Chapitre XLVII: Cette fleur ¡

( démarrez la vidéo, détendez vous. Bonne lecture 📖)

Acte 4 : Fragilité et révélations


Je veux te voir, te revoir, encore et encore, jusqu'à ce que le temps s'arrête. — Dadju , reine



Ryan.


Après une heure passée à tourner en rond dans la salle d'attente, les murs blancs et froids semblant se refermer autour de moi, le médecin finit par nous permettre d'aller la voir.

Elle est allongée sur le lit d'hôpital, les draps tirés jusqu'à sa taille. Son visage fermé rappelle celui de René dans ses pires jours, son expression trahissant une irritation à peine contenue.

— Je ne suis pas entre la vie et la mort, arrêtez de me regarder comme ça, lance-t-elle d'une voix rauque.

— Arrête de jouer les durs, maman. Tu t'es évanouie, je te rappelle, répond calmement mon frère.

Elle lève les yeux au ciel, avec une exaspération si familière qu'on aurait cru qu'elle trouvait l'évanouissement aussi banal qu'un mal de tête Pourtant, l'éclat de fatigue dans ses pupilles dit tout le contraire. Je fais signe à mon frère de me suivre. Avec René, mieux vaut écouter le médecin que ses propres diagnostics.

Avant de quitter la pièce, je m'approche d'Adeola. Elle est restée assise dans un coin, les mains jointes, ses doigts nerveusement entrelacés. Je caresse doucement ses cheveux, un geste aussi instinctif qu'apaisant.  Je sens ses épaules tendues sous mes doigts, encore marquées par l'angoisse qui l'a habitée tout le trajet en voiture. Elle avait frôlé les larmes, la peur nouant sa gorge.

Elle et ma mère s'étaient étrangement pris d'affection l'une pour l'autre ses dernières mois alors j'imagine .Pour quelqu'un qui a déjà perdu  une  mère, revivre cette peur, même pour une belle-mère, devait lui être insoutenable.

Je quitte la chambre, la laissant avec les autres femmes de la famille. Mon frère et moi échangeons un regard en silence. Une fois dans le couloir, je laisse échapper un soupir qui semble s'écraser contre les murs ternes.

— Au moins, elle va bien, murmuré-je plus pour moi-même que pour mon frère.

Mon frère me jette un regard en coin avant de soupirer à son tour, ses yeux parcourant mon visage avec une attention exaspérante. Un sourire moqueur s'étire sur ses lèvres.

— En voilà un qui avait des projets pour sa soirée, devine-t-il.

— Occupe-toi de tes affaires, rétorqué-je en haussant les épaules.

— Monsieur le vice-président et ses "affaires" !

Je préfère ignorer son ton railleur, et nous entrons dans le bureau du médecin, où notre père est déjà assis. Sa posture droite, les mains croisées sur les genoux, trahit sa tension malgré son visage impassible. Mon frère et moi posons chacun une main sur ses épaules avant de nous asseoir.

Le médecin, concentré sur son ordonnance, lève à peine les yeux vers nous.

— Elle devra prendre ce traitement une fois par jour, faire surveiller sa tension au minimum une fois par semaine, et privilégier le repos, explique-t-il calmement à l'intention de notre père.

— J'y veillerai personnellement, répond mon père d'un ton solennel.

— Vous allez la garder en observation, au moins quelques jours ? intervient mon frère.

— Ce ne sera pas nécessaire, son état s'est stabilisé, répond le médecin.

Je retiens un sourire amer. Ce médecin ne connaît clairement pas René. Il lui faudra un lit d'hôpital pour comprendre la définition du mot "repos".

—  Je vous en prie, trouvez un moyen de la faire dormir quelques heures de plus ici. Notre mère est une vraie tornade, insisté-je.

Sous nos regards insistants, le médecin finit par céder et relâche ses épaules.

— Très bien. Nous la garderons encore quelques heures.

Un soupir collectif s'échappe de nos lèvres, et nous quittons la pièce, laissant notre père seul pour régler les détails avec le médecin.

Dans le couloir, l'odeur entêtante de désinfectant me donne la nausée. Les brancards que je croise éveillent des souvenirs que je préfère enterrer : des draps tirés jusqu'au menton, des silhouettes immobiles, le bruit monotone des machines. J'aperçois du rouge, mais il s'agit simplement d'une tache sur un sac. Pourtant, mon esprit y superpose aussitôt une éclaboussure de sang.

