Chapitre XLVIII: Trahison ou évasion

( Démarrez La Vidéo, détendez vous et Bonn lecture 📖)

Acte 4 : Fragilité et révélation




"L'amour vacille, non pas faute de sentiments, mais sous le poids cruel d'une trahison ; et le cœur, déchiré, cherche encore des raisons de pardonner." — Pierre Corneille.







Adeola.

En sortant de l'aile de massage , la tête légèrement dans les nuages, je percute une femme portant un bandana par inadvertance. Nos téléphones tombent simultanément dans un bruit sec. Je m'abaisse rapidement pour récupérer le mien, balbutiant un « désolé » presque inaudible. Elle fait de même, et nos mains se croisent brièvement sur le sol froid.

— Je suis désolée aussi, murmure-t-elle avec un sourire gêné.

Ses doigts tremblent légèrement en ramassant son appareil, et je remarque qu'elle le fait tourner entre ses mains, sûrement pour vérifier s'il est endommagé. Heureusement, il est intact. Un soupir de soulagement nous échappe à l'unisson, ce qui nous fait échanger un rire nerveux.

— Au moins, j'ai échappé aux foudres de Chili ! Et toi, ton téléphone va bien ? demande-t-elle en haussant un sourcil.

Avant que je ne vérifie, une autre silhouette s'approche. Je lève les yeux et croise le regard d'Alice. Mon cœur se serre légèrement pour une raison qui m'échappe , mais je garde une expression neutre. Je montre l'écran intact à la première femme avant de remercier Alice d'un ton poli :

— Merci encore pour ton aide d'hier.

Elle hoche la tête comme toute réponse , je n'attends pas plus avant de me détourner, prête à rejoindre Solaya et Ama, qui m'attendent avec impatience au balcon.

Cependant, un détail capte mon attention avant que je ne quitte les lieux. Ce téléphone... Il me semble familier. Ou plutôt, son boîtier personnalisé : un clavier gravé à l'arrière avec les mots « Follow Yourself ». Peu de gens utilisent ce genre de design ou plutôt je n'en ai jamais vue de comme ça . Je détourne les yeux au moment où la femme au bandana tend l'appareil à Alice. Une vague de pensées confuses me traverse l'esprit, mais je les chasse rapidement et m'efforce de sourire à mes amies, qui m'accueillent avec des mines renfrognées. Spécialement Solaya.

— Tu la connais ? me demande-t-elle en fronçant les sourcils, alors que nous prenons la direction de la salle de manucure.

— Oui, on s'est croisées deux ou trois fois, réponds-je simplement.

— Comment tu la connais ? insiste-t-elle, visiblement curieuse.

Je marque une pause, réfléchissant à ma réponse.

— La première fois, elle est venue à la maison pour voir Ryan, pour le travail. La deuxième fois, c'était au restaurant, tu étais avec moi. Et hier, elle m'a aidée à vous retrouver, vu que Ryan était occupé à discuter avec dix personnes en même temps au téléphone.

— Et tu la vois comment, toi ? demande-t-elle, ses yeux plissés d'une insistance troublante.

Je reste perplexe face à sa question. Où veut-elle en venir ?

— C'est une amie de Ryan, c'est tout.

Solaya pousse un profond soupir et me fixe intensément.

— Tu as demandé à Ryan de te parler d'Emy ? lâche-t-elle soudain.

— Oui. Il m'en a parlé, sa fiancée décédée...

— Eh bien, cette fille, Alice, c'est la meilleure amie de la femme qui aurait dû être à ta place. Alors garde tes distances, chérie.

Je sens une pointe d'inquiétude poindre en moi, mais je hoche la tête sans discuter. Ses mots résonnent, mais je n'arrive pas à percevoir ce qu'Alice pourrait avoir de dangereux.

— Tu devrais écouter Solaya, ajoute Ama, avec un ton dramatique qui me tire un sourire malgré moi. Elle a toujours raison.

