Chapitre III : L'ombre d'Emilliana
( Démarrez la vidéo baissez votre volume et détendez vous . Bonne lecture)
Acte1🟤: Mariage et poids du devoir
«Soso take my pain away . Soso take my pain»
Omar lay
Ryan.
Allongé sur mon lit, l'insomnie me tenaille, alors que l'aube du 25 février se profile timidement.
Des rayons de lumière filtrent à travers les rideaux épais, annonçant le début du jour. Je pose les pieds sur le sol, me débarrasse des vêtements épars et me dirige vers la douche.
L'eau chaude parcourt mes muscles engourdis, mais peine à dissiper ma fatigue persistante.
Je sors de la cabine, m'essuie, puis me rends dans le dressing pour choisir une chemise et un pantalon noirs, symbole de deuil.
Une fois vêtu, je me coiffe et quitte la chambre. Mon regard se pose sur la tête de mon lit, où plusieurs photos sont accrochées comme un album de souvenirs, Notre album. Je les connais par cœur, chaque sourire, chaque moment figé.
Je détourne les yeux, quitte la chambre et descends les escaliers. Je prends mes clés et mon téléphone sur le bar où traîne encore la bouteille de la veille.
D'habitude, cela m'aide à dormir, mais ce matin, rien ne fonctionne.
Je sors dans le jardin, où Monsieur Pérot, le jardinier, taille les buissons avant le lever du soleil. Je lui adresse un salut poli au quelle il répond s'avançant vers moi.
Il se retire lorsqu'il comprend que je préfère faire le travail moi-même.
Je coupe quelques fleurs que j'emballe soigneusement avant de retourner au salon, de saisir la bouteille laissée sur le bar, puis de monter dans ma voiture.
Je conduis jusqu'au cimetière, désert mais vibrant de souvenirs pour moi. Sur la tombe, je dépose les fleurs, puis la bouteille, que j'ouvre et dont je bois une gorgée.
— Joyeux anniversaire, Emy , murmuré à l'adresse de la pierre tombale.
Sa photo commence à s'érailler, un détail que je devrais faire corriger bientôt.
Je reste là, devant sa tombe, sans autre mot à dire. Aujourd'hui, il n'y a rien de nouveau à raconter. Je contemple ce qui reste de ma femme, celle que je n'ai jamais pu épouser.
Un coup léger sur mon épaule me ramène à la réalité : le gardien du cimetière. Il me fait un signe pour que j'essuie mon visage, et je sèche mes larmes. Je peux les contenir toute l'année, mais chaque 25 février, elles reviennent.
— C'est difficile, mais les vivants ne devraient jamais être trop proches des morts , essaie-t-il de me réconforter.
—Je le sais, vieil homme , réponds-je. Mais je n'y arrive pas.
— Essaye de venir une fois par an, plutôt que chaque fois que tu en as l'occasion , ricane-t-il.
— Vous êtes vraiment cruel , lui dis-je, sans détourner le regard.
— Oui, c'est pourquoi je m'occupe d'un cimetière. Il est temps maintenant de partir.
— Il est à peine six heures.
— À qui racontes-tu des mensonges ? , me dit-il en regardant sa montre. Il est presque huite heures. Je ne vois jamais le temps passer quand je suis ici.
Je lui souhaite une bonne journée et pars.
Je reviendrai bientôt.
Je reprends ma voiture en direction de l'entreprise familiale. Une fois arrivé, je demande un café avant de me rendre dans mon bureau.
— Enfin te voilà , s'exclame mon jumeau. Tu te faisais branler ou quelque chose du genre ?
Je lève un sourcil d'agacement. Ce matin, je ne suis pas d'humeur à discuter de fait divers
— Je t'ai appelé en vain ce matin ? continue-t-il en soupirant.
— Que veux-tu ? , lui demande-je, blasé, après m'être assis à mon bureau
— Si c'était moi, tu serais en paix. Papa veut qu'on soit à Lagos pour la signature de la fusion.
