Chapitre ³
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Hier je suis resté sur la plage toute l'après-midi. Le temps était parfait, je suis juste aller chercher mon petit lecteur de musique dans la calle, avec des CD gravés par un ancien pote. Il m'avait donné une trentaine de disques gravés juste avant mon départ, c'était un mec bien, dommage que je ne puisse pas le joindre pour prendre des nouvelles...
C'était mon seul pote. C'est avec lui que j'étais quand le pirate m'a confier Frédéric, c'est aussi avec lui que j'ai choisi mon voilier..
J'ai donc écouter quelques musiques en regardant l'horizon en face de moi, Frédéric me tenant compagnie comme toujours. Ensuite je suis allé me coucher tôt, j'étais d'humeur morose, avec des souvenirs peu agréables en tête.
Ce matin je traîne sur le pont encore un peu endormi, je n'ai même pas pris la peine de me brosser les cheveux. Je m'accroche à la rambarde en sifflotant, j'ai même peur de passer par-dessus bord à un moment. Je suis distrait. Je suis distrait depuis hier.
Cette fille qui m'a posé toutes ces questions, elle ne semblait pas curieuse, en tout cas pas comme les autres.
C'est comme si elle savait et qu'elle attendait que j'avoue quelque chose... Je me passe la main sur le visage en soupirant à pleins poumons, je m'épuise tout seul avec mes réflexions. Il est temps que j'aille à la taverne pour me changer les idées.
- Frédéric go.
Le volatile descends du grand mât pour venir se poser sur mon épaule gauche. Grâce à lui je réalise que j'ai oublié de mettre un t-shirt, j'ai presque envie d'y aller comme ça, il fait chaud et le vent manque à l'appel aujourd'hui. Je soupire et récupère un débardeur accroché à la barre, c'est un vêtement beaucoup trop grand pour moi, il est blanc et abîmé mais je l'aime bien. Il me rappelle ma première année en mer.
Ensuite je saute sur le ponton dans un fracas qui me surprend moi-même, j'ai vraiment cru que j'allais passer à travers... À ne pas refaire.
J'avance doucement les mains dans les poches en direction de la taverne quand un attroupement attire mon attention. Il y a une dizaine de personnes rassemblées sur la plage qui parlent bruyamment. J'ai l'impression qu'il s'agit d'une dispute, certains agitent leurs bras et d'autres semblent terrorisés.
Qu'est-ce qui se passe ?
Je les regardes sur ma gauche quelques secondes puis je finis par lever les épaules, ça ne me regarde pas, je baisse la tête et continue d'avancer. Après cinquante mètres de parcouru au ralenti, je bloque.
La taverne... C'est quoi ce bordel ?!
Le bâtiment est noir, une odeur de brûlé recouvre les lieux, une légère fumée s'envole au loin, la chaleur est insoutenable. Mais...
Je me retourne à la recherche d'une explication. Quelques habitants ne sont pas très loin, ils regardent la taverne avec de la peine, puis ils parlent entre eux.
- Hé toi là-bas !
Je tourne tout mon corps vers la droite pour découvrir le papi qui était à la taverne hier à midi quand la fille à Cloclo est arrivée. Il s'avance vers moi en jouant avec sa longue barbe.
- Tu es le gamin engagé par Cloclo ? Il me demande cela alors qu'il semble très bien savoir la réponse.
Je signe un 'oui' de la tête tout en baissant les yeux, j'ai peur d'être accusé. Je ne sais pas pourquoi la taverne est dans cet état, mais si les gens cherchent un coupable, pourquoi pas le voyageur inconnu.
Je regarde mes pieds alors que Frédéric s'affole sur mon épaule, il me décoiffe totalement en battant des ailes, je me retrouve avec une grande mèche noir devant l'œil gauche qui m'empêche d'y voir clair.
Je le bouscule gentiment pour qu'il s'envole le temps que je me recoiffe.
- Cloclo et Eléonore sont partis. Rentre chez toi avant qu'il t'arrive des soucis. Il me lance à voix basse en s'approchant de moi pendant que je place mes cheveux en arrière.
Sans réfléchir plus que ça, je fais demi-tour. Il est hors de question d'avoir des problèmes ici. Mon pas est rapide comparé à tout à l'heure, je n'ai plus aucune raison de rester sur cette île une seconde de plus.
Je longe la plage, ombré par quelques arbres en fleurs quand le vieil homme me rattrape en trottinant. Il arrive à mon niveau en soufflant difficilement, il regarde droit devant lui. Je me rends compte qu'il boîte légèrement, je baisse ma tête vers lui pour observer ses jambes. Elles n'ont rien d'anormal par contre il porte des chaussures différentes, une botte marron et une santiags, c'est sûrement la raison de sa démarche peu assurée.
