Chapitres XXI :Izinxibi

(Démarrez la vidéo, baissez le volume et détendez vous. Bonne lecture)

Acte 2🤎: Lutte intérieur et non-dits





Les liens fraternels sont ces rares joyaux que rien ne remplace, des alliés pour la vie, un amour qui résiste à tout.
Antoine de Saint-Exupéry













Ryan.



Aujourd'hui, c'est mon anniversaire. Le jour où j'ai vu le jour, l'achèvement d'une année de vie et le début d'une nouvelle.

Un moment qui devrait résonner de rires, de gâteaux, et de souhaits sincères. Mais pour moi, c'est juste un rappel cruel du temps qui file, m'ensevelissant sous le poids de la culpabilité.

Je devrais me sentir heureux, léger. Pourtant, je suis vidé, l'esprit englué dans une brume sombre que je n'arrive même pas à nommer. Une culpabilité insidieuse me serre la poitrine, étouffant toute lueur de joie. C'est comme si un voile épais obscurcissait le moindre éclat de lumière en moi.

Avec lassitude, je finis par me lever et me dirige vers le bureau de mon frère. Avant d'entrer, je congédie ma secrétaire d'un signe de tête, sans un mot de plus. Je fais de même avec la sienne, puis j'entre sans frapper. La porte claque derrière moi, résonnant comme une sentence dans le silence de la pièce.

— Vuka, masiye kusela isiselo (Lève-toi, on va aller boire un verre ) , lui dis-je depuis l'entrée. 
— Quoi ? 

Mon frère lève les yeux, surpris. Ses sourcils se froncent alors qu'il me dévisage, essayant de lire dans mes traits ce que je cache derrière ce masque impassible.

— Sele ingo-4 emva kwemini, kwaye usahleli ungaselanga ngosuku lokuzalwa kwakho, oku kuqhelekile ? (Il est 16 h passer , et t'es toujours aussi sobre le jour de ton anniversaire, c'est normal ? )

Il me regarde, perdu.
Je suis probablement celui qui a le plus besoin d'être ivre aujourd'hui, mais je ne vais pas le faire seul, sinon ce n'est pas drôle. Être jumeaux, c'est aussi s'entraîner l'un l'autre dans le trou.

— Alors, tu te lèves ou pas ? 
— Attends, j'arrive.

Il finit par se lever et me suit, non sans m'adresser ce regard qui dit que j'ai probablement perdu la tête. Oui, j'ai perdu la tête. 

Il prend sa voiture, je prends la mienne. On se dirige vers notre club préféré, qui vient juste d'ouvrir, alors il n'y a pas encore grand monde. Les lumières tamisées baignent l'endroit d'une atmosphère feutrée, les premiers clients se font discrets, comme des ombres assises ça et là. On s'installe au bar.

La barmaid, une femme aux cheveux rouges coiffés en un chignon désordonné, nous regarde d'un air étonné, comme si notre présence lui semblait inhabituelle à cette heure-là. Je commande deux verres de whisky, sans glaçons. Le liquide ambré scintille sous les néons violets du bar. Je vide le mien d'un trait et invite mon frère à faire de même. Il se laisse entraîner sans broncher, ses doigts tapotant nerveusement le comptoir.

Au bout du troisième verre, les voix dans ma tête commencent enfin à se calmer.

— Tu peux me poser toutes tes questions à présent, dis-je en tournant la tête vers lui. Ton frère est de retour.

Il me fixe, l'air sombre.

—Je dirais plutôt que mon frère se noie. Alors, c'était quoi hier ?

Évidemment, il me rate pas . Je soupire, le liquide brûlant encore ma gorge. On dit que parler de ses problèmes aide à les résoudre, alors je vais tenter cette théorie.

— Selon toi, c'était quoi ?

Lyan fronce les sourcils, son regard perçant fixé sur Ryan.

— Tu te tapes Alice ?

Son ton est direct, tranchant. J'acquiesce en vidant mon verre.

— Ouais, je me tape la meilleure amie de ma défunte fiancée. Et pourtant, je suis marié.

