Chapitres XXV: Factures
Hello ne dormez pas ,
( démarrez la vidéo, baissez le volume et et détendez vous. Bonne lecture )
Acte 2 : Les lutte intérieure et les non-dits.
Ils avaient tous deux peur de se blesser, de se donner, de s'ouvrir à l'autre, car aimer, c'est exposer son âme aux mains de l'incertitude.
Romain Gary
Ryan.
Debout dans le jardin, je laisse mes doigts effleurer les pétales fragiles des nouvelles fleurs que je viens de planter. Leur couleur vive, éclatante sous le soleil de l'après-midi, contraste avec le gris du ciel qui commence à s'assombrir à l'horizon. Chaque fleur semble délicatement poser ses racines dans la terre meuble, et je me surprends à espérer, presque nerveusement, que j'ai bien fait les choses.
Si ces plantes flétrissent, je sais que monsieur Petro, avec son sourire suffisant, ne manquera pas de me faire la remarque.
Le parfum subtil des roses, mélangé à celui de la terre fraîchement retournée, flotte autour de moi, apaisant presque. Pourtant, une étrange pression pèse sur ma poitrine, comme un écho du passé.
Lorsque j'ai acheté cette maison, je n'aurais jamais cru qu'un jour, le jardinnage deviendrait ma passion . À l'époque, c'était juste un terrain vague, où une ancienne annexe, maintenant en rénovation, se dressait comme un souvenir oublié.
Mais c'est elle, Emy, qui a voulu que tout cela change. Elle m'avait convaincu, contre toute logique, de ne pas rénover l'annexe, mais de créer un espace vert, un jardin. Elle disait que ce serait son refuge, un lieu qu'après nos journées nous puissions respirer . Je n'avais pas mon mot à dire, et j'étais content de me contenter de la regarder, ses mains toujours pleines de terre, modelant le jardin à sa manière. Chaque geste de sa part semblait une danse, un acte de création que je n'arrivais pas à comprendre mais qui m'envoûtait.
Après sa mort, le jardin s'est retrouvé dans un état lamementable , tout comme moi. Peu à peu, j'ai commencé à en prendre soin, comme si c'était un héritage vivant qu'elle m'avait laissé, une manière de garder une part d'elle-même à mes côtés.
Se trouvant quelques pas de moi , sur l'allée pavée, le chat essaie de rattraper un papillon qui danse dans l'air, sans grand succès. Je retiens mon souffle, priant qu'il ne piétine pas mes nouvelles plantations dans son enthousiasme. Je prends le tuyau d'arrosage, soignant les plantes robustes, tout en gardant un œil sur le chat qui se bat toujours avec son papillon.
C'est déjà assez rare qu'il reste près de moi , il est toujours accroché à sa maîtresse. Peu être que lui aussi s'est aperçu qu'elle ne se sentait pas bien.
Adéola n'est toujours pas descendue depuis le petit déjeuner ; j'imagine qu'elle a dû se rendormir. Ce matin, j'ai dû faire un saut à la pharmacie pour lui reprendre des comprimés , une attention simple mais qui provoque toujours une certaine gêne entre nous. Un malaise palpable, comme si mes gestes pour aider étaient des intrusions dans un territoire qu'elle préfère garder secret.
Et cela à chaque fois qu'on prend soin d'elle. Pauvre de moi...
Le bruit de la porte de service qui claque me sort de mes pensées, me rendant confus . Je n'attends personne, et je doute qu'Adéola ait invité quelqu'un. Je laisse le tuyau au sol, la mousse encore humide glissant sur mes doigts alors que je l'abandonne dans l'herbe fraîchement coupée. je sors du jardin, et aperçois les cheveux courts et argentés de ma mère qui avance d'un pas vif vers le salon.
— René ! l'interpellé-je, au moment où elle sursaute.
Elle se retourne, la main sur le cœur, visiblement surprise.
— Tu m'as fait une de ces frayeurs ! dit-elle alors que je m'approche.
— Tu entres chez les autres sans prévenir, et c'est toi qui as peur ? m'étonné-je . .
Elle me frappe le bras avec son sac à main.
— Sois un peu poli. Où est ta femme ?
Elle tourne déjà la tête à droite et à gauche, la cherchant du regard.
— Je l'ai vendue, dis-je en esquivant un sourire et en me dirigeant vers l'intérieur pour m'abriter du soleil.
