Chapitre VI: Rien que la liberté
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Acte1🟤: Mariage et poids du devoir
"Un mariage est comme une forteresse assiégée, ceux qui sont dehors veulent entrer , ceux qui sont dedans veulent sortir "
Proverbes africain
Ryan.
Je rentre à la villa,
une ombre parmi les ombres,
après l'avoir déposée chez elle.
À peine passé la porte, l'odeur familière des épices et de la cuisson m'accueille, me rappelant que, malgré tout, il y a des choses qui restent constantes.
Ma mère est dans la cuisine, enchaînant gestes et pensées, un ballet silencieux.
— Bonsoir, maman.
— Bonsoir, mon grand. Tu rentres bien tard ?
Sa voix n'est pas accusatrice, mais le commentaire perce à travers moi, une épine de plus à éviter. Je décide de ne pas répondre. À quoi bon ?
Sur la table, un bol de graines d'arachide, abandonné là, probablement par les neveux.
Je m'en empare, laissant les clés de la voiture sur l'îlot.
Ces petites choses sont addictives, presque autant que les pensées sombres qui ne me quittent jamais. Je fais craquer la coquille entre mes doigts, me concentrant sur ce geste simple. Mais la patience n'est pas mon fort ce soir, alors je me sers de mes dents. Pas élégant, non, mais efficace.
Je me demande brièvement pourquoi on ne les prépare pas directement sans la coquille. Est-ce que le goût changerait vraiment ? Peut-être, peut-être pas.
— Hé ! Mange pas tout, proteste mon frère en entrant dans la cuisine.
— Apprends à fermer les yeux, lui rétorquai-je. Tu es parent de trois gosses, non ?
— Et c'est quoi le rapport ? C'est le reste de mes enfants ! réplique-t-il, les yeux pétillants de ce mélange d'amusement et de fatigue qui ne le quitte jamais.
— Ce sont mes neveux, lui rappelai-je.
— Il reste des arachides ? Ne vous battez pas, intervient maman, la voix douce mais ferme.
Je lui laisse le bol et me dirige vers l'armoire pour en trouver d'autres. Maman a toujours des réserves. Je m'installe contre l'îlot, cherchant une position confortable, ou peut-être une manière de me sentir ancré.
— Alors, tu es retourné la voir de ton plein gré aujourd'hui ? insiste-t-elle.
— Ouais, répondis-je, espérant clore la discussion avant qu'elle ne commence.
— Et tu la trouves comment ?
— J'ai pas mon mot à dire sur le sujet, tu te rappelles ?
Elle soupire, et je sens que ça la blesse. Mais la vérité, c'est que ni elle ni moi n'avons eu notre mot à dire dans cette histoire. Nous sommes tous des pions sur un échiquier, bougés par des mains invisibles.
— T'inquiète, maman, il regardait déjà ses fesses, lance mon frère sur un ton moqueur, brisant l'ambiance lourde avec sa légèreté habituelle.
Je lui donne une tape sur la nuque, plus pour le geste que pour la correction, et quitte l'îlot avec mon bol. La terrasse m'appelle, sombre et paisible.
Il me suit.
Je m'installe dans un coin reculé, près de la piscine, où la lumière ne vient pas troubler la nuit. C'est ici, dans l'obscurité, que je me sens le mieux. Mon jumeau s'assied aussi, sur le bord d'une chaise longue .
— Alors ? Elle a dit quoi ? demande-t-il.
— Elle m'offre dix ans de sa vie, dis-je, la voix basse, presque un murmure. Et après, elle ne veut plus jamais voir mon nom sur un magazine.
— C'est plutôt bien, commente-t-il, pragmatique comme toujours. Et elle n'a rien demandé en retour ?
— Non, répondis-je, vague, perdu dans mes pensées.
Je me demande comment elle va vraiment. Elle n'était plus la femme vibrante que j'avais rencontrée dans cet ascenseur. Non, elle semblait fanée, épuisée, comme une fleur privée de lumière. Que lui fait-on subir ? Que nous fait-on subir ? Elle n'a même plus le droit de sortir, une prison dorée qui ne fait que renforcer l'horreur de la situation.
Je soupire, brisé par mes propres réflexions, et continue à casser les grains d'arachide entre mes dents, cherchant à m'ancrer dans cette sensation physique pour fuir l'orage qui gronde en moi.