Je vois la barmaid tressaillir, un "oh" lui échappe, mais elle ne dit rien. Après tout, il n'y a pas beaucoup de clients, elle écoute notre conversation. Et aujourd'hui, je me fiche que le monde entier m'entende. Tout le monde... sauf ma femme.

— into emangalisayo. ( Dinguerie), souffle mon frère en s'enfonçant dans son siège, son visage figé dans un mélange de choc et d'incompréhension. Depuis combien de temps ?

— Quatre, cinq mois après la mort d'Emy. Depuis longtemps.

Il vide son verre à son tour . La barmaid, sans qu'on le demande, nous ressert. Ses mouvements sont devenus mécaniques.

— Putain... Depuis tout ce temps, je m'inquiétais pour toi, je priais même pour que tu remontes la pente... et toi, pendant ce temps, tu couchais avec Alice. Putain d'Alice !

  Je me fige, surpris par l'intensité de sa réaction.

Ses mots résonnent dans l'espace désert du club. Il se lève, poings serrés, avant de se rasseoir lourdement, le regard sombre.

— Comment as-tu pu faire ça ? Tu te rends compte ? C'est la meilleure amie d'Emy ! La meilleure amie de ta défunte fiancée !

  J'essaie de trouver les mots juste au fond de moi pour m'expliquer  , mais Lyan m'interrompt, son ton devenu grave.

—Tu es en train de foutre ta vie en l'air, Ryan.

Un silence épais tombe entre nous. Lyan se lève et fait les cent pas, les mains pressées contre ses tempes. Je me sens encore plus mal. Parler de ses problèmes n'est pas aussi libérateur qu'on le prétend.

— Tu n'as même pas pensé aux conséquences, n'est-ce pas ? Tu pouvais te taper toute les garces de jozy mais non . Putain !!

  Je baisse les yeux, attendant que la tempête passe. Je retire ma veste et la pose calmement sur la table. Lyan finit par revenir, vidant son verre avant de me regarder, plus calme mais toujours intense.

— Je suis inquiet pour toi, izinxibi (jumeau). Je veux pas que tu te perdes dans ça...... Comment ça a commencé ? Comment t'as pu... ? Où est passé mon frère, celui qui était raisonnable?

Une voix intérieurement qui ne me quitte pas depuis quelques jour me murmure :  Tu es censé être un modèle, pas un échec.

J'esquisse un sourire amer.

— Je suis toujours raisonnable. Ça a commencé comme toutes les histoires de ce genre.

Inutile de lui préciser qu'on était un peu ivres la première fois, juste assez pour que tout soit flou. Après, ça s'est enchaîné, comme un piège qu'on se tendait l'un à l'autre.

On était tous les deux consentants. Rien de plus, rien de moins.

Il commande un verre d'eau, et ses doigts tremblent légèrement en le portant à ses lèvres. Mon regard se perd dans le fond de mon verre vide.

— Il y a des nuits où je réalise que je ne sais même plus qui je suis sans mes responsabilités. Et toi ? Tu crois que c'est facile d'être celui que tout le monde attend que je sois ? Des fois j'ai aussi envie de joué avec la folie .

Les yeux toujours fixé dans mon verre, une boule se forme dans ma gorge. Je vide mon verre essayant de le faire redescendre, mais elle refuse . Peut-être suis-je déjà ivre.

— Mais tu n'es pas seul ! Je suis là, me rétorque-t-il avec force.

— Peut-être, mais même quand tu es là, je me sens seul. Comme si je portais tout ce fardeau... seul.

Laissant mes mots en suspens, la barmaid remplit mon verre. Le liquide remplit mon verre comme la montagne de reproche que mes pensées seule me déverse.

— C'est quoi la chose la plus dingue qu'elle t'ait faite ?

Je lève un sourcil , sortant ma tête de mon verre , surpris par la question . Son expression plein de malice me fait légèrement sourire. Il lève son verre et je l'imite.

— Elle a enroulé du silicone autour de ma queue avec sa bouche.

On trinque. Son sourire est tordu, celui d'un homme qui est près à dire des choses mais qui préfère ne pas juger.

— Ma jeunesse me manque, réplique-t-il , nostalgique.