Solaya lui donne une tape sur les fesses avant de s'élancer vers la salle de manucure. Ama, prête à riposter, la suit en courant. Je ris doucement et les rejoint à travers le couloir. Pourtant, malgré mes efforts pour me détendre, mon cerveau s'emballe et commence à analyser chacune de mes rencontres avec Alice.

Comme par enchantement, la mémoire me revient avec une netteté troublante. Ce téléphone, ce « Follow Yourself », je me souviens enfin où je l'avais vu. Il était là, accompagné d'une flûte de champagne, trônant sur le bureau de Ryan. Ce simple détail, pourtant anodin, me saisit brusquement, et un frisson désagréable serpente le long de mon échine.

Ryan n'est pas du genre à laisser quoi que ce soit traîner. Chaque chose, aussi insignifiante soit-elle, a toujours une place prédéfinie dans son univers impeccablement organisé.



Ma manucure terminée, je relève la tête, distraite, lorsque mon regard se pose sur un détail qui me fige : le même boîtier, ce « Follow Yourself », niché dans les mains d'Alice, collé à son oreille. Elle marche nerveusement en rond, absorbée dans ce qui semble être un appel important.

Un frisson glacial me traverse. Est-ce vraiment possible que... ? Non, ce n'est qu'une coïncidence. Pourtant, malgré mes efforts pour chasser ces pensées troublantes, une inquiétude tenace s'insinue en moi, serrant doucement ma poitrine.

— Solaya ?  l'interpellé-je, sans trop savoir pourquoi.

Elle se retourne, intriguée.

— Oui ? Ça va ?

Je me lève de ma chaise, mal à l'aise, et prends la direction des cabines, suivie de près par Solaya et Ama, fraîchement revenue avec ses cils parfaitement faits.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? — demande Solaya, visiblement inquiète.

Je dois avoir une sale tête, car elles échangent un regard alarmé.

— Je... Je crois que je deviens parano . Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi , dis-je en rassemblant mes pensées. Hier, quand René s'est évanoui et que je suis montée voir Ryan, je crois l'avoir entendu parler à quelqu'un. Mais il n'y avait personne quand je suis entrée. Et ce téléphone... Il était là, sur son bureau. Celui avec « Follow Yourself ». Et maintenant, il est dans les mains d'Alice...

Un silence tendu s'installe.

— Tu lui as demandé à qui était le téléphone ?

— Non. J'étais trop paniquée à ce moment-là...

Solaya plisse les yeux, croisant les bras.

— Alice n'est pas la secrétaire de Ryan. Et au trentième étage, seuls les bureaux de Ryan et de Lyan sont fonctionnels. Tu comprends ce que ça signifie ?

— Ce fils de...  murmure Ama, furieuse.

Solaya lève une main pour la calmer, mais son regard est féroce. Je reste interdite. Une explication rationnelle doit exister.
Adeola arrête ! Arrête !

— Tu as droit à une explication , me dit Solaya, comme si elle pouvait lire mes pensées.

Elle s'empare de son sac et sort son téléphone.

— Ils doivent être au club de tennis à cette heure-ci. Je vais appeler Lyan pour con....firmé

Mais à cet instant, la porte des toilettes s'ouvre, et Alice entre, suivie de l' autre femme au bandana . Le temps semble s'arrêter, comme si aucun de nous cinq n'osait bouger.

— Tout va bien ?  demande la femme au bandana derrière Alice, brisant la tension.

Alice secoue la tête et se dirige vers une cabine,  tandis que l'autre femme se filme devant le miroir avec le téléphone en question. Mon cœur s'emballe.

Je serre mon sac contre moi, mal à l'aise. J'aime pas trop cette atmosphère. Je tente de faire un pas quand la paume de Solaya se pose sur mon épaule.

— Ne bouge pas  , ordonne Solaya avec autorité .

Je ne réponds rien, mais un poids oppresse ma poitrine.

Quelques minutes plus tard, Alice ressort, s'approche du lavabo et commence à se laver les mains.

— Alice, qu'est-ce qui se passe entre toi et Ryan ? , s'avance Solaya, les bras croisés.