Furieuse, elle me suit, lançant des injures sous son souffle. Je vais à la cuisine, remplis un verre d'eau et le lui tends. Elle le prend, se redresse et boit une gorgée.
Avec sa tenue soigneuse , elle doit sûrement revenir de l'église. Quand nous étions plus jeunes, elle voulait absolument nous conduire, mon frère et moi, sur le chemin de la foi, mais c'était sans compter sur notre esprit de rébellion. Nous allions à l'église surtout pour y admirer les demoiselles, ce qui avait fini par faire dire à une paroissienne outrée que nous étions des "démons en quête de perdition".
— Alors, tu vas enfin me dire où est ta femme ? redemande-t-elle, un peu plus calmement cette fois.
— Elle dort à l'étage.
— À cette heure ? s'exclame-t-elle, un brin de malice dans la voix.
Je vois la remarque venir de loin.
— ...Tu ne l'as pas laissée dormir de la nuit, pas vrai ? Voilà ce que c'est, être un homme ! Une femme comblée au lit est une femme heureuse, tu sais. Bon, j'attends, il faut que j'aille la voir...
— Elle a ses règles, coupé-je sèchement pour interrompre son délire. C'est pour ça qu'elle dort, alors laisse-la tranquille.
— Rabat-joie, marmonne-t-elle en levant les yeux au ciel.
— Et toi, t'es venue pour quoi, cette fois ? demandé-je, espérant abréger sa visite.
— Je suis venue récupérer mes affaires. Et j'ai des écorces contre la douleur des règles qui traînent ici, ça pourrait lui faire du bien.
Je soupire, résigné .
Sans attendre t'elle une pile électrique, ma mère se dirige déjà vers la chambre qu'elle occupait . Je la suis, et elle ne manque pas de me raconter sa journée à l'église, détaillant les homélies et les dernières nouvelles des paroissiens. Après avoir fait sa valise, elle m'accompagne jusqu'à l'étage lorsque je récupère mes clés.
Vérifiant qu'Adéola dort encore, je conduis ma mère vers ma voiture. Elle a renvoyé son chauffeur aujourd'hui, une décision qui cache sûrement une de ses idées bien à elle.
— Tu devrais lui faire un enfant, ça l'aiderait pour ses douleurs mensuelles, déclare-t-elle en se tenant près de la portière.
Je soupire, exaspère.
— Tu montes dans cette voiture, ou je te pousse moi-même ? m'agacé-je finalement.
— Ne sois pas si agressif, réplique-t-elle en s'installant avec un sourire satisfait.
Je fais le tour de la voiture, m'assois, mets ma ceinture de sécurité et abaisse la grille d'entrée. À peine ai-je démarré qu'elle reprend.
— Je suis sérieuse, tu sais. C'est le moyen le plus efficace pour soulager ses douleurs...
— Je croyais que tu avais des écorces à me donner, lui rappelé-je pour éviter cette discussion gênante.
Je démarre la voiture et quitte la propriété, les yeux rivés sur la route, bien que je sache qu'elle n'a pas fini.
— Oui, bien sûr... mais après un accouchement, les douleurs disparaissent souvent, insiste-t-elle.
— Selon qui ?
— Selon ma propre expérience. Et, entre nous, un enfant calmerait les ardeurs de ton père.
Je lui jette un regard blasé. Après nous avoir poussés à ce mariage forcé , voilà qu'ils réclament un enfant. Comme si pour eux, les enfants tombaient du ciel comme des gouttes de pluie. Mais même la pluie ne tombe pas toujours quand on l'attend.
— Et c'est censé me donner envie de procréer ? répondis je blasé . De toutes les façons, je me fiche d'Amané .
— Un peu de respect, c'est ton père ! gronde-t-elle. Mais tu sais, tu te fais vieux, tu vas bientôt avoir trente-cinq ans.
— J'ai à peine trente-deux ans, rétorqué-je, irrité. Pas la peine d'exagérer.
— Et alors ? À ton âge, ton père et moi, on vous avait déjà eus, ton frère et toi. Lala était même en route.
— Je ne suis pas Amané, et ma femme non plus ne s'appelle pas René, répliqué-je en me concentrant sur la route.
Elle soupire bruyamment.
— Regarde ton frère, il a déjà trois enfants.
— La vie de Lyan n'est pas un modèle pour moi.
Même si nous sommes jumeaux, nous avons toujours eu des chemins bien différents, et rien ne m'agace plus que d'être comparé à lui.
