Chapitre 55: Lolita
Cela faisait plusieurs heures que nous marchions à travers les galeries. Nos ombres et celles des volumes de la caverne dansaient sur la roches sombre. Elles formaient toutes sortes de visages plus monstrueux les uns que les autres. Je sentais les membres restants du groupe se tendre à chaque fois qu'ils étaient surpris par l'une d'elles.
J'aurais été folle de ne pas avoir peur. Cela n'aurait été que mensonges d'affirmer que la sérénité était reine dans mon corps. Je voulais sauver Diamond, mais rien ne promettait que je reste en vie suffisamment longtemps pour accomplir ma mission. L'imprudence a toujours su jouer avec le futur et le changer comme bon lui semblait. Je devais me sentir prête à combattre.
Sur l'un des pans, une ombre humanoïde se dessinait. Elle semblait faire face à une autre, tendre le bras, et la décapiter.
La rapidité de la scène me laissa échapper un petit cri de panique, tout comme la simplicité avec laquelle chaque mouvement s'enchaînait. Je sentis la main de Diamond s'entrelacer dans la mienne.
-Tout va bien, me murmura-t-il. Je suis là.
-Je sais, soufflais-je.
Je me suis accrochée à lui et il n'a pas attendu pour faire de même.
Je commençais à devenir folle avec tout ce que je voyais. Comme-ci l'on voulait jouer avec mes nerfs. Ce n'était pas la première scène funeste que je semblais percevoir parmi les ombres de ce monde. Depuis mon réveille, il me paraissait avoir vu toutes sortes de décapitations, de lapidations, de pendaisons, de noyades, d'empoisonnements, de découpages, ou encore d'étranglements ou de crémations.
Monde de merde.
S'il y a un créateur derrière tout cela, c'est le plus grand malade de tous les temps. Je ne connais rien de ses motivations, mais rien ne justifie de faire autant de dégâts psychologiques à des enfants. Je ne sais pas si je suis la seule à voir ce genre de choses, mais chaque frisson qui parcourrait mon corps lorsque je croisais le chemin de ces ombres étaient bien réel.
Je regardais mes camarades avancer dans la grotte. On faisait peine à voir. Victoire et Grey soutenait Luna qui était encore gravement blessée. J'avais tellement de peine pour cette enfant. Elle était si innocente et on la faisait tellement souffrir par notre marche.
Toutefois, ce fut Nashi qui capta mon attention. Je la voyais trembler au fur et à mesure de ses pas. La danseuse commençait à avoir de plus en plus de mal à avancer. Ses mains pendaient lasses de tout efforts sur son tutu à présent paré de roses bleues.
Je me suis détachée de Diamond, non sans surprise de sa part, et j'ai accéléré le pas pour pourvoir la rejoindre.
-Tout va bien Nashi ?
-J'ai de plus en plus de mal à respirer, me confia-t-elle en toute honnêteté.
-Tu veux que l'on fasse une pause ?
-Non, me répondit-elle avec une volonté d'assurance certaine. Je ne veux pas ralentir. En plus, je pense que cela ira mieux une fois que l'on sera parti d'ici.
-Tu n'as pas l'habitude des endroits fermés, je me trompe ?
-Tu as raison. Ça ne m'est jamais arrivé de me retrouver dans un endroit comme celui-ci. Je dois être claustrophobe et ne jamais l'avoir remarqué jusqu'à maintenant. Tu n'as jamais ressenti cela ?
-Si, tu ne peux même pas imaginer le nombre de fois.
Des visions de mon enfance me reviennaient soudainement en mémoire à l'écoute de ses mots. J'y voyais ma mère qui me battait après l'une de ses nombreuses soirées beaucoup trop alcoolisées. Je ressentais chacun de ses poings qui s'abattait sur ma peau. Mon corps les gardait au plus profond de mon âme en souvenir. Je voulais plus que tout que cela cesse. C'était avant que je ne le rencontre. Avant que Diamond ne rentre dans ma vie. J'étais jeune et ma seule délivrance était lorsqu'elle m'enfermait loin des regards, dans ce placard plongé dans le noir.
