Au fond de moi, je crois que je doutais encore de ma décision. Pourtant je continuais d'empiler doucement mes vêtements dans ma valise devant moi.

-Alors c'est réellement ton choix ?

Je me suis tournée vers ma petite sœur qui venait de prononcer ces quelques mots.

-Tu nous quittes, continua-t-elle. Comme ça, sur un coup de tête. Comment les parents sont-ils parvenus à te faire rentrer dans ton crâne que leur proposition était une bonne idée ?

-Je crois qu'ils n'en ont pas eu besoin. Une petite voix en moi me chantait déjà que c'était le bon choix.

Ma sœur baissa la tête et je décelais que son regard s'assombrissait au fur et à mesure que je tentais de m'expliquer. Elle ne comprenait pas les motivations qui me poussaient à tout quitter, mais je ne lui en demandais pas tant. Je sais que c'est compliqué pour elle, mais elle parviendra à surmonter ça. Elle est forte, et elle devait bien s'attendre un jour à ce que je la quitte pour prendre mon envole. Elle ne s'attendait juste pas que ce soit si tôt, ni si soudainement.

-Mais je ne te comprends pas ! Tu avais en horreur cette école et maintenant de ne souhaite qu'y aller au plus vite. Qu'est-ce qui a bien pu te faire charger d'avis aussi rapidement. S'il te plait Tristan, explique-moi ce qui ne va pas chez toi. Explique-moi je t'en supplie.

Sa voix était brisée et ça me déchirait de la voir ainsi. Mais que pouvais-je bien lui dire ? Tout ce qui se passe dans le monde des rêves est un secret. Je ne peux pas lui en parler. Je ne peux pas lui expliquer. Un jour peut-être, j'en aurais la possibilité. Je l'espère vraiment. Je lui raconterai toutes mes aventures dans ce monde plein de dangers dont je ne connais pas grand-chose et dans lequel j'essaye de survivre chaque nuit. Un jour, lorsque tout sera enfin terminé, que le point final de cette histoire aura été marqué ; je lui dirais la torture que ça a été de la voire en pleine incompréhension et de devoir me séparer d'elle. Mais le moment n'était pas venu. Ce n'était pas encore l'heure des révélations. J'espère seulement que ce temps viendra avant que je ne sois six pieds sous terre. Alya, si seulement tu savais tout ce que j'ai sur le cœur et que je souhaite te dire chaque fois que je croise ton regard de petite sœur apeurée par la triste réalité de la chose. Comment te sentirais-tu si je devais te rajouter le poids de la vérité sur le dos, alors que tu as déjà du mal à porter un bien plus petit fardeau ?

Alors sans prononcer un seul mot, je me suis levé de mon lit sur lequel je m'étais installé plutôt pour plier mes affaires, et je l'ai prise dans mes bras.

-Tu vas me manquer petite sœur. Tu ne peux pas imaginer combien tu comptes pour moi et combien cela me déchire aussi de devoir partir. Mais je le dois. Je sens que c'est la bonne voie. Mais tu verras je te promets qu'un jour je reviendrais définitivement à tes côtés. Et ce jour-là, tu seras sincèrement fière de moi. Je serais libre de mes choix et de ma vie, et je pourrais rester à tes côtés et profiter de la vie ensemble. Ensemble, comme avant lorsque l'on était ensemble.

-Je me fiche pas mal du futur, dit-elle en laissant tomber une larme de ses yeux. C'est aujourd'hui que j'ai besoin de toi. De plus, je n'ai pas besoin que tu me laisses seule pour que je sois fière de mon frère. Je le suis déjà tous les jours que je passe ma vie à tes côtes. Je n'ai pas besoin d'adieu pour m'en rendre compte. Ne me laisse pas seule s'il te plait.

-Je suis désolé, soufflais-je.

Je doute tellement que tu sois toujours aussi fière de moi dans peu de temps. En partant, j'espère au moins que je n'aurais pas tous les jours à devoir te mentir pour faire croire que je suis encore quelqu'un de bien. Ma promesse aura, je l'espère était mon dernier mensonge. Je ne veux plus à avoir à te cacher la vérité. Mais crois-moi s'il te plait lorsque je te dis que je rentrais, car même si ce n'est pas moi qui décide de qui meurt et de qui vit. Je ferais toujours en sorte d'être du bon côté de la balance. Pour toi.

Elle se détacha de mes bras lorsque la sonnerie de la porte d'entrée retentit.