— Je veux des petits-enfants, souffle-t-elle doucement, passant de la persuasion au chantage émotionnel.
Je pourrais en rire si la situation n'était pas aussi tendue.
— T'en as déjà une flopée, lui rappelé-je.
— J'en veux aussi de toi, alors arrête de mettre la chaussette , s'il te plaît.
"La chaussette"... Le choix de mots me fait sourire malgré moi. Pour quelqu'un qui n'a pas de mal à aborder certains sujets, elle a encore ses limites. Je lui lance un regard amusé avant de reporter mon attention sur la route. Elle pose sa main sur la mienne, comme pour m'encourager, mais elle oublie que je ne suis pas Amané.
— Tu sais, ça fait presque un an que tu es marié. Ce n'est pas ta petite amie ; tu n'as pas à prendre ton temps . Ce serait parfait si vous fêtiez vos un an avec un petit haricot en route. S'il te plaît...
Je m'engage sur une route secondaire pour nous éloigner du centre-ville.
— Maman, tu sais que cette discussion, je ne devrais pas l'avoir avec toi ? dis-je en soupirant.
— Oui, je sais, admet-elle avec un sourire satisfait. Alors tu as quatorze jours pour en parler à ta femme. Elle doit bien s'ennuyer toute seule dans cette grande maison.
Je me gare devant la résidence, descends de la voiture et viens lui ouvrir la portière. Elle me sourit, rayonnante, ses yeux pétillants d'espoir.
— Ton père serait vraiment heureux s'il entendait parler d'une éventuelle grossesse, ajoute-t-elle avec insistance.
— Tu me menace, maman ? demandé-je, amusé par son insistance.
— Ce n'est qu'un avertissement, rétorque-t-elle, son sourire teinté d'un rien de fausseté.
Un petit rire m'échappe malgré moi. J'ouvre le coffre, récupère sa valise et la suis jusqu'à l'intérieur de la maison.
— Tu sais, maman, j'aurai des enfants quand je le voudrai, et pas parce que vous l'avez décrété,
Elle plisse les yeux, agacée.
— Tu deviens vraiment irrespectueux avec l'âge, gronde-t-elle.
— Oui, je me fais vieux, répliqué-je avec ironie.
Je laisse sa valise dans le salon et la suit jusqu'à la cuisine. Je salue la gouvernante, qui me serre chaleureusement dans ses bras, puis je salue les autres domestiques présents. Ma mère revient avec un sac en plastique et une autre petite sacoche. Elle me tend le sac en premier.
— Tu laves bien l'écorce et tu la fais infuser. Adéola doit la boire pendant que c'est encore chaud.
— Oui, oui, acquiescé-je.
Elle me tend ensuite la seconde sacoche.
— Et ici, ce sont des tripes de bœuf. Tu lui fais une soupe bien nourrissante, elle aura besoin de forces pour se lever.
— D'accord, réponds-je en me préparant à sortir.
Avant de quitter la cuisine, elle ajoute :
— Et n'oublie pas de réfléchir à ce dont nous avons parlé.
Je lui jette un dernier coup d'œil, amusé.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, ricané-je.
Elle me lance une série d'injures affectueuses que je choisis d'ignorer et je sors de la cuisine. En passant par le salon, je croise mon père . Je lui lance un bonsoir de politesse sans attendre de réponse et quitte la résidence.
Adeola .
Je ferme doucement la bouteille d'eau, posant la plastique fraîche sur la table de chevet. Je me lève lentement, chaque mouvement mesuré. Les crampes se sont enfin dissipées, mais la fatigue persiste, pesant sur chaque fibre de mon corps. C'est comme si le monde se suspendait autour de moi. J'ai l'impression d'être au bout de ma vie.
J'ouvre la porte de la salle de bain et la referme avec un bruit sourd. Je me glisse délicatement hors de mes vêtements, faisant attention à la serviette hygiénique qui pourrait glisser, et m'assieds enfin sur la cuvette, libérant ma vessie dans un soupir de soulagement. Quand j'ai mes règles, aller aux toilettes devient un supplice... une série de gestes mécaniques pour tenir bon.