— Viens, dit mon frère en me tirant doucement par le bras.

Il m'entraîne vers un distributeur automatique. J'achète une canette de Coca, le métal froid glissant contre mes doigts, et en prends une pour lui. Nous nous installons sur un banc, l'atmosphère pesante de l'hôpital pesant sur mes épaules comme une enclume invisible.

— Ça va, toi ? demande-t-il après un moment de silence.

— Ce n'est pas moi qui me suis évanoui, mais ça va, répondu-je avec un sourire en coin.

Mon regard s'arrête sur une petite fille en chaise roulante, à quelques mètres de nous. Elle discute avec une infirmière, ses yeux pétillant de curiosité et d'espoir. L'infirmière lui sourit, mais son expression vacille un instant, comme si une ombre passait sur son visage. Je détourne les yeux, préférant ne pas m'attarder sur leur échange.

Je consulte mon téléphone : 16 h. La soirée se passera ici, dans cet environnement stérile et pesant. Je n'avais pas prévu ça, mais il faut faire avec.

J'envoie un message rapide à Adonis pour qu'il annule le rendez-vous chez son ami gynécologue. Il répond avec un simple "OK". J'éteins l'écran et prends une gorgée de Coca. La fraîcheur de la boisson glisse dans ma gorge, adoucissant la tension qui pèse sur mes épaules dans cette atmosphère aseptisée qui sent la pharmacie.

Plus tard, lorsque nous retournons dans la chambre, l'atmosphère s'est transformée. Ewia et Danis sont installés sur le lit de leur grand-mère, Solaya et Dimitry se partagent un fauteuil, et Adeola, toujours assise à l'écart, semble un peu plus détendue. Deux cartons de pizza trônent sur la table, ajoutant une touche incongrue à ce décor austère.

Je cède à la tentation d'une part avant de m'asseoir près d'Adeola. Elle m'adresse un sourire timide, que je lui rends avec douceur.

— Une infirmière est venue me dire que je peux rentrer, nous informe ma mère. Votre père s'occupe des papiers.

Je hoche la tête avec nonchalance, mais au fond, je ne peux m'empêcher de prier pour qu'elle se repose réellement une fois à la maison.




Quelques minutes plus tard, elle est installée dans une voiture, prête à partir. Je prends la main de ma femme, entrelace nos doigts et me dirige vers la nôtre après un dernier check avec mon frère. Le contact de sa paume, chaud mais légèrement moite, trahit encore son inquiétude malgré son calme apparent. Après un dernier échange de regards avec mon frère, je prends le volant.

Adeola, à côté de moi, reste silencieuse, son regard fixé sur le paysage qui défile derrière la vitre. Elle a ce don de se couper du monde, de s'enfermer dans son univers intérieur. À cet instant, elle semble loin, presque inatteignable.

Ce silence... il me dérange. Pas parce qu'il est pesant, mais parce qu'il la rend insaisissable. Je ne sais jamais vraiment où elle est, mentalement.

La route s'étire devant nous, et une envie irrépressible me pousse à briser cette distance invisible entre nous.

— Elle est morte comment, ta mère ? demandé-je brusquement.

Son regard se détache lentement du paysage nocturne pour se poser sur moi. Un mélange d'étonnement et de quelque chose d'indéchiffrable traverse ses yeux. Puis, sans un mot, elle repose sa tête contre la vitre. Un poids s'abat sur ma poitrine. Je me sens idiot, maladroit. C'est un sujet que j'aurais dû aborder autrement... ou peut-être pas du tout.

Après ce qui me semble une éternité, sa voix s'élève enfin rompant le silence.

— Elle était née avec un cœur fragile, dit-elle doucement. Me donner naissance a aggravé son état de santé.

Sa voix est calme, mais il y a une certaine distance, comme si elle racontait l'histoire de quelqu'un d'autre. Pourtant, les mots sont lourds, et je ne peux pas m'empêcher de sentir leur poids.

— À l'époque, paraît-il, les greffes de cœur étaient risquées, alors elle avait décidé de ne pas tenter sa chance.

