Chapitre 16
J'aperçois enfin du mouvement.
Et comme le poissonnier me l'a dit, ça semble accueillant malgré la petite taille de la ville.
J'ai pû croiser quelques voiliers et chalutiers sur le chemin, mais ici ça bouge dans tous les sens...
J'ai perdu l'habitude de voir autant de monde et mon cœur accélère au fur et à mesure que je me rapproche.
Frédéric est à l'intérieur du navire depuis que le vent s'est levé. Il faut reconnaître que l'air est devenu glacial et que mon corps à du mal à retenir des frissons.
Je porte un pantalon noir épais, un t-shirt à manches longues gris qui paraît milles fois trop grand depuis ma perte de poids et une veste en cuir usée par le temps.
Plus aucuns doutes, c'est le nord...
- C'est parti... Je me parle à moi-même dans le but de calmer mon stress mais c'est inefficace.
J'ai beau essayer de penser à autre chose, cette idée ne lâche pas mon esprit...
Elle pourrait peut-être... Non.
Je bloque la barre nerveusement et jette l'ancre une fois assez près de la terre ferme et je souffle en replaçant mes cheveux en arrière.
C'est le moment de refaire le stock et de prendre un peu de repos.
Je descends à l'intérieur et récupère l'argent ainsi qu'un grand sac en tissu. Sur le point de refermer la trappe, Frédéric se précipite sur mon épaule en sifflant l'air inquiet.
Il doit ressentir mon stress...
~ Nâo Nâo...
Je quitte mon logement le visage fermé et le regard perdu. Plusieurs bateaux sont à l'arrêt et une vingtaine de jeunes sont installés sur les quais. Je passe devant eux, le pas rapide sans même un regard ou un bonjour.
Il faut dire qu'à chaque fois que je rencontre quelqu'un, ça dérape...
Ma seule et unique préoccupation c'est de trouver un endroit où acheter des vivres et peut-être boire une bière.
Je ralenti petit à petit et sans m'en rendre compte je fini par m'arrêter complètement.
La gaité de ce matin à disparue, des images de ces derniers temps reviennent comme une bombe dans mon abdomen...
La mort de Clovis, la taverne en feu, ma rencontre avec elle...Ma naïveté face à cette rousse inconnue, et puis lui.
Cet homme, cet être abominable... Ce mec qui était censé être un ami... Claudio.
Mon corps est tout à coup vidé de son énergie et je pose brusquement un genou à terre.
Son regard était tellement lugubre...
- Hé ça va ?
Je relève la tête difficilement, comme animé par une chose invisible, je me relève et hoche la tête.
- On dirait pas !
Sous mon regard impassible, se poste un homme d'une vingtaine d'années. Il porte un chat entre ses bras et son visage est déformé par un large sourire.
Cette phrase... " On dirait pas " me rappelle instantanément l'approche de la rousse le jour de notre rencontre.
Je grimace et reprend le pas sans lui adresser un regard de plus.
C'est terminé.
Fini de faire confiance aux gens à présent.
Les sourcils froncés j'observe mes mains, longuement... Je suis un monstre, une saloperie de Nahual... Ou peut-être quelque chose de pire...
- T'as perdu un truc !!! Hurle la même voix que quelques secondes auparavant.
Je me retourne, les sourcils toujours froncés et le regard certainement aussi noir que le diable en personne.
- Tiens... L'homme arrive en courant vers moi, c'est tomber de ton sac.
Il me tend une gourde en métal. C'est bien à moi. Je signe un simple 'merci' d'un signe de tête et tourne les talons sans but précis.
- Tu cherches quelque chose ? L'homme porte toujours son immense sourire.
- Un marché, un magasin, un endroit où acheter de la bouffe. Dis-je par dessus mon épaule gauche, énervant Frédéric par ma proximité.
Il explose de rire et relâche le petit fauve d'entre ses bras avant de lever ses mains en l'air, le visage détendu.
- Tu vas pas du bon côté, il montre une rue derrière nous, les commerces sont dans cette direction !
- Merci.
- T'as un accent particulier, il se gratte l'arrière de la tête comme hésitant puis il poursuit, t'es européen ?
Ses cheveux blonds gras restent figés en l'air après son geste et ses joues prennent une teinte rougeâtre.
- Ouais je suis pas d'ici.