On vide nos verres en harmonie, et la barmaid, nous regarde visiblement dégoûtée, lance un petit bruit de protestation. Je la fusille du regard avant de replonger mes yeux dans mon verre vide. Je suis toujours au fond du trou, littéralement comme métaphoriquement.


 
       Un silence s'installe. La musique du club monte doucement en intensité, un beat calme préparant l'ambiance dans le club.

— Et avec Adeola , comment ça va ? finit-il par demander.

Je secoue la tête, agacé.

– J'imagine que ça va... Hier soir, elle m'a fait à manger comme d'habitude . Ce matin aussi. Elle dort dans ma chambre tous les soirs maintenant, et je l'ai regardée s'habiller pour le boulot. Elle portait un ensemble en tweed bleu nuit, des escarpins noirs, un sac en cuir noir...

Je lui récite tout ça comme une litanie chaque détail gravé dans ma mémoire.. Je me souviens de tout, de ses tenues, de chaque repas qu'elle a cuisiné. La culpabilité fait des miracles.

— Ce n'est pas ce que je te demande. T'as pris ta décision ?

Je vide encore un verre que la barmaid vient de remplir sans un mot.

Une voix me hurle de la laisser partir:  Libère-la, Ryan. Elle n'a rien à faire dans ta vie, tu le sais. Ses problèmes ne sont pas les tiens. Lâche-la avant qu'il soit trop tard.

Cette voix, implacable, me pousse à me détacher, de faire un pas sans rien prendre en compte , sans rien juger .

Mais une autre voix, plus récente, plus douce, murmure autre chose : Garde-la. Elle est à toi maintenant. Ce mariage, c'est plus qu'un simple engagement, c'est une réussite. Posséder Adeola, c'est prouver que tu contrôles encore quelque chose dans cette vie. Ne la laisse pas partir, elle est ton trophée, un accomplissement sur un plateau de vainqueur .

Elle murmure à mon ego, flatte ce besoin de contrôle qui gronde en moi, et cette idée, bien qu'amer, a quelque chose de séduisant.

Puis, il y a cette troisième voix, bien plus familière. Celle qui porte l'ombre de mon père : Si tu la perds, tu perds plus qu'une femme. Tu perds le respect, l'alliance, tout ce que ce mariage symbolise pour la famille. Tu ne peux pas te permettre cet échec, Ryan.
C'est la voix de la responsabilité, celle qui me rappelle que mon nom et mon avenir sont en jeu que je ne peu pas me le permettre.

Enfin, il y a cette vieille voix, celle qui n'a jamais vraiment disparu . Depuis le premier jour où je me suis soumis à ce mariage : Tu t'étais promis de vivre seul. Tu n'es pas fait pour être à deux , ni pour ce genre de vie. Après Emilliana, tu as juré de ne plus jamais t'attacher et ne le fait surtout pas . Son compte à rebours est lancé depuis un moment.

Elle chuchote avec une froideur qui me glace toujours, me ramenant à cette promesse que je me suit faite forger par la douleur.

Les voix se heurtent, se chevauchent, me tirent dans toutes les directions. Elles s'entrelacent jusqu'à m'étouffer. Je vacille sous leur poids, piégé entre le besoin de contrôle, la responsabilité familiale, et cette promesse de solitude que je m'étais faite.

Mon frère rompt le silence, ses mots franchissant la distance qui nous sépare avec douceur

— Tu sais, ça ne t'a jamais traversé l'esprit qu'Emilliana aurait voulu que tu sois heureux ? lâche mon frère.

Son regard est empreint d'une compréhension silencieuse, une lueur d'inquiétude et de tristesse mêlées. Mais je le fixe, perplexe. Pourquoi tout le monde pense que c'est à cause d'Emy ?

— Je vais aussi au cimetière, tu sais. Chaque fois, je vois des fleurs et une bouteille là-bas. Tu continues d'y aller, non ? Tu l'aimais comme j'aime Solaya et je pourrais pas supporter non plus de la perdre ...... Peut-être, finis-je par murmurer, peut-être qu'Emilliana aurait voulu que tu sois heureux. Mais elle n'est juste pas la pour me le dire.