— Pourquoi la signature ne pourrait-elle pas se faire ici ?
— Demande à papa, très cher vice-président.
Ce titre sonne parfois comme une insulte venant de lui.
Je soupire. Cette idée de mon père m'agace. J'espère que ce sera la dernière de ses idées farfelues. Bien que cette fusion soit plus bénéfique qu'autre chose, la montée en puissance des LONGUTI en Afrique de l'Ouest est stressante.
— C'est tout ce que tu avais à me dire ?, lui demande-je alors que ma secrétaire entre avec mon café.
Il était temps.
— Désolée pour l'attente, monsieur , s'excuse-t-elle en posant le café et en me offrant une vue peu discrète sur ses seins.
Seigneur, j'y ai droit tout le temps maintenant.
Je fais un geste pour qu'elle s'en aille. Elle en profite pour faire sa démarche de dinde de Noël.
Mon frère nous observe, remarquant mon agacement, et se met à rire au moment où elle ferme la porte.
— Tu dis un mot, et je t'enterre, Lyan , le menace-je pour qu'il évite de faire des remarques déplacées.
— Je croyais que tu voulais savoir ce que j'avais d'autre à te dire ?
— Je t'écoute.
— Elle a des putains de petites fesses ! , s'exclame-t-il alors que je lui lance un carnet au visage. Ce n'est pas rien d'être le célibataire le plus convoité de Jozy.
— J'en informerai Solaya , le menace-je, que tu complimentes les fesses de ma secrétaire.
Il sait que sa femme prendra mes mots comme parole d'évangile . Il abandonne aussitôt son sourire confiant pour un visage plus sérieux.
— Je t'en supplie, frangin . D'accord, je te laisse tranquille. Ce n'est pas mon affaire.
Il fait signe de sceller ses lèvres.
— Je ne la baise pas , rectifie-je en buvant mon café. Clore cette parenthèse ,revenons-en.
— Si tu le dis, boss.
Son regard trahit ses paroles, mais aujourd'hui, je ne suis pas d'humeur à discuter davantage.
Quelques jours plus tard, nous voilà enfin sur le tarmac de Lagos. Je mets mes lunettes de soleil en soulevant ma nièce Ewia, endormie, pour faciliter la tâche à ses parents. Solaya me remercie d'un regard, et nous prenons la direction de l'hôtel qui nous a été réservé. Après avoir déposé nos affaires, nous nous rendons au building des OLAMI où mes parents nous attendent déjà.
À travers la vitre, j'admire Lagos. C'est ma première visite dans cette ville, elle est aussi magnifique que colorée, avec une ambiance urbaine vibrante. Les embouteillages commencent à me frustrer.
Pourvu que tout se passe bien et que nous puissions repartir rapidement. Je n'aime pas traîner à l'étranger.
Ousmane OLAMI.
Mon amie et partenaire est déjà dans mon bureau, et je lui lance quelques piques pour l'énerver, malgré son sourire constant.
Mon secrétaire frappe à la porte.
— Ils sont arrivés, monsieur , annonce-t-il.
— Fais-les entrer , réponds-je.
Quelques minutes plus tard, les jumeaux d'Amané franchissent la porte de mon bureau. Ce sont maintenant des hommes, alors que la dernière fois que je les ai vus au Cameroun, ils n'étaient encore que des enfants.
Ils s'approchent. L'un salue son père tandis que l'autre vient vers moi. Il se courbe pour une salutation traditionnelle, et je lui rends la pareille. Le second imite son frère avec une certaine application. Ils sont bien élevés.
Le premier, Ryan Xola, est l'héritier ; le second, Lyan Ndyebo. J'envie presque mon confrère d'avoir une relève aussi impressionnante. Sans bavardages inutiles, nous nous mettons au travail.
À la fin de la journée, les dernières modifications sont apportées. Il ne me manque plus que la signature finale. Nous aurions pu le faire discrètement aujourd'hui, mais c'est un grand événement, et il mérite une fête qui aura lieu dans une semaine si tout se passe bien.