Je me redresse avec difficulté, tirant la chasse d'eau. En baissant la lunette des toilettes, j'évite le regard fuyant de mon reflet dans le miroir, un visage pâle, marqué par la nuit de douleur. Je retourne dans la chambre, mes pieds nus glissant légèrement sur le parquet lisse. En tendant la main, je saisis le bol contenant des biscuits, probablement laissés par Ryan pour moi. Une envie de sucre m'envahit, comme un refuge réconfortant pendant ces jours où je me sens à la fois trop vulnérable et trop forte.
Je croque un biscuit, savourant la douceur sucrée, et au même instant, mon téléphone se met à vibrer. C'est Kindia.
« Hello Miss Westaf, » _ lance-t-elle joyeusement, sa voix pleine de cette énergie contagieuse que j'envie parfois.
« Hello Mary Amakas, » _ répliquai-je, la pointe d'ironie s'immisçant dans ma voix.
Elle grommelle de l'autre côté, avant de revenir à la charge.
« Ça va mieux ? » _ me demande-t-elle, l'inquiétude flottant dans ses mots.
Je souris légèrement, pensant à tout ce que j'ai dû lui expliquer ce matin dans un message.
« Oui, ça va, je viens juste de me réveiller. »
« C'est bien, on fera la séance ciné la semaine prochaine. Dort beaucoup. »
« Merci, Mary. »
Je l'entends encore râler à l'autre bout du fil avant qu'elle ne reprenne :
« Je te laisse, j'espère que ton mari prend soin de toi ? »
« Il est aux petits soins. »
« Il a intérêt, bye. »
« Bye. »
Elle raccroche, et je repose le téléphone. Je m'apprête à croquer un autre biscuit, quand une sonnerie familière m'interrompt. C'est Ife, cette fois, en FaceTime. Je tourne la tête vers la lampe pour allumer une lumière douce, puis accepte l'appel.
« Salut madame, » _ entonne-t-elle joyeusement, un bol à la main.
« Tu m'appelles que quand tu manges toi ? »
« Oui, pour te donner envie de rentrer au pays, regard du garba authentique. Y'a un nouveau restaurant ivoirien en ville ! »
« Honneur à toi. »
« Merci... mais t'es où, comme ça ? »
« Au lit, » _ réponds-je timidement, évitant de mentionner que j'ai changé de chambre.
Elle remarque immédiatement, son regard s'intensifiant.
« C'est pas ta chambre, ça... Tu comptais m'en parler quand ? Je veux tout savoir ! Comment il t'a convaincue de le faire ? Comment tu t'es sentie ? » _ Elle ne s'arrête pas, ajoutant, _ « Si je dois le tuer, ou juste garder un œil ? » _
« Duro, Ife ( arrête, ife ) » _ crie-je en Yoruba, mais je sens une touche de gêne m'envahir.
Elle se calme, mais continue, toujours aussi directe.
« Je t'écoute. »
« On ne fait rien... J'ai juste déménagé dans sa chambre quand sa mère était là...».
Je lui explique, lentement, l'agitation du changement de chambre. Rien de plus. Rien de moins.
« C'est pas ta chambre, mais elle est déjà partie, non ? » _ me demande-t-elle, suspicieuse.
« Oui... mais il m'a dit que je pouvais rester... »
« Et ? »
« Je dors juste ici. Mes affaires sont ici. Rassure-moi, il ne t'a jamais touchée ? »
Je hoche la tête, puis elle se calme. Un silence lourd s'installe, et puis, elle reprend :
« D'accord... Et pourquoi tu es au lit à cette heure ? »
« J'ai ....mes règles . Et », j'essaie de trouver mes mots entre les souvenirs embarrassant d'hier que j'aimerais oublier « je me repose »
Elle garde les yeux fixés sur la caméra, son visage soudainement plus sérieux.
« D'accord, » répond-elle calmement. Puis, dans un murmure presque solennel : « Qu'est-ce qui s'est passé? »
Je prends un moment avant de répondre, mes yeux se baissant légèrement de gêne.
« Disons qu'hier mes règles sont venues en avance... J'ai tâché les draps et mon pyjama. Je suis allée me changer, et je l'ai réveillé pour qu'il change les draps... Et puis, il a compris...
Je lui raconte timidement les événements de la veille, et elle m'écoute attentivement. Le fait qu'il ait pris soin de moi me semble à la fois doux et étrange.
« Du coup, t'es gênée ? » _ devine-t-elle, avec une touche de compréhension.