Je coupe court à ses propos.

— Qu'est-ce que tu essaies de dire, branleur ?

Il sourit, son regard plus calme.

— Ryan t'enfonces pas ,dit Lyan, doucement, comme s'il cherchait à ne pas briser le peu de calme qu'il voit en moi. Ce que tu ressens, ça ne disparaîtra pas comme ça, mais tu ne peux pas te perdre là-dedans . Et peut-être qu'  Adeola pourrait être ce qu'il te manque tant.

Je ricane .

— Qui t'a dit que j'avais des sentiments pour Adeola ?Elle m'a pas épouser non plus pour vivre une histoire d'amour , on le sait tous les deux.

— Tu ne vas pas me la faire à moi . Déjà t'es tombé sous son charme depuis cet ascenseur. T'as même pas eu a juste trébuché, tu t'es  écrasé.

   Un petit rire légèrement m'échappe malgré moi . Il n'a pas totalement tort. Si je me souviens bien, je l'avais déshabillée du regard ce jour-là. Et ce que j'ai vu hier... ça me hante encore..
   Je me perdis dans mes pensées un instant, ma main serrant le verre. Et merde, encore ces images qui tournaient en boucle dans ma tête. Je bus d'une traite le reste de mon verre.

— ... La preuve, tu sais même plus où te mettre depuis que papa t'a donné son ultimatum, hein ?

— Ferme-la, répliquai-je sèchement. Un verre d'eau.

Le barman s'approcha pour nous servir. Le club commençait à se remplir. Autour de nous, les lumières tamisées dansaient sur les murs tandis que le son des basses vibrait dans le sol, créant une ambiance électrique.

    Ce crétin n'avait pas totalement tort. Ces derniers temps, je faisais des choses qui allaient à l'encontre de tout ce que je croyais.

— ... En vrai, je sais pas comment m'y prendre avec elle, avouai-je, le regard fixé sur la surface de mon verre. Je sais pas si elle veut de moi ou si elle se sent obligée. Elle ne dit jamais rien, et ça me bouffe.

Mon frère se tourna vers moi, l'air plus sérieux. Il s'éclaircit la gorge avant de parler.

— Tu sais quel est ton problème, Ryan ? C'est que tu penses trop. Tellement que des fois, je me demande si tu respires encore.

Je fronçai les sourcils, l'observant. Il devait être complètement saoul pour sortir des trucs pareils.

— Me regarde pas comme ça, je dis pas que réfléchir c'est mauvais. La preuve, t'es un excellent vice-président, dit-il avec un clin d'œil. Mais des fois, il faut savoir lâcher prise.

— Ah, c'est pour ça que toi tu restes au poste de directeur ? raillai-je, un sourire en coin pour l'agacer.

— Va te faire foutre, Ryan ! Ce que je veux dire, c'est que concernant Adeola, arrête de trop réfléchir. Elle t'attire  ? C'est très simple, tu la veux, alors agis. Papa t'a même aidé à niquer tous les autres potentiels concurrents . Tu crois qu'il n'y avait pas des types sur les rangs avant toi ? Et maintenant, il doit encore y en avoir qui la surveillent de près. Mais elle est à toi, mec. T'es l'armure derrière elle. Alors prends tes couilles en main, séduis ta femme : cadeaux, sorties, compliments... tu fais tout dans les règles de l'art.

— C'est bon, j'ai compris. Pas besoin de te transformer en coach love , répondis-je en levant une main pour l'arrêter.

— Ouais, t'as intérêt à comprendre, insista-t-il en me fixant.

— Tu prends vraiment confiance, toi, non ? le taquinai-je, un sourire en coin.

— Bien sûr. Je fête bientôt mes dix ans de mariage. Tu crois vraiment que t'es à mon niveau ?

— Oh, c'est ça, fais du bruit. On en reparlera quand tu viendras chercher du réconfort chez moi, dis-je en me moquant.

Il éclata de rire.

— Réconfort ? Il faudrait déjà que t'en aies à offrir. La petite Adeola te nique déjà complètement !