Le lendemain, je suis assis face à mes investisseurs. Beaucoup d'entre eux se demandent pourquoi la fusion m'a été accordée, et certains commencent à se résilier.
Leur inquiétude porte sur la longévité de cette fusion. Combien de temps durera-t-elle ? Un an, cinq ans ? Leur crainte est fondée. Une telle fusion nécessite une confirmation solide. Les raisons principales d'Amané me sont encore floues, mais chacun y a quelque chose à gagner.
Je parviens à les calmer, leur demandant du temps pour prouver la sincérité des LONGUTI.
Dans mon bureau, Amané attendait avec une inquiétude palpable.
— Il y a un problème, m'informa-t-il d'une voix grave.
— J'en ai un aussi, lui répondis-je, la frustration se lisant sur mon visage.
Il se passa la main sur le front, accablé. Nous étions deux hommes d'affaires expérimentés, confrontés à une même angoisse : le doute croissant de nos investisseurs. Ils exigeaient des garanties que notre amitié de longue date, malgré sa solidité, ne suffisait plus à rassurer.
Nous nous tenions debout devant la baie vitrée de mon bureau, scrutant la ville en contrebas, épuisés par la recherche de solutions. Nous étions à court d'idées, le poids de l'incertitude nous écrasant.
Un coup retentit sur la porte. Je donnai l'autorisation d'entrer, et Bola se glissa dans la pièce. Elle avait été malade toute la semaine, un rhume persistant, m'avait-elle dit.
Je lui avais demandé de venir me voir dès qu'elle se sentirait mieux pour discuter des récentes modifications, car elle devait me remplacer à Johannesburg. L'idée semblait lui plaire, malgré son état.
— Bonjour papa, bonjour tonton, nous salua-t-elle poliment.
— Comment vas-tu, ma petite Bola ? J'ai entendu dire que tu étais malade, s'enquiert Amané, un éclat d'affection dans ses yeux.
Elle hoche la tête, encore fatiguée, avant de répondre :
— Oui, mais je vais mieux maintenant, dit-elle à Amané, qui lui témoigne une bienveillance particulière.
— Tu es sûre ? Je sais que ton père tient à ce que tu travailles, mais il est important de te reposer aussi, insiste-t-il.
— Non, je vais bien, rester à la maison toute la journée était épuisant, rétorque-t-elle.
— Brave fille, ajoute-t-il avec un sourire chaleureux. Et n'oublie pas de bien manger pour reprendre des forces, d'accord ?
— Oui, tonton, répond-elle en se tournant vers moi.
Je lui tendis le contrat ainsi que quelques documents supplémentaires.
— Étudie ça, je t'expliquerai tout ce soir à la maison, lui dis-je.
Elle acquiesce et se retire, nous laissant seuls avec nos préoccupations.
—C'est une brave fille, soupire mon ami. Si ma propre fille pouvait être aussi douce ne serait-ce que deux jours, je serais un père comblé.
— Tes enfants te compliquent la vie, remarque-je avec une pointe d'ironie.
—Ferme-la, Ousmane. Quand Bola sera en Afrique du Sud, je compte tellement la choyer qu'elle en oubliera même son pays.
—Laisse ma fille tranquille, rétorquai-je.
— Jamais ! Si j'avais un fils à marier, je te jure que ta Bola porterait déjà mon nom...
— Stop ! lui criai-je. Tu viens de dire quoi ?
— Quoi ? Que j'allais marier ta fille ? répond-il, réalisant ce qu'il vient de dire.
Nos visages s'illuminent simultanément. Pourquoi n'avions-nous pas pensé à cela plus tôt ? Unir nos familles et nos entreprises, voilà une idée qui prend tout son sens.
— Tu as un fils à marier ? demandai-je immédiatement.
— Oui, répond-il avec son sourire malicieux mais l'hésitation se lisant sur son visage. Mais ce n'est pas le plus facile à convaincre.