Je hoche la tête, puis elle reprend :
« Tu sais, Ade, toute ta vie, personne n'a vraiment pris soin de toi. Ça ne veut pas dire que si quelqu'un le fait maintenant, c'est mal. Tu mérites qu'on prenne soin de toi, qu'on t'apprécie, qu'on t'aime juste comme tu es, sans que tu aies à changer ou à donner quoi que ce soit. Et ẹ̀gbọ́n ọkọ , il a bien compris ça.»
« Tu l'appelles beau-frère maintenant ? » m'étonne je stupéfaite
« Oui. Il commence à être digne du titre. » _ Elle rit doucement , avant de rajuster la caméra face à elle.« Alors je veux que tu acceptes... accepte l'affection qu'il te porte, même si c'est pour un laps de temps. Profite sans regret. S'il faut pleurer après, je serai là pour pleurer avec toi.»
Je ris doucement, mais une étrange sensation de chaleur m'envahit, et je sens les coins de mes yeux se remplir de larmes.
« T'es à plusieurs heures d'avion d'ici.»
« Et alors ? Je viendrai. Vu comment tu pleures, tu finiras pas avant mon arrivée»
Je rigole doucement, l'écho de sa voix me réchauffant le cœur. Avant de répondre :
« S'il te drague, profite, fais-lui perdre la tête... »
« Il me drague pas, Ife. »
« T'es sûre ? Le mec, il cuisine, il est aux petits soins, il va à la pharmacie, il prend soin de ton chat, il refuse que tu utilises ton argent... Sister ! D'autres seraient mortes pour ça. »
Je reste silencieuse, puis hésite un instant avant de confier :
« C'est pas ça... C'est juste que... je crois qu'il fréquente quelqu'un. »
« Humm... le salop ! T'es sûre de toi ? »
« C'est pas ça... C'est juste qu'un jour, lors de son anniversaire, il m'a serrée contre lui en dormant et a chuchoté son nom plusieurs fois... Il était saoul ce jour-là. »
Je la vois faire une grimace d'étonnement , avant qu'elle ne me lance :
« Y'a quoi encore que tu m'as pas raconté, jeune fille ? »
Je secoue la tête, puis continue :
« Rien et c'est arrivé qu'une fois par erreur » précise je rapidement avant de continuer « J'ai demandé à ma belle-sœur , Solaya, si elle connaissait quelqu'un qui s'appelait comme ça . Elle m'a dit que si mais c'était à lui de m'en parler. »
« Tu lui as demandé ? »
« Non, je n'ai pas osé. Comme il n'y a rien entre nous... Et chacun vit sa vie de son côté. »
Elle semble perplexe, avant de me répondre, pleine de sagesse.
« Hé, évidemment qu'il y a tout entre vous ! C'est ton mari ! Il te fait des avances, Adeola, et toi, tu lui demandes qui il est ? Tu m'as bien comprise ?»
« Mais...»
« Il ne va pas t'embrasser avant que tu ouvres les yeux. C'est un vieux chien de chasse. Vu sa tête, ça m'étonne pas. Il n'est pas comme les dragueurs que tu connais à Lagos. Il est au niveau max, tu vois ?»
J'hoche la tête, l'atmosphère dans la pièce semble se réchauffer, mais une légère tension se forme dans ma gorge.
« Tu te lèves si t'as des zones d'ombre, tu lui demandes. Si tu vois un rouge à lèvres sur sa chemise, tu demandes. Un parfum qui n'est pas le sien sur lui, tu...»
« Demande.»
« Dans sa voiture, un petit truc qui n'est pas à toi, tu...»
« Demande. »
« Son téléphone qui sonne tard ou vibre, tu... »
« J'aurais l'air hystérique. »
« C'est mieux, avec les serpents, faut toujours être prudent. Il porte des boucles d'oreilles ? »
« Non... je crois pas. »
»Si tu le vois avec des boucles, c'est qu'il a deux têtes. C'est un serpent à deux têtes. »
« Ife ? »
« Je sais de quoi je parle... »
Je voulais répliquer quand des bruits de pas résonnent dans l'escalier.
« Tais toi ! Il arrive» dis je en essaie de me levé du lis
« Hé ! » cris ife « Tu va où ? Reste sur ce lit , il te demande si tu va bien. Tu dis non»
Avant que je n'est le temps de réplique où de dire quoi que ce soit : la porte s'ouvre, et je plonge rapidement mon téléphone sous la couverture.
— T'es réveillée, ça va mieux ?
— Non , répondis-je, prise au piège par la surprise et l'influence persistante d'Ife.