Son rire devient contagieux, et je me mis à rire aussi. L'alcool aidait probablement à détendre l'atmosphère.

— Alors, les beaux gosses, vous fêtez quelque chose ? — demanda une voix mielleuse en se glissant entre nous.

— On est mariés, bouge , répondit mon frère sans même la regarder, en lui montrant sèchement son alliance.

La fille fait une moue dégoûtée avant de s'éloigner. Je ricane.

— Tu aurais pu lui dire qu'on fêtait notre anniversaire, dis-je en me penchant vers lui.

— Si tu veux, je te la rappelle. Et demain, je serai le premier à aider papa à faire déménager ta femme.

Je lève les mains en signe d'abandon, amusé.

— T'as oublié qu'Adeola me nique déjà entièrement .

Cette phrase nous fit éclater de rire tous les deux. Nos verres continuent de se vider à une vitesse inquiétante, et le barman, toujours attentif, vient les remplir sans poser de questions.

— Je suis pas sûr de pouvoir conduire pour rentrer, remarque mon frère en secouant la tête.

— Juste un rappelle si tu dors dehors . Demain, ce sera ta veillée funèbre, plaisante- je, le sourire aux lèvres.

— A qui tu le dis . Je vais lui envoyer un message avec plein de petits cœurs et de colombes pour qu'elle vienne me chercher, dit-il en sortant son téléphone.

Je sort également  le mien pour envoyer un message à Adeola, mais sans les cœurs et les colombes. Je me contentai d'un simple « S'il te plaît ». Elle répondit rapidement, et je lui envoyai l'adresse. Mon frère soupire  après avoir convaincu sa femme.

— C'est bon, elle arrive. On peut s'enchaîner tranquillement un dernier verre.

Il fait signe au barman, et nos verres sont de nouveau remplis.

— À nos putains de vies conjugales, déclare -ilt-il en levant son verre.

— À nos vies, réplique -je . Amuser .

On trinque avant de vider nos verres cul sec.

— Une dernière chose, Ryan, dit-il en me retenant d'un geste. C'est un conseil d'ami : mets fin à tes séances avec Alice et trouve un moyen d'en parler à Adeola.

Je le regarde , surpris.

— Tu veux ma peau ou quoi ?

— C'est tout le contraire. Crois-moi, les histoires de cul dans un mariage ne restent jamais enterrées bien longtemps. Je dis ça, je dis rien.

— Je vais essayer, répondis-je sans grande conviction.

On enchaîne un nouveau tour, l'ambiance devient de plus en plus floue sous l'effet de l'alcool.









Adeola.





Habillée d'un simple jean  et d'un pull léger, je regarde le taxi s'arrêter devant un club UP. Je règle rapidement la course en me demandant si je vais pouvoir rentrer. Ryan m'a juste dit de venir le récupérer, qu'il avait trop bu pour conduire. J'ai dû laisser la cuisine en plan, alors que je venais à peine de commencer à préparer le dîner.

Je suis partagée entre entrer ou l'appeler, quand une main se pose doucement sur mon épaule. Je sursaute avant de me retourner. C'est Solaya, qui tire la langue face à mon geste brusque.

— Mon dieu, merci ! dis-je, soulagée.

— Te voilà toi aussi, peste-t-elle. J'imagine qu'ils sont ensemble ?

Elle n'a pas l'air très contente à l'idée.

— T'es là pour aider... Lyan ? demandai-je, un peu hésitante.

— À qui le dis-tu ? se plaint-elle, en soupirant. Je savais qu'il allait me faire un coup tordu aujourd'hui, et merci mon Dieu que son anniversaire ne soit pas tous les jours de l'année, sinon je le tuerais.

Son anniversaire ??!! Je savais même pas moi. 

Elle est vraiment énervée.

— Ils ont juste bu quelques verres après le boulot, calme-toi, essayai-je de la rassurer.

— Quelques verres ? ricane-t-elle. Ils ne nous auraient jamais appelées pour deux ou trois verres. Allez, on y va.

Elle a raison. Ryan tient bien mieux l'alcool que moi. Je la suis jusqu'à l'entrée du club, où deux vigiles imposants, aussi massifs que des ours, bloquent le passage.

