissaient tellement différents de ceux qui m'accompagnaient la nuit dernière. Ils étaient les yeux remplis de joie et d'amusement. La nuit avait quant à elle envahit leurs iris de violences et de meurtres. J'avais beau me dire que ces bêtes qui avaient tentées de me tuer n'étaient que des rêves. Leur sang qui giclait et leurs griffes qui m'avait lacéré le bras jusqu'à le détacher presque du reste mon corps, semblaient tellement réel. Je revoyais le sang sur mes mains, et cette pensée me fit frissonner d'horreur.
Je rejoignis rapidement le petit groupe qui s'était installé sous un arbre, et j'ai laissé mes horreurs de la vielle derrière moi. Je ne voulais pas inquiéter qui que ce soit avec mes angoisses.
— Salut Lucie ! me lança Sacha avec le sourire. Ça fait plaisir que tu nous rejoignes.
Je ne m'habituais toujours pas au visage du monde réel de Prophétie. La nuit elle troquait ses mèches brunes au profit d'un blond bien différent. Et son style plutôt minimaliste contrastait fortement avec son uniforme d'écolière rouge et blanc et ses bottes de cuirs clouté. Mais ce que je ne comprenais pas c'était ses yeux. Ils m'ensorcelaient. Le vert de l'un d'eux me rappelait les pelouses au printemps sur lequel j'adorais m'allonger. Le brun du second, quant à lui, me paraissait tel ces tasses de chocolat que je partageais le soir avec les jumelles. L'un comme l'autre étaient enivrants de douceurs et de simplicités. Je trouvais dommage qu'elle troque ces trésors pour des yeux gris et terne la nuit.
— Ça me fait plaisir aussi de venir avec vous. Vous parliez de quoi ?
Ce fut Rubis qui répondit la première à ma question
— De ce qui a bien pu nous sauver la nuit dernière. Victoire, ou plutôt Matt, nous a assurer s'être réveillé alors que nous étions toujours suspendus dans le vide.
— Moi je pense que nous sommes tombés de pas bien haut sur le sol et qu'il était plus près que nous le pensions à cause du manque de lumière, expliqua Ethan.
— Ça pourrait être une bonne solution, répondis-je. Mais j'ai été la dernière à me réveiller. Et ceux juste après Matt. Or, on est tombé à pleine vitesse pendant au moins plus de deux secondes. Vu la douleur que j'ai ressenti ce matin à mon bras et ce que m'a décrit Mia lorsqu'elle s'est réveillée après qu'elle se soit blessée à la jambe, on aurait dû se faire bien plus mal et le sentir.
— Peut-être est-ce tout simplement de l'eau, proposa Sacha.
On s'est tous tourné dans sa direction. C'est vrai que ça proposition ne paraissait pas si mal.
— Elle aurait bien pu atténuer notre chute, expliqua-t-elle. Et puis, j'ai ressenti comme une onde de choc lorsque j'ai ouvert les yeux dans ma chambre. La même onde que lorsque l'on saute de haut dans une eau profonde. Tu ne l'as peut-être pas ressenti, mais moi si.
Je l'écoutais déballer ses explications lorsque je sentis comme une source de chaleur dans mon dos. Une source étrangère qui venait d'apparaître comme par magie. J'ai doucement tourné la tête vers l'endroit que je sentais être la source. Je voyais se dresser devant me yeux un mur de flamme.
— Impossible, soufflais-je d'une voix soudainement étouffée par la peur.
— Tu disais, me répondit Ethan alors que je bondissais sur mes deux pieds, le corps à présent face au danger.
Les flammes semblaient à faire un cercle autour de notre groupe. Pourquoi ne réagissaient-ils pas. Ne voyait-il pas la catastrophe qui allait nous dévorer ?
— De l'eau ! m'exclamais-je.
— Oui de l'eau. C'est bien d'eau dont nous parlions.
— Non, mais vous ne voyez donc pas ce feu qui nous entoure ! crias-je. On va mourir si on ne trouve pas un moyen de l'éteindre.
Je sentais la fumée qui commençait à entrer dans mon corps. Il prenait possessions de celui-ci alors que mon cœur battait à présent à un rythme effréné.
— Mais de quoi parles-tu ? demanda calmement Rubis.
Autour de nous tout brûler. Je voulais fuir. Mais mes pieds restaient enracinés sur le sol. Je ne parvenais plus à bouger, mais pour quoi faire ? Cette menace ne nous laissait aucune échappatoire. Elle était tel un piège que l'on ne pouvait que regarder se refermer sur nous et nous écraser. Je sentais mon corps qui étais de plus en plus privé d'oxygène à mesure que mon souffle continuait pourtant de s'accélérer.
Matt, Mia, Rose, Anna. Vont-ils seulement bien ou ont-ils déjà étaient dévorés par les flammes ?
Je ne voulais pas mourir ainsi. Je ne voulais pas mourir maintenant. Laissez-moi vire, je vous en prie !
Je ne pouvais qu'observer avec détresse le corps de mes amis disparaître, calcinés par le brasier.
Alors je n'ai pu faire que crier en sentant les flammes conquérir mon cœur. Je ne pouvais que crier ma peine et ma douleur en me sentant partir loin de tout. Loin de ce monde des vivants qui pourtant m'avait accueilli.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top