☆ Chapitre 3 ☆

*Estella*

  Assise dans un confortable fauteuil dans une pièce qu'on nous avait présenté comme la Salle Vénitienne, je me rongeais littéralement les ongles. Pour tenter de penser à autre chose que ma possible (ou non) admission, je laissai mon regard vagabonder dans l'endroit où je me trouvais.

  La Salle Vénitienne était une grande pièce à l'atmosphère chaleureuse. Ses murs rouges était parsemés de magnifiques tableaux et d'autres décors. Des meubles en bois sans doute précieux, des fauteuils et une cheminée complétaient le mobilier.

  Je regardai les autres filles également dans la salle. Certaines semblaient très à l'aise, parlaient entre elles, pratiquement sûres de leur réussite ou ne s'en préoccupant pas. D'autres, comme moi, se renfermaient sur elles-mêmes, fixant le bout de leurs chaussures, gênées.

  Je croisai les doigts, espérant de tout mon cœur que je serais choisie. C'était la seule option. Si je n'obtenais pas ce poste, mon père et moi risquions de mourir rapidement de faim.
  Priant pour que le sort me soit favorable, je me remis à fixer le vide, espérant...

*Blanche*

  Cela faisait près de deux heures que les entretiens s'étaient achevés et mes parents n'étaient toujours pas décidés. Ils parlementaient, se disputaient, l'un préférant l'une, l'autre une seconde, et puis non, et si...

  Cela me sembla être le bon moment pour entrer dans la discussion:

  ― Père ? Mère ? Puis-je me permettre...

  ― Quoi encore ? aboya Frédéric, exaspéré. Ne vois-tu pas que nous sommes occupés ?

  ― Je pensais que... Pourrais-je donner mon avis ? Après tout, ce sera ma demoiselle de compagnie.

  ― Qui est la personne que tu pense qualifiée pour ce travail de la plus haute importance ? questionna Marguerite, une pointe de mépris dans la voix.

  ― Je pensais à... Estella Veller.

  ― ELLE?! explosa mon père. De toutes les filles présentes dans cette maison tu as choisi la plus misérable ?!

  ― Mais... On pourrait au moins... Essayer ! De toute façon, vous allez finir par toutes les renvoyer en prétendant qu'aucune ne convient, comme toujours ! Est-ce que vous voulez que j'aie une demoiselle de compagnie ? Non, vous vous en fichez. Alors laissez-moi l'engager, comme un test. Vous pouvez vous le permettre, vous avez bien assez d'argent.

  Mes parents échangèrent un regard, l'air dubitatif, puis mon père conclut:

  ― Très bien, si tu souhaites finir mal suivie... C'est ton choix. Nous allons l'annoncer aux candidates.

  Un sourire soulagé et satisfait aux lèvres, je suivis mes parents en direction de la Salle Vénitienne où patientaient les dix candidates. Où patientait Estella.

*Estella*

  Des pas dans la pièce attenante et une soudaine agitation me tirèrent de mes pensées. L'heure du verdict était arrivée. Toujours aussi majestueux, les trois membres de la noble famille Selanne entrèrent dans la pièce, qui sembla tout de suite plus belle et plus rayonnante. Après ce qui me sembla une éternité, Monsieur Selanne prit enfin la parole:

  ― Bien, nous avons fait notre choix... Bien qu'il n'ai pas été totalement libre, marmonna-t-il, en jetant un coup d'œil agacé à sa fille.

  Des chuchotements imperceptibles se firent entendre dans la pièce et je me rendis compte que je tremblais.
  Qui allait être choisie ?

  ― Nous avons donc décidé que la prochaine demoiselle de compagnie de notre fille Blanche serait... Estella Veller.

  J'en restait bouche bée. Je n'imaginais pas... Je surpris le regard amusée de Blanche, et je fus encore plus étonnée lorsqu'elle me fit un clin d'œil.

  L'air encore d'avantage frustré que d'habitude de Frédéric Selanne acheva de me convaincre que c'était grâce à Blanche que j'avais obtenu ce poste. Mais pourquoi ? Qu'avais-je de si particulier pour qu'elle intercède en ma faveur ? Peut-être était-ce un défi ? Je n'en savais rien, mais j'étais sûre d'une chose: je ferais de mon mieux pour la servir.

