Chapitre XXXVI : Saveurs inattendues

( démarrez la vidéo et détendez vous. Bonne lecture)

Acte 3 :  Vers l'inattendue......




Le désir est une tension douce et cruelle, un souffle qui éveille autant qu'il tourmente .  Simone de Beauvoir






Adeola.






— Tu n'imagines même pas à quel point j'ai été choquée en regardant toutes les vidéos de cette fille, s'exclame Kindia. Ce qui me bouleverse le plus, c'est que ce sont des gens réels qui ont vécu ça !

Dans la soirée, Kindia et moi étions tombées sur un compte TikTok dénonçant les traumatismes postnatals subis par certaines femmes, souvent infligés par leurs proches ou leur mari. Les récits étaient aussi glaçants que indignants.

— Même moi, j'ai eu la chair de poule, rétorque-je en serrant mon gilet contre moi. Il y a des niveaux à la méchanceté, mais ça, c'est au-delà.

— Ce n'est plus de la méchanceté, c'est de la pure cruauté ! s'exclame Kindia en frissonnant. Brrr... rien qu'à y penser, j'ai encore des frissons !

— Peut-être que c'est à cause de ta sublime manche courte, intervient TBG, qui était resté silencieux depuis le début de notre visionnage.

Nos regards se croisent, aussi noirs que les cieux d'un orage imminent, et il comprend immédiatement qu'il a franchi une limite.

— Pardonnez-moi, je ne suis qu'un humble brebis égaré, ajoute-t-il d'un ton dramatique.

Sa réplique nous arrache un rire malgré nous, juste au moment où nous passons la porte vitrée pour quitter l'immeuble. L'air frais de la nuit me fouette le visage, me faisant frissonner, mais je m'y habitue rapidement.

— Franchement, TBG, tu as de la chance, sinon je t'aurais arraché les testicules pour venger ces femmes, lance Kindia en croisant les bras sur sa poitrine.

— Et moi, je serais allé dans le bureau de la directrice pour dénoncer vos escapades sur Internet pendant les heures de travail, réplique-t-il en souriant.

Kindia ouvre la bouche pour riposter, mais je la devance :

— Ne t'en fais pas, Mary. Demain, s'il ne trouve plus son bol de céréales, il ira directement pointer dans le bureau de Madame Reba.

Nous éclatons de rire, échangeant une tape complice. Mon téléphone vibre dans ma main. Je le regarde : c'est Ryan. Un sourire se dessine sur mes lèvres, doux et incontrôlable. Mon regard balaie le trottoir, et je remarque sa voiture garée devant l'immeuble.

Un sourire involontaire étire mes lèvres alors que je descends les marches. Kindia et TBG, encore occupés à se chamailler, ne remarquèrent pas mon absence.

— À demain ! lançai-je en leur faisant un signe de la main.

— À demain, répondit Kindia, le regard empreint de curiosité

Descendant les marches à la hâte, je m'arrête un instant pour reprendre mon souffle, lissant ma tenue de mes mains nerveuses. Quand je m'approche de la voiture, la portière côté passager est déjà entrouverte, comme si elle m'attendait. Une odeur familière m'accueille dès que je pousse la portière : son parfum. Un mélange de musc et de cèdre qui m'enveloppe immédiatement. Ses yeux, sombres et perçants, sont déjà fixés sur moi.

— Bonsoir, Darling, me salue-t-il d'un ton bas et chaleureux tandis que j'attache ma ceinture.

— Bonsoir, Ryan, murmuré-je, presque inaudible.

Il remet la voiture en marche, et une musique douce se fait entendre, créant une ambiance apaisante.

— Tu as faim ? me demande-t-il, arrêtant le véhicule à un feu rouge.

Je secoue la tête. Il est à peine 19 heures.

— Je te préviens, tu ne pourras pas cuisiner ce soir. On risque de finir très tard là-bas.

— Je survivrai, le rassuré-je en croisant mes bras.