— ...C'EST PRÊT, LES GARÇONS ? crie maman depuis la cuisine, sa voix perçant l'obscurité de mes pensées.
On se lève tous les deux pour rejoindre la famille.
J'aide Solaya à mettre la table, une tâche qui m'apaise, qui me donne l'impression d'avoir un contrôle, même minime.
Lyan, de son côté, veille à ce que ses trois diablotins ne causent pas de dégâts. Solaya soupire, se demandant à haute voix si elle n'aurait pas dû les laisser à Johannesburg, maintenant que le voyage se prolonge. Mais on sait tous qu'elle n'aurait jamais pu les laisser si loin d'elle.
— Maman, tu connais bien la famille Olami ? demandai-je soudain, la voix plus froide que je ne l'aurais voulu.
— Oui, un peu, répond-elle, son enthousiasme m'étonnant. Je connaissais très bien la mère de ta future femme.
— Tu connaissais ?
— Cette femme-là n'est pas sa mère, m'explique-t-elle en rangeant des trucs dans le frigo. C'est sa belle-mère. Mais elle ressemble tellement à sa mère biologique, c'est presque effrayant.
— Sa mère est morte ?
— Oui, en laissant derrière elle sa petite fille et son pauvre mari. Ousmane ne s'en est jamais vraiment remis...
Je me demande si elle, sa fille, s'est jamais remise de cette perte.
— ...tu m'écoutes ? Pourquoi tu voulais savoir ? me demande maman, sortant de ses pensées pour revenir à moi.
— Juste... pour rien.
Je prends une bouteille d'eau et me dirige vers la table.
Maman aime trop parler, et je ne veux pas qu'elle aille raconter à tout le monde que je m'intéresse à elle.
Ce n'est qu'un contrat, comme les autres. Et comme tout contrat, il aura une fin.
On s'apprête à se mettre à table quand une voiture entre dans la propriété, le moteur grondant dans le silence du soir. La porte d'entrée s'ouvre brusquement.
— SALUT LA COMPAGNIE ! hurle la voix perçante de Lala, la princesse de la famille.
Elle pose son sac à main par terre, grimpe sur l'estrade comme une reine et file dans les bras de notre mère , un ouragan d'énergie et de joie.
Elle enchaîne avec un check à Lyan, un bisou à Solaya, et des baisers sur le front des enfants qui s'écrient : « Tâta ! » Elle sort des sucreries de ses poches, semant le chaos en moins de cinq secondes.
Puis, elle se plante devant moi, sourire éclatant, bras ouverts.
— L'homme du jour a droit à un énorme câlin, dit-elle en me serrant contre mon gré. Joyeux mariage, Rottweiler.
Elle ne cache même plus les surnoms mesquin, qu'elle m'accorde.
J'étais boa , y'a quelque mois
— Ça se souhaite après la cérémonie, lui rappelle Lyan, toujours pragmatique.
— On s'en fiche ! L'important, c'est que RYAN VA SE MARIER !
— Tu vas alerter les voisins, tentai-je de la calmer, mais elle est imparable.
— J'ai toujours cru que ce jour n'arriverait jamais, sérieusement ! Pas que je pensais qu'aucune femme ne voudrait de toi, mais qu'elle te veuille aussi vite dans sa vie, c'est un exploit. J'ai hâte de la rencontrer. Elle s'appelle comment, déjà ?
Elle se retourne pour chercher son sac à main, tandis que le chauffeur entre avec ses valises. Lala sort le faire-part, et je me sens soudain comme un invité dans ma propre vie.
Elle s'éclaircit la voix, prête à faire son annonce.
— Blablabla, blablabla... J'ai l'honneur de vous convier à la cérémonie de noces de Ryan Xola Longuiti et Adeola Bolaye Olami. En gros, son prénom doit être Adeola. Ça sonne plutôt pas mal, tu ne trouves pas ?
Elle me sourit, malicieuse, mais je ne peux que détourner le regard, las.
Je me sers, et commence à dîner, espérant que tout cela se termine rapidement.
Que cette farce prenne fin, que je puisse enfin rentrer chez moi.
Les deux semaines ont filé sans que je m'en rende compte, englouties par une tempête d'obligations et de faux-semblants. Les préparatifs pour ce mariage arrangé, les négociations pour la fusion, mon travail à distance...
Tout cela m'a absorbé, m'a détaché de la réalité. J'étais là, mais ailleurs, comme un spectateur passif dans le théâtre de ma propre vie.