Nous devons faire la même taille mais il ne me rassure pas. Son regard est aussi sévère que celui d'un ours brun.
- C'est ton bateau là-bas ? Il demande quand nous arrivons près du ponton.
Je fronce les sourcils, pourquoi m'a-t-il suivit jusqu'ici ? Il s'arrête et reprend un peu son souffle avant de rire doucement.
- Pas besoin de faire cette tronche de tueur petit, je suis pas dangereux. Lança t-il en toussant.
- Pourquoi la taverne est... Je ne termine pas ma question, j'aime pas qu'on me pose des questions, alors je préfère ne pas avoir de comptes à rendre. Je commence à défaire les cordes qui retiennent mon voilier du ponton sans faire attention à la présence de l'homme juste derrière moi.
- Les hommes qui passent ici pour se reposer sont pour la plupart des chasseurs.. La taverne abritait quelque chose qu'ils voulaient... Cloclo et sa fille sont partis avant qu'ils mettent le feu au bâtiment cette nuit. Mon bateau commençait à prendre la poussière de toute façon. Ria t-il à moitié en observant mon voilier avec admiration.
- Votre bateau ? Je demande en me retournant vers lui.
Il hoche la tête et regarde en direction du ciel, c'est grâce à lui qu'ils sont sains et saufs alors. C'est un bon samaritain, à sa place je n'aurai pas laisser mon bateau comme ça. Je me demande pourquoi des chasseurs s'intéressaient à Cloclo.. Il n'avait rien.
- J'y vais. Au revoir. Je dis en sortant de ma bulle, en lui adressant un petit sourire.
Il signe de la main et me lance un clin d'œil avant de partir sans un mot, un rire m'échappe. Il est sympa en fait.
Je grimpe sur le pont et regarde une dernière fois derrière moi. Le vieil homme est déjà loin, c'est étrange qu'il ne soit pas avec la brune d'hier. Je m'étais mis en tête qu'ils étaient père et fille, mais aujourd'hui, aucun signe d'elle.
Elle est peut-être partie avec Cloclo et... Eléonore je crois.
Je commence à faire mon rituel pour le départ en mer alors que Frédéric s'affole une fois de plus. Il hurle en secouant ses ailes dans tout les sens. Je le regarde un instant avec insistance, lui il fixe la petite trappe de descente fermée. C'est quoi son problème ?
Je m'approche de lui pour le calmer, en vain. Il est surexcité, apeuré...
- Oh Frédéric ! Je m'agace.
~ Tru tru tru tru !!!
Je secoue la tête en m'installant à la barre, il est peut-être énervé de partir. Moi je suis bien content. J'ai moins d'argent que prévu mais c'est déjà ça. Je vais pouvoir reprendre quelques trucs la prochaine fois que je passerai voir le papi de l'auberge, mais pas tout de suite.
J'ai eu ma dose pour quelques temps... Les gens me fatigue.
Je pense qu'il est temps de partir en direction du nord, cette idée me trotte dans la tête depuis bien trop longtemps, ça fait déjà six ans que je voyage sur la même partie du globe.
°°°
Midi et demi, je suis parti depuis quatre heures et me voilà déjà perdu.
Je navigue en direction du Nord ouest, si mes calculs sont bons je devrai apercevoir les côtes américaines d'ici huit jours. Sans utiliser le moteur solaire. Le fichier GRIB annonce une météo clémente et le vent m'emporte dans le bon sens. C'est parfait.
La grande voile est rabattue et je ne suis pas à la barre.
Je suis dans la salle de douche, je me rase devant un miroir ovale disposé contre l'un des murs en bois de la petite pièce, je prends le temps de me contempler un peu. Ma peau est plus foncée que la semaine dernière, je suis aussi bronzé qu'un surfeur australien, mes cheveux sont toujours aussi indomptables et une mèche tombe sur le côté droit de mon visage.
Qu'elle plaie.
J'attrape un élastique sur le rebord du lavabo et décide de faire un chignon flou contenant seulement les cheveux volants sur le haut de ma tête. C'est bien comme ça.
Ensuite par réflexe ou par habitude je ne sais même pas, je remets le cache-oeil sur mon arcade droite, même si je sais que personne ne risque de me voir je préfère le mettre...
Je l'installe machinalement, faisant claquer l'élastique sur l'arrière de mon crâne pour le tenir en place. Je soupire bruyamment en regardant mon reflet dans le miroir une dernière fois avant de sortir. Je n'aime pas mon visage, il me fait presque peur, il me gène. Mais j'ai fini par m'habituer.