Il hausse les épaules avant de reprendre la route. Le silence qui nous enveloppe est confortable, presque intime. Il finit par se garer dans un grand parking ouvert. Je récupère mon téléphone dans mon sac, hésite un instant, puis le glisse dans la poche de mon pantalon avant de descendre.

En faisant le tour du véhicule, je viens naturellement poser ma main autour de son bras, un geste familier entre nous. Nous avançons vers l'entrée du musée national, qui accueille ce soir un salon de l'immobilier.

— Ouvre grand les yeux, murmure-t-il près de mon oreille.

Un frisson parcourt ma nuque. Je lève légèrement les yeux vers lui avant de hocher la tête. Nous sommes ici pour repérer une entreprise remplaçante pour un projet balnéaire sur lequel il travaille.

— Mes heures supplémentaires sont payées, le préviens-je avec un sourire en coin.

— Je paie toujours mes dettes, réplique-t-il en me jetant un regard malicieux.

Je pince doucement son bras, consciente que son esprit doit déjà être en train de formuler des pensées salaces.

— Garde tes ongles pour autre chose, me chuchote-t-il, amusé.

Je détourne les yeux, rougissant légèrement, et me concentre sur le flux de personnes qui entrent avec nous. Un homme en costume impeccable nous aborde presque immédiatement, proposant une réévaluation ou une acquisition immobilière.

Ryan décline poliment, et nous nous mêlons à la foule. Des couples émerveillés s'arrêtent devant des maquettes illuminées, des professionnels expliquent avec passion les innovations en architecture, et des designers présentent les dernières tendances avec des gestes précis et gracieux.

— Alors, tu vois quelque chose qui t'intéresse ? demandai-je en feignant l'indifférence.

— Franchement, pas trop. C'est toi l'experte de nous deux, répond-il en haussant les épaules.

Je me mords la lèvre inférieure, réalisant que je vais devoir m'investir plus que prévu ce soir. Mais je me console en me rappelant que je rends simplement un service à Ryan, qui s'est toujours montré prévenant avec moi.

— Je t'aide juste pour ce soir, préviens-je.

— D'accord, concède-t-il sans protester.

— Quelles sont les entreprises présentes ici qui ont des liens avec Record Industriel ?

Ryan jette un regard vers un stand devant nous, celui d'un fabricant de peinture. Je lui fais signe que nous devrions aller voir, ne serait-ce que pour évaluer la concurrence.

— Admire les professionnels à l'œuvre, lancé-je avec un sourire taquin.

Ryan me jette un regard intrigué mais me suit sans un mot. Plus on s'approche du stand de peinture, plus une odeur âcre de peinture fraîche et de vernis sature l'air. Ce parfum chimique me chatouille les narines et m'arrache un léger froncement de sourcils. L'espace est baigné d'une lumière vive, des spots stratégiquement placés faisant scintiller les pots de peinture aux couleurs vibrantes. Les murs immaculés autour de nous amplifient cette explosion visuelle.

Les teintes exposées s'étendent du bleu cobalt profond à des gris perle délicats et des blancs éclatants. Certains pots sont entrouverts, laissant apparaître une matière crémeuse et brillante sous les néons. L'atmosphère est studieuse, presque intimidante, jusqu'à ce qu'un représentant en costume impeccable s'avance vers nous, un sourire figé sur les lèvres.

— Bonsoir. Souhaitez-vous découvrir nos dernières innovations en peinture écologique ? Cette gamme améliore l'isolation et réduit l'humidité.

Mon regard glisse vers Ryan, qui reste impassible. Ses yeux le détaillent rapidement, comme s'il évaluait la moindre faille dans son discours.

— Montrez-moi les spécifications techniques, dis-je d'un ton neutre mais déterminé. Je préfère des faits à des promesses.

