Chapitre 19

Impossible...

Toute chaleur quitte mon corps, mon sang se glace, mon regard devient alors vaseux.
Je n'ose pas affronter ce qu'il se passe devant moi...

Le corps innocent de la blonde est allongé sur le pont, entouré par une flaque de sang...
Une tâche macabre recouvre la totalité de son dos...

Cet homme voulait ma mort, mais sans le savoir il a fait pire que ça.
Le coup de feu ne m'a pas touché, il a touché Éléonore...

Alors que je reste figé devant cette scène d'horreur j'entends l'homme se justifier, il hurle qu'il ne voulait pas tirer... Qu'il voulait juste me faire peur...

Je n'y prête pas attention, mon esprit est comme vidé de toute émotions pendant quelques instants.
J'évalue la situation en espérant que tout ceci ne soit qu'un terrifiant cauchemar.
Mais la douleur est tellement puissante qu'il n'y a pas de doutes...

Elle est morte.

Tuée par cet homme, qu'elle disait gentil.
Une grimace tire mon visage sans que j'arrive à lâcher un sanglot.
Je suis mort moi aussi... À l'instant où il a tiré, mon âme est morte.

Mes jambes m'abandonne et mes genoux cognent contre le pont recouvert de ce liquide rougeâtre et brillant...
C'est impossible.
Pas elle.

Un cri arrive enfin à sortir de ma gorge, ce son résonne dans l'obscurité du petit matin...
Elle ne méritait pas ça.
Le seul être humain qui a essayé de m'aimer tel que j'étais...
La seule qui arrivait à calmer mes peurs..
Elle avait vécu une vie horrible, elle était rejetée comme moi, elle portait ce fardeau en réussissant à sourire...
Elle m'avait à nouveau donné envie de vivre, avec elle.

Je me traîne sans contrôler mes gestes jusqu'à son corps immobile.
Je passe une main sur son visage et pousse sa mèche aussi rouge que mon âme.
Ses yeux sont ouverts à mi-clos, elle est morte sur le coup...

Je passe mes mains sur mon visage, me tâchant de son sang encore chaud, puis j'observe ma main droite tachée en étouffant un sanglot horriblement douloureux.
Ma gorge est nouée, mon cœur n'arrive plus à trouver un rythme soutenu...
Je voudrais être mort à sa place.

Son visage devient petit à petit pâle, ses couleurs s'envolent, son âme s'en va.

- POURQUOI ??? Je m'égosille en frappant contre le bois trempé.

J'entends le moteur du bateau qui redémarre.
Oh non.. ils ne repartirons pas vivants.

Un sourire inconnu atteint mes lèvres, je sens alors mon corps être pris par cette inhumanité mais je me laisse faire sans résistance.
Au contraire, j'ai l'impression d'avoir le droit, l'envie, d'être cruel et antipathique.
J'essayais d'être un homme bien mais maintenant je n'ai plus aucune raison de résister.

Mon corps craque, ma mâchoire se crispe, mes pulsations cardiaques augmentent. J'ai l'impression d'être sur le point d'exploser.
Mes doigts s'allongent, ma vision se trouble et mes propres dents m'entaille l'intérieur des joues.

Je me relève sans dire un mot.

Des hurlements stridents proviennent alors du petit bateau à moteur.
Je me retourne et dévisage l'homme qui tient encore cette arme en mains.
L'homme qui vient tout simplement de détruire le peu d'humanité qu'il me restait.
Il tremble, des larmes envahissent son visage rougit par les sanglots.
Ce pauvre fou ne mérite même pas que je lui montre ma colère et ma haine.
La vielle déjà, en jetant mon cache-œil à l'eau, il avait signé son rendez-vous avec la faucheuse.
Sauf qu'aujourd'hui, il ne connaîtra pas de châtiments.

Je vais juste prendre sa vie, comme il a prit celle de la blonde...

Je saute alors, toujours en silence sur le flotteur à trois mètres de distance de mon vaisseau souillé par son action.