Alice nous lance un regard dénué de son sourire habituel avant de détourner les yeux et de retourner à son lavage, comme si notre présence n'avait aucune importance. Solaya, elle, bouillonne. Elle fait un pas en avant, prête à exploser. Instinctivement, j'attrape son épaule pour l'arrêter, et moi aussi je fais un pas.

Je déteste ce genre de scène. Ces confrontations où une femme, emportée par ses émotions, exige des comptes à une autre. Rien que d'y penser, mon estomac se serre, un malaise profond m'envahissant.

Je prends une inspiration pour calmer mes nerfs, mais ma voix, lorsque je décide enfin de parler, tremble légèrement.

— Alice, cette situation ne me plaît pas, mais j'aimerais juste savoir.

Alice s'arrête, un sourire narquois sur les lèvres. Elle se tourne lentement vers moi et lâche, froide :

— Tu n'es pas complètement idiote, finalement. Ryan n'aime pas s'attarder avec la même femme, mais toi... tu resteras encore un moment. Tu es un contrat, rien de plus

Alice s'arrête, un sourire narquois sur les lèvres. Elle se tourne lentement vers moi et lâche, froide :

— Tu n'es pas complètement idiote, finalement. Ryan et moi couchons ensemble depuis cinq ans. Alors oui, il est revenu dans mon lit même après votre mariage. Mais ne t'inquiètes pas, il s'est désintéressé alors prends garde à ce qui te sert de mari , il n'aime pas s'attarder avec la même femme, mais toi... tu resteras encore un moment. Tu es représente tous de mon un empire à toi , tous seul

Son ton glacial éteint toute émotion en moi. Ses mots encore plus, me frappent comme une gifle, mais étrangement, je reste de marbre. Mon mariage avec Ryan n'est rien d'autre qu'un accord. Rien de plus. Je serre mon sac contre moi et murmure :

— Merci de m'avoir dit la vérité.

Puis, sans attendre, je  quitte les toilettes sans un regard en arrière, mes amies me suivant de près.



Je presse mes pas jusqu'à la sortie, mon regard rivé au sol, comme si éviter le monde pouvait m'épargner le poids de ma réalité. L'air frais du parking m'enveloppe, mais il ne suffit pas à apaiser le tumulte en moi. Une boule grandit dans ma poitrine. C'est seulement en atteignant le bitume vide que je réalise : je n'ai même pas pris ma voiture. Et même si je l'avais, où irais-je ? Chez Ryan, bien sûr. Rien d'autre, rien de moins.

Un soupir lourd échappe à mes lèvres. Je n'ai nulle part où aller. Chez lui, c'est tout ce qu'il me reste. Mon "chez nous" à lui, mais jamais à moi. Une cloche d'angoisse sonne dans ma tête : quatre ans encore à supporter ce rôle d'épouse.

Quatre ans à sourire pour ce mariage de façade, en espérant qu'il tiendra parole. Mais, et si... Et si ce divorce promis n'était qu'un leurre ? Comment ai-je pu être aussi naïve ? j'aurais dû exiger un contrat part écrit. Je m'en veux.

Une promesse orale sans témoin, c'est tout sauf fiable.

Une chaleur soudaine contre mon dos me fait tressaillir. Je me retourne brusquement et découvre deux visages familiers. Solaya et Ama. Leurs bras m'enlacent avec cette tendresse instinctive, ce réconfort muet.

— Tu peux pleurer si tu en as envie, chérie, murmure Solaya d'une voix douce.

Je secoue la tête avec une obstination farouche.
Pleurer ? Non. Ryan ne mérite pas mes larmes.

Il n'aura pas ce pouvoir sur moi. Jamais. Je serre les dents. J'ai déjà versé trop de larmes dans ma vie, pour des choses bien plus importantes que lui.

— Les filles, je ne veux pas rentrer chez lui . Emmenez-moi ailleurs. Un parc, un hôtel, n'importe où, mais pas là-bas.

— Viens chez moi , propose Ama d'un ton calme.