Le représentant, visiblement un peu déstabilisé, hoche la tête avant de s'éclipser pour revenir avec des documents. Autour de nous, des murmures feutrés s'élèvent. Des couples discutent à voix basse, tandis que le bruit des talons et des chaussures sur le sol en marbre résonne, renforçant l'impression d'opulence qui règne ici. Une légère brise s'infiltre par une porte entrouverte, contrastant avec l'atmosphère légèrement étouffante du bâtiment.

Je jette un coup d'œil à Ryan. Il est absorbé par une brochure qu'un autre représentant lui tend. Son visage, indéchiffrable comme à son habitude, reste concentré, mais je détourne rapidement les yeux lorsque le premier représentant revient avec des fiches détaillées et des échantillons de teintes.

— Tu prends ça vraiment à cœur, souffle soudain Ryan près de mon oreille, sa voix basse et amusée. Je ne pensais pas que quelqu'un pouvait être aussi sérieux pour de la peinture.

Je relève la tête vers lui, mon regard croisant le sien. Ses yeux, habituellement froids, semblent s'adoucir un instant, et un sourire espiègle effleure ses lèvres.

— Je préfère être informée avant de faire des choix, rétorqué-je calmement. C'est pour le travail, après tout.

Il incline légèrement la tête en signe d'approbation, mais sa posture décontractée me pousse à soupirer intérieurement. L'odeur omniprésente de peinture commence à me donner un léger tournis, tandis que l'air vif dans l'espace clos me pique les joues.

Alors que le brouhaha autour de nous s'intensifie, je fais un pas de plus vers lui, mon bras frôlant légèrement le sien.

— C'est quoi le stand suivant ? demandé-je pour couper court à cette tension étrange qui s'installe.

Il me fixe un instant, comme s'il pesait sa réponse, avant de pointer du doigt un stand plus loin.

— Celui-là, répond-il simplement, ses yeux me scrutant avec une pointe de malice.

Je souris, à la fois nerveuse et curieuse, une vague de nostalgie m'envahissant. Ce genre d'événement me rappelle les sorties avec Ife, lorsque nous rêvions de projets grandioses à Lagos.


Ryan.







Du haut de son mètre soixante et quelques poussières, ma femme arpente les stands avec une allure naturelle, presque nonchalante, mais terriblement efficace. À chaque fois que je lui indique une entreprise affiliée, elle s'avance avec un sourire poli, se présente sous son nom de jeune fille , Olami , une habitude qui évite tout soupçon chez ses
interlocuteurs — et entame une conversation fluide. Elle accepte les cartes de visite avec grâce, pose des questions précises sur leurs produits, demande des échantillons si besoin, ou prend quelques photos avec une discrétion étudiée.

Ce qui m'amuse le plus, c'est qu'elle semble sincèrement s'amuser dans son rôle d'espionne improvisée. Je me demande combien de fois elle a répété ce genre de manège pour savoir exactement quoi dire et comment le dire. De mon côté, je garde mes distances, juste assez près pour rester à portée d'observation, mais pas trop pour éviter d'être reconnu.

Quand elle revient vers moi après avoir poliment pris congé d'un énième gérant, son regard pétillant me tire un sourire malgré moi.

— Il y a encore un autre ? demande-t-elle, légèrement essoufflée mais visiblement satisfaite.

Je balaye l'espace d'un regard rapide. La plupart des stands affiliés sont déjà cochés dans nos objectifs. Mais mon attention s'attarde sur son visage, illuminé par une lumière tamisée. Son maquillage léger est un équilibre parfait entre élégance et discrétion, soulignant subtilement ses traits délicats.

— La plupart, réponds-je d'un ton presque distrait, mes pensées encore accrochées à elle.

Mais mes mots s'étranglent dans ma gorge lorsque je repère, à quelques mètres, la directrice de Record Industrie, accompagnée de son équipe. Sa silhouette fine fend la foule avec une assurance naturelle. Nos regards se croisent brièvement, et je détourne le mien aussitôt, espérant qu'elle passe son chemin , mais c'est trop tard.

— La direction de Record Industrie, droit devant, murmuré-je en guise d'avertissement.