Son ton s'adoucit, presque murmurée, comme si elle dévoilait un souvenir trop précieux pour être dit à haute voix.

— J'étais trop petite pour comprendre... Que, parfois, elle faisait semblant d'aller bien. Que ses "rhumes" étaient bien plus graves qu'elle ne le laissait entendre. Que ses "visites au marché" étaient souvent des rendez-vous à l'hôpital.

Ses paroles s'arrêtent net, et je me tourne brièvement vers elle. Son visage est toujours tourné vers la vitre, mais je capte le faible tremblement de ses lèvres. Elle ne pleure pas. Elle sourit. Mais ce sourire est étrange, presque douloureux .Plutôt une expression douce-amère, chargée de souvenirs qu'elle semble avoir appris à apprivoiser, sans pour autant s'en libérer.

— Elle est morte quand j'avais six ans, reprend-elle. Ça m'a pris deux semaines pour réaliser qu'elle ne reviendrait jamais. Même à l'enterrement... Je croyais encore qu'elle dormait. Le lendemain, j'ai compris. Et j'ai pleuré.

Elle s'arrête, le regard toujours perdu dans l'obscurité à travers la vitre, comme si les souvenirs qu'elle évoquait se jouaient là-bas, dans ce vide infini.

— Et ton père ? soufflé-je doucement.

— Il avait disparu ce jour là. C'est un peu bête mais je m'en souviens encore

Mon cœur se serre, malgré moi. Je détourne à nouveau les yeux de la route pour la regarder. Elle ne toujours pleure pas, Elle sourit encore. Ce n'est pas un sourire joyeux, mais un sourire mélancolique, comme si elle avait accepté depuis longtemps cette réalité tout en en portant encore les cicatrices. Cette absence, cet abandon... ce n'est pas le genre de choses qu'un enfant devrait avoir à vivre.

– L'enfance est cruelle pour ce genre d'expérience, dis-je doucement. On ne réalise pas vraiment à cet âge. Mais adulte...  on s'effondre.

Un silence lourd s'installe à nouveau.

— Comment s'appelait-elle ? demandé-je après un moment, ma voix presque hésitante.

— Lawson Ayélé Micheline.

Je hoche la tête, m'engageant à ne jamais oublier ce nom.

Au même moment, je me gare. Elle descend immédiatement et s'étire avant de regagner l'intérieur, ses gestes simples marqués par une fatigue visible. Je sors également, récupérant nos affaires dans le coffre avant de la suivre. Je la suis, mes affaires à la main, observant sa silhouette alors qu'elle monte déjà les escaliers. Elle me jette  quelques coups d'œil furtifs pas dessus son épaule. Ses gestes sont plus calmes, mais son regard m'en dit long : elle n'a pas oublié le "deal" prévu pour ce soir.

Une chaleur discrète s'installe dans l'air. Ce n'est pas une promesse, mais un sentiment que les choses vont basculer.

Je prends mon temps avant de monter à mon tour. Quand je pousse la porte de notre chambre, elle est déjà en pyjama, allongée immobile sur le lit, la lumière tamisée enveloppant son visage paisible. Je me tais, préférant lui laisser cet espace. Sans un mot, je me rends dans la salle de bain.

Sous la douche, l'eau chaude coule sur ma peau, emportant avec elle les tensions de la journée, mais pas mes pensées.Ce soir, je veux consommer ce mariage. Pas par obligation, pas seulement pour briser la glace, mais parce que quelque chose dans ses silences, dans ses regards fuyants, m'attire malgré moi. 

J'ai envie d'en voir plus , de sentir plus

Mais il y a aussi Alice... Ce souvenir me frappe comme un coup de poignard. Si Adeola avait remarqué quelque chose plus tôt, ma soirée aurait pris une tournure bien différente. Je suis passé à deux doigts d'être surpris . Heureusement, Elle était trop bouleversée pour remarquer quoi que ce soit.

Je m'appuie contre le carrelage froid, l'eau ruisselant sur mon visage. Même si rien ne s'est passé avec Alice aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de ressentir une profonde culpabilité

Alice. Cinq ans plus tôt, j'aurais dû éviter cette situation. J'aurais dû choisir une autre femme , quelqu'une loin de mon monde . Elle n'en faisait pas tout un plat avant. C'est ce que j'aimais chez elle. Elle voulait du sexe, moi aussi. Rien d'autre.

