Chapitre II : Un espoir

(Démarrez la vidéo , baissez légèrement votre volume et bonne lecture)

Act1 🟤 : Mariage et poids du devoir


«La plus grande chose au monde, c est de savoir appartenir à soi moi-même»

Michel De Montaigne






Adeola.


Une semaine qui commence de manière ordinaire finit par devenir tumultueuse, m'obligeant à faire des heures supplémentaires.

Des rumeurs circulent dans les couloirs : . Olami Coastal Holdings se prépare depuis deux semaines à une grande fusion. La nouvelle me laisse sans voix lorsque Madame Zozo m'en informe, peut-être par compassion ou par pitié pour ma situation.

C'est le moment pour la plupart des employés de se démarquer, car il y a de fortes chances que certains talents soient transférés en Afrique du Sud pour renforcer notre équipe.

À mon grand soulagement, je ne croise presque personne en rentrant tard le soir. Ils sont tous bien trop occupés à enchaîner les réunions et les dîners d'affaires. C'est l'un des rares moments de bonheur que je trouve, profitant de leur absence.

Debout dans ma chambre, je tente de résister à la chaleur étouffante qui règne en ce début de mois de mars. La fin de février a déjà été insupportable, et je me ventile avec un vieux livre, espérant que la pluie vienne bientôt.

Je m'efforce aussi de ranger ma chambre, qui ressemble plus à un magasin de friperie qu'à autre chose. Après une dizaine de minutes, épuisée, je m'allonge sur le carrelage, observant une fois de plus le plafond, les bras engourdis. À ce stade, je peux compter les fissures qui le parsèment et les endroits où la saleté s'est accumulée. J'ai une très bonne vue.

Ma contemplation est interrompue par une série de coups frappés à ma porte.

— J'arrive, dis-je, cherchant à retrouver ma tranquillité et à rassembler assez de courage pour me lever, mais sans succès.

Cette personne semble déterminée à m'agacer, et j'ai déjà une petite idée de qui c'est.

— Qu'y a-t-il, Jamina ? demandé-je en ouvrant la porte.

— Les clés de la voiture, vite, j'en ai besoin.

Le culot ! Alors que cette voiture m'appartient.

— Va chercher une autre voiture.

— Hey ! s'écrie-t-elle, faisant mine de ne pas m'écouter. Les clés ?

Aussi impolie qu'elle puisse être, ma demi-sœur ne connaît ni le mot "s'il te plaît" ni "merci". C'est déjà un supplice de supporter sa mère, et il n'est pas question que je me laisse marcher sur les pieds par elle non plus.

Je soupire et finis par lui claquer la porte au nez. Elle finirait bien par trouver une autre solution.

Elle recommence à frapper, avec encore plus de force cette fois. Il ne serait pas étonnant qu'on puisse nous entendre jusqu'à Abuja.

Je l'ignore, espérant qu'elle finisse par se désintéresser, mais c'est en vain. Elle redouble d'efforts à chaque seconde qui passe.

Énervée, je finis par rouvrir la porte, et une gifle violente atterrit sur ma joue, me faisant perdre la vue un court instant. Je plaque ma main contre ma joue pour apaiser la douleur. Je reconnais cette main entre toutes : celle de ma belle-mère.

— Pourquoi laisses-tu ma fille cogner à ta porte comme une mendiante ? Que t'a-t-elle fait ?...

Il n'est pas question de répondre à ses questions. Elle s'avance vers moi, et je recule instantanément jusqu'à heurter le lit. Elle continue de s'approcher, me dominant de toute sa hauteur.

— Je t'ai toujours répété que tu n'étais rien dans cette maison, alors arrête de créer des problèmes, me dit-elle en me surplombant. Compris ?

J'acquiesce d'un signe de tête, la main toujours posée sur ma joue pour éviter une seconde gifle, car rien ne l'empêcherait de m'en coller une autre pour le plaisir.