Elle se retourne à son tour et remarque la femme d'une quarantaine d'années qui s'avance déjà vers nous, un sourire professionnel figé sur les lèvres.

— Quelle surprise ! lance-t-elle d'une voix chaleureuse mais teintée d'une condescendance à peine voilée. Je ne m'attendais pas à croiser l'un des diamants les plus polis de cette ville ce soir. Les expositions vous plaisent, j'espère ?

Je serre la main qu'elle me tend, s'efforçant de masquer mon agacement. Il y a quelque chose chez elle qui m'insupporte, peut-être son assurance écrasante.

— Cela va sans dire, répondis-je avec une courtoisie mesurée.

— Vous me ravissez, renchérit-elle en se tournant vers ma femme. Vous êtes bien l'héritière des Olami, n'est-ce pas ?

Je perçois l'ombre d'une perplexité sur le visage d'Adeola avant qu'elle ne saisisse la main tendue avec un sourire parfaitement maîtrisé.

— Ravie de vous rencontrer, Madame...

— Solen. Appelez-moi Solen, corrige-t-elle rapidement, une lueur d'irritation dans le regard.

Je devine que son ego a été légèrement piqué. Dominer l'immobilier depuis des décennies et devoir encore se présenter devant une jeune femme d'à peine vingt ans doit la contrarier plus qu'elle ne le laisse paraître.

— J'espère que vous passez une agréable soirée. N'hésitez pas à venir nous voir de ce côté-ci, conclut-elle en indiquant un stand avant de s'éloigner avec sa suite.

— J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? demande Adeola, visiblement déconcertée.
Je me penche légèrement pour déposer un baiser rapide sur son front, dissimulant mon sourire.

— Tu n'as rien fait. Tu as été parfaite.

Elle hausse les épaules, sceptique, mais un éclat satisfait illumine ses yeux. Tandis que nous nous dirigeons vers la sortie, elle me glisse un regard curieux.

— Alors, c'est quoi la prochaine étape ? Vu que je ne profites de mon professionnalisme que ce soir ?

Je lui ouvre la portière et l'aide à monter avant de faire le tour pour prendre place au volant.

— Il faudra leur faire une offre. La plupart d'entre eux ne sont que de petits industriels sous la coupe de Record Industrie.

— Ton idée serait de les employer directement ?

J'acquiesce en silence, réfléchissant. Rencontrer directement les artisans a du sens. La perspective d'ajouter quelques zéros à leur chiffre d'affaires peut suffire à convaincre n'importe qui. Je devrai en parler à mon père, peut-être demain.

Un mouvement à mes côtés attire mon attention. Elle pianote sur son téléphone, un air concentré sur son visage.

— Qu'est-ce que tu as envie de manger ? lancé-je pour briser le silence.

Elle lève les yeux vers moi, réfléchissant un instant, ou hésitant peut-être.

— Dis ce qui te fait envie, insista-je.

— Une sauce efo riro avec de l'akassa comme accompagnement, finit-elle par répondre avec un petit sourire malicieux.

— C'est quoi ?

Elle rit doucement,avant de pianoter sur son écran et met montre une photo du menu.

— C'est des plats de chez toi, non ? demandai-je, curieux.

Elle hoche la tête.

— Alors fais-moi découvrir, proposé-je, un sourire en coin.

Son visage s'illumine d'un sourire éclatant, et je sens mon propre sourire naître en réponse. Tandis que je reprends la route, un étrange sentiment d'impatience monte en moi. L'idée de rentrer chez nous, là où tout est calme et où il n'y a qu'elle et moi, devient soudainement irrésistible.

À peine entrés dans le salon, son attention m'échappe aussitôt, détournée par ce chat qui descend les marches en toute hâte. Elle abandonne ses talons à l'entrée et s'agenouille pour le prendre dans ses bras, son visage illuminé d'un sourire attendri.

— Maman t'a manqué, Minou !