Je monte sur le pont pour regagner la barre, les vagues sont calmes, apaisantes, mélodieuses aujourd'hui.
Ce n'est pas toujours le cas. Une vague c'est comme les êtres humains, un jour elle viendra te caresser le visage comme une plume et un autre elle te frappera tellement fort que ça te brisera les os du corps. Je préfère quand même les vagues. Elles au moins elles ne posent pas de questions.
Je regarde le mouvement du courant devant moi, le vent se lève un peu plus et le bateau danse comme habité par le maître de l'océan. Je suis à sa merci. Si il décide de ce déchaîner, je ne ferai pas long feu. J'ai déjà été pris au piège par une tempête, c'est effrayant et le temps passe au ralenti, la dernière fois j'ai cru que c'était mon dernier jour sur cette planète.
Le voilier craquait, les vagues gifflaient la coque et l'avant du pont, c'était terrifiant. Je ne distinguait plus le ciel de l'océan, tout était noir et blanc à cause des éclairs aveuglant, aveuglant comme quand tu reçois un flash de voiture dans la tronche. L'eau s'était infiltrée à l'intérieur et un éclair avait frappé l'un des mâts. J'étais impuissant, j'attendais que ce cauchemar se termine.
~ Tru Tru Tru !!!
Il recommence... Cet oiseau me fatigue. Il reste mystérieux malgré le fait qu'il parle. Une fois sur deux je ne comprends pas ce qu'il réclame. Tru ?
J'ai aucune idée de ce qu'il veut me dire. Il est posé sur une corde vers la barre, à deux mètres au dessus de moi et il secoue sa tête de gauche à droite avec agilité. Il n'a pas faim. J'ai voulu lui donner des noix il y a une heure, il à juste hurler d'avantage.
C'est peut-être notre départ précipité qui l'a mit en rogne.
Je le regarde en passant mes doigts sur mes lèvres, elles sont sèches. Je commence à avoir soif, ma bouteille de deux litres d'eau potable est vide. Je vais devoir descendre à la calle pour la remplir.
Je soupire et descends en baillant comme un ours. Être seul sur un voilier c'est vraiment du boulot, il y a toujours quelque chose à faire. Je passe la plupart de ma journée à courir entre les trois mâts et la table de contrôle à la première descente.
Je profite de mon passage pour récupérer un livre de poche dans le filet au dessus du canapé-lit, en tout je dois avoir vingt bouquins.
Et je ne m'en lasse pas.
Ce sont comme mes films préférés, je dévore toujours le livre avec le sourire, je redécouvre l'histoire encore et encore. Je récupère ensuite la lampe de poche pour descendre au niveau inférieur.
Le 'craque' que font les marches d'escaliers à chacun de mes pas me donne l'impression d'être hyper lourd. Mais c'est juste trois vieilles marches en bois travaillées par le temps.
Je balance rapidement le faisceau de lumière à travers la pièce pour vérifier qu'il n'y ait pas de fuites ou quelque chose qui cloche, et à ma grande surprise quelque chose n'est pas comme d'habitude. Les barriques qui contiennent mon matériel ne sont plus à leur place...
Je fronce les sourcils et inspecte les lieux la boule au ventre. J'avance doucement pour ne pas me prendre les pieds quelque part, il y a du bordel partout et c'est facile de tomber.
Un bruit sourd derrière moi me fait sursauter, je me retourne précipitamment comme pour me protéger d'une éventuelle attaque.
- Aaaaaaaah !!!! J'hurle tellement fort que j'ai peur de me décoller les poumons. J'hallucine.
Elle est là, en face de moi. Elle me regarde avec les yeux écarquillés, sûrement aussi ouverts que les miens. Cette fois-ci mon cri l'a fait réagir, ses bras sont au-dessus de son visage et elle tremble. Elle doit être à cinquante centimètres de moi.
Je reste immobile quelques secondes, je comprends vraiment pas... Qu'est-ce qu'elle fout dans mon bateau ???
- Non mais c'est une blague ! Je peux savoir ce que tu fais ici ?? Tu n'es pas censée être avec ton père ?
Je lui crache presque dessus, je suis énervé et je me sens pris au piège.
Elle recule, certainement surprise par mes aboiements. Elle se prend les pieds dans une corde et tombe sur les fesses en poussant un cri strident qui m'explose les tympans. Je l'accompagne dans son cri en lâchant la lampe de poche qui roule jusqu'à ses pieds. Mais elle est folle de crier pour rien comme ça !
J'ai cru faire une crise cardiaque...
Je me penche en avant et pose mes mains sur mes cuisses pour garder l'équilibre, j'ai l'impression d'être stone. J'ai la tête qui tourne et le cœur qui bat à deux milliards de pulsations par seconde. Je n'aime pas être pris au dépourvu, et là je pense que l'on ne peut pas faire mieux.