— Jamila, crie-t-elle à l'endroit de sa fille. Que veux-tu ?

Jamila entre dans la chambre.

— Les clés de la voiture, répond Jamila.

— Où sont les clés ? me demande ma belle-mère.

D'un signe de tête, je désigne ma table de nuit. Je la vois se diriger vers elle, jetant un regard complice à sa mère. Elle prend les clés, ouvre mon portefeuille posé à proximité, en sort quelques billets comme si de rien n'était, puis quitte la pièce.

Nous laissant seules, sa mère et moi.

Elle continue de me scruter un moment avant de sourire et de faire demi-tour.

— Je ne veux pas te voir dans la maison ce soir, arrange-toi pour disparaître, dit-elle en fermant la porte derrière elle.

Je me rends compte que je ne respire plus qu'une fois ses pas éloignés. Je me laisse glisser au sol, dans un coin près du lit.

J'ai échappé à une deuxième gifle, me réconfortai-je. Elle aurait pu faire bien pire, comme me tirer les cheveux ou autre. Elle ne s'en privait pas il y a encore quelques années. Pour une raison que j'ignore, elle déteste mes cheveux, ou plutôt moi.

La raison de cette haine m'échappe toujours.

Avec le peu de force qu'il me reste dans les jambes, j'enfile un jean et un pull, prends mon porte-monnaie, et descends discrètement les escaliers pour ne pas attirer l'attention, sachant que son bureau donne sur le salon.

— Bola, entendis-je alors que je m'apprête à franchir la porte du salon.

C'est la voix un peu fatiguée de mon père.

Je fais semblant de ne pas l'entendre, referme la porte et me hâte de quitter la propriété. Désobéir à ma belle-mère pourrait m'être fatal. Je vérifie dans le garage et trouve la clé d'une vieille voiture. Je monte à bord en priant pour qu'il y ait suffisamment d'essence pour m'éloigner d'ici.

La clé dans le contact, je klaxonne pour signaler à l'agent de sécurité d'ouvrir le portail. Il comprend assez vite.

Je déboule sur l'autoroute sans réel but. Peut-être devrais-je quitter la ville ? Cela leur ferait plaisir, mais où irais-je ?

Depuis son arrivée après le décès de ma mère, mon cauchemar a commencé. Au début, ce n'étaient que de petites interdictions, puis des tapes sur le dos, des insultes sur ma manière d'être, des punitions corporelles déguisées en éducation.

Des gonflements que je dois cacher sous mes vêtements, des douleurs dont je ne peux pas parler.

Ayinke est devenue experte dans l'art de me torturer lorsque je montre la moindre révolte ou que je désobéis.

À 23 ans, elle n'en a pas encore fini avec moi tant que je reste à sa portée.

L'idée de déménager me vient souvent à l'esprit, mais mon père aveugle y est toujours fermement opposé. Lorsque j'évoque les longs trajets pour aller à l'université afin de déménager en cité universitaire, il m'achète une voiture. Pour lui, il est inconcevable que sa fille quitte son toit pour vivre seule, m'a-t-il dit.

Peut-être que je ne veux vraiment pas quitter cette maison ? Ma mère y a vécu, elle a touché chaque mur, chaque recoin, jusqu'à ses derniers instants.

Un souvenir qui me rattache à elle.

Un dont le temps ne pourrait pas me priver.

C'était son foyer chaleureux.

J'appuie fort sur le klaxon pour faire avancer la voiture arrêtée devant moi au feu rouge et qui ne semble pas vouloir démarrer lorsque le feu passe au vert. Je me fiche de commettre une infraction si cela me permet de rouler vite.

Le doux vent à travers la vitre à moitié baissée sèche mes larmes, me donnant l'impression qu'elles n'ont jamais coulé. J'accélère autant que la circulation me le permet..