Je hoche la tête en silence, incapable de trouver les mots. Solaya ouvre la portière de sa voiture sans un regard ni une parole. Je m'engouffre à l'intérieur, laissant le tumulte de mes pensées m'engloutir. Le moteur ronronne, mêlé aux bruits lointains de la circulation, mais l'atmosphère est lourde, presque suffocante. Pas un mot ne franchit nos lèvres, mais dans ma tête, c'est un chaos assourdissant.

À quoi je m'attendais, hein ?

On ne se doit rien.

Il ne me doit rien... Pas même un semblant de fidélité.

Et pourtant, je suis là, à m'accrocher à une illusion. C'est moi, le problème. Moi, qui n'aurais jamais dû espérer. Au fond, j'ai toujours su que cette histoire, à peine commencée, n'irait jamais loin.

Pas trop loin... juste assez pour qu'une soirée se termine par nos vêtements retire et des désirs assouvies.

Voilà où ça s'arrête. Le terminus.

Une fois chez Ama, je me laisse tomber sur son lit, mes amis m'imitant dans un geste de solidarité silencieuse. La lumière tamisée de la pièce, le murmure de la télé où défile une épisode de Vampire Diares......tout est là pour apaiser l'atmosphère, mais rien n'atteint mon esprit. Mes pensées restent figées sur une vérité cruelle et implacable : qu'est-ce que je suis, sinon une femme de trop ?

Comment  on résume les faits ?

Je me suis fait tromper ? Ou peut-être que je me suis mariée avec l'homme d'une autre ? Peu importe. Tout ce que je sais, c'est que j'ai mal. Ryan n'a jamais été mien.

Pourquoi ai-je mal alors ? Juste là, dans ma poitrine, un poids oppressant m'écrase. Elle serre si fort que j'ai du mal à respirer. Pas au point de manquer d'air, mais suffisamment pour m'étouffer.

— Ade... ?

Solaya s'agenouillant en face de moi, ses doigts caressant doucement mon épaule. Sa présence me ramène à l'instant présent.

— Tu peux pleurer, souffle-t-elle à nouveau, presque suppliée. Ça fait pas de toi quelq'un de faible pour autant sinon tu vas te faire du mal

Je ferme les yeux, mais c'est plus fort que moi. Une pression monte en moi, irrépressible.Cette fois, elle me serre fermement contre elle, et ma tête tombe sur son épaule. Lentement, la douleur dans ma poitrine s'apaise. Mais mes yeux s'humidifient. Une boule se forme dans ma gorge, et, sans que je ne puisse rien contrôler, mes larmes commencent à couler.

Je pleure, librement, comme une enfant. Et je hais ça. Je me déteste plus encore que je ne le déteste, lui.

Mais, au fond, pourquoi devrais-je le haïr ? Ce mariage ne vaut rien , après tout. À quoi est-ce que je m'attendais ? Je me suis prise pour qui ?
Je ne suis qu'une épouse imposée. Il ne m'a jamais choisie. Je ne suis rien de plus qu'un fardeau qu'il traîne à contrecœur.

Et peut-être que......Non , c'est ce que j'ai toujours été. Une contrainte. La fille d'un précédent mariage que l'on tolère, ou une femme qu'on épouse sous obligation, à qui l'on donne un semblant d'affection pour faire bonne figure.

— Pourquoi... pourquoi ai-je mal ? Je le savais... Je savais qu'il ne m'aime pas.

Je parle entre deux sanglots, les mots hachés par ma détresse.

J'aurais dû rester sur ma position. Refuser son affection. Me limiter à la politesse, comme je l'ai toujours fait avec tout le monde...

— Ce n'est pas ta faute, Adé, chuchote Solaya. C'est lui, le problème, pas toi.

— Non... Solaya... c'est moi. Je sais qu'il ne m'aime pas. Tout le monde le sait. Mais c'est moi qui ai trop espéré. C'est moi qui ne connais pas ma place...

— Tu n'as rien fait de mal, insiste-t-elle. Et rien de tout ça n'est ta faute.

Sa voix tremble, autant que la mienne, et elle me serre encore plus fort. Puis un autre bras vient nous entourer. Ama.

Et comme la Madeleine que je suis, mes larmes continuent de couler. Inarrêtables, même si je le désire de tout mon être. J'ai toujours eu les larmes faciles, toujours.

