Chapitre 51: Tristan
Je n'ai pas osé sonner.
J'étais resté pendant plus d'une demi-heure devant la porte de ma voisine. Une demi-heure d'attente, à se demander si je devais presser le petit bouton de la maison. Une demi-heure à se demander quoi lui dire. À cette fille que je connaissais depuis toujours. À cette fille que je voulais à tout prix garder en vie.
"Salut Lucie, c'était juste pour savoir si tu étais encore vivant. Si ton cœur battait encore."
Non c'était loin d'être la chose à faire, et encore moins la chose à dire.
Alors, lorsque je les ai entendu arriver, je me suis caché. Comme un lâche ou comme un traitre. Je ne savais pas vraiment lequel des deux me correspondait le mieux. Une chose était certaine, j'étais partisan des deux partis.
J'étais l'un et l'autre, et je le savais parfaitement.
C'était ce qui m'empêchait d'aller jusqu'au bout.
C'était ce qui m'empêchait de vivre, mais qu'importe lorsqu'elle vivait. Je suis jeune et je suis sûrement trop rêveur. Mais pour elle, j'étais prêt à tout sacrifier, si son cœur pouvait continuer de battre pendant l'éternité.
Alors, lorsque je les ai entendu arriver, je me suis mis à les espionner. Les épier et les écouter. J'avais honte, mais je voulais obtenir ces réponses que je ne méritais pourtant pas.
Je l'ai vu presser ce bouton qui me faisait si peur après avoir dit ces quelques mots :
-C'est ici.
-On ne peut plus reculer, dit-il d'une voix tremblante.
Lui aussi redoutait la réponse au fond. Il se demandait si elle n'avait pas péri cette nuit malgré nos espérances. Mais il y avait aussi de la culpabilité au fond de sa voix. Il se sentait responsable de ce qui était arrivé. Je lui en avais voulu toute la nuit depuis que j'avais vu son corps allongé sur le sol. Je lui en avais voulu. C'était lui qui était à ses cotés lorsque c'était arrivé. C'était à lui de la protéger. Mais il avait échoué et il s'en voulait. Ça le torturait, comme cela me torturait au fond de mon cœur de ne pas avoir été là pour elle.
Mais il n'était pas le responsable de tous ces malheurs. Ce n'est pas lui qui avait causé ce drame. Ce n'étais pas ce garçon non plus qui avait décidé de ce qui allait être provoqué. Il avait seulement essayé de la sauver une fois qu'elle était partie. Je lui en voulais, je voulais aussi le remercier de ne pas l'avoir abandonné. J'avais envie de le haïr comme je l'ai fait cette nuit. Mais c'était difficile d'en vouloir au véritable humain qui se trouvait devant moi. Il n'avait pas rien fait.
Il l'avait préservé d'une fatalité.
Je n'avais rien fait.
Alors, lorsque la porte s'ouvrit pour laisser s'échapper Lucie de la maison, j'ai cru que mon cœur allait s'arrêter de battre. J'avais enfin ma réponse.
Je vis les jumelles lui sauter dans les bras, et le sourire étonné mais aussi resplendissant qui était gravé sur son visage lorsqu'elle les accueillit. Elle était heureuse, bien que fortement surprise.
-Que faites-vous ici? demanda-t-elle avec un léger rire.
-On vient s'assurer que tu sois encore en vie.
-Je suis heureuse que tu sois inquiète pour moi Mia, mais il n'y a vraiment pas de quoi. Je me sens parfaitement bien. Pourquoi tant d'inquiétude ?
-Pourquoi ? continua l'enfant. Tu me demandes vraiment pourquoi ? Tu t'es effondré inerte et brûlante au milieu de l'orage et tu me demandes pourquoi ? Mais Lucie, es-tu sûre de te sentir bien ?
Un voile recouvrit soudainement le visage de la demoiselle blonde. Elle semblait honteuse et à la fois peinée.
-Je suis désolé dit-elle. Je suis sincèrement désolé de ce qui s'est passé. Je ne voulais pas vous faire peur. Je ne voulais pas vous mettre en danger. Je ne comprends ce qui est arrivée. Je suis complètement déboussolée depuis que je me suis réveillée.
Les petites se détachèrent de ses bras pour la regarder. Elles lui offrirent leurs plus grands sourires.
-Ce n'est pas ta faute dit l'une d'elle. Tu n'y es pour rien, et quoi que tu ais eu, on est là pour toi maintenant. On est tous là pour t'aider à comprendre. On est tous ensemble dans la vraie vie et dans le monde des rêves.
-C'est vrai, se réjouit Lucie. On s'est tous retrouvé.
-Oui, continua la petite. Tu nous verrais hier, tu ne serais pas vraiment fière de nous, de nos disputes et nos blessures. Mais on est tous ensemble pour se soutenir et pour survivre maintenant.
Lucie lâcha un petit rire.
-Je ne sais pas ce que vous avez traversé hier, mais je suis heureuse que l'on soit tous ensemble de nouveau. Si on reste unis, rien ne pourra nous vaincre. J'en suis persuadée.
-Tous unis ! s'exclama Mia en levant son poing en l'air avec détermination. Et n'oublies surtout pas que l'on a cours!
-Mince c'est vrai ! s'exclama la jeune fille. Je vais chercher mon sac.
-Est-ce qu'on peut t'attendre pour t'accompagner ? demanda enjouée la petite.
-Bien-sûre. Si vous le voulez vraiment et que votre frère est d'accord.
-Je les autorise répondit le grand-frère qui n'avait encore dit aucun mot.
-Alors c'est décidé, je reviens dans un instant les enfants.
Les jumelles sautèrent de joie sur places, et l'une d'elle se mit signer quelques paroles à sa sœur et son frère. Je ne comprenais pas ses mots, mais son visage disait tout à sa place. Elle était sincèrement heureuse de voir Lucie en vie.
Il fallait croire qu'elle était maintenant entourée dans la vraie vie de personne qui l'aime, tout comme dans le monde des rêves. Elle était entourée de personne qui tenait véritablement à elle et sa santé. Elle n'avait plus besoin de moi, même si doutais qu'elle est eue besoin de ma présence un jour. Je pouvais m'en aller sans regret.
Elle sortit de la maison dans lequel elle s'était engouffrée quelques secondes plus tôt avec son sac, une tranche de brioche dans la bouche, et un sourire radieux aux lèvres.
-On peut y aller, articula aussi bien que possible la blonde.
Alors que les petites se mirent à faire la course jusqu'à l'arrêt de bus, elle se tourna vers Matt qui n'avait pas encore bouger ou dit davantage de mots.
-Merci d'être là pour moi. Je te dois la vie. J'ignore ce qu'il s'est passé cette nuit, mais je suis sûre d'une chose. Je n'aurais jamais survécu si tu ne m'avais pas aidé. Si tu n'avais pas été là pour moi.
-Tu ne me dois rien Lucie, répondit-il seulement d'une voix douce. On y va ?
-Avec plaisir.
Sur ces mots, elle lui saisit le bras et le tira vers le chemin où s'étaient déjà bien avancé les jumelles. Elle riait en courant, trainant le garçon surpris derrière elle comme une enfant qui s'amusait. Comme un enfant qui trouvait que la vie était belle.
Et elle avait raison. Cette fille avait tout pour elle et elle méritait cette chance, ce bonheur.
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