Il hoche la tête.
— René est passé quand tu dormais, elle a envoyé quelques trucs. Je les fais cuire et je t'amène. Reste au lit.
— D'accord, réponds-je, un peu sur le mode automatique.
Il me fixe un instant, puis referme la porte . Je l'attends en silence, le son de ses pas qui s'éloignent dans l'escalier. Dès qu'il est hors de vue, je sors précipitamment mon téléphone de sous les couvertures.
Ife danse joyeusement à l'autre bout de l'écran.
— T'es fière de toi ?
— Absolument. Lechef s'occupe de toi , répond-elle en mimant un chef, prenant l'arrête du poisson comme un couteau et ses cheveux pour une moustache.
Je ris sans pouvoir m'en empêcher, la scène si décalée me fait oublier un instant la tension de la situation.
— Je suis pas sûre qu'il fasse ça en cuisine, lui dis-je.
— Prochaine étape, tu vas le regarder cuisiner. Tu verras le chef dans son environnement, dompter les mets du Sud.
Je continue de rire tous en secouant la tête face à son idée farfelue. On finis par mettre fin à l'appel comme toujours après un long moment en passant d'un sujet à un autre. Je descend les escaliers un à un, mes jambes légèrement engourdies par l'immobilité.
Lorsque je mets enfin le pied dans le salon, une odeur délicieuse s'élève et envahit mes narines. Un parfum riche et réconfortant, une promesse de chaleur et de confort. La télé est allumée, un documentaire sur le Serengeti défile en arrière-plan. L'image semble floue par rapport à la clarté de l'odeur qui me guide comme un fil invisible vers la cuisine.
Dans la pénombre de la pièce, il se tient là, dos à moi, près de la plaque. Un torchon négligemment jeté sur son épaule, un léger parfum de cuisson flottant autour de lui, et le doux grésillement d'une casserole . Il se tourne vers moi avant que je n'atteigne l'îlot central.
—T'as pu te lever ? Ça va mieux ?
J'hoche la tête, un sourire distrait se forme sur mes lèvres. Cela ne servirait à rien de rester cloîtrée au lit.
Je me rapproche de lui, et dans un mouvement fluide, je prends Minou, qui attend patiemment qu'il finisse de cuisiner. Il soulève le couvercle d'un coup, et je laisse Minou se glisser pour observer le plat. C'est du ragoût. Le parfum est plus présent que jamais, sucré et épicé, me caressant les sens.
— Ça sent vraiment bon,
je lui lance, un compliment qui sort presque malgré moi.
— C'est normal, répond-il fièrement . C'est moi qui l'ai fait.
Je lui jette un regard. Il se vante, et cela me fait sourire.
— Faut aussi que le goût y soit, lui rappelle, mes yeux pétillant d'un défi léger.
Je me détourne de lui, me dirigeant vers l'îlot central pour m'asseoir.
— Tu seras pas en train de sous-estimer mes talents de cuisinier ?
— Non, dis-je en haussant les épaules. J'émets juste une supposition.
— Pauvre de moi, dit-il . Au moins, je peux compter sur Minou pour témoigner, n'est-ce pas ?
Il se tourne vers le chat, qui est occupé à faire sa toilette au pied de l'îlot . Ses réflexions loin des nôtres. Il soupire, et ça me fait sourire.
Il se retouve et pose une tasse contenant un liquide grisâtre devant moi . Je le regarde, perplexe.
— Bois, me dit-il d'un ton presque autoritaire, tout en ouvrant un tiroir à biscuits.
Je saisis la tasse. En la portant à mon nez, je reconnais une infusion amère, un parfum herbacé qui me déplait instantanément. Je grimace, bien que je fasse de mon mieux pour ne pas le montrer. Je lui jette un coup d'œil furtif, espérant avoir le temps de manœuvrer pour que le liquide se renverse, mais il me fixe intensément.
— C'est René qui te l'a envoyée, ça va soulager ta douleur, je crois.
— Je me sens déjà bien, essaie-je de lui faire comprendre.
Il me sourit légèrement, comprenant tout de suite que je ne suis pas enthousiaste. Il me fixe intensément, le regard perçant
— Je suis absolument convaincu, répond-il avec sarcasme. Bois, darling.
Je ferme les yeux, me préparant mentalement et porte la tasse à mes lèvres. Je bloque ma respiration un instant avant de boire le liquide amer et légèrement âcre. Je n'hésite pas, je bois tout d'un trait. Le goût envahit ma bouche, désagréable mais supportable. Je repose la tasse et prends une grande inspiration.