Les sanglots s'épuisent lentement , mais les traces restent. Mon corps lourd, mes yeux gonflés, mon cœur encore fragile. Je ferme mes paupières , bercée par leur affection.








            C'est le bruit strident et familier de ma sonnerie qui me tire de mon sommeil. Mon corps réagit avant même que mon esprit n'émerge complètement. Je me redresse d'un bond, un mal de tête fulgurant m'assaille instantanément, tandis que la sonnerie s'éteint brusquement.

— Tu vas bien ? demande Solaya en entrant doucement dans la pièce, ses yeux brillants d'inquiétude.

— Oui, oui... J'ai juste un peu mal à la tête,  réponds-je faiblement.

Elle me tend un verre de jus d'orange que je prends sans réfléchir, vidant son contenu en quelques gorgées rapides. L'acidité sucrée réveille mes papilles et laisse une chaleur douce dans ma gorge.

— Mon téléphone vient de sonner, plus pour moi-même que pour elle.

— Oui, je sais. T'inquiète pas, ce n'était rien d'important, me rassure-t-elle en posant une main légère sur mon épaule.

Je hoche doucement la tête,bien que l'anxiété me serre encore la poitrine . Je lui rends le verre. Une sensation désagréable dans le bas de mon ventre me rappelle que je dois me rendre à la salle de bain. Me levant sans un mot, je traîne les pieds jusqu'à la petite pièce, où la lumière tamisée se mêle à l'obscurité qui tombe doucement .

Assise sur la cuvette, un soupir m'échappe, accompagné du relâchement de ma vessie. Mes pensées, elles, ne trouvent aucun repos ,je divaguer. La petite fenêtre en hauteur laisse entrer une lumière tamisée. Les ombres se mêlent à mes doutes, chaque pensée plus lourde que la précédente.

La journée touche à sa fin, et avec elle, mes chances de faire les courses nécessaires. Tant pis,  "Les courses peuvent attendre jusqu'à demain", me dis-je en silence. Je me débrouillerai au marché dominical demain, même si je ne trouve pas tout ce qu'il me faut. En plus, il me reste encore le travail des Jones  à terminer, j'ai promis de boucler la semaine prochaine. Et Ifé... Je dois la rappeler. Avec l'aide de nos ancien camarade ingénieur agricole à présent, peut-être que je pourrais enfin avancer.

Je tire la chasse et sors de la salle de bain, essayant de chasser mes préoccupations. Solaya et Ama sont assises sur le lit, un plateau de sushis entre elles.

— On a aussi commandé une pizza, au cas où tu n'aimerais pas les sushis, me prévient Ama avec un sourire  chaleureux.

Je secoue la tête pour signaler que ce n'est pas nécessaire, et me penche pour attraper mes chaussures abandonnées au pied du lit.

— Tu fais quoi ? demande Solaya en en fronçant les sourcils.

— Il fait nuit, et...

— Y'a pas de "et" ! m'interrompt-elle fermement.
Avant que je ne puisse répondre, elle sort mon téléphone de sa poche et me le tend.

— Déverrouille, m'ordonne-t-elle.

Je m'exécute, un mélange de fatigue et de résignation m'envahissant. Une fois fait, elle reprend l'appareil, pianotant dessus avec une expression concentrée.

— C'est lui, "Oko mi", c'est ça ?

Je hoche la tête, honteuse. Pourquoi je n'ai jamais changé ce surnom ? Ça devrait juste être "Ryan". Rien de plus, rien de moins. Solaya pianote rapidement sur mon téléphone, puis le jette négligemment sur le lit.

— Voilà, c'est réglé. Tu ne rentres pas ce soir.

Je reste bouche bée, incrédule. Je reprends l'appareil et lis le message qu'elle a envoyé :

"Ama va mal, et Solaya nous a acheté des billets pour Pretoria pour lui remonter le moral. Désolée, Solaya a été exigeante. Passe la nuit sans moi. "

Un rire nerveux m'échappe face à l'évidence : ce message est tout sauf convaincant.