Mais quelque part, ça a dérapé.

– Putain, murmuré-je entre mes dents.

Je n'aurais jamais dû y retourner , encore moins après avoir accepté de faire d'Adeola ma femme. Si j'avais simplement gardé mon pantalon fermé, ma vie serait plus paisible aujourd'hui.

Je ferme le robinet d'une main et saisis ma serviette de l'autre. Il est temps de mettre un coup de balai dans ma vie. Lundi, je parlerai à Alice. Une bonne fois pour toutes. Pour le bien de chacun.

Lorsque je sors finalement de la salle de bain, la chambre est plongée dans une semi-obscurité. La lumière de la lampe de chevet éclaire doucement le visage d'Adeola. Elle est recroquevillée sous les draps, son visage tourné de l'autre côté, mais sa respiration régulière trahit son sommeil.

Un pincement me traverse. Elle m'a attendu, c'est évident. Peut-être qu'elle a lutté pour rester éveillée, mais son corps, épuisé par les émotions, n'a pas tenu. Et maintenant, elle dort... vulnérable, inconsciente de l'agitation qui me ronge.

Peut-être que c'est mieux ainsi.

Je m'approche du lit, ajustant la couverture qui glisse légèrement de son épaule. Cette peau nue, si proche... Je pourrais tendre la main, la toucher, mais ce serait mal. Pas ce soir. Pas comme ça.

Vêtu d'un simple short, j'éteins sa  lampe de chevet et me glisse doucement derrière ma femme.

J' ajuste la couverture sur nos deux corps.Son épaule dénudée attire mon regard. Je voulais l'emmener dîner dans un des meilleurs endroits de Soweto aujourd'hui. La toucher ce soir, dans ces circonstances, semblerait fade et dénué de sens.Ce n'est pas vraiment ainsi que je veux franchir cette ligne avec elle.

Je me penche pour déposer un baiser léger sur son épaule, un geste qui semble plus pour moi que pour elle. Puis je recule,  veillant à garder une certaine distance . Avant de m'installer sur mon oreiller, mes pensées toujours agitées.

Demain. Demain, on le fera . C'est mieux.

Pour l'instant, je ferme les yeux.









Adeola .



Je tire ma chaise et m'installe face à Solaya, qui s'admire dans un petit miroir compact. Elle incline légèrement la tête, inspectant sa peau avec une satisfaction évidente. La lumière du café tombe sur ses traits, accentuant l'éclat de son teint.

— Sérieux, les filles, je crois que j'ai rajeuni de vingt ans !

— s'exclame-t-elle en riant, son ton oscillant entre l'humour et la fierté.

— T'as quel âge pour pouvoir rajeunir de vingt ans ? — réplique Ama, amusée, tout en jouant le jeu.

Solaya prend une expression faussement dépitée avant de soupirer en remarquant les plis discrets sur son front. Elle passe distraitement un doigt dessus comme pour la faire disparaître, puis se détend à nouveau.

— Quand t'auras des gosses, on en reparlera. Parfois, je me sens comme une femme de cinquante ans, alors que je n'ai que trente !

Sa remarque provoque un éclat de rire général, juste au moment où un serveur dépose devant moi un verre de jus de corossol glacé et une salade de fruits fraîchement préparée. Je hume le parfum sucré et tropical du jus avant de glisser la paille entre mes lèvres et aspire une gorgée fraîche et sucrée.

Ce jus est une pure merveille. Je pourrais mourir pour lui.
Mais en parlant de mourir, ma nuit d'hier me revient en mémoire. Je m'étais couchée parfumée, épilée, prête à... enfin, à tout. Pourtant, j'ai fini par m'endormir comme une enclume avant même qu'il ne sorte de la salle de bain. Quelle honte.

À midi, au déjeuner d'entreprise, j'ai passé un temps fou aux toilettes, scotchée à mon téléphone, cherchant désespérément des vidéos : "Comment séduire son mari ?" ; "Comment être attirante en soirée ?" ; "Comment...". La liste était interminable. Et pour quoi, au final ? Pour m'effondrer avant même qu'il ne remarque mes efforts.