– Pour te récompenser, ajoute-t-il, avec un sourire amusé posant une sucrerie devant moi .
Je lui lance un regard mauvais, ce qui le fait éclater de rire. C'est comme si j'étais une enfant qu'on récompense après lui avoir fait avaler quelque chose de dégoûtant. Et en quelque sorte, c'est le cas.
Je repose ma tête sur l'îlot, observant Minou qui continue de faire sa toilette. Ryan finit par s'installer près de moi son téléphone en main . Le silence se fait, seulement perturbé par le bruit de la télé et le ragoût qui continue de bouillir.
C'est un silence apaisant, confortable .
Quelques minutes plus tard, il se lève et éteint la plaque chauffante. Je me redresse doucement de mon siège, prête à mettre la table, mais il me fait signe de rester assise. Je le regarde, un peu surprise, mais je me conforme à sa demande.
Il remplit une assiette qu'il pose devant moi, accompagnée d'une cuillère . C'est une soupe de tripes, agrémentée de pommes de terre, de chou, de carottes et de maïs, un ingrédient qu'ils ont l'habitude d'ajouter à presque tout ici
Je sens l'odeur de la soupe qui emplit la pièce, une effluve de viande cuite lentement, de légumes fondants et d'épices qui titille mes narines et réveille la faim en moi. La première cuillère est chaude et veloutée, avec une texture légèrement grasse mais étonnamment légère. C'est délicieux et réconfortant, mais je perçois aussi la chaleur du piment qui brûle doucement ma gorge. Il a un peu exagéré, mais le plat est tout de même parfait.
Il tire une chaise, place une deuxième assiette sur l'îlot et s'assoit à côté de moi. Nous dînons en silence, chacun plongé dans dans une occupation, moi dans l'assiette lui dans son téléphone.
— Tu n'aimes pas le maïs ? me demande-t-il en me regardant, remarquant que je l'avais mis de côté dans mon assiette.
Je me mordille la lèvre avant de répondre. Je n'arrive toujours pas à m'habituer à manger du maïs de cette manière, sa texture trop ferme par rapport aux autres ingrédients.
— C'est... un peu bizarre , dis-je en cherchant mes mots. Cuis comme ça... son goût est étrange.
Il hausse un sourcil, un sourire discret sur les lèvres.
— Mets-les dans mon assiette.
Je le regarde, légèrement étonnée par sa demande, mais en croisant son regard est sincère . Je me laisse alors convaincre et fais glisser les grains de maïs dans son assiette. Il me sourit en retour, et je sens une étrange chaleur s'emparer de moi.
Je termine mon assiette, et une fois encore, il me défend de m'occuper de quoi que ce soit. Il est déjà en train de se lever quand je me rappelle que je dois changer ma couche hygiénique pour la nuit. Minou se faufile à mes pieds, attendant de me suivre, et je monte discrètement.
Après m'être changée et douchée, je sors de la salle de bain et le retrouve allongé sur le lit, son téléphone à la main. Il écoute une note vocale, et un sourire apparaît sur son visage, un sourire qui semble nourrir un secret agréable.
La voix d'Ife résonne dans ma tête : « Demande. »
Je la chasse aussitôt. Non, je n'ai pas le droit. Ce jeu est trop risqué. Si quelqu'un cache quelque chose, il doit avoir ses raisons. Jouer la curieuse n'a jamais mené à bon port.
Je me dirige vers le canapé du petit salon, tire légèrement les rideaux, et me perds dans la contemplation du ciel, un spectacle majestueux ici. Les étoiles brillent plus intensément que je n'aurais cru.
Le bruit de la porte de la salle de bain qui se ferme me ramène à la réalité. Il n'est plus sur le lit. Je soupire et me dirige vers mon coin, allongeant mes jambes, tandis que la douleur des crampes reprend légèrement .
Mes yeux dérivent vers le plafond, où un miroir se trouve juste au-dessus du lit. Je me demande toujours pourquoi quelqu'un voudrait poser un miroir là. Peut-être pour espionner discrètement l'autre, sans qu'il ne s'en rende compte. Je n'en suis pas sûre, mais l'idée me frappe alors qu'il sort de la salle de bain, vêtu . Il s'assoit sur le bord du lit.