Ce matin, je me sens vide, détaché. J'avais imaginé ce jour de mille façons, avec une sorte d'appréhension, pensant qu'il y aurait un déclic, un moment où tout deviendrait clair, où les émotions m'assailliraient. Mais rien. Juste ce vide et, peut-être, une légère gueule de bois qui traîne, résultat de la semaine d'excès passés à jouer le rôle du futur marié. Mes amis, mes cousins, mon frère... ils n'ont cessé de célébrer, comme s'ils tentaient de noyer la réalité dans l'alcool et les rires. Mais moi, je ne ressens rien.
Cette nuit, le sommeil m'a échappé. Était-ce la faute des chants maladroits de ma sœur, ivre, entourée de ses chiens tout aussi désorientés qu'elle ? Ou peut-être était-ce autre chose, une anxiété sourde qui m'empoisonnait doucement, sans que je puisse l'identifier. Je suis resté allongé, le regard fixé au plafond, perdu dans un labyrinthe de pensées sans issue.
Finalement, je me lève, glissant hors du lit avec précaution, évitant les corps qui jonchent le sol de la chambre. Mes proches se sont effondrés là où la fatigue les a rattrapés, créant un paysage de chaos silencieux. Je traverse cette scène avec la prudence d'un funambule, jusqu'à la salle de bain, mon seul refuge.
— T'es déjà réveillé ? murmure mon frère, à moitié endormi, sa voix s'élevant faiblement depuis le sol. C'est vrai, on n'arrive pas vraiment à dormir le grand jour...
Le grand jour.
Ses mots résonnent en moi, creux et dénués de sens. Je soupire et referme la porte de la salle de bain, m'enfermant dans ce petit espace où j'essaie de reprendre mes esprits.
Face au miroir, je brosse mes dents mécaniquement, mon regard accroché à ce visage que je reconnais à peine. Une pensée me traverse, acérée : elle doit me haïr, là-haut.
Hier, lorsque mon père m'a montré les bagues, je n'ai pas pu les regarder.
Tout ça n'est qu'un contrat, un accord froid et dénué de tout sentiment. Rien de plus.
En sortant de la salle de bain, je me dirige vers la cuisine, guidé par les éclats de rires et les chants qui résonnent dans la maison. Dès que j'entre, je suis accueilli par les acclamations de ma mère et de Solaya, leurs voix se mêlant dans une chanson improvisée, pleine de joie. Quelques cousines dansent en arrière-plan, leurs mouvements empreints d'une légèreté que je ne ressens pas.
Si je survis à cette journée, plus rien ne pourra m'effrayer.
Je les ignore, me concentrant sur des gestes simples, routiniers. Je me sers un café, espérant que la chaleur du liquide dissipera ce brouillard qui m'entoure. J'attrape un croissant.
— Ho, votre Altesse ! s'exclame ma sœur, sa voix éraillée par l'excès. Votre petit-déjeuner doit être exceptionnel aujourd'hui ! Oubliez ces mets de mendiants et venez à la table des rois... Son Altesse Xola est parmi nous !
Les autres reprennent en chœur, leurs voix résonnant dans la pièce, une cacophonie joyeuse et envahissante. Je les laisse faire, m'asseyant à la longue table où divers plats fument encore. Tout cela me semble étranger, comme si je regardais la scène à travers un voile.
À quelle heure se sont-elles levées pour préparer tout ça ? Ont-elles seulement dormi ? Je m'installe, jouant le rôle qu'on attend de moi, laissant ma mère se réjouir de bonheur .
Bientôt, les autres, alertés par le bruit, se joignent à nous. La pièce se remplit, l'atmosphère devient plus étouffante. Je sens une main se poser sur mon épaule.
C'est mon père . Son regard est lourd de sous-entendus, mais je n'ai plus rien à lui dire. Les mots entre nous ont cessé d'avoir du sens depuis longtemps.
— Réjouis-toi, fils, cela n'arrive qu'une seule fois. On ne devient homme qu'une seule fois...
Ses paroles glissent sur moi sans vraiment m'atteindre. Autrefois, j'écoutais ces discours avec respect, mais aujourd'hui, ils me semblent creux, vides de tout sens. Ce mariage n'est qu'une formalité, une obligation que je me dois de remplir pour apaiser les attentes familiales.
Prétextant la nécessité de me préparer, je m'éclipse de la salle à man, cherchant à échapper à cette scène oppressante.