Le chat répond par un miaulement sonore tandis qu'elle le caresse avec affection. Ils s'éloignent vers la cuisine, complices, me laissant seul dans l'entrée. Je me déleste de mes chaussures, que je range soigneusement dans le placard, puis de ma veste, de ma cravate et de mes boutons de manchette. Je retrousse mes manches avant de les rejoindre.

Dans la cuisine, une casserole repose déjà sur une plaque allumée. Le chat, installé près de sa gamelle, ronronne de satisfaction alors qu'elle lui verse une généreuse portion de croquettes. Son agilité naturelle se manifeste dans chacun de ses gestes, alors qu'elle ouvre tiroirs et réfrigérateur, sortant des épices, du poisson fumé et d'autres ingrédients.
Je dépose mes affaires sur un coin de l'îlot et enlève ma montre.

— Tu n'aurais pas besoin d'un peu d'aide ? proposé-je.

Elle secoue vivement la tête, un sourire espiègle aux lèvres.

— Je croyais avoir prouvé mes talents en cuisine, ajouté-je, faussement étonné.

Elle se retourne brièvement, me tire la langue avec un éclat de malice, puis me tourne à nouveau le dos. Tandis qu'elle s'active à l'évier, lavent des légumes, mes yeux glissent malgré moi sur sa silhouette. Son pantalon épouse ses courbes avec une élégance naturelle, et ses longues tresses dansent légèrement à chacun de ses mouvements. Une chaleur familière monte en moi, et je détourne le regard pour ne pas céder à mes pensées.

— Tu veux aussi voir ma langue, Darling ? dis-je avec un sourire provocateur.

— Sans façon, répond-elle en se retournant, les bras chargés de légumes.

Elle les dépose dans le mixeur et l'active, laissant le vrombissement remplir la pièce. Une vapeur douce s'élève de la casserole, diffusant des arômes prometteurs.

— Si tu veux m'aider, tu vas devoir être sérieux, lance-t-elle en éteignant le mixeur.

— Je suis un homme sérieux, affirmé-je avec assurance.

Elle roule des yeux, exaspérée mais amusée.

— D'accord, concède-t-elle. Découpe finement ces feuilles, puis occupe-toi du poisson fumé.

— À vos ordres, chef !

Elle me tend une planche à découper et un couteau. Tandis que je m'attèle à la tâche, elle s'affaire de son côté, mélangeant une pâte blanche qu'elle incorpore petit à petit dans une casserole d'eau bouillante. Son visage est concentré, chaque geste précis et calculé, comme si elle exécutait une chorégraphie bien rodée.

Je finis de découper les feuilles, puis m'attaque au poisson, retirant minutieusement les arêtes. Quand je relève la tête, je surprends son regard posé sur moi. Ce moment d'attention, où ses yeux me scrutent sans détour, éveille en moi un sentiment de plénitude que je n'aurais jamais cru possible.

— Qui t'a appris à cuisiner ? demande-t-elle finalement.

Je souris tout en me lavant les mains.

— Darling, je ne sais pas cuisiner.

Elle lève les yeux au ciel, résignée.

— Et après, c'est pour me reprocher de te sous-estimer, soupira-t-elle.

Elle verse les feuilles dans une autre casserole et reprend ses préparatifs.

— J'ai appris les bases à l'armée, dis-je en haussant les épaules, puis je me suis perfectionné à l'université. J'étais le cuisinier principal de mon dortoir.

Elle esquisse un sourire amusé.

— Tu as étudié où ?

— Une partie à New York, une autre à Londres.

— Ça n'a pas dû être de tout repos, commente-t-elle avec compassion.

Je sens qu'elle se méprend sur mon parcours universitaire, mais je préfère laisser ce chapitre fermé.

— Et toi ? Où as-tu étudié ?

— À Lagos, toute ma vie, répond-elle avec simplicité.

— Ton père voulait déjà te préparer à sa succession ?

Elle hésite, et son ton devient neutre, dépourvu d'émotion.