Ils hurlent de plus belle, mais je ne les entends presque pas.
Leurs visages sont déformés par la peur, par la vérité.
Ils le savent aussi bien que moi, ils sont déjà morts.

Je déploie mon bras droit, et attrape violement le premier par le cou.
Une seule pression suffit. Un seul "craque" se fait entendre suite à mon action et je le relâche.
Son corps inerte tombe dans l'eau glacée et son camarade se jette à genoux.
Il implore ma pitié, il sort des mots que je ne prends même pas la peine d'enregistrer.
Il ne mérite pas d'avoir le temps de s'excuser ou de prier qui que ce soit.

Je l'attrape par le bras, il s'étouffe dans ses larmes, ses lèvres tremblent mais plus aucuns son n'en sortira.

Je plonge mes doigts grisâtres à l'intérieur de sa bouche et dans un bruit de déchirement, je lui arrache la langue.
Je le relâche et quand son corps touche à nouveau le bateau à moteur, j'envoie un coup dans son ventre.
Un seul coup, tellement puissant que je prie une demi seconde pour que leur bateau ne se retourne pas.

Il ne bouge presque plus, il s'étouffe dans son propre sang, son abdomen est ouvert et ses entrailles s'échappent dans une cascade de sang fumant.
Je le regarde sans émettre un seul soupire.

- que ta souffrance ne s'arrête jamais, je chuchote et me baisse pour lui faire face, que ta peur ne cesse qu'une fois l'éternité finit.

Il meurt dans un dernier souffle, le regard figé dans le mien.

Mes mains difformes sont recouvertes de rouge, leurs corps sont à présent sans vie, mais ma haine ne se calme pas.
Je pourrais les mettre en petit morceaux que mon âme ne serait pas satisfaite.
Leurs deux vies ne valaient pas celle de la petite blonde...

Je remonte alors sur le pont, les nuages ont recouverts le ciel, l'air glacial me porte jusqu'à Eléonore, et je retrouve ma forme humaine sans que mon âme ne suive...
Je me jette au sol au dessus de son corps raidit.
Mon esprit est tellement brisé que je ne parviens pas à pleurer.
Je reste silencieux, mes yeux posés sur son visage...

Frédéric vole jusqu'à moi, il se pose près de moi sans sortir un seul son.
Son silence est macabre, il est déjà en deuil.

Un frisson me fait bouger légèrement.

Je ne peux pas rester ici.
Je n'ai plus ma place nulle part...

Ce petit bout de femme, cette petite capricieuse, cet ange était la seule personne encore importante à mes yeux.
Je ne trouverai plus de buts, plus de désirs...
Comment réussir à vivre quand le sort s'acharne encore et encore ?

Une larme silencieuse parvient enfin à sortir, elle glisse le long de ma joue pour finir sur sa joue froide...
Cette image d'elle souriant le jour de son embarquement revient comme un coup de poignard devant mes yeux et je m'attrape les cheveux en me vidant de ma tristesse.
Les sanglots me font tressaillir, je perds totalement le contrôle et je laisse la douleur s'emparer de mon cœur...

Je reste là, près d'elle sans pouvoir agir.
Je suis mort à l'instant où son corps à toucher le sol.

Frédéric s'avance et me donne un coup de tête en glissant son corps sous ma main...
Sa respiration arrive un peu à me calmer, je lève les yeux et le regarde.
La tristesse se lit dans son regard, il ne bouge pas, il patiente.

Il a raison. Je ne peux pas rester comme ça sans rien faire.
Je me lève difficilement et regarde devant moi.

Ah il pleut... Je ne l'avais pas remarqué.

Je me tire sans conviction jusqu'à la couverture posée sur la barre, ensuite, en me pinçant les lèvres je soulève la petite blonde et l'enroule dans la couverture qui se gorge rapidement du liquide rougeâtre.

- Je suis tellement désolé.

Terriblement désolé.

××××

Le chapitre 19 est terminé !

Eléonore est morte... :O :'(

Le dernier chapitre de ce tome 1 sortira très bientôt.
Il sera un peu plus long pour clore cette première aventure (:










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