— Ce n'est pas très crédible, lui fais-je remarquer, amusée malgré moi.

— T'inquiète pas, réplique-t-elle fièrement. J'ai demandé l'aide de mon pingouin.

— Ton quoi ? demandé-je, confuse.

— Lyan, précise-t-elle avec un sourire malicieux. Il va couvrir le coup.

Je sens une vague d'angoisse monter en moi, mes doigts serrant nerveusement le téléphone.

— Solaya, s'il te plaît, ne lui dis rien. Je ne veux pas que ça fasse des vagues. Je veux juste passer mes journées tranquillement et....

Elle pose une main rassurante sur la mienne.

— Ne t'en fais pas, Je n'ai rien dit de trop. Juste demandé qu'il couvre mes arrières.

Je baisse les yeux, honteuse.

— Merci... mais, s'il te plaît, ne lui dis rien d'autre, OK ?
Solaya esquisse un sourire amusé.

— T'inquiète. Mais sache que ton cher beau-frère est probablement au courant des magouilles de son jumeau bien avant nous. Ces deux-là, ils n'ont aucun secret l'un pour l'autre.

Ama, intriguée, lève les yeux vers Solaya.

— Et tu es sûre qu'il va te couvrir ? demande-t-elle avec amusement.

— Bien sûr, répond Solaya en se levant fièrement sur le lit. En dix ans de mariage, j'ai appris à faire des menaces très convaincantes. Et croyez-moi, mesdames, je vous garantis qu'à cette heure, tout Jo'burg pense que je suis à Pretoria !

Elle exécute une petite révérence théâtrale, ce qui nous arrache un éclat de rire collectif. Quand elle se rassoit, Ama lui lance un regard curieux.

— Et tu l'as menacé de quoi, exactement ?

Solaya éclate de rire avant de répondre avec un mélange de fierté et d'amusement.

— De rayer sa voiture ! Il aime cette "pétasse" plus que moi, malheureusement... Désolée pour le choix de mots.

Je secoue la tête, leur montrant que je ne suis pas blessée. J'ai déjà trop pleuré pour Ryan. Rien ne pourrait me toucher davantage. Alors que je prends un sushi, mon téléphone vibre sur le lit. Une notification. Je déverrouille l'écran et lis son message :

De Oko mi :

Profite bien de Pretoria, tu me manques.

Je fixe le message un long moment, cherchant le mensonge, l'hypocrisie qui se cache derrière ses mots soigneusement choisis. Mes doigts tremblent légèrement en éteignant l'écran  et pose le téléphone à côté de moi.

"Peut-être qu'il ira la voir ce soir",pensé-je. Puisque je ne suis pas là, rien ne l'empêche de passer la nuit avec elle.

Un noeud se forme dans ma gorge.

Une pensée sombre me traverse : Finalement, c'est peut-être mieux ainsi... qu'on ait gardé nos distances jusque-là. Chacun sait désormais ce qu'il a à faire.

— Hé, arrête de ruminer, m'ordonne Solaya en me pinçant gentiment. Tu veux lui crier dessus , c'est ça ?

Je secoue la tête en riant amèrement.

— Non... pourquoi faire ? Il aime ce qu'il fait, ça se voit.
Elles soupirent toutes les deux, et je sens leurs bras m'entourer une nouvelle fois. Le poids de mes angoisses s'allège un peu sous leur étreinte.

— Tu es beaucoup trop bien pour lui, murmure Ama.

— Carrément, ajoute Solaya. Il ne te mérite pas.

Je ferme les yeux, absorbant leur chaleur et leur soutien.

— Merci, les filles.

La sonnette retentit, rompant notre étreinte chaleureuse. Ama se lève aussitôt, visiblement impatiente, et disparaît dans le couloir. Quelques minutes plus tard, elle revient les bras chargés : un carton de pizza, une boîte de céréales, des bols, une glace à l'amande, six canettes de bière. Et ce n'est pas tout. Elle fait un aller-retour pour ramener une bouteille de vodka, des chips, et une montagne de friandises.