— Je dirais plutôt qu'il voulait garder un œil sur moi.

Je perçois l'ombre qui traverse son regard, la même qui apparaît chaque fois que notre conversation s'oriente vers sa famille. Une part de moi veut détourner le sujet, mais l'autre cherche désespérément à la comprendre, à connaître ce qui se cache derrière ses silences.

— Tu sais que tu ne pourras pas écrire des articles de magazines toute ta vie ? dis-je finalement.

Je regrette mes mots dès qu'ils franchissent mes lèvres. Elle me jette un regard triste, puis retourne à sa casserole, masquant son expression derrière un sourire de façade.

— Je sais, murmure-t-elle. Mais c'est la première fois que je fais quelque chose de ma propre initiative.

Ces mots me frappent. Un mélange de fierté et de tristesse m'envahit.

— Je te laisserai le faire, aussi longtemps que cela dépendra de moi, promet-je doucement.

Son sourire éclatant me désarme. C'est dans ces instants que je réalise à quel point elle transforme les tâches les plus simples en moments précieux.

— Attention ! s'exclame-t-elle soudain, me tirant de mes pensées.

Elle renversa les feuilles à moitié cuites dans une passoire, laissant l'eau s'écouler en ouvrant le robinet. Les feuilles molles se tassaient sous le flot tandis qu'elle les remuait légèrement.

— Je peux te poser une question ? demanda-t-elle en retournant près de la plaque.

J'hochai la tête sans un mot, intrigué par sa voix hésitante.

— Pourquoi... pourquoi m'as-tu laissé le choix ?

Je fronce les sourcils, déconcerté. De quel choix parlait-elle ? Devant mon silence, elle poursuivit :

— Au début... expliqua-t-elle, hésitant encore, j'étais déjà au courant que je devais travailler avec toi, mais...

— Je ne voulais pas que tu envahisse mon espace, répondis-je simplement, ni mon quotidien. Je voulais que tu demeures une étrangère dans ma vie.

Ma voix était calme, honnête. Je lui avais promis d'être transparent, et pour moi, être honnête avec quelqu'un, même lorsqu'on ne l'estime pas pleinement, était une forme de respect. Elle laissa échapper un léger "je vois", puis le silence tomba à nouveau, seulement troublé par le bruit discret de la sauce qui bouillonnait dans la casserole.

Je repris après une courte pause :

— Le mariage peut être une expérience traumatisante s'il n'est pas consenti. Je ne voulais pas t'ajouter un fardeau de plus à porter.

Ses doigts frôlèrent le plan de travail, hésitants.

— Et maintenant ?

Sa question me prend de court. C'était comme un choc électrique qui me traversa tout entier. Ses grands yeux marron ne quittent pas les miens. Leur profondeur semblait vouloir sonder mon âme.

Sans réfléchir dans un mouvement rapide, mes bras se tendent et, en un instant, je me retrouve à sa hauteur, presque au-dessus d'elle, mon corps frôlant le sien. Je place mes mains fermement de chaque côté d'elle, l'empêchant de m'échapper , me rapprochant de plus en plus, attiré par sa présence comme un magnétisme irrésistible. Elle redressa légèrement la tête, ses traits marqués par une attention désarmante .

Je murmure :

— Maintenant ? répétai-je doucement, ma voix grave résonnant entre nous. Maintenant, j'ai envie de te connaître. J'ai envie de devenir pleinement ton mari, même si ce n'est que pour une courte durée. Je suis prêt à prendre le risque.

Mon cœur battait si fort qu'il résonnait jusque dans mes tempes. L'envie d'aller plus loin, de goûter à ses lèvres, était dévorante. Chaque détail d'elle me captivait : sa peau ébène éclatante sous la lumière des lustres, ses lèvres pleines à la teinte naturelle, rougies par un soupçon de nervosité.

L'envie de l'embrasser monte, déferlant en moi avec une intensité que je ne peux plus ignorer. Une chaleur envahit mon corps, irradiant de mes veines à chaque pulsation.

