Chapitre 3: Victoire
Je regardais le corps vide de cette Lucky.
Son manque de puissance m'affligé. Les nouveaux tenaient généralement une bonne demi-heure lors de leur première fois. Cette fille, seulement quelques minutes.
J'observais Lolita accroupie à ses côtés, la regarder sous toute ses coutures. Elle inspectait chaque recoin de la nouvelle, dégageant son visage inerte des mèches bleu-vertes qui barraient son visage.
- Tu vas m'aider à la transporter ? finit par demander mon acolyte avec un charmant sourire plaqué sur le visage.
Je soupirai. Je me suis baissé à mon tour, prenant le corps effondré par les bras, pendant que Lolita lui saisissait les chevilles.
- À trois on la soulève. Un, deux, trois.
Lorsque j'ai donné le signal, on l'a élevé du sol et on a commencé à la sortir de la pièce. Une seule pensée me vint à ce moment: cette dénommé Lucky était lourde.
Mais le rire de Loli me tirèrent bien vite de mes pensées philosophiques.
- Je peux savoir ce qui t'amuse comme ça?
- Cette fille ne doit pas être complexée par son poids, me répondit-elle doucement amusée.
Je la regardais sans trop comprendre ce qu'elle insinuait. Avait-elle développé un nouveau don? Ou était tellement particulièrement explicite cette nuit concernant ses réflexions personnelles.
- Elle est plutôt lourde, s'expliqua-t-elle. Pas spécialement mince. Simplement de taille et de poids moyens. Seulement, j'ai remarqué que l'on ressemble à ce que nous désirons être dans le monde réel. Nos surnoms, notre physique, notre carrure, nos vêtements. Tout ressemble à ce que l'on rêve d'être, de devenir.
Elle n'avait pas foncièrement tort.
Maintenant qu'elle le faisait remarqué, je trouvait le fond de sa pensée plutôt intéressant. Je l'ai donc poussé à continuer sa théorie:
- Que dirais-tu de moi dans ce cas-là ?
Elle prit un peu de temps pour répondre, mais elle finit tout de même par me sortir son analyse.
- Tu es capable de déceler lorsque qu'une personne te ment, bien que ça ne soit pas ton don. Je pense donc, que tu dois vivre dans un environnement plutôt hypocrite. Un monde du genre, celui des populaires de ton école. Ton surnom, Victoire, il montre que tu désires vaincre quelques choses par toi-même. Ton apparence est plutôt banale. Tu veux donc que l'on te regarde plus pour ton caractère que pour ton physique.
Pour l'instant elle voyait plutôt juste dans ces prédictions, malgré quelques extrapolations. Elle continua :
- Ou sinon tu refoules ton côté féminin dans le monde réel, car, sans vouloir te vexer, Victoire, c'est un prénom de fille.
Là par contre elle se fichait ouvertement de moi.
J'étais tellement surpris de sa remarque que j'en ai lâché le corps de la nouvelle qui s'écrasa au sol tel un flambi.
- Arrête immédiatement tes mauvaises blagues, grognais-je. Pour une fois que tu étais un minimum sérieuse, voir intéressante.
- Et toi reste un peu mieux concentré. Tu risques de briser le crâne de cette pauvre fille. Est-ce que c'est possible d'avoir un traumatisme crânien lorsque l'on est réveillé?
Je l'ai de nouveau saisie, sans prêter attention à la dernière remarque de Lolita. C'est ainsi on a continué jusque dans la salle de réveil, où l'on posa le corps inerte de Lucky sur un des lits de cette grande pièce.
Lorsque nous sommes entrés dans la pièce, un vague de souvenirs remontant à quelques mois me submergea. Ce fut presque instantané, mêlant en moi toute émotion. Joie, rire, bonheur. Mais aussi, colère, tristesse, douleur. Ce fut sans compter la peur. Cette peur qui était présent en chacun d'entre nous le premier jour.
Le premier réveil. L'incompréhension était reine, mariée à la terreur que procurait l'inconnu. Je l'avais moi aussi vécu. Et depuis je retournais inlassablement dans ce monde de fou.
C'était devenu la prison de mes rêves. Je bénissais l'ancien temps où rien de tout cela existait, ou cette expérience m'était encore inconnue.
Je me rappelais mon second réveil dans cette salle où tout paraissait immaculé. Le blanc des murs, celui du sol, celui des draps. Un blanc parfait impossible à reproduire dans la vraie vie. Mais tout est possible dans le monde des rêves.
Comme se faire attaquer par un minotaure.
Tout était tellement différent. Les couleurs étaient vives à l'extérieur de cet habitacle, et il restait un vaste monde au-delà des murs à explorer. Dehors, les arbres était peint de toutes les couleurs de l'arc en ciel, alors que le ciel revêtait son éternel et envoutant camaïeux
On m'avait raconté que la première fois où des personnes ont émergé, elles sont arrivées à plusieurs. Une bonne vingtaine, m'a-t-on dit, il y a de cela plusieurs mois. Nous sommes pas beaucoup plus aujourd'hui. Certains ne sont jamais réapparus et n'ont pas seulement disparu de ce monde. Ils ont tout simplement été victimes de faits tragiques.
C'est ces événements qui m'ont terrifié. Qui m'ont anéanti et montré combien ce monde aussi pouvait être aussi cruel que le monde réel.
Au fond de moi je voulais savoir. Je voulais savoir pourquoi nous étions là, enfermés comme des cobayes de laboratoire dans une prison dorée. On voulait tous le découvrir. Car il y a une seule chose dont on est certains. Si on meurt dans ce monde, on meurt dans la vrai vie. On ne le sait que trop bien.
On en avait fait les frais.
Cette nuit là restera gravé éternellement en chacun de nous.
Un bruit de porte survint à l'autre bout de salle. Une fille plutôt petite venait d'entrer. Sa chevelure bouclée blonde arborait de magnifique reflets blond et était paré de rubans rouges. Ses yeux étaient d'un vert doux et transmettait une vague de bonheur lorsque l'on croisait son regard pourtant mélancolique. Elle était habillée d'un uniforme de collégienne japonaise rouge et blanc. À la seule différence que ses pieds étaient chaussés par des bottes cloutées, mais c'était aussi sans compter les collants noirs jusqu'au-dessus du genou puis beige, formant une tête de chat.
- Prophétie ! s'exclama Lolita. Dis-moi, quelles sont les nouvelles de demain ?
La jeune fille de treize ans sourit malicieusement à la remarque de ma camarade.
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