  ― Mademoiselle, veuillez vous lever et approcher, s'il-vous-plaît, fit Marguerite avec impatience.

  Je m'exécutai avec empressement et sortit de la pièce suite aux Selanne, sous les regards haineux de la plupart des autres filles. Seul celle avec qui j'avais attendu avant les entretiens, et dont j'avais appris plus tard qu'elle se nommait Élise, me souriait. Je lui adressai un petit signe puis suivis mes guides hors de la Salle Vénitienne.

*Blanche*

  Un sourire satisfait au lèvres, je marchais dans le couloir qui menait à ma chambre, suivie de près par ma nouvelle demoiselle de compagnie. Je me retournait vers elle et déclarai, toute excitée:

   ― Je suis tellement contente que mes parents aient accepté ! J'espérais vraiment que ce soit toi !

   ― Pourquoi ? demanda Estella.

  Elle mit une main sur sa bouche, s'apercevant de son erreur. Mes parents venaient de lui faire un long discours sur la nécessité absolue de se taire tant qu'on ne vous a pas donné la parole et de ne pas poser de questions.

  Elle m'adressa un regard inquiet, auquel je répondis par une expression amusée.

  ― Ne t'en fais pas, je n'applique pas les stupides règles de mes parents ! Quand je pense à leurs domestiques... Ils ne doivent pas rire beaucoup !

  Un sourire timide, le premier que je voyais vraiment, apparut sur son visage.

  ― Si je t'ai choisi, finis-je par répondre, c'est parce que toi, contrairement à toutes les autres, tu avais besoin de ce travail. Et en plus, tu a l'air bien moins ennuyeuse que toutes les idiotes qui se sont présentées !

  Cette fois-ci, elle laissa échapper un léger rire mélodieux, et je me sentis heureuse. Heureuse de l'avoir amusée, heureuse de lui parler... Heureuse qu'elle soit là.

*Estella*

  Je suivais Blanche, qui marchais d'un pas rapide dans les couloirs de ce labyrinthe qu'était la maison. Me montrant telle ou telle pièce, elle s'écriait joyeusement:

  ― Voici la bibliothèque ! Et là, c'est le cabinet de travail de mon père ! Et ici...

  Elle continuait, inlassablement, un grand sourire toujours accroché sur son visage.

  Alors que nous passions devant les cuisine, une femme d'une soixantaine d'années vêtue d'un tablier s'avança vers nous.

  ― Ah ! Bonjour Éléonore ! lança Blanche.

  ― Ma chérie, la réprimanda-t-elle gentiment, tu sais bien que tu ne devrais pas être là ! La cuisine n'est pas un endroit pour les jeunes filles de ton rang ! De plus, tes parents t'on déjà dit de ne pas courir dans les couloirs ! Tu risque de tomber ! Oh, et qui voilà ? Une nouvelle tête ! Ta demoiselle de compagnie, ma chérie ? Bonjour, comment t'appelle-tu ?

  Un peu sonnée par ce flot d'informations et de paroles, je mis un instant à comprendre que la cuisinière, Éléonore, m'avait parlé.

  ― Je m'appelle Estella, répondis-je poliment.

  ― Estella ! Quel joli prénom ! Viens ma chérie, je vais te montrer la cuisine ! Blanche, viens là! On va faire une exception pour toi, aujourd'hui ! Est-tu contente qu'Estella ait été choisie ?

  ― Oh oui ! répondit Blanche avec enthousiasme.

  Quand Éléonore eut fini de me faire visiter la cuisine, elle nous embrassa et nous dit au revoir. Alors que nous nous éloignions, elle me cria:

  ― Revient quand tu veux, Stella !

  ― C'est bien, Stella, fit Blanche, pensive. Tu ne trouve pas ?

  ― Si. Je n'y avais jamais pensé, mais ça sonne bien, répondis-je.

  ― Je peux t'appeler Stella ? demanda-t-elle soudain.

  ― Volontiers, fis-je avec un sourire.
  ― Alors, vient, Stella! s'exclama-t-elle. Je vais te montrer ta chambre !

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