Je la regarde, les yeux écarquillés, presque abasourdie.

— Soirée pyjama pour adultes ! s'exclame-t-elle avec enthousiasme.

Un rire spontané me secoue. Je me sens légèrement plus légère. J'enfile rapidement un simple t-shirt et nous nous installons sur le tapis du salon. A la troque , les périple des frères Salvatore contre les  épisodes de Desperate housewive . Les dialogues se mêlent à nos éclats de rire et à l'ambiance feutrée qui s'installe autour de nous.

Assise à même le sol, l'ivresse commence doucement à flouter mes pensées. Ma tête s'appuie instinctivement sur l'épaule de Solaya, mes jambes s'étirant paresseusement sur celles d'Ama. La chaleur de leur présence m'apaise, mais une colère sourde monte en moi, sans crier gare. Je fixe le plafond beige, et une vague inexplicable de frustration s'empare de mon estomac.

Assise à même le sol, la tête légèrement embrumée par les bières déjà entamées, je sens la frontière entre réalité et fiction s'estomper. Mes pensées flottent, et je pose ma tête sur l'épaule de Solaya, étirant mes jambes sur les cuisses d'Ama. Les lumières tamisées de l'appartement, les dialogues à l'écran, et la chaleur réconfortante de leur présence suffisent à me maintenir ancrée, même si une colère latente commence à monter en moi.

— Je déteste ce plafond, marmonné-je, la voix enrouée. Pourquoi il n'est pas blanc ? J'aime les plafonds blancs.

Ama rit doucement, mais je l'ignore, concentrée sur ce sentiment diffus. Puis, sans prévenir, les mots jaillissent :

— Les filles... j'ai envie de gifler Ryan.

Solaya me tend une cuillère de glace que j'avale mécaniquement. Le sucre fond sur ma langue, mais il n'éteint pas le feu qui brûle en moi.

— C'est tout ce que t'as envie de faire ? demande-t-elle, amusée.

— Non. Genre, je veux le gifler quatre fois. En aller-retour. Ensuite, un coup de pied dans l'estomac, façon Jackie Chan. Et après, le traîner devant sa... salope, et lui dire que, oui, il a une érection chaque fois qu'on fait des câlins un peu trop mouillés... hic... hic...

Mes hoquets s'enchaînent, et Ama me tend une canette. Je bois quelques gorgées pour calmer ce réflexe gênant, mais leur rire étouffé attire mon attention.

— Pourquoi vous riez ? demandé-je en fronçant les sourcils.

— C'est l'image que tu viens de décrire, répond Ama en ricanant. Je t'imagine en Jackie Chan, et ça me fume.

— Et c'est quoi "des câlins mouillés" ? raillera Solaya, les larmes aux yeux.  Tu veux dire... baiser ?

Ama, toujours prête à en rajouter, complète avec malice :

— Vous baisez, c'est ça . C'est le mot juste

Je secoue frénétiquement la tête .?Le rouge me monte immédiatement aux joues, mais l'alcool délie ma langue.

— On n'a jamais... euh... couché ensemble, murmuré-je, presque honteuse.

Le silence se fait, juste un instant, avant que leurs regards curieux ne m'incitent à poursuivre.

— On s'est juste embrassés... quelques fois. Pas beaucoup. Et on s'est touchés, mais... dans la limite du respectable. Je pensais qu'on passerait le cap ce week-end, mais peut-être que c'est parce que je ne l'ai jamais laissé aller plus loin avec moi... que...

Les mots s'étranglent dans ma gorge. Je m'arrête, incapable de continuer. La colère s'évapore aussi vite qu'elle était montée, laissant place à un vide pesant. Mon estomac se noue, et Solaya m'enlace doucement.

— Ce n'est pas ta faute, murmure-t-elle pour la énième fois. Si Ryan te trompe, Adeola, ça n'a rien à voir avec toi. Tu es une femme magnifique, ne l'oublie jamais.

Je hoche la tête en silence, absorbant ses paroles comme un baume sur une plaie ouverte. Peut-être que j'avais simplement espéré trop de lui. Sans le vouloir, j'avais laissé Ryan pénétrer trop profondément dans mon mondeavec de simples gestes et des mots,et je m'étais laissée emporter.