Je m'approche encore, mon souffle se mêlant au sien, tandis qu'un courant d'excitation traverse ma poitrine.

Elle ne bouge pas, ses grands yeux toujours rivés sur moi. Mes yeux glissent vers ses lèvres légèrement entrouvertes, puis vers la courbe élégante de son cou ébène. Je sens son parfum, subtil et enivrant, qui achève de brouiller mes pensées.

— Tu me permets ? — murmurai-je avant de plonger mon visage dans son cou.

Elle ne bouge  toujours pas, et ce silence fut la seule approbation dont j'avais besoin. Mes lèvres effleurèrent sa peau chaude, lui arrachant un petit cri, doux, presque étouffé.

Sa main se pose contre mon torse, ses doigts s'accrochant instinctivement à ma chemise, non pas pour me repousser, mais pour trouver un équilibre dans ce moment où tous lui échappe .

Je dépose mes lèvres avec une infinie délicatesse sur sa peau, savourant sa douceur soyeuse et sa légèreté aérienne. Son goût subtil, empreint de chaleur, se mêle à son parfum envoûtant, une fragrance à la fois familière et enivrante, qui semble s'imprimer dans ma mémoire à chaque instant.

Ma main glisse doucement , l'attirant encore plus près, comme si la chaleur de nos corps ne suffisait pas.Mon bras s'enroula autour de sa taille pour l'attirer encore plus près. Son souffle s'accélère , ses gémissements étouffés résonnant doucement à mes oreilles.

— Uhm... lâcha-t-elle, comme si elle luttait contre elle-même.

Ce simple son déclencha une nouvelle vague de désir en moi, me consumant entièrement. Je continuai à parsemer son cou de baisers, lentement, savourant chaque frisson qui parcourait son corps sous mes lèvres.

Mon corps s'échauffe, mon contrôle près à vaciller .Quand je me redressai, elle était déboussolée, son regard perdu dans un cocktail d'émotions : confusion, fièvre, désir...

Ses joues sont légèrement rougies, ses lèvres tremblent légèrement, et son regard reste à la fois perdu et captivant.
Je m'approchai davantage, mes lèvres à quelques centimètres des siennes, prêtes à franchir l'ultime barrière.

— Dis-moi de continuer, Adeola...  murmurai-je, mon regard capturant le sien, un mélange de défi et de supplication dans ma voix.

Allez !

Tshada.

Ce mot, cette appellation qui signifie "épouse", résonne en moi avec une justesse implacable. Elle n'est pas seulement une épouse par contrat ou par circonstance, mais une épouse dans toute sa splendeur. Elle incarne la douceur et la grâce qu'évoque ce terme.

Ses lèvres s'entrouvrent, mais aucun mot ne sort. Elle lève une main tremblante, la posant doucement sur mon cou, puis sur mes lèvres. Je la vois reprendre son souffle, ses yeux brillant d'un mélange d'émotions que je ne peux nommer.

— La... sauce... brûle... murmure-t-elle faiblement, à peine audible.

Son murmure rompit la tension, et un rire franc m'échappa, brisant l'intensité du moment. Elle posa son front contre le mien, partageant le souffle que nous avions retenu trop longtemps.

Je me redressai, déposant un baiser sur son front avant de m'écarter pour lui laisser de l'espace.
Je me redresse et dépose un baiser léger sur son front. Puis, je recule lentement, lui laissant de l'espace, bien que la tentation de la retenir soit forte.

–  Sauve notre dîner, Adeola, murmurais-je, presque désolé de briser ce moment.

Elle se détourne de moi et j'ai la vague impression que rien n'est terminé ce n'est qu'un début.