Je relève la tête doucement et je la regarde. Elle est éclairée par la lampe de poche à ses pieds. Elle me fixe en silence, ses jambes tremblent et sa bouche est entrouverte.
J'ai l'impression qu'elle est aussi tétanisée que moi. Je finis par souffler pour reprendre mes esprits avant de me mettre à genoux, à son niveau.
- Explique-toi. Qu'est-ce que tu fous chez moi ? Je demande cette fois-ci plus calmement, même si ma voix reste rauque et peu sympathique.
- C'est... Je... Elle détourne le regard.
- Je te parle. Pourquoi t'es là ? Je fronce les sourcils impatient d'avoir une explication.
- Je voulais pas... J'ai pas fait exprès... De base je suis juste venue ici pour me cacher... Mais je me suis endormie. Sa voix est saccadée, je n'arrive pas à distinguer si ce sont des pleurs ou de la peur. Elle se relève doucement et se tape les cuisses mécaniquement pour se dépoussiérer.
- Hein ? Je lâche sans comprendre.
- C'était ce matin, à l'aube, mon père et moi étions sur le point de partir mais... Ils sont arrivés armés, ils... Je crois que mon père ne s'en est pas sorti... Je savais pas où aller alors je me suis cachée dans ton voilier... Elle éclate en sanglots.
Je reste là comme un con, en fait j'ai posé la question par simple logique, mais maintenant je sais pas quoi répondre. Quand elle dit 'Ils' elle doit certainement parler des chasseurs. Je ne comprends toujours pas pourquoi des chasseurs s'intéressent à une famille de pêcheur.
Ça n'a pas de sens. Le vieux de tout à l'heure m'avait pourtant dit qu'ils étaient partis avec son bateau... M'aurait t-il menti ?
Je fronce à nouveau les sourcils, si ses dires sont réels, cela veut dire que Cloclo est mort. Un frisson de terreur parcours mon corps comme une décharge électrique intense. La mort et moi, nous ne sommes pas vraiment amis. J'ai toujours détesté parler de la mort, souvent la plus grande peur des gens c'est le noir ou le vide, moi c'est la mort.
- Putain... Je souffle Bon écoute-moi, prochaine île de pêche, prochain bateau qui passe, dès que tu as l'occasion de pouvoir partir tu t'en vas. D'accord ? Je me force à parler posément, même si j'ai envie de gueuler.
Elle échappe un signe de tête entre ses pleurs. Elle est toujours contre la barrique qui l'empêche de reculer d'avantage. Elle cache son visage entre ses mains, sûrement a-t-elle honte de pleurer comme ça devant un inconnu. Je soupire et décide de faire demi-tour en direction des marches. Je laisse la porte ouverte, pourquoi ? Peut-être pour qu'elle ne se sente pas enfermée. Enfin je suppose. En remontant sur le pont je réalise.
Tru.
C'est intru.
Abruti d'oiseau.
Un rire nerveux sort de ma gorge, depuis le début elle est dans la calle. Je me demande combien de temps elle serait restée cachée si je n'étais pas descendu. Je regarde Frédéric et je me sens un peu con. Depuis le début il essayait tant bien que mal de me faire comprendre que quelqu'un était planqué dans la calle. Il est pas stupide cet oiseau, il est juste compliqué à comprendre.
Un nouveau rire s'échappe de ma bouche. J'ai tellement été surpris que j'ai zapper de remplir ma bouteille d'eau. Elle est toujours dans ma main droite, elle est broyée... Elle n'a pas supportée ma tension apparemment. Heureusement pour cette fille que quelque chose est maintenu ma force sous contrôle.
Je passe ma main gauche sur mon visage, je me remercie mentalement d'avoir eu le réflexe de mettre mon cache-oeil tout à l'heure. Au final on est jamais trop prudent.
Un 'craque' derrière moi attire mon attention, je me retourne précipitamment, c'est elle. Ses cheveux sont en pagaille sur sa tête, ses bras sont croisés contre sa poitrine. Elle...
J'avais pas remarqué dans l'obscurité de la calle, mais, elle...
Sa tenue est très très très légère.
Je détourne mon regard et je sens mon visage se teindre en rouge...
Je suis mort de honte.
Dites-moi que je rêve.
×
××××××××
Fin du chapitre 3.
J'espère qu'il n'y a pas trop de fautes ( dites-le moi si jamais vous en trouvez )
Nouveau chapitre la semaine prochaine -surement jeudi ou vendredi-
N'hésitez pas à interagir avec l'histoire, un commentaire c'est toujours sympa. :)
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