Après avoir vidé le réservoir et fait au moins un tour de la moitié de cette immense ville, je me gare devant l'immeuble de mon amie. Je prends mon sac, cherchant mon téléphone qui est resté sur mon lit. Je n'en ai pas vraiment besoin. Je frappe deux fois à la porte et elle l'ouvre avant la troisième.

Habillée légèrement, d'une camisole et d'une mini-jupe, elle doit être en train de cuisiner, vu l'odeur qui se dégage jusqu'au palier.

— J'ai faim, dis-je en essayant de sourire.

Elle n'a pas besoin de me demander ce qui se passe pour en connaître les raisons. Elle m'ouvre les bras pour un énorme câlin que j'accepte volontiers.

— C'est mon spécial jollof, dit-elle en resserrant l'étreinte. J'espère que tu n'as rien contre Masterchef.

Je ris à ce petit surnom qu'on m'a donné à l'université après que certains camarades ont goûté à ma cuisine.

— Non, pas du tout, réponds-je en secouant la tête comme une enfant.

Elle rit légèrement avant de m'entraîner à l'intérieur, refermant la porte derrière nous. Elle me conduit à la cuisine où nous surveillons toutes les deux la cuisson du riz en regardant une série sénégalaise, Karma .

Au début, nous espérons apprendre quelques mots en Wolof, mais après à peine le premier épisode, nous abandonnons pour la traduction. L'intrigue devient plus intéressante.

Après avoir mangé à notre faim, incapables de faire la vaisselle, nous nous étendons sur le carrelage, son ordinateur devant nous, avec le dernier épisode palpitant de la série en cours. Elle pose sa tête sur mes fesses et je la laisse faire.

Être avec quelqu'un qui t'apprécie vraiment est réconfortant.

— Tu rentres chez toi ce soir ? demande-t-elle, s'attendant à ma réponse habituelle.

Pour mille raisons, je devrais rentrer, mais pour mille autres, je n'en ai pas envie.

Personne ne se soucie de moi dans cette maison, même les domestiques m'ignorent. Alors, pourquoi jouer les filles sages ?

— Tu as un pantalon que je pourrais emprunter pour demain ?

— Hein ?

Elle se redresse brusquement, me fixant pour vérifier si j'ai fait une erreur. J'aimerais bien, mais ce soir, j'ai une petite envie de rébellion.

— Je te demande si tu as un pantalon que je pourrais emprunter ? répète-je.

— Je dois en avoir un, répond-elle, hésitante.

— Alors je reste. Je réchaufferai ton lit et te servirai de chauffeur demain.

Elle sourit, une lueur de malice dans les yeux.

— Si tu tiens tant à réchauffer des lits, je crois qu'il est temps que tu trouves un mec. À moins que tu ne fasses appel à mon talent pour en trouver.

Je la regarde blasée.

— Moi, je veux juste réchauffer le tien, dis-je en m'asseyant.

Elle grimace comme si elle allait s'évanouir et laisse sa tête tomber sur mon dos.

— J'abandonne. Au moins, j'aurai une baby-sitter gratuite et disponible en tout temps quand j'aurai des enfants.

— Je croyais que tu ne voulais plus d'enfants ? dis-je, étonnée.

Il y a à peine un mois, elle jurait ne plus vouloir d'enfants, de peur des vergetures et de perdre ses dents pour des enfants qui porteraient le nom d'un autre. Et avec une envie de vomir lorsqu'elle se rappelle de tous les projets qu'elle a pu avoir avec son ex à ce sujet.

— Merci du rappel, murmure-t-elle. C'est l'ovulation.

Nous éclatons de rire en même temps que son alarme pour ses médicaments se met à sonner. Elle se lève, tandis que je me concentre sur la série que j'ai laissée en pause.

Le rire s'évanouit alors qu'elle se dirige vers la table de chevet, attrape une petite boîte et en sort deux pilules qu'elle avale rapidement avec un verre d'eau. Je l'observe sans un mot, me demandant si un jour elle me parlera de ces médicaments qu'elle prend chaque soir sans faute.