Dans ma chambre, je prends une douche rapide, l'eau contre ma peau n'arrivant pas à réveiller quelque chose en moi. Les maux de tête persistent, alors je prends un Doliprane, espérant que cela suffira à les apaiser.
Une gorgée d'un whisky, laissée là depuis la veille, glisse dans ma gorge, brûlant légèrement, mais n'apportant aucun réconfort.
— Toi, tu ne vas pas bien, constate mon jumeau en entrant dans la chambre, ses affaires à la main.
— À ton avis ?
— On aurait dû aller en boîte hier soir, histoire qu'une de ces Westaf te remette les couilles en place, ricane-t-il.
— Laisse mes couilles en paix, tu veux ?
— Ouais, d'ici 24 heures, ce sera plus mon problème, ce sera celui de ta femme.
Sa remarque me fait serrer les dents. Je mords sur ma langue, le laissant entrer dans la salle de bain sans un mot de plus. Une autre gorgée de whisky glisse dans ma gorge. Je sens le liquide réchauffer mon estomac, mais mon cœur reste froid, insensible.
Il est bientôt neuf heures, et je me dis que tout cela sera bientôt terminé. Du moins, c'est ce que j'espère.
Adeola.
Le réveil de ce matin s'est fait à quatre heures, brusqué par la prière des croyantes voilées de la famille.
...Mes tantes, mes cousines... tout le monde s'activait autour de moi, insistant pour que je sois parfaite, impeccable. Mais tout ce que je pouvais ressentir, c'était une nervosité qui me rongeait de l'intérieur, accentuée par une légère nausée. La cinquième fois que je me réfugiais aux toilettes, j'ai à peine le courage de me regarder dans le miroir
Je crois que je n'ai jamais eu une mine aussi affreuse. Mon visage reflète un mélange de fatigue et de stress, que je n'arrive pas à dissimuler malgré mes efforts.
Quand on frappe à la porte des toilettes, je devine que c'est la petite sœur de ma mère. Depuis son arrivée, elle ne me lâche plus, comme un bouclier silencieux contre ma belle-mère.
— Il est temps de t'habiller, m'annonce-t-elle doucement depuis l'autre côté.
Je me redresse, rajustant maladroitement mon jogging, avant de fermer la lunette des toilettes et de tirer la chasse d'eau.
Quand j'ouvre la porte, elle me sourit, un sourire qui se veut encourageant. Elle me prend la main et m'entraîne vers le salon où les maquilleuses et les coiffeurs sont déjà en action, manœuvrant entre les rires et la musique qui résonne.
Je m'installe timidement, me sentant soudainement petite au milieu de cette agitation deux d'entre eux se dirigent vers moi,entament la conversation, me complimentent, sans doute pour tenter de détendre l'atmosphère.. Mais c'est sans compter sur ma demi-sœur, toujours là pour glisser des remarques venimeuses sous couvert de compliments.
Elle a ce don pour me faire sentir encore plus maladroite et insignifiante.
Cela fait des jours qu'elle me lance ce genre de piques, et même si tout le monde semble faire semblant de ne rien remarquer, je me sens de plus en plus étouffée
Une de mes tantes, lassée de son attitude, lui a finalement crié dessus pour qu'elle se taise. Ma belle-mère présente aussi, ne devait sûrement pas apprécier, mais pour une fois, je suis soulagée de ne pas avoir à gérer ça.
Mes tantes maternelles ont une présence assez imposante pour faire taire même les plus audacieuses, je les comprise en seulement quelques jours
Après plus de deux heures, je suis enfin prête. Une coiffure simple, légère avec mes propres cheveux, maquillée, mes ongles faits depuis hier, l'henne sur mes mains et mes pieds qui devient de plus en plus jolie avec le temps.
Il ne reste plus qu'à enfiler ma première robe.
Mes cousines n'en ratent pas une pour me prendre en photo, faire des vidéos. Ifé, en particulier, s'est transformée en instagrammeuse en chef, déterminée à faire le meilleur vlog de mon mariage , malgré cela, je me sens toujours si petite, si invisible au milieu de cette frénésie
Je me lève finalement, prête à enfiler ma robe. Une robe couleur améthyste, magnifique à en mourir, du vicky James,que je regrette presque de porter pour une occasion aussi stressante
Elles arrivent à me faire sourire, à détendre un peu ce stress qui grandit à chaque minute. Plus le temps passe, plus je réalise que je m'embarque dans quelque chose dont je ne reviendrai pas.