- Je te souhaite la bienvenue alors. Il recommence à rire, mes potes et moi vivons ici toute l'année, si jamais tu veux venir boire un verre avec nous...
- Non merci. Dis-je en lui coupant la parole.
Son regard indique clairement sa déception mais je n'y prête pas attention plus longtemps et reprends ma route en sens inverse.
Après cinq minutes de marche je tombe sur une sorte d'entrepôt. Plusieurs personnes travaillent devant et j'aperçois des barriques de fruits séchés.
J'approche les mains dans les poches, attirant l'attention d'une femme un peu plus loin.
- Bonjour monsieur, vous cherchez quelque chose ?
Je soupire, décidément...
Je me dirige vers elle et pose mon sac vide au sol.
- Je navigue et mes ressources sont presque vides.
Elle fixe mon visage un court instant, faisant plusieurs allers-retours entre mon cache-œil et le reste de ma figure.
- Venez.
Elle ouvre une grosse porte rouillée et tire quelques caisses.
L'odeur est horrible, un mélange entre de la moisissure et le poisson en décomposition...
- Je termine de jetter les invendus et je suis à vous. Elle tousse, visiblement dégoûtée par l'odeur elle aussi. Elle pointe une chaise du doigt et lâche un petit rictus.
Je m'avance et m'installe sur la chaise en invitant Frédéric à descendre de mon épaule.
Celui-ci s'accroche de toutes ses forces en sifflant... Depuis quand est-il aussi apeuré par l'inconnu ?
Je lui caresse le haut du crâne dans l'espoir de l'apaiser mais il refuse catégoriquement de quitter mon épaule.
Je passe une main lasse sur ma tronche et souffle comme un buffle.
Je suis fatigué... Fatigué d'autant réfléchir.
- Voilà !!! Lance énergiquement la femme en déposant une caisse à mes pieds, si les rations alimentaires vous vont, j'en ai trois autres identiques.
Je me penche pour observer la caisse en bois ouverte devant moi.
Des fruits séchés, de la viande séchée, de la farine, des conserves, du papier absorbant, de l'huile et quelques sachets en papier.
- C'est quoi les sachets ? Demandais-je sans relever la tête.
- Riz, pâtes, lentilles et d'autres graines et blés... Expliqua t-elle d'une voix amusée.
- Je prends les quatres. Dis-je en sortant mon portefeuille.
- Vous êtes à pieds ?
- Oui. Je parle sans grande conviction.
- J'ai la voiture si vous voulez. Elle s'attache les cheveux en une queue de cheval haute, Cela sera plus rapide pour vous.
- D'accord. Je lui tends la liasse de billets.
- Oula mais il y a beaucoup trop là. Elle rit et secoue la main, comme gênée par la situation.
Je lève un sourcil et regarde la femme de travers.
- Comment ça c'est trop ?
- C'est seulement dix dollars la caisse ici !
Je reste con, c'est vraiment pas cher ici... Je comprends pourquoi le vendeur de poissons m'a conseillé de venir ici.
Je baisse la tête et compte rapidement, le compte est bon.
- Voilà. Dis-je sans perdre mon air débile.
- C'est parfait. Les livraisons se font le soir, restez dans le coin.
J'hoche la tête.
Je vais surement dormir ici cette nuit.
°°°
Dix-neuf heures...
Je suis assis sur un rocher, le regard fixant l'eau trouble devant moi.
Je mange la dernière pomme de terre qui était en réserve.
Frédéric lui, grignote un bout de pain dur.
Le soleil se couche et le vent me gifle le visage à plusieurs reprises.
L'air est frais, agréable.
À cent mètres de moi, s'agitent les mêmes jeunes que tout à l'heure, ils hurlent et chantent en cœur.
Je jette quelques coups d'œil par moment.
Ils doivent être trente maintenant.
- Hé !
Je sursaute et glisse lamentablement de mon rocher, me retrouvant les fesses dans l'eau glacée.
Je me relève en jurant à haute voix avant de relever la tête, le visage au bord de l'explosion.
- Désolé je voulais pas te faire peur, c'est encore ce mec aux cheveux gras, je t'ai vu tout seul, il baisse la tête et me propose une bouteille avec un liquide ressemblant étrangement à de l'eau.
Je l'arrache de sa main en avançant de plusieurs pas, mes pompes sont trempées... Je souffle et débouche la bouteille avant d'y sentir le contenu. De la vodka.