Espérant qu'il comblerait quelque chose en moi, espérant qu'il réconforte cette petite fille de six ans qui veut simplement être vue .

La sonnette retentit à nouveau, et Solaya fait signe à Ama que c'est pour elle. Elle me murmure un dernier "ça va aller" avant de quitter son étreinte. Quand elle revient, c'est avec une petite boîte en métal entre les mains. Intriguée, je me redresse légèrement, croyant qu'il s'agit de biscuits.
Mais lorsqu'elle l'ouvre, la surprise me cloue sur place : deux briques de cannabis et des papiers à rouler.

Ama éclate de rire, un peu trop fort, visiblement galvanisée par l'alcool. Solaya commence à rouler un joint avec une aisance déconcertante, tandis que je reste figée.

— T'as déjà fumé ? me demande-t-elle soudainement.

— Non..., murmuré-je.

Solaya roule un joint avec expertise , l'allume et tire un coup et crache la fumée d'une manière prés élégante . Avant de me tendre le produit final. Un sourire espiègle étire ses lèvres.

— Bienvenue chez les adultes .

Je prends timidement l'objet entre mes doigts, inspire deux fois maladroitement et crache une fumée floue avant de m'affaler sur la moquette. Le plafond beige devient flou, alors je me concentre sur Gabriel à l'écran.

Allongées côte à côte, les rires reprennent, et pour un instant, tout semble moins lourd, presque supportable. Pourtant, au fond de moi, je sais que ce moment n'est qu'une parenthèse, fragile et éphémère. Mais ce soir, j'accepte cette pause dans mon chaos intérieur

— Sérieusement, Solaya, tu fais comment pour trouver un truc pareil ? demande Ama en gloussant.

— Vous ne vous êtes jamais demandé ce que je fais dans la vie ? répond-elle malicieusement.

— Dealeuse , ricane Ama

— Elle travaille dans un labo, réponds-je, me rappellant d'une conversation précédente

Solaya laisse échapper une grande bouffée de fumée avant de répondre.

— Au labo, c'est du bénévolat. Je tiens un petit centre pharmaceutique basé sur le traitement au cannabis.

— Non, elle travaille dans un labo, répondé-je, me souvenant d'une conversation passée.

Solaya éclate de rire et lâche un nuage de fumée.

— Je fais du bénévolat là-bas, mais ma vraie occupation, c'est un centre pharmaceutique spécialisé dans le traitement à base de cannabis.

Ama et moi restons sans voix.

— En gros, t'es un chef de la beuh !

— Pas exactement, dit-elle en souriant. J'aide des gens. Dépressifs, étudiants surmenés, malades, cancéreux... Ce truc sauve des vies.

Je reste silencieuse, observant ses traits détendus. Quelque chose dans sa manière de parler me calme. Ama, toujours encline à plaisanter, murmure en riant :

— Ma belle-mère en aurait bien besoin... Ça, et une belle...

Le rire me gagne, mêlé à un flot de pensées vagabondes. La fumée qui flotte au-dessus de nous, le plafond beige... Pourquoi ce plafond continue-t-il de me déranger autant ?








NDA : je suis légèrement en retard mais j'espère avoir comblé vos attentes

Moral de l'histoire : ne jamais avoir de boîtier personalise pour son téléphone lorsqu'on sort avec le pain de quelqu'un autre
Et numéro 2 : avoir toujours une amie comme solaya et ama

Dans ce chapitre , je voulais qu' Adeola représente ceux qui portent leurs blessures en silence tout en essayant de donner le change au monde extérieur, mais qui finissent par craquer sous le poids de leur solitude

Et de ceux qui sont dans ce genre de dilemme, se retrouve dans la relation de quelqu'un autre

Time to talk : Dite moi com vous avez trouvé ce chapitre ?
Ce n'est pas trop précipiter, ? trop dramatique ?
J'ai lue toute vos réponses à mes questions aujourd'hui et mes stars ✨, je vous adore 💖

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