Je me lève.
— *Bad girl, she wan Netflix and chill...* commence Ifé, chantonnant cette chanson qui nous a toujours fait sourire.. So I ja ticket, give am warning
Un léger sourire se dessine sur mes lèvres, atténuant un peu l'angoisse qui monte en moi. J'essaie de m'imprégner de l'ambiance festive, de cacher ma nervosité derrière des paroles chantées à mi-voix.
— *If you fall in love, girl, e certain...* je continue doucement, essayant de me raccrocher à cette légèreté.
— *You go chop breakfast, I'm not cappin'...* entonne Mardia, une autre amie, suivie de près par Gloria et une de mes cousines
🎼 Can you see dribble? Amokachi,
I'm not faking, this no fugazi,
You see this feeling, I'm not catching....
Toute la pièce reprend en chœur:
🎼Ahh finesse
If , I broke n'a m'y business
Ama shawo e go bright
Folake for tu ne nigth o.....
Ifé se rapproche, me prenant dans ses bras. Je sens mes larmes menacer de couler, mais je lutte pour les retenir en chantonnant. Ce n'est pas le moment de craquer, surtout pas maintenant.
— Attention à ton maquillage, me rappelle-t-elle en douceur.
— Ça va tenir, ce sont des pros, murmuré-je en souriant faiblement.
Elles continuent à chanter, et je m'efforce de garder ce masque de tranquillité, même si à l'intérieur, mon cœur bat à cent à l'heure.
— Regarde-moi cette jolie mariée, je ne t'ai jamais vue aussi jolie, s'exclame une cousine.
— C'est normal, c'est son mariage, répond une tante en mettant la musique que nous venons de fredonner.
Finalement, la couturière me tire du salon, insistant pour que je mette enfin ma robe. Je suis à deux doigts de préférer rester là à danser plutôt que de faire face à ce qui m'attend.
Après quelques poses photo supplémentaires et des vidéos avec mes demoiselles d'honneur, les seules personnes que j'ai pu choisir moi-même pour cette mascarade
Ma demi-sœur a failli exploser de rage quand elle a réalisé que je ne l'avais pas incluse parmi elles, mais j'ai feint l'oubli.
Je me prépare à monter en voiture. Mais le stress me paralyse encore une fois. Je demande une dernière pause pour aller aux toilettes, entraînant Ifé avec moi. Elle ouvre son sac, sort une seringue et me regarde, inquiète.
— Tu es sûre de toi? me demande-t-elle, l'air inquiet.
J'hoche la tête, trop effrayée pour parler. J'ai appris d'une domestique que l'infusion que ma belle-mère me forçait à boire sous ses yeux était pour booster la fertilité, et je ne pouvais pas laisser ça arriver.
Pas maintenant, pas sans avoir goûté à la vie par moi-même. Je veux garder le contrôle, même si c'est la seule chose que je peux encore maîtriser. Un jour peut-être, ou peut-être pas, mais ce sera ma décision, et je ne suis même pas sûre que cet homme en veuille.
Elle m'injecte l'implant hormonal dans le bras. Le geste est précis, rapide, mais je ressens chaque seconde comme une éternité.
— Si on m'avait dit que mes compétences d'infirmière serviraient à ça un jour... plaisante-t-elle en essayant de détendre l'atmosphère.
— Merci... soufflé-je, reconnaissante
On masque la petite rougeur avec du maquillage, puis je me redresse, tentant de chasser mes dernières hésitations. Ce mariage, malgré tout, est mon ticket pour la liberté, ma seule chance de m'échapper.
— Vous avez fini ? appelle une voix derrière la porte.
— Oui, c'est bon, on arrive, répond Ifé en m'ajustant une dernière fois.
Je lui avais parlé de l'accord passé entre Ryan et moi, le jour où ils étaient venus pour les photos du mariage.
Il était aussi détaché que moi, pressé d'en finir. Je me suis même entraînée à prononcer son prénom pour que cela paraisse naturel. Nous devons jouer notre rôle de jeunes mariés à la perfection, après tout.
Je monte finalement en voiture, ma main serrée autour de celle d'Ifé. Mon cœur bat à tout rompre, mais je garde en tête que ce mariage est ma seule issue.
Mon seul espoir de pouvoir, un jour, être moi-même.
Mon ticket pour la liberté.
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