Au petit matin, je m'étais glissée hors du lit en silence, espérant éviter toute conversation gênante. Il était encore à moitié endormi, et quand je lui ai fait un signe de main, il s'est contenté de hocher la tête avant de replonger dans l'oreiller. Il va sûrement se moquer de moi quand je rentrerai. C'est sûr qu'il le fera.

— Hé, Adé ! s'exclame soudain Solaya, me tirant brutalement de mes pensées.

Je relève la tête, confuse, et remarque qu'elle et Ama me fixent avec un mélange d'exaspération et de curiosité.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je, vaguement coupable.

— Si tu continues à avoir des orgasmes mentaux toute seule ici, dit Solaya avec une moue taquine, on peut bien te libérer pour que tu ailles retrouver Ryan.

Je secoue immédiatement la tête pour nier, mes joues brûlant d'embarras, ce qui ne fait qu'amplifier éclate de rire d'Ama.

— Ce n'est pas ce que tu crois, balbutié-je. Je... je refaisais une fiche de courses mentale.

— Une fiche de courses mentale, répète Solaya avec une ironie mordante. Si faire des courses était aussi jouissif, je serais déjà au paradis.

Solaya éclate de rire, entraînant Ama dans son hilarité. De mon côté, je sens la chaleur envahir mon visage, trahissant ma gêne. Elle a vu clair en moi, et c'est pire que tout.

— T'inquiète, Adé, tente de me consoler Ama, bien qu'elle soit encore secouée de rires. C'est ton droit d'avoir des orgasmes mentaux. Solaya est juste jalouse et frustrée.

— Je l'admets,  intervient Solaya avec un sourire complice.  Un peu jalouse, mais pas frustrée.

Ama papillonne des yeux, manifestement peu convaincue. Je me joins à son regard sceptique. Finalement, Solaya lève les mains en signe de capitulation.

— D'accord, vous avez gagné. Ça fait un moment que Lyan et moi n'avons pas fait l'amour. Genre... deux semaines.

— Sérieux ? s'étonne Ama, les yeux ronds.

Je reste silencieuse, simple spectatrice de leur échange.

— Oui, dit Solaya en haussant les épaules. Les enfants sont dans nos pattes ces derniers temps, et le soir, je finis par m'écrouler comme une brique. Alors, les alternatives, c'est mort.

— T'as pas de nounou ? demande Ama intriguée.

— Si, j'en ai deux. Mais... je n'aime pas trop laisser d'autres personnes s'occuper de mes gosses. Ils sont déjà assez pénibles, alors les confier à quelqu'un contre de l'argent, c'est pas trop mon style.

Je prends une inspiration, un peu hésitante, avant de proposer :

— Je peux te les garder, si tu veux.

Solaya me fixe, un sourire amusé flottant sur ses lèvres, mêlé à une hésitation légère.

— Un peu de liberté à la maison, ça ne serait pas de refus,  commence-t-elle avant d'ajouter malicieusement :  Mais j'ai pas envie de gâcher tes scènes intensives avec mon beau-frère.

— NON ! ma voix fuse, un peu trop fort, attirant quelques regards curieux autour de nous.

Elles échangent un regard complice avant d'éclater de rire une nouvelle fois. Je baisse la tête, mortifiée et réfugié dans mon jus, espérant que la terre m'engloutit

— Je comprends pourquoi Ryan ne peut pas s'empêcher de te fixer, ricane Solaya. Tes expressions sont tellement drôles.

Un picotement monte dans ma gorge. La remarque me fait tousser malgré moi, et cette réaction déclenche un nouvel éclat de rire chez elles. Décidément, je ne gagnerai jamais face à Solaya. Résignée, je me concentre sur ma salade, espérant retrouver un semblant de sérénité.

Leurs éclats de rire s'estompent quand le téléphone d'Ama vibre sur la table, rompant le moment. Elle regarde l'écran, et son soupir lourd s'étire comme un aveu. Sans un mot, elle repose le téléphone face contre table.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demande Solaya, toujours prompte à repérer les failles.

— Adonis, répond Ama dans un soupir à peine masqué.

Je fronce les sourcils, intriguée. Le ton sec et détaché me fait relever la tête. Ama n'appelle jamais son compagnon par son prénom ; d'ordinaire, elle use de petits surnoms qui frisent parfois le ridicule : « mon roi », « sweet », « love ». Des termes qui, je le sais, ne franchiront jamais mes lèvres.