-Je vais voir qui c'est, dit-elle seulement avant de traverser l'embouchure de la porte et de quitter la pièce.

Alors je me suis remis à la tâche. J'ai continué de ranger mes affaires telle un robot. Mais mes gestes se stoppèrent immédiatement lorsque la voix d'Alya retentit à travers la maison.

-Tristan, c'est pour toi ! avait-elle crié pour que je vienne prendre sa place.

Alors je suis à mon tour sorti de ma chambre pour venir dans l'entrer prendre la place d'Alya. Je savais parfaitement qui se trouverait dans l'entrée. Je le savais sans aucun doute. Il était clair qu'une seule personne pouvait bien demander à me voir. Alors j'ai chassé toute la peine que je contenais encore en moi et j'ai les propulsé au loin. Là-bas, peut-être elle ne pourrait plus m'atteindre. Là-bas, peut-être elle sera suffisamment loin pour qu'elle croit que tout va bien pour moi. Je ne veux pas lui faire de la peine comme j'en fais déjà à ma sœur. La séparation sera plus facile si elle ne sait rien et qu'elle ne sait pas où je vais.

-Salut Lucie, dis-je simplement en la voyant.

Un sourire de façade ornait mon visage. Je ne voulais pas qu'elle ne se doute de quoi que ce soit. Je désirais la voir heureuse, épanouie. Pas inquiète pour une personne qui n'en a pas le mérite. Je veux la voire sourire une dernière fois avant de partir.

-Salut Tristan. Je voulais absolument te voir, me dit-elle un sourire resplendissant sur le visage. J'ai rencontré enfin Loli, ou plutôt Anna, et on voudrait organiser une sortie avec tout le monde demain. On espère vraiment que tu viennes. Tu es un membre à part entière de l'équipe après tout.

Je ressentis subitement un pincement au cœur. Une voix dans ma tête lui criait de lui dire. Mais comment faire lorsque la raison vous hurle également de lui mentir. Une fois de plus. De cacher la vérité. Une fois de plus. Celle que vous allez partir sous peu. Que vous allez l'abandonner et qu'elle ne s'en rendra compte que lorsque vous aurez trahi sa confiance. Comment puis-je me revendiquer membre d'une équipe alors qu'on la souille pour sa survie dans son dos. Si seulement je parvenais à te le dire Lucie.

-S'il te plait Tristan. Dis-moi oui.

Après tout, elle ne me demandait pas la sincérité. Seulement de lui dire la réponse qu'elle attendait.

-Je sais que tu n'apprécies pas vraiment Matt et que tu as eu des différents avec lui. C'est pourquoi je comprends que tu ne sois pas exactement ce que l'on appelle motiver. Mais il faut absolument que tu viennes et...

-J'accepte.

-C'est vrai ?

-Si je te le dis.

Son visage s'illumina en entendant la réponse et elle se jeta dans mes bras.

-Merci Tristan ! Je suis tellement heureuse que tu sois d'accord. C'est demain midi que ça commence, n'oublies surtout pas. Je t'envoie le lieu de rencontre et l'horaire précise lorsque l'on aura trouvé un endroit sympa avec Loli. Euh... Anna.

-Très bien, répondis-je simplement.

Elle commença à se diriger vers la sortie, le sourire aux lèvres. Lâchant seulement un petit "À demain" avant de passer définitivement la porte d'entrée.

J'enviais son innocence et sa facilité à vivre avec son temps. Je me sentais déjà coupable de la laisser alors je n'étais pas encore parti. Mais à quoi bon culpabiliser dès à présent. Dans tous les cas, il fallait que je me fasse à l'idée.

Lucie était le genre de fille qui irradiait d'une aura, d'une lumière incroyable. Le genre de personne pas comme les autres, que l'on n'oublie pas. Et cela, bien qu'elle soit d'apparence quelconque. Mais lorsqu'on savait la voir de plus près, elle rentrait et chamboulait votre vie, votre cœur en un instant et à jamais. Cependant, elle était aussi ce genre de fille que je n'aurais jamais. Alors à quoi bon se faire des idées. Mieux vaut partir pour essayer de l'oublier.

-Quand vas-tu cesser de mentir ?

Je me suis tourné vers ma petite sœur. Elle se tenait la tête posée contre le mur, assise sur les escaliers. Une larme coulait le long de sa joue.

-Tu pars demain matin. Tu ne seras jamais là pour elle. Alors quand vas-tu cesser de lui mentir Tristan?

-Demain, peut-être. Demain.