Bien-sûr, je n'oublierai jamais ce sentiment d'étouffement qui prenait ma gorge et la compressait haut de ce que mon corps pouvait supporter. Je me voyais tambouriner contre les murs et reproduire le même geste que j'avais subit une peu plus tôt, mais cette fois-ci contre le bois qui formait ma cage. Je sentais ma peau qui se lacérer contre les piques du matériau abîmé. Je sentais mon sang chaud couler le long de mes bras. Je voulais sortir. Je voulais que ma souffrance cesse. Je voulais de l'air.
Assez ! avais-je crié un soir.
Mais rien ne s'était passé. Alors j'ai accepté mon sort, et cette armoire est devenue ma libération. La peur, la phobie de cette boîte fermé à double tour a disparu. Elle est devenue une consolation qui me permettait d'échapper aux coups et à toutes autres violences de ma mère. C'était mon salut. Une fois, j'y suis restée plus de deux jours à l'intérieur, seule, silencieuse. Ce sont les pompiers qui m'ont trouvé.
Je n'étais pas venue en cours depuis deux jours et ma mère ne répondait plus à aucun message. L'école avait appelé les secours, et ils m'ont trouvé.
Seule. Assise dans ce placard.
Lorsqu'ils m'en ont sorti, j'ai pu voir le corps de ma mère qui baignait dans le sang. Il se mélangeait avec l'alcool d'une bouteille de vin brisé sur le sol. Elle était morte après m'avoir enfermé. Elle était tombée m'avait-on dit que bien plus tard. Elle s'était explosée la tête sur le coin de la table de la cuisine. Une mort pitoyable pour une femme qui l'était tout autant.
C'était tout ce qu'elle me rappelait. C'était tous les souvenirs qui tendaient à refaire surface dans ce lieu horriblement sinistre.
- Mais on ferait mieux de prendre une pose, repris-je. Tu commences à tituber et tu serais incapable de te défendre en cas de danger.
Elle acquiesça. Elle ne voulait pas remettre en cause ma parole et le savais pertinemment. Mais je sentais la déception qu'engendrait cet arrêt forcé dans notre marche. Elle ne voulait pas nous mettre en danger par une halte, et ça se ressentait dans ses yeux. Elle avait envie de continuer d'avancer, et je le savais. Je le sentais.
Son âme me hurler sa peur de n'être qu'un poids pour le reste du groupe. Elle se déchirait à exprimer sa volonté de devenir un pilier.
Si seulement tu pouvais te voir à ta vraie valeur, Nashi. Tu te rendrais bien vite compte que ce ne sont que des chimères d'un but que tu as déjà atteint. Combien d'enfant de ton âge peuvent se vanter d'avoir ta force et ton courage? Si seulement tu pouvais te voir.
-On doit s'arrêter tout le monde ! criais-je pour que ceux qui devançaient un peu la marche puissent entendre. Nashi à besoin que l'on se pose quelques minutes.
Sun, qui ouvrait la voie de sa lumière, ne tarda pas à rebrousser chemin accompagnée par Prophétie. Puis ce fut le tour des autres qui se tenaient derrière nous.
-Tout va bien? demanda Lucky inquiète pour notre petite danseuse.
-Ne t'en fais pas, répondit celle-ci. J'ai simplement besoin de reprendre mon souffle.
-Il ne faudra pas trop tarder non plus, fit remarquer Diamond. On n'a toujours rien vu de dangereux depuis le début de la nuit et je sens que quelque chose ne va pas tarder.
-Je te fait confiance sur le coup, surenchérit Vic. J'ai le même pré-sentiment qui me hante depuis plusieurs minutes.
Tout le monde s'assit à l'exception de Diamond qui dégaina son arc.
-Tu viens de voir quelque chose ? demandais-je sur la défensive, prête à dégainer ma hache.
-Non, mais je tiens à monter la garde le temps où tout le monde est assis et vulnérable. Je ne veux voir mourir aucun d'entre nous cette nuit.
On vit Sun qui se mise à signer, tous les regards se sont portés vers notre petit soleil qui cherchait à s'exprimer du mieux qu'elle pouvait.
-Elle te dis qu'elle t'aidera, expliqua Nashi. Elle s'occupe de l'autre côté avec son boomerang.
