Il y a fort longtemps, pour le nouvel an, un homme nommé Jacques de Julbert avait organisé une grande fête chez lui. Il y avait convié toute la bourgeoisie de la ville. Parmi les invités se trouvait la cousine par alliance du roi, Ombeline de Flores. Pour le remercier de l'avoir invitée, Ombeline avait offert à son hôte un magnifique vase de faïence bleue, unique au monde, d'une valeur inestimable. Monsieur de Julbert avait exposé ce présent sur un piédestal, au centre de la salle du banquet. Par malheur, son fils, Philippe de Julbert, renversa le vase durant la soirée. Ce dernier tomba sur le sol, et se brisa en un millier de petits fragments. Madame de Florès, outrée, bondit de son siège et hurla :
- Comment osez-vous me faire un tel affront ?! Je vous donne une saison...Non, un mois pour me rembourser ! Si à ce moment vous n'avez pas les moyens de me donner mon argent, j'irai porter plainte au cousin du mari de ma sœur !
    Sur ces mots, elle sortit de la salle comme une furie, claquant derrière elle la porte, laissant derrière elle toute une salle de prestigieux invités fixant d'un air ébahi la porte, qui vibrait encore d'avoir été fermée si violemment. Quand l'écho se fut enfin dissipé, Louise de Julbert s'approcha de son mari et posa la main sur son bras :
- Comment allons-nous faire ? Jamais nous ne parviendrons à réunir une somme aussi colossale en si peu de temps !
    Son fils s'approcha alors :
- Mère... C'est moi qui ai causé la fureur de Madame de Florès. Je vous en supplie, laissez-moi partir en quête d'un moyen de la rembourser !
    Louise et Jacques échangèrent un regard entendu, et Monsieur de Julbert prit la parole :
- Philippe, nous respectons votre proposition, mais vous n'avez que 13 ans ! Nous ne pouvons vous laisser partir seul.
- Et puis, reprit sa femme avec un sourire, je ne pourrai jamais laisser partir mon fils unique dans une quête aussi dangereuse !
    Soudain, sa bouche se crispa, et elle pâlit brutalement. Elle poussa un gémissement pitoyable,qui traduisait autant sa peur que la douleur qu'elle ressentait. Ses yeux s'écarquillèrent, et elle s'effondra brutalement. Tout ceci se déroula en quelques secondes, si bien que Monsieur de Julbert, désemparé, ne réagit que pour la rattraper. En médecin expérimenté, il comprit aussitôt le mal qui touchait sa compagne. Il ordonna à son fils de faire partir les invités, et monta la malade dans sa chambre. Lorsque Philippe les rejoignit, il trouva son père, la tête dans les mains, au chevet de sa mère. L'entendant entrer, Jacques releva les yeux et se redressa. Il posa les mains sur les épaules de Philippe, et lui annonça d'un ton grave :
- Philippe, je sais quel mal a contracté votre mère. Je suis désolé de vous infliger cette épreuve, mais il s'agit d'une maladie sans remède. Ma tendre épouse se meurt, et je ne peut rien y faire...
    Sur ces mots, il s'effondra de nouveau sur sa chaise.
Philippe, le dos droit, le regard fixé sur le visage baigné de sueur de sa mère, prit soudain la parole :
- Dans ce cas, père, je partirai en quête du mystérieux Oiseau dont parle la légende. Je le ramènerai avec moi, et trouverai aussi un trésor qui nous permettra de sauver l'honneur de notre famille. Je ne vous demande pas de me donner votre accord, père. Ma décision est déjà prise.