Je porte le goulot à mes lèvres comme un sauvage avant de tousser, le visage déformé par la chaleur de l'alcool.
- T'en avais besoin apparemment ! Ricane t-il.
- Si jamais il y a un truc bizarre dans ta boisson, je te brise la nuque, capiche ? Ma voix est étranglée, j'ai accepter sans réfléchir mais la dernière fois... J'ai fini captif.
- Un truc bizarre ? Il récupère la bouteille et la porte à son tour à ses lèvres. Comme quoi ? Demande t-il innocemment.
- Laisse tomber. Je grogne en retirant mes chaussures et chaussettes.
Il me regarde les yeux ronds comme des billes et me repropose la bouteille.
J'accepte sans dire merci, ça va mal finir...
Je vide la moitié de la bouteille comme si il s'agissait d'eau pétillante...
- T'es en vacance ? Demande t-il.
- Non pas vraiment non...
- Tu bosses alors ?
- Mais putain... Je ricane, Pourquoi les gens sont toujours aussi curieux ? J'avance droit sur lui et me stoppe à moins d'un mètre de distance, Tu veux tout savoir hein ?? Je suis en cavale contre le monde entier !! Voilà !!! Je lui hurle presque dessus.
- Tom, un problème ?? Demande un mec en arrivant en courant vers nous.
Il est suivit par d'autres gars.
- Barrez-vous ! Je vais pas le manger !!! Dis-je en perdant l'équilibre.
- Il .. il a bu trop vite je crois... Bafouille le jeune homme en s'écartant de moi.
Et non mec. Je ne tiens juste pas l'alcool...
Un rire incontrôlable sort de ma bouche et je l'attrape par le bras.
- Alors Tom, tu as peur de moi ? Dis-je en soufflant tout mon air sur son visage.
- Hé c'est bon lâche le l'inconnu !! Grogne l'autre mec en tirant sur le col de ma veste pour mettre de la distance entre nous.
- ME TOUCHE PAS ENFOIRÉ !!! Hurlais je en fonçant sur lui.
Sans contrôler mes gestes je lui rentre dedans, me retrouvant assis sur lui. Je commence à enchaîner de violents coups de poing sur sa gueule avant de me relever en riant.
- Sale fils de pute ! Il se relève et attrape la bouteille des mains du gosse immobile à côté de nous.
Pardon ??? Je replace mes cheveux en arrière avant de cracher dans le sable.
Je n'aime pas être comme ça, mais mon corps ne réponds plus de rien...
La dernière fois... Les raisons étaient différentes mais... J'ai quand même mis fin à la vie de la rousse.
Sans pour autant perdre totalement le contrôle, je lâche un sourire en coin avant de foncer une nouvelle fois sur lui. Le choc est tellement fort que son souffle se coupe légèrement, il commence ensuite a balancer ses poings sur moi, me retirant mon cache-œil par accident.
Je ferme instantanément les yeux...
Comme aveuglé...
- T'as perdu ton bout de cuir, rigole mon adversaire avant de le prendre et de le balancer à la flotte.
Je vois rouge... Non non... Non...
Je prends la fuite.
Hors de question de perdre le contrôle pour quelque chose d'aussi puéril...
J'arrive enfin au voilier, mon souffle est saccadé et j'ai envie de vomir...
Quelle belle idée Nâo aussi de resté aussi près d'autres personnes... M'insutlais-je mentalement avant de reprendre mon souffle.
Je n'en peux plus...
C'est trop.
Je fond en larme, cognant de toutes mes forces contre le parquet froid du pont.
Pourquoi moi ?
Qu'est-ce-que j'ai fait pour mériter ça..
Alors que mon esprit était en train de reprendre contact avec la réalité j'appercue les caisses de vivres à l'autre bout du pont.
Comment a-t-elle su que mon voilier était ici ?
Je me relève et réalise aussi que mes chaussures sont toujours là-bas...
- Merde !! Merde merde merde !!!!
J'hurle et frappe le sol une nouvelle fois... J'en ai marre.
Un bruit me fais alors redescendre de mon énervement... Un bruit de pas.
- Et bien dis-donc... Pourquoi t'es aussi énervé Tarzan ?
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Voilà le chapitre 16 est enfin arrivé !!
Nâo commence à perdre le nord à force le pauvre...
Qu'en pensez-vous ?
La suite très bientôt (:
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