-Merci, répondit sincèrement mon copain. On se met en poste.
La blonde hocha de la tête et parti dans le sens opposé de celui de Diamond.
-Est-ce que tu as eu la moindre vision Prophétie, demandais-je curieuse. Cela pourrait nous aider si tu avais vu un indice sur le danger de ce soir. Même le plus anodin d'entre eux serait précieux.
-Malheureusement non, souffla-t-elle. J'aurais aimé, mais rien ne m'est venu depuis la veille. C'est comme-ci mon don c'était éteint depuis mon réveille.
-Il va revenir, ne t'en fait pas. Et sinon, Lucky, tu te sens bien. Tu n'as pas eu de problème aujourd'hui ?
-Non, aucun, que ce soit dans le monde réelle ou dans le monde des rêves. Tout à l'air d'être rentré en ordre. Je vous préviens si j'ai le moindre problème.
-Bien, soufflais-je. C'est une bonne nouvelle au moins.
On est resté de longues minutes assis sur la roche froide qui nous enveloppée. Puis la voix de Nashi retenti, telle une alarme que l'on aurait tiré.
-Sun a entendu quelque chose. Elle nous rejoint immédiatement.
-Grey, occupe-toi de Luna, ta grande épée ne sera pas très utile dans un endroit aussi étroit. Les autres, armez-vous. On va se rapprocher de Sun autant que possible. Nashi, préviens Diamond immédiatement et dit lui de nous revenir sur le champs.
J'ai dégainé mon arme et on a couru dans le sens de Sun. Lorsque l'on est arrivé, ce fut Nashi qui de nouveau parla pour elle.
-Une meute d'animaux à quatre pattes. Une vingtaine si ce n'est plus. Ils sont à moins de deux cents mètres.
-Tout le monde en position, dit Vic. Nashi, tu sens-tu suffisamment en forme pour te battre? Je ne voudrais pas que tu te forces si c'est pour tuer l'un de nous par erreur en tirant. Rien de personnel, bien évidement.
-Je me sens d'attaque. J'ai récupéré donc vous pouvez compter sur moi.
-Parfais. On en aura besoin, intervient Lucky en dégainant son épée de glace.
Tout le monde se tenait déjà près lorsque Diamond nous rejoignit. Mais ce n'était pas le seul à arriver à notre rencontre. Alors qu'il tendait déjà son arc vers le plus profond de la caverne, des yeux rouges commençaient à se dessiner dans l'obscurité de la grotte. Leur fourrure se fondait encore avec la nuit qui régnait autour de nous et leurs babines laissaient apparaître leurs crocs acérés.
-Des loup géants, souffla Nashi comme toute conclusion.
Sa voix se cassait au fur et à mesure qu'elle voyait la meute se rapprocher de notre petite troupe.
Mais une flèche en forme de plume dorée traversa le groupe pour venir se planter entre les deux yeux de l'un des loups dans un silence absolu. Seul le sifflement de la flèche vint le briser en même temps que le crâne de la bête qui s'abattait raide morte sur le sol.
Les grognements de la meute redoublèrent d'ampleur et ils foncèrent droit sur nous sans plus d'hésitations.
-Feu à volonté ! cria le tireur.
__(💠)__
C'est le genre de chapitre qui me fait plaisir d'écrire.
Je me rend compte que plus les chapitres passent, plus je me sens pleine de joie en voyant la fin arriver d'ici peu. C'est un peu étrange sachant que les chapitres oscille de plus en plus entre moments de joie pur et instants d'horreur face à la fatalité de la vie.
Je suis contente que l'on puisse un peu s'attarder sur le personnage de Lolita dans ce chapitre. On la voit souvent, mais on ne la comprend pas suffisamment à mon goût. La situation dans laquelle elle se trouve est souvent effacé et je trouve ça un peu dommage. De cette façon on comprend mieux sa philosophie de toujours vouloir aller de l'avant malgré la tristesse des événements.
(J'ai l impression de me plaindre alors que je suis l'auteur de ce livre. C'est un peu paradoxal.😂)
En tout cas, j'espère que ce chapitre vous aura plus et de pouvoir vous retrouver au suivant.😉
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