— Vous êtes mignonnes, les filles, mais vos tenues ne passent pas, dit l'un d'eux en nous barrant la route.

— J'en ai rien à foutre, réplique Solaya. Je ne viens pas pour danser.

— Oh, la sauvage ! s'esclaffe l'autre. T'es venue chercher l'homme de ta vie alors ?

— Comment t'as deviné ? Je suis là pour récupérer mon mec qui doit m'aider à border nos trois gosses, répond-elle, avec un sérieux qui les fait immédiatement taire.

Solaya peut paraître douce de prime abord, mais plus on la connaît, plus on sait qu'il vaut mieux éviter de la contrarier.

— Vous êtes sûres ? demande l'un des vigiles, sceptique.

Je lève la main pour leur montrer mon alliance, et Solaya fait de même. À contrecœur, ils nous laissent passer. L'intérieur du club est plus luxueux que l'extérieur, avec des tables élégantes, une piste de danse éclairée par des lumières tamisées. Je n'ai pas le temps d'admirer plus longtemps la décoration, car Solaya me tire par la main jusqu'au bar. Ils sont là, tous les deux, un large sourire aux lèvres.

Ce n'était pas juste deux verres, pensais-je.

Lyan attire Solaya par la taille en criant des « Mon amour ! » auxquels elle répond qu'elle sera son cauchemar demain matin. Je m'approche de Ryan. Il me sourit et me fait signe de m'asseoir à côté de lui sur un tabouret vide. À peine assise, il pose sa tête sur mon épaule.

C'est étrange. Ryan n'est jamais aussi vulnérable.

— Merci d'être venue, murmure-t-il, en prenant une profonde inspiration.

Il doit être ivre, car je ne l'ai jamais vu aussi détendu, lui qui est toujours maître de tous .

— Vous êtes là pour les récupérer ? demande la barmaid, amusée. Ce sont les clients les plus intéressants que j'ai eus depuis longtemps.

Elle semble ravie de leur présence. Peut-être ont-ils laissé une addition généreuse.

— Qu'est-ce qu'ils ont fait ? demande Solaya, en s'installant dans les bras de Lyan.

— Eh bien, celui-là, dit-elle en pointant Ryan, a parlé de ses problèmes conjugaux. Et l'autre lui a donné des conseils.

Des problèmes conjugaux ? me demandai-je en tournant la tête vers Ryan, surprise.

— Tu dois te tromper, intervient Solaya. Pour les problèmes, c'est celui-là, et pour les conseils, c'est l'autre. Ils fonctionnent toujours comme ça.

— Pas aujourd'hui, renchérit la barmaid, un sourire en coin.

— Ferme-la, grogne Ryan, en levant la tête.

Elle lève les bras en signe de reddition et s'éloigne, nous laissant seuls.

— Comment s'est passée ta journée ? me demande-t-il, la tête toujours posée sur mon épaule.

— Bien, répondis-je, un peu perdue par son comportement.

Je remarque que son verre est vide et que sa veste est posée sur la table. Je la prends et la place sur mes cuisses pour éviter qu'elle ne tombe. Il pose sa main sur la mienne, y déposant son téléphone, ses clés de voiture et son portefeuille. Il a vidé ses poches.

— On rentre, j'ai sommeil, murmure-t-il à mon oreille..

  Je jette un coup d'œil à Solaya, qui semble exaspérée par les déclarations d'amour incessantes de Lyan. Ils sont taquins habituellement, mais ce soir, c'est plus intense. Ryan retire sa tête de mon épaule, et je me lève. Je prends sa main, et on se dirige vers la sortie. À l'extérieur, je cherche sa voiture qu'il m'indique du regard, garée plus loin dans le parking bondé de voitures luxueuses.

Près de leurs voitures garées côte à côte, les jumeaux échangent un poignet de main, se souhaitant joyeux anniversaire et se promettant de mourir ensemble. Cette partie de leur déclaration est moins émouvante que le reste.

Je déverrouille la voiture et monte en même temps que Ryan. Une fois assis, j'attends qu'il boucle sa ceinture. Il s'endort à peine avons-nous passé le premier feu rouge, emporté par l'alcool qui semble avoir une étrange emprise sur lui ce soir.

