☆ Chapitre 2 ☆
*Blanche*
Un peu gênée, j'observais les dix jeunes filles devant nous. Chacune d'elle pouvait être ma future demoiselle de compagnie, la personne avec qui je passerais le plus clair de mon temps ! Certaines semblaient très sûres d'elles, d'autres n'en menaient pas large. Et moi, je me sentais mal pour elles, elles qui espéraient toutes ce poste, et qui risquaient d'être une à une écartées avec dédain par mon père qui finirait inévitablement par décréter qu'aucune ne convenait.
Seulement moi, je n'allais pas le laisser faire. Plus cette fois.
Je repensai fugacement à Neva, la dernière personne a avoir occupé ce poste. Elle était parfaite: adorable, soigneuse, généreuse, jolie... Et puis, elle avait rencontré ce garçon. Elle m'en avait parlé, m'avait confié ses doutes. Devait-elle simplement partir avec lui, laisser tomber son travail, me laisser tomber ? Où devait-elle rester là. Je lui avais dit de faire ce qui lui semblait le mieux pour elle. Et elle m'avait choisie. Pourquoi ? Je ne l'ai jamais su. Toujours est-il que quelques semaines plus tard, mon père avait découvert une des lettres qu'elle avait reçu de ce garçon, il y avait un mois de cela. Il l'avait immédiatement convoquée dans son cabinet de travail et je n'avais plus jamais vu Neva.
Me forçant à revenir à l'instant présent, je dévisageai chacune des filles plus attentivement, en tentant d'amener un peu de bienveillance dans mon regard.
Elles étaient toutes très belles, vêtues de robes somptueuses, arborant colliers et bracelets de perles ou de pierres précieuses.
Enfin... Toutes, sauf une.
Elle aussi était magnifique, mais elle était habillée très simplement. Je compris immédiatement que c'était la fille dont j'avais surpris la conversation quelques minutes plus tôt. En effet, j'étais allée écouter aux portes, car je sais bien qu'il y a certaines choses qu'aucune des candidates n'oseraient dire devant nous. Mais je m'étais fait prendre par Éléonore, qui m'avait sermoné mais qui, heureusement, n'avait rien dit à mes parents. Éléonore est une vieille servante qui avait toujours été comme une maman pour moi. Bien plus, en tout cas, que Marguerite, qui me demandait de l'appeler "mère" et qui n'avais jamais eu aucune tendresse pour moi.
J'avais donc entendu une jeune fille qui, selon ses dires, avait besoin du poste pour vivre. Cela ne pouvait être qu'elle.
Soudain, je surpris son regard couleur d'orage sur moi, et je fus étonnée de l'admiration que je lisais dans ses yeux. Je lui adressai un sourire encouragent et me sentis tout à coup honteuse. J'étais née dans une famille riche, je vivais dans le luxe le plus grand, je portais des vêtements extrêmement coûteux, et j'avais une centaine de domestiques à mon service et... À peine quelques kilomètres plus loin, dans la même ville, une autre fille était obligée de travailler pour survivre.
Et là, sans trop savoir comment m'y prendre, je me fis une promesse. Cette fille serait ma nouvelle demoiselle de compagnie.
Je détaillai quelques instants ses longs cheveux bruns tressés, son regard intelligent, sa robe trop simple et je la trouvai belle.
Soudain, la voix de mon père retentit à nouveau:
― Très bien, mesdemoiselles, vous allez les unes après les autres passer dans le salon des tapisseries, avec ma femme et ma fille, vous présenter et nous donner votre motivation. Commençons avec mademoiselle Aline Beaulieu.
Une fille blonde en magnifique robe rouge s'avança et nous nous dirigeâmes vers le salon des tapisseries.
Le salon des tapisseries était une pièce de taille moyenne, équipée d'un bureau, de fauteuils et de meubles décorés de dorures, et ayant comme particularité ses immenses et magnifiques tapisseries aux murs.
Mon père s'installa derrière le bureau et ma mère et moi prîmes place de chaque côté. Puis, la dénommée Aline commença d'une voix confiante:
― Bonjour, je me nomme Aline Beaulieu, j'ai dix-sept ans, et je suis très honorée d'être ici.
Je me renfonçai imperceptiblement dans mon fauteuil et soupirai discrètement. J'avais comme l'impression que cet entretien allait être très long...
Une heure plus tard, alors que huit des dix candidates étaient déjà passées devant nous, Elle entra enfin. Elle semblait assez nerveuse et je remarquai qu'elle se tordait les mains. Mon père lui fit signe de s'asseoir sur le fauteuil face au bureau et elle s'exécuta comme si celui-ci était en réalité une bête féroce déguisée en siège.
― Estella Veller, c'est bien ça? commença ma mère.
― Oui, Madame, murmura la jeune fille.
Je lui adressai un regard qui se voulait rassurant, mais qui semblait plutôt avoir pour effet de la tétaniser encore d'avantage.
― Quel âge avez-vous et quelles sont vos motivations, enchaîna mon père d'un ton impatient et légèrement agacé.
― J'ai seize ans, bientôt dix-sept, et je... Je souhaite faire de mon mieux pour vous aider, si je le puis. Vous... Vous comprenez, j'ai vraiment besoin de ce travail.
Elle parle bien, notais-je dans un coin de ma tête. Voilà une chose qui peut plaire à mes parents. D'un autre côté, elle vient de reconnaître publiquement que sa classe sociale était très basse... Ça risque de me compliquer la tâche...
― Très bien, fit mon père. Avez-vous autre chose à dire ?
Elle hésita un instant et finit par déclarer:
― Je vous remercie chaleureusement de m'avoir ne serait-ce qu'accordé ma chance et j'espère que vous trouverez parmi nous une jeune fille qui vous conviendra.
― Eh bien, conclut ma mère, nous l'espérons également. Vous pouvez sortir, mademoiselle.
Estella se dirigea vers la porte puis, au dernier moment, se retourna vers moi.
― Ah, et... commença-t-elle d'une voix étonnement sûre d'elle par rapport au reste de son discours. Vous êtes resplendissante, Mademoiselle Blanche.
Puis elle sortit, me laissant complètement ébahie tandis que mon père demandait à ce qu'on nous présente la dernière candidate.
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