Je souris, voyant en lui la solution à notre problème. Avoir ce fils comme beau-fils ne me déplaît pas du tout.
— Bola aura 24 ans cette année, elle est à l'âge idéal pour se marier.
— Ryan est déjà plus vieux, il a trente ans, mais il prendra soin d'elle. J'y veillerai personnellement, assure-t-il.
— Alors, nous voilà décidés, dis-je avec conviction en me dirigeant vers la bouteille sur la table basse.
Amané fait de même et nous nous servons un verre.
—À la nouvelle génération, Longuti -Olami , la fusion de l'Ouest et du Sud de l'Afrique.
Nous trinquons à cette annonce prometteuse.
— Je vais imprimer les faire-part ce soir, s'impatiente-t-il. Et la liste de la dot, je viendrai la récupérer demain.
Je trempe mes lèvres dans mon verre, l'idée m'enchante également.
— Tu sembles oublier l'essentiel, Amané, lui rappela-je pour calmer son enthousiasme.
Ses sourcils se haussent alors qu'il cherche à comprendre si je suis sérieux, avant de faire redescendre ses épaules.
— Sérieusement, Ousmane, mon instinct me dit qu'ils sont faits l'un pour l'autre.
— Toujours ton instinct, dit-il en posant son verre. Je n'enverrai pas ma fille n'importe où sans être absolument certain. C'est un mariage, pas un contrat.
— Allons-y, dit-il en me suivant.
Le trajet jusqu'à la demeure à l'extrémité de Lagos dure une heure, sans embouteillage. À peine arrivés, nous sommes accueillis par son assistante.
— Il est fiable ? me demande-t-il.
— Oui, pour moi, il l'est. Tu devras vérifier avec le tien avant d'établir une liste de dot, ajoutai-je.
— Tu crois vraiment que la date de naissance de ta fille serait gravée sur le lit de mon fils ? rétorque-t-il.
Je hausse les épaules, nous retirons nos chaussures et entrons dans la salle de consultation où m'attend mon cousin, gardien des rites familiaux. Il nous accueille et fait des prières pour guider nos intentions et assurer leur succès.
Après avoir terminé, je lui expose notre inquiétude. Il nous écoute attentivement avant de consulter les signes devant nous.
Les cauris lancés, il nous sourit.
— Un roi pour sa couronne, annonce-t-il en anglais pour faciliter la tâche à mon ami. Vous pouvez disposer en paix.
— Que veut dire cela ? demandai-je, l'air perplexe.
— Il dit que tout est en ordre, me rassure Amané, déjà joyeux. Je veux la liste de dot demain.
Je maugrée en songeant à son impatience.
— Es-tu sûr ? répétai-je à mon aîné.
— Ousmane, m'interpelle-t-il. Fils de Bakara Olami, ta fille se mariera. Va en paix.
Amané rit de mon air inquiet, mais il est juste. Il sort plusieurs billets de sa poche qu'il place dans le plateau d'offrandes.
— Je suis le père du futur mari, les festivités peuvent commencer.
Mon cousin le remercie et nous fait quelques prières supplémentaires avant notre départ.
Nous quittons sa demeure, Amané reçoit les résultats de la consultation par le biais de son frère : la compatibilité est confirmée.
La joie initiale laisse place à une inquiétude croissante : comment annoncer cette nouvelle à nos enfants respectifs ? Leur dire qu'ils vont se marier alors qu'ils ne se sont jamais rencontrés semble une tâche ardue. J'appréhende particulièrement la réaction de ma propre fille.
— Si nous leur annonçons ensemble, propose-je.
Amané, assis dans mon fauteuil, me lance un regard sceptique.
— Ils vont nous détester, me signale-t-il. Eux et leur nouvelle façon de penser.
— Nous devrons être fermes, rétorquai-je.
Nous restons là, assis, à envisager toutes les réactions possibles. Être parents et hommes d'affaires n'est pas une mince affaire.
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