Arrivée à la maison, je coupe le moteur, puis me penche pour défaire sa ceinture. Dans un demi-sommeil, il descend lourdement de la voiture, s'étire et grimpe lentement les escaliers sans un mot. Je le laisse monter pendant que je m'affaire à ranger la cuisine, décalant sans regret le dîner prévu. Une kit d'antidote contre la gueule de bois dans la main, je monte à sa suite.

Dans la chambre, il s'est déjà débarrassé de ses chaussures et de sa chemise, étalé sur le ventre, son corps immense occupant presque tout le lit. Je soupire, prenant une grande inspiration avant de m'approcher.

— Ok, tu vas boire ça, murmuré-je, sinon demain, tu ne vaudras pas grand-chose.

Je monte sur le lit et secoue légèrement son bras. Ses paupières s'ouvrent à peine, mais il s'assoit face à moi, docile, buvant la fiole sans broncher. Une fois fini, il me tend le flacon vide. Je me prépare à quitter le lit lorsque ses bras me happent soudainement, m'attirant contre lui avec une force désarmante. Mon dos se retrouve collé à sa peau brûlante.

— Ryan... ça va ? demandé-je, la voix hésitante.

— Oui... maintenant, ça va mieux. Tu m'as tellement manqué, chuchote-t-il, sa voix alourdie par l'alcool et la fatigue.

Je reste figée, incapable de trouver une réponse ou une explication. Je ne sais pas si « manquer » est un mot qui m'est destiné . Son souffle chaud caresse la nuque, déclenchant en moi un frisson involontaire.

Il doit délirer... ou c'est l'alcool qui parle.

_ "Ndisakuthanda yazi... kodwa umkile... ndenze ububhanxa noAlice, yinyani leyo... but I hope wonwabile... ndadibana nomfazi omhle kakhulu... waba ngumfazi wam... emhle kakhulu...

Il murmure des mots dans sa langue maternelle, des phrases dont je ne comprends que des fragments : « Femme... heureux... jolie » . Mes connaissances sur sa langue reste encore médiocre.

Je perçois l'écho d'un rire léger, presque enfantin, s'élevant de sa gorge.

Un rire rare qui résonne étrangement agréable dans le silence de la chambre.

Son corps à moitié nu contre le mien irradie une chaleur qui trouble mes sens.
J'aurais dû garder mon pull...

Je me crispe sous le poids de ses bras et la chaleur qui s'infiltre sous ma peau. Mes cuisses se serrent instinctivement tandis que sa barbe effleure ma nuque, provoquant une vague de picotements.

Seigneur, aide-moi à m'échapper.

Je libère ma main de la fiole vide et tente de me dégager de son étreinte, mais cela ne fait que renforcer sa prise. Ses bras m'enserrent davantage, et il murmure des mots à peine audibles. Je n'attrape qu'un seul mot, un nom : Emmy ou Amy

—Ryan... Ryan... Ryan, l'appelai-je à plusieurs reprises, mais sans succès. 

Il dort profondément, son souffle régulier contrastant avec le tumulte qui secoue mon esprit. Mon rythme cardiaque s'accélère, ma respiration devient irrégulière.

Les picotements de sa barbe sur ma peau me rendent nerveuse , me trouble et  m'ébranle plus que je ne voudrais l'admettre. Je pousse légèrement sur mes jambes pour tenter de glisser hors de ses bras, mais je me fige en ressentant quelque chose contre mes fesses.

Dis-moi que ce n'est que son téléphone que je viens de toucher ou sentir.....je sais même plus....

Mon corps se tend violemment, et je déglutis avec difficulté. Mais ma mémoire me trahit : Il m'a donné son téléphone avant même de monter dans la voiture.

Oui... C'est là toute la cruauté de l'esprit humain. Mon corps ne m'obéit plus, et je déglutis à nouveau.