Elle revient s'étendre à côté de moi, me souriant comme si de rien n'était. Peut-être que je devrais lui poser la question, mais ce n'est ni le moment ni l'endroit. Ici, entre ces murs, tout semble plus simple, plus léger. Ce refuge qu'elle m'offre, même pour une nuit, me permet de m'évader, de fuir cette maison où je n'ai jamais été la bienvenue.

— Dis-moi, si tu pouvais partir quelque part, n'importe où dans le monde, où irais-tu ? me demande-t-elle, brisant ma concentration sur l'intrigue.

Je réfléchis un instant. Cette question me prend au dépourvu, car je n'ai jamais vraiment envisagé de m'échapper pour de bon. Tout ce que je connais se trouve ici, dans cette ville. Mais l'idée de fuir... C'est tentant.

— Je ne sais pas, dis-je finalement. Peut-être un endroit tranquille, loin de tout ce que je connais. Un endroit où personne ne me connaît non plus.

Elle acquiesce doucement, le regard pensif.

— Moi, j'irais à Zanzibar. Ça a l'air magnifique là-bas. Imagine, des plages blanches, des couchers de soleil à couper le souffle...

Je souris. Ife a toujours eu ce don de rendre la vie un peu plus belle avec ses rêves d'évasion.

— On pourrait partir ensemble, dit-elle avec enthousiasme. Rien que toi et moi, loin des responsabilités et des gens qui nous prennent pour acquises.

Je hoche la tête. Même si je sais que c'est une simple fantaisie, l'idée est réconfortante.

Pour la première fois, je suis arrivée en retard au boulot parce que nous avons passé notre temps à rire dès le matin. Ifé avait toujours quelque chose à dire pour nous faire rire, commentant les disputes de couple dans l'appartement voisine .

Un vrai rayon de soleil. Même au travail, nous continuons à en parler.

—. Je te jure que si on dort ensemble pendant un mois, on sera virées, murmuré-je à son oreille.

Elle rit légèrement.

—. Il ne nous restera plus qu'à vendre à l'étage, je t'imagine...

Elle recommence à rire.

Au cours de la semaine, je n'ai dormi qu'une seule fois à la maison. Je me demande pourquoi je rentrais avant. J'ai récupéré ma voiture et pris quelques tenues pour le travail. Personne ne semble avoir remarqué mon déménagement, ou peut-être que cela contribue au bonheur de ma belle-mère. Aussi loin que je sois, elle sera heureuse.

Occupée devant la machine à café détraquée de notre département, je soupire. Je viens de passer une nuit blanche avec Ifé, entre les épisodes intrigants de Criminal Minds.

Cette série et Ifé forment une entité.

Je monte les escaliers, en espérant trouver une machine en meilleur état. En me dirigeant vers la cuisine des gestionnaires, je découvre avec bonheur qu'elle est opérationnelle. J'y ajoute un peu de lait pour plus de douceur.

Je savoure ce moment lorsqu'une main se pose sur mes yeux. Je sursaute, lâchant ma tasse qui se brise sur le carrelage, éclaboussant le sol.

—. Doucement ! s'exclame le responsable derrière moi.

Je me retourne, furieuse, vers Kaleb, un gestionnaire qui a tendance à être trop collant.

—. Kaleb ! Je déteste les surprises.

— Désolé, dit-il d'une voix piteuse. Mon pantalon y est aussi passé, alors autant ne pas trop m'en vouloir.

Il me montre une partie de son pantalon mouillé, tandis que mes jambes dégoulinent. Heureusement, je porte une jupe .

—Et moi, j'ai les jambes trempées et le sol...