       Elle s'éloigna doucement de mon emprise pour se diriger vers la plaque de cuisson. En tournant brièvement la tête, elle me jeta un coup d'œil auquel je répondis par un sourire. Ses joues s'empourprèrent aussitôt, et elle détourna rapidement les yeux, visiblement gênée.
Je ramassai mes affaires posées sur l'îlot, comprenant qu'elle avait besoin d'espace... et peut-être moi aussi.
Sans un mot, je quittai la cuisine et montai les escaliers, quatre marches à la fois, le cœur encore agité.
Une fois dans ma chambre, je laisse tout tomber de mes mains et m'appuie lourdement contre le mur.
S'en est fallu de peu.
Encore un instant, et mes lèvres auraient cherché les siennes sans même attendre son consentement.
Je passe ma main sur mon cou, là où sa chaleur est encore gravée. Sa présence y reste comme une empreinte invisible, brûlante m'arrache un sourire presque idiot. Une part de moi refuse de laver cette sensation, refuse même de changer cette chemise qui porte encore son parfum.

Tu es fier de toi, hein ?s'immisce ma conscience, sarcastique

Je souris, jusqu'aux oreilles. Ridicule, murmura une petite voix dans ma tête.

— Elle ne serait pas impressionnée par un homme qui refuse de changer de chemise, railla cette conscience agaçante.

Je poussai un soupir exaspéré et me passai une main sur le visage, comme pour chasser cette réflexion. Puis, avec une pointe de frustration, je me dirigeai vers la salle de bain.

Tant qu'à faire, autant sentir bon.

      Après avoir quitté la salle de bain, vêtu d'un simple pantalon de jogging et d'un t-shirt noir, je descends lentement les escaliers, les cheveux encore légèrement humides. L'obscurité dans le couloir me frappe. La lumière de la cuisine, allumée quelques minutes plus tôt, a disparu.

Je fronce les sourcils en arrivant à la porte. Personne. Pas un bruit. La table est vide, et la casserole qui mijotait doucement sur la plaque a été soigneusement éteinte et rangée.

Elle est partie.

Un soupir m'échappe. Je jette un regard autour de moi, espérant peut-être l'apercevoir dans un coin de la pièce, mais rien. Adeola a tout nettoyé avant de disparaître, ne laissant que le silence derrière elle.
Je m'approche du plan de travail, ouvre les placards et tombe sur un bol soigneusement couvert d'un film plastique. Dedans, une portion de riz accompagné de sauce, probablement destinée à moi. Je secoue légèrement la tête, amusé malgré moi.

Toujours aussi prévisible, murmuré-je en attrapant une fourchette.

Je retire le plastique et commence à réchauffer le tout, appréciant le silence de la maison. Pourtant, ce vide a une texture étrange. Il manque quelque chose... ou plutôt quelqu'un. Je repense à la chaleur de son corps contre le mien dans la cuisine, à son souffle lorsqu'elle a murmuré mon nom.

Je chasse ces pensées d'un geste agacé et m'installe finalement à l'îlot, face à l'assiette chaude. Chaque bouchée me rappelle l'étrangeté de notre dynamique. Elle prend soin de moi, mais garde ses distances. Elle me prépare un repas, mais disparaît avant que je ne puisse la remercier.

Je finis par lever les yeux vers le couloir vide.

Je secoue la tête et finis mon plat en silence. Alors que je lave mon assiette dans l'évier, je sens une pointe de frustration poindre en moi. Je n'ai jamais été un homme patient, et elle me pousse aux limites de ce que je peux supporter.

Quand j'éteins la lumière et remonte les escaliers, un bref courant d'air me fait tourner la tête vers sa chambre, dont la porte est entrouverte. Une faible lumière s'échappe par la fissure, presque imperceptible. Je reste immobile un instant, tentant de calmer cette étrange impulsion qui me pousse à frapper.

Mais je choisis de ne rien faire. Je reprends ma route, mais chaque pas résonne comme une question.

Jusqu'où suis-je prêt à aller pour comprendre ce qui se passe dans cette tête si compliquée ?



NDA : 🎶🎶🎶only water 💦💦

Bonne nuit à vous .

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