Son corps contre le mien, son parfum boisé mêlé à l'odeur de l'alcool enivre mes sens, m'envahissant. Je reste immobile, incapable de bouger ne serait-ce qu'un muscle. Mon esprit me crie de me sortir de la , mais mon corps, paralysé par des sensations contradictoires, refuse de m'obéir.
À l'intérieur de moi , une  guerre intérieure fait rage en moi, et je ne suis qu'une spectatrice impuissante








Ryan.



Mes paupières s'ouvrent doucement, et je m'extirpe d'un rêve flou, agréable mais déjà disparu de ma mémoire. Foutu alcool... Ce n'est pas la première fois que je me réveille ainsi. Mon regard se pose sur la chambre, baignée de lumière. Ça faisait combien de temps que je n'avais pas dormi dans une pièce éclairée ? L'armée m'a conditionné à ne pouvoir fermer l'œil qu'avec l'obscurité totale. Dormir dans le noir est devenu une habitude, une nécessité.

Une douce odeur de karité flotte dans l'air, me ramenant brutalement à la réalité. Mes yeux s'écarquillent en prenant conscience de la situation : Adeola est blottie contre moi. Mes bras l'entourent, la serrant délicatement contre mon torse. Son souffle est calme, régulier, elle dort encore profondément. Avec précaution, je retire mes bras de son corps pour ne pas la réveiller et glisse hors du lit.

Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour qu'on en arrive là ? Je ramasse ma chemise, abandonnée sur le sol, et me dirige vers la salle de bain, cherchant désespérément des réponses dans l'éclat froid du miroir. Après une douche prolongée, je sors discrètement de la chambre, fermant doucement la porte derrière moi. Il est encore tôt, à peine l'aube, mais elle ne tardera pas à se réveiller. Moi, comme d'habitude après une grosse cuite, j'ai faim.

En descendant les escaliers, je remarque que toutes les lumières de la maison sont restées allumées. Inhabituel. Adeola n'aurait jamais laissé ça ainsi, même épuisée. Quelque chose m'échappe. Je me demande, inquiet, ce que j'ai pu faire la nuit dernière. Une vague d'angoisse monte, mais je l'ignore, me concentrant sur le présent.

En entrant dans la cuisine, je trouve des ustensiles et des ingrédients éparpillés sur l'îlot central. Elle cuisinait avant de venir me chercher, visiblement. Je range ce que je peux, puis me prépare un café fort. Je sors quelques œufs, du bacon et du pain pour un rapide petit-déjeuner, mais cela ne suffit pas à combler ma faim. Alors je fouille le frigo et improvise des wraps avec ce que je trouve, essayant de chasser mes pensées confuses.

Alors que je mord dans mon wrap, une petite boule de poils se frotte contre mes pieds : Minou, ce chat impertinent qui squatte ma maison avec une arrogance silencieuse. Il me fixe de ses grands yeux ronds, presque suppliants. Ça me prend par surprise.

— Je savais pas que tu pouvais faire ces yeux-là, dis-je en souriant, amusé.

Il miaule, une réponse féline pleine de reproches, et continue de se frotter à mes jambes en miaulant de plus belle. Il a faim, lui aussi. Je dépose mon assiette, me dirige vers le tiroir qu'Adeola utilise pour ranger ses friandises, et en sors un sachet. J'en verse une portion dans sa gamelle au sol.

Sans même un merci, Minou m'abandonne pour aller se régaler. J'essaie de lui caresser le dos, mais il hérisse immédiatement ses poils, grondant en retour. Voilà, tout est revenu à la normale.

— Si ma femme ne t'aimait pas, je t'aurais foutu dehors depuis longtemps, grommelle je avant de retourner à mon assiette, toujours en quête d'une réponse à cette nuit floue.


NDA : je veux entendre tous vos ressentis et vos impressions ?
La discussion des jumeaux aurait t'il servis à quelque chose ?
  Comment interpréter vous les sentiments actuel de Ryan et Adeola ?

Comme la dernière était un peu trop court et Alice m'a supplié de ne pas vous laisser la critique pendant toutes une semaine voilà ( critiques le responsable)

Bonjour avec un chapitre bien long , cette fois ci
Et désolé s'il y'a peu été des fautes 😓😓

Bye mes 🤎stars ⭐️

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