— Vous vous êtes disputés ? risqué-je en tentant de deviner.

Ama pince les lèvres et laisse tomber sa fourchette,dans un petit rire nerveux.

— On ne s'est pas vraiment disputés... mais il y a encore sa mère. Chaque fois qu'elle débarque, notre couple bat de l'aile.

Le cliquetis de la fourchette de Solaya contre son assiette s'interrompt brusquement.

—Oh, tu as hérité de la belle-mère toxique, constate-t-elle avec une pointe de sarcasme.

Ama pousse un long soupir avant de poser ses coudes sur la table et de croiser nos regards.

— Sérieusement, les filles, je vous en parle que  parce que vous êtes mariées. Écoutez-moi sans me juger, d'accord ?
Nous hochant la tête en silence, Solaya et moi ,solidaires, nous inclinons légèrement, prêtes à l'entendre. Ama inspire profondément, comme pour se donner du courage.

— Ma future belle-mère me déteste, commence-t-elle, sa voix tremblant légèrement. Future, parce qu'Adonis et moi ne sommes pas encore mariés, mais on vit presque ensemble. Cette... cette femme ne veut pas que son fils refasse sa vie avec moi parce que je suis  une femme noire. Et elle ne se gêne pas pour me le faire sentir, surtout en son absence.

Sa voix tremble légèrement, mais elle continue avec une détermination farouche :

— Dès qu'Adonis n'est pas là, elle critique tout : ma tenue, ma coiffure, ma cuisine. Quand Adonis fait ses tours de gardes à  l'hôpital, elle débarque avec ses repas, comme si mes efforts ne comptaient pas.

— Attends... en gros, elle joue à la rivale avec toi ? lâche Solaya en buvant une gorgée de jus, les sourcils froncés.

Ama acquiesce lentement avant de reprendre :

— Exactement. J'ai essayé d'en parler à Adonis, mais il ne voit pas où est le problème. Il me sort des excuses du genre « Elle vit à Londres, elle n'est là que rarement » ou encore « Elle l' a élevé  seule, il faut comprendre ses habitudes. » Il pense que j'exagère.

Elle fait une pause pour avaler sa salive, les lèvres tordues par un mélange de colère et de frustration.

—Hier, c'était la goutte d'eau. Elle est venue chercher son petit-fils pour le week-end, et quand il a demandé que je lui fasse du mafé pour la route, elle lui a interdit d'en manger. Elle a dit que c'était de la malbouffe.

— J'espère que tu lui as renversé le plat au visage, intervient Solaya avec une agressivité tranchante.

Ama secoue la tête, un sourire sans joie flottant sur ses lèvres.

— Non , j'ai attendu qu'Adonis rentre. J'ai pris mes affaires et je lui ai dit... que s'il voulait baiser  avec sa mère, il n'avait qu'à le faire.

Cette réplique nous fait éclater de rire malgré la gravité de la situation. Le rire d'Ama finit par s'éteindre doucement.

— Maintenant, il m'appelle sans arrêt, je ne réponds pas. Mais j'ai pas trop envie de le prendre.

— Ne réponds pas, tranche Solaya avec conviction. Fais-le mariner un peu.

Je fronce les sourcils, incertaine.

— Tu ne devrais pas au moins écouter ce qu'il a à dire ? Peut-être qu'il veut s'excuser.

— Oui, il va sûrement s'excuser, rétorque Solaya en roulant des yeux. Mais elle doit d'abord marquer son territoire. Et cette belle-mère de merde, sérieusement ? Elle ne mérite pas de seconde chance.

Ama hausse les épaules avec un rire amer.

— Je voulais un homme qui aime sa mère, mais là... je suis servie . Ils vivent une histoire d'amour fusionnelle.

Elle divague, son regard perdu quelque part dans l'amertume.

— Tu as parlé d'un fils ? demandé-je doucement. Vous avez un enfant ?

Ama secoue la tête, un peu surprise.

— Non, Adonis a un fils de son précédent mariage. Une union qui a foiré en deux ans.

Je n'arrive pas à cacher mon étonnement. Adonis ne m'a jamais semblé être le genre d'homme qui aurait déjà été marié.