Il reprend son téléphone, compose un message rapidement, avant de le poser sur la table de chevet et de saisir son ordinateur portable qu'il place sur son oreiller. Il se recouche sous les couvertures et commence à manipuler l'ordinateur.
— Rapproche-toi, darling, m'invite-t-il.
Je détourne les yeux du miroir, le regardant d'un air perdu . Il tapote l'espace près de lui.
— T'es restée là toute la journée, viens ! insiste-t-il.
Je me rapproche, posant mon oreiller près du sien. Il met son ordinateur devant moi, et le générique de Netflix apparaît à l'écran.
— J'espère que ça va te plaire, me dit-il alors que le film commence.
Je lui jette un coup d'œil furtif, mais il est déjà absorbé par l'écran. Je fais de même. Le film débute sur une ambiance des années 60, peut-être 80, je ne suis pas sûre, mais l'époque de la ségrégation, à en juger par la façon dont les protagonistes sont assis dans le bus.
Au Nigeria, j'en avais seulement entendu parler à l'école, en passant, mais ici, c'est réel. Il arrive parfois que des gens me dévisagent dans la rue, ou que des regards me fixent avec une certaine animosité. Lala m'a dit de ne pas faire attention, que ce sont juste des gens aigris de la société .Je cesse mes réflexions et me concentre sur l'écran. Un incident attire soudainement mon attention : la maison où travaille la protagoniste prend feu avec deux bébés à l'intérieur
Je tourne légèrement la tête pour voir mon compagnon, les yeux fermés. À quel moment s'est-il endormi ?
Il dort, paisible, ses traits tendus sont relâchés . Je le regarde un moment, ce mélange de douceur et d'indifférence sur son visage. Peut-être est-ce ce silence entre nous qui me rend plus consciente du poids de son sommeil. Chaque respirations devient un petit rappel que nous vivons dans des mondes séparés. Je me pousse un peu pour lui laisser de l'espace et prends son ordinateur avec moi.
Je baisse le volume et reporte mon attention sur le film
Elle se retrouve, à cause d'un effet papillon, dans la maison d'une femme blanche un peu dépressive, je crois. Ses réactions me rappellent les miennes. Cela fait des lustres qu'elle n'a pas eu de conversation sincère avec quelqu'un. Elle déjeune avec sa domestique, simplement pour avoir quelqu'un à qui parler.
Mes yeux se détournent du film et se posent une nouvelle fois sur Ryan, qui dort profondément à mes côtés.
Quel est le prix de son affection ?
En un mois, nos rapports ont évolué plus qu'en dix mois. Il me laisse pénétrer son espace, il est prévenant, engage la conversation, me taquine... mais quel prix devrais-je payer pour cela ?
Les sourires, les gestes tendres, chaque attention qu'il me porte... Tout cela pèse plus lourd qu'il n'y paraît. Est-ce de l'affection ou une dette à laquelle je devrai répondre ? La vérité est qu'à chaque fois qu'il me regarde , je sens une partie de moi s'effriter, comme si j'étais en train de me vendre, pièce par pièce, dans un marché dont je ne connais pas les règles.
Ife m'a conseillé d'accepter, mais c'est difficile pour moi. Pour moi, chaque personne qui vous porte de l'affection a une raison, un but. Surtout si c'est le sexe opposé.
Étrangement, avec lui, la menace ne me semble plus aussi immédiate, mais elle persiste.
Chaque sourire comporte un prix.
Et ce prix, je ne veux plus le payer.
C'est trop cher pour moi.
Je soupire et me concentre à nouveau sur l'écran. Le scénario a évolué sans moi, et je me retrouve perdue. Je fais défiler quelques minutes en arrière, espérant rattraper le fil de l'histoire.
Il me reste quatre ans et deux semaines , à passer ici .
Ce n'est pas si mal.
Mon esprit commence à se détendre. À la fin du film, j'éteins l'ordinateur, le pose sur la table de chevet, et m'allonge sous la couverture, fermant les paupières.
NDA : aujourd'hui j'ai battu mon propre record pour les long chapitres . Je ne savais pas où m'arrêter mais bon , je sais que vous êtes contente et que je sui en retard
En depuis , je veux vos impressions et vos critiques. Pour les fautes veilliez me pardonner dans une sincère bonté, j'étais occupé de ouf et ma cousine qui parle Yoruba pas disponible pour les traductions alors veiller encore m'excuser
Bye et bonne lecture mes stars ⭐️
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