Il sourit et se baisse pour ramasser les morceaux de la tasse. Parfois collant, il sait aussi se faire pardonner. Je vais chercher une serpillère dans le placard. Les cuisines de chaque étage sont disposées de la même manière : un frigo, un micro-ondes, une cafetière, et parfois un mixeur. Il n'y manque qu'un four. Je finis de nettoyer en silence, malgré ses nombreuses questions. Je me lave les mains au robinet, son reflet dans le miroir montrant qu'il me fixe. Je soupire.

—Adeola, s'il te plaît...

—Kaleb, c'est bon, tu es pardonné.

Il sourit légèrement. Pourquoi toute une cérémonie pour une tasse cassée ?

—. Alors, ça te dit un resto ce soir ? propose-t-il.

Je penche la tête pour vérifier s'il est sérieux, et son sourire confirme qu'il l'est.

...en tête à tête ? ajoute-t-il.

—Non, répondis-je en me préparant à quitter la pièce commençant à me sentir mal à l'aise dans ce espace avec lui

—. Aller, Adé, insiste-t-il en me barrant la route. Juste un rendez-vous ? Si je ne te corresponds pas, je lâcherai l'affaire.

Mon mal aise grandissant de plus en plus au fond de moi . Je me hâte et le bouscule un peu au passage, assez vite pour qu'il ne me rattrape pas

Je lui fais un signe de main et me dirige vers l'ascenseur, qui s'ouvre sur mon père. Par réflexe, je tente de partir, mais il m'interpelle.

— Monte, m'ordonne-t-il calmement.

Je n'ai d'autre choix que d'obéir. Je monte et les portes se referment. À l'intérieur, un vieux monsieur que je n'avais pas remarqué me sourit gentiment.

—Bonjour monsieur, dis-je en guise de salutations.

—Tu le connais ? me demande mon père.

Je secoue brièvement la tête, me rappelant que je dois utiliser ma voix.

— Non, répondis-je.

— Si tu avais dormi à la maison ces derniers jours, tu l'aurais rencontré, dit-il avec sarcasme pour masquer sa colère. Où dors-tu ?

—Chez Ifé, répondis-je en baissant la tête.

—Dans ce quartier malfamé ? débite-t-il.

J'ai envie de lui dire que ce quartier est bien plus chaleureux que sa maison morbide, mais je me retiens par peur que part politesse.

— Ousmane, rigole le vieux monsieur d'une soixantaine d'années. Laisse-la, elle passe sa crise d'adolescence, ça lui passera. Alors, jolie demoiselle, tu dois être Bola, n'est-ce pas ?

Mon père soupire face aux paroles de l'autre monsieur. Ils doivent être bons amis, vu qu'il l'écoute . Je le remercie intérieurement avant de lui sourire.

— Oui, monsieur, je m'appelle Adeola Bolaye Olami.

— Moi, c'est Amané Longuti. Tu peux m'appeler tonton.

Je lui souris et serre poliment la main qu'il me tend.

— Ravie de faire votre connaissance, tonton, réponds-je en vérifiant l'étage où nous sommes arrivés. Je dois vous laisser. À plus tard, tonton. À plus tard, papa.

Je m'éclipse rapidement pour éviter les remarques désobligeantes de mon père et retourne à mon poste.

Ousmane OLAMI.

Je secoue la tête en la voyant s'éloigner et soupire.

— Elle ressemble tellement à sa mère, comme deux gouttes d'eau, commente Amané.

Un sourire s'échappe à sa remarque. Elle est vraiment le portrait craché de ma défunte épouse.
Je ne laisse pas la nostalgie m'envahir.

— Si elle avait eu la moitié du tempérament de sa mère, je serais heureux.

—Donne-lui du temps, elle est encore jeune.

— Elle a plus de vingt ans, me plains-je. À cet âge, sa mère nous laissait déjà bouche bée.

— Peut-être que tu la couves un peu trop, me taquine-t-il. Laisse-la dormir un peu à la belle étoile.

— Toi, tu voudrais que ton fils dorme à la belle étoile ? lui demande-je.