— Franchement, vu la belle-mère, on comprend pourquoi son ex a pris la fuite, commente Solaya avec son habituelle acidité.

Ama soupire, un poids invisible écrasant ses épaules.

— Je ne suis pas experte en relations, mais je pense que tu devrais l'écouter et lui parler du comportement de sa mère quand tu te sentiras prête, proposé-je timidement.

— Toi, Adé . Tu es une diplomate, ironise Solaya en ricanant.

Je hausse les épaules, un sourire discret aux lèvres.

— Si seulement il pouvait m'écouter, souffle Ama.

Elle se tourne alors vers Solaya, une lueur d'espoir dans les yeux.

— T'aurais pas des conseils sur comment apprivoiser un mec ?

Solaya éclate de rire , attirant l'attention des autres clients du spa.

— Si je savais faire ça, crois-moi, je ne viendrais pas au spa pour me rajeunir. Même après dix ans de mariage, il faut toujours que je répète quatre fois la même phrase à Lyan pour qu'il comprenne.

Nous rions toutes les trois, l'atmosphère devenant plus légère.

— Mais ton mari est du genre à t'écouter, insiste Ama, le regard légèrement moqueur.

Solaya rit encore, presque incrédule, et repousse sa mèche de cheveux avec un sourire narquois.

— Chérie, Lyan ne m'écoute jamais. Il fait semblant de se tenir tranquille, mais au fond, c'est toujours le gamin immature de vingt-deux ans qui m'a demandé en mariage sur un coup de tête.

Je relève les yeux, intriguée.

— Il t'a demandé en mariage sur un coup de tête ? répété-je , incapable de cacher ma surprise.

— Oui, en pleine rue, avec un fil de fer pour bague ! Et moi, la conne de vingt ans, j'ai accepté.

Ama pouffe doucement, puis reprend avec une voix plus douce :

— C'était quand même ta meilleure décision , affirme-t-elle

Solaya oscille lentement la tête de gauche à droite, contemplant son alliance qui brille sous la lumière tamisée du spa. Elle laisse finalement un sourire sincère ne fleurisse sur ses lèvres.

— D'un côté, t'as pas tort, admet-elle enfin. Il a été mon meilleur investissement financier pour l'avenir, et mentalement, je suis son meilleur placement.

Un silence complice s'installe, seulement interrompu par le cliquetis des couverts autour de nous. Je souris , observant la tendresse dissimulée derrière ses mots. Solaya, toujours à utiliser l'argent comme une barrière, et son mental comme un bouclier.

Deux vérités sur elle : elle parle d'argent pour masquer ses sentiments et de son mental pour cacher sa douleur.

— En gros, y'a que Adé qui file le parfait amour, conclut Ama avec un petit sourire complice.

Je m'apprête à protester, mais elles se lèvent de leur chaises avant que je puisse dire quoi que ce soit.. Un goût amer me serre la gorge. Parfait amour ? Ce mot résonne presque comme une blague cruelle. Mes mains restent figées sur mes genoux, et une question tourne en boucle dans ma tête : est-ce qu'entre Ryan et moi, il existe vraiment des sentiments, ou est-ce une illusion que je m'impose ?

Je finis par me lever à mon tour pour les suivre . Nous rejoignons l'aile des soins de beauté, où l'air est saturé d'huiles essentielles et de musique apaisante. Les lumières douces caressent les murs ivoire, et je sens déjà la tension se dissiper au contact de l'ambiance relaxante.

Après une heure de massage où mes muscles tendus semblent fondre sous les mains expertes de la masseuse, puis une autre heure consacrée aux soins du corps, il est enfin temps de parfaire la journée avec une jolie manucure.... ....



NDA : A l' heure ci , vous vous demander à quoi je joue n'est pas ? 🥺🥺🥺
Je sais, je suis une autrice à qui on peu pas voir d'espérance 🙏🙏🙏mais ne vous inquiétez pas votre scène 🏩🔥❤️‍🔥vous l'aurais en temps voulu et je vous réserve plein de surprise aussi

Vous impressionne, vos espoirs et toute vos théories sur leur retour à la maison ?

Et n'oublie pas mes like, ceux qui n'ont pas voté les chapitres précédents faites le s'il vous plaît 🙏

Bye et bonne nuit .
Et bonne arrivée au nouvelle

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