Chapitre 22: Grey

Elle m'avait rejeté. Elle l'avait déjà fait, et elle l'avait refait. Pourtant, j'étais différent dans le monde des rêves. Je n'étais plus le garçon timide et banal de la réalité. J'étais plutôt pas mal, fort, courageux, et j'avais fière allure.

Il ne m'avait fallu qu'un seul regard pour la reconnaitre. Lucky, ou plutôt Lucie, était du genre de fille à être hypnotisante, et inoubliable.

Alors pourquoi elle ne me regardait toujours pas. Elle préférait, comme à son habitude, aider les autres et prendre soin de ces fillettes turbulentes.

Une sacrée perte de temps, de mon point de vue. Mais cette idée me trottait dans la tête depuis déjà pas mal de temps.

-On devrait peut-être faire une pause. Prophétie commence à avoir du mal à suivre le rythme.

-Ne t'inquiète pas pour moi Lucky, répondit la concernée. Je peux encore tenir.

Mais on voyait tous que la jeune voyante était sur le point de s'effondrer de fatigue.

-Lucky à raison, la contre-dit Loli. On a actuellement la chance de pouvoir faire une pause, ce sera sûrement impossible plus tard.

-Très bien...

-Je vais rattraper les autres pour leur faire part du message.

J'ai grimpé pour rejoindre les autres, au niveau d'une plateforme rocailleuse. Aujourd'hui, c'était sortie montagne, nous devions escalader une falaise. Une activité tout à fait normale pour des enfants et des adolescents.

Mais bon, certains ont prévu le coup, et avaient réussi à trouver des cordes des clous ainsi que des pioches. Ce n'était donc pas réellement dangereux. Quoi que...

Lolita finit par redescendre à notre niveau avec Victoire et Sun, qui avaient des facilités pour l'escalade. Les chanceux. Moi je devais me trimballer Nashi sur mon dos, car «elle a le vertige». Cette dernière s'était d'ailleurs​ réfugiée dans les bras de Lucky, ses yeux fermement clos sous l'effet de la peur.

Ne comptez pas sur moi pour me la trimballer lors des épreuves. Si ça ne tenait qu'à mon avis, j'aurais coupé sa corde pour la laisser tomber dans le vide.

Mais chaque chose en son temps. Je me débarrasserai de ces quelques points noirs sur le tableau blanc, dès que le moment sera venu. Ce sera ainsi plus facile de sauver Lucie, et lorsqu'il ne restera que moi et qu'elle verra mon courage, elle tombera dans mes bras. Un plan plutôt simple, je vous l'accorde.

Elle était comme toute les filles, elles jouent les distantes, et les inaccessibles, mais elles finissent dans les bras du plus fort. J'en étais intimement persuadé.

Je voyais tout le monde qui discutait entre eux des derniers événements, chacun présentant leur différente théorie.

À l'exception de moi et Prophétie. Je m'excluais un peu volontairement depuis ma déclaration, et j'appréhendais d'avoir de nouveau une discussion avec Lucky.

Quant à la petite. Elle gardait toujours ses distances, et fidèle à elle-même, elle se tenait au bord du gouffre. Les pieds dans le vide. Les yeux fixant le vide profond qui nous faisait face.

Je me tenais tout près, dans une position relativement similaire. On discernait un peu plus au loin la sorte de bâtiment qui nous abritait en temps normal.

Je n'avais pas l'habitude de le voir dans son intégralité, et c'était la première fois que je l'observais réellement. Ses balcons, ses fenêtres, sa forme partant dans tous les sens. Nous ne l'avions pas réellement exploré dans son intégralité à cause de son immense taille. Et ce fut seulement maintenant que je remarquais sa forme particulière. Une épée plantée dans le sol, une sorte de ronce l'entourant.

Comme mon épée.

Je fus tiré de mes pensées par Victoire qui nous poussa à reprendre notre ascension. Il nous fallut au moins une bonne heure pour y mettre fin. À mon plus grand bonheur.

À peine nous étions arrivés au sommet que quelques personnes commençaient à se réveiller. Nous avions découvert à l'extérieur que nos corps disparaissaient, pour se reformer dans la salle de réveil. Cela nous empêchait d'aller vraiment loin. D'explorer.

Mais alors que tout le monde quittait ces lieux, je suis resté là. Parfaitement endormi. C'était plus qu'étrange. Cela m'arrivait d'être le dernier, mais je commençais à me réveiller avant que tout le monde ne le soit totalement.

-Hé! j'ai crié dans le vide. Le gars qui s'amuse à nous envoyer ici! Tu m'as oublié!

Quelques secondes sont passées, et j'attendais toujours aussi impatiemment ma réponse. Qu'est-ce qu'il se passait. Je voulais partir, je ne souhaitais pas rester dans ce monde sinistre.

-En es-tu sûr? me répondit une voix dans mon dos.

J'ai fait volte-face. Un homme masqué plutôt grand, en complet noir, me faisait à présent face.

-Qui êtes-vous? j'ai demandé, mon taux de panique au niveau maximum.

Je me suis mis en position de garde et j'ai saisi l'épée qui était accroché dans mon dos.

-Tu n'as pas une petite idée? dit-il d'un ton malicieux.

Bien-sûr que je le savais, je gardais simplement un minimum d'espoir. Il fallait être légèrement stupide pour ne pas le comprendre, ou vraiment fatigué.

-Que me voulez-vous?

-Simplement marchander.

Je rêvais ou ce type l'avait vraiment dit sur un ton calme et serein. Comme si la situation était courante et normale. Aller au supermarché, c'est normal. Séquestrer quelqu'un dans ses rêves et lui proposer ensuite un marché, ça, ce n'est pas normal.

-Je n'ai rien à dire à un psychopathe, sans vouloir vous offusquer.

Il se mit à rire. C'était étrangement terrifiant et malsain.

-Non, tu ne m'offusques absolument pas, mais je pense que tu es le choix idéal pour la suite, mon garçon. Tu es Grey, ou plutôt gris. Tu n'as rien de gentil, mais tu n'es pas foncièrement mauvais. C'est pourquoi je te propose un marché.

-Qu'avez-vous à me donner en échange, hormis ma liberté. Ce dont je doute profondément.

-Peut-être... Ta survie garantie. Si tu suis ce que je te dis, je ferai en sorte que tu restes en vie. Mais je préserverai aussi, celle de ta chère Lucie.

Là, ok. C'est vraiment tentant. Qui pourrait dire non? Il me promettait ma survie ainsi que celle que j'aime.

-Qu'est-ce que je dois faire?

-C'est très simple.

Après seulement quelques courtes explications, je finis par trancher plutôt facilement.

-J'accepte le marché.

-Alors à plus tard Grey.

Il me poussa violement dans le vide de la falaise derrière moi. J'ai hurlé, avant de me réveiller en retard, et en sursaut.

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