— Il m'arrive parfois d'avoir envie de le foutre dehors, peste-t-il.

— Tellement il fait bien son travail.

Il me lance un regard mauvais avant de sortir de l'ascenseur, et je lui rends un sourire. Je le raccompagne jusqu'à la sortie et retourne à mon bureau, où la paperasse s'accumule depuis une semaine. Bientôt, ce contrat sera conclu, et nous passerons à la vitesse supérieure.

Nous n'aurons qu'à nous en réjouir.

Adeola OLAMI.


Assise dans le bureau de mon père, un espace où je n'avais pénétré que de rares fois ; trois pour être exacte ; je me sens étrangère.
La première fois, c'était avec maman, et ce souvenir reste gravé dans ma mémoire comme un songe lointain. La deuxième fois, c'était lorsqu'il avait exigé que je commence à travailler. Et la troisième, c'est aujourd'hui.

Mon pied ne cesse de bouger, trahissant mon agitation. Cette semaine, j'ai pris soin d'entrer trois fois à la maison pour le saluer chaque matin avant de partir, tout ça pour éviter la maîtresse de maison.

L'angoisse me ronge, et je gratte nerveusement un bout de la table avec mes ongles. Je n'en peux plus de cette attente interminable.

Enfin, après ce qui semble être une éternité, la porte s'ouvre. Il entre, prend place dans son fauteuil face à moi, et me dévisage en silence. Je finis par murmurer un bonjour auquel il répond par un simple « Comment te portes-tu ? ». Puis, le silence retombe. Cette fois, c'est lui qui le brise.

— Quel âge as-tu, actuellement ? me demande-t-il.

Cela ne me surprendrait pas qu'il ne le sache pas vraiment, mais je doute qu'il l'ignore complètement.

— J'aurai 24 ans en octobre.

— Et depuis combien de temps travailles-tu dans l'entreprise ?

— Depuis quatre ans.

Depuis que j'ai un peu progressé à l'université qu'il a choisie pour moi, pensai-je.

— Et comment te sens-tu au sein de l'équipe marketing ?

— Bien, répondis-je, avant de comprendre qu'il attendait plus. C'est parfois stressant, mais la plupart du temps, on s'en sort très bien.

— Tu aimerais continuer à y travailler ?

— Oui...

— C'est bien. Tu es au courant de la fusion, n'est-ce pas ?

— Oui, madame Zozo m'en a parlé.

— Très bien. J'aimerais t'envoyer en Afrique du Sud. Tu devrais te familiariser avec le vrai monde des affaires. Il est temps que tu fasses tes preuves.

— D'accord, répondis-je.

Je savais que je n'avais pas mon mot à dire, alors autant ne pas essayer. Je devrais juste apprendre ce qu'il veut que j'apprenne, faire ce qu'il veut que je fasse. Même si l'idée de quitter Ife me brise le cœur.

Je m'apprêtais à parler quand la porte s'ouvrit brusquement, me faisant sursauter. Ma belle-mère entra, un sourire brillant ornant ses lèvres, aussi éclatant que les pierres incrustées sur sa robe. Elle s'approcha de mon père et posa sa main sur son épaule.

— Je ne vous ai pas interrompus, j'espère ? demanda-t-elle à mon père.

— Non, on avait presque fini. Bola, tu voulais dire quelque chose ?

Je secouai la tête vivement sous leurs regards inquisiteurs.

— Je peux y retourner. Madame Zozo m'a laissé une pile de travail.

— D'accord, tu peux y aller... Je veux te voir à la maison tous les jours, me rappela-t-il, car ce matin, je n'avais pas dormi chez moi.

Je me hâtai de sortir, sachant que ma belle-mère détestait ma présence dans la même pièce qu'elle.

Je voulais prendre l'ascenseur, mais il était déjà en train de descendre.

Je pris donc les escaliers.

C'est plus long, mais c'est mieux ainsi.

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