Chapitre 46

Aujourd'hui

JEANNE

—T'as pas intérêt Sam. T'as vraiment pas intérêt à sortir de cette chambre comme s'il ne s'était rien passé.

Il se tourne pour me faire face. Ses yeux sont devenus sombres.

—T'es mineure.

—Je suis mineure ? je répète d'un air ahuri.

Je le fixe, hébétée, en tentant de digérer ses paroles. Pourtant un flot de colère froide vient envahir mon cœur.

—Et alors ? Avant j'étais un sujet ! Maintenant je suis mineure ! T'en as pas marre de tout le temps trouver des excuses ?

—Tu comprends pas.

—Qu'est-ce que je comprends pas ! je gueule en levant les bras en l'air. Dis-moi que tu ne ressens rien pour moi ! Dis-moi que t'as rien ressenti en m'embrassant là, juste là !

Mes mains lui désignent la porte de la salle de bain et le lit.

—Dis-le moi Sam, et je te jure que si c'est le cas, je me casse d'ici. Maintenant. Et tu ne me reverras plus jamais.

C'est plus fort que moi, je sais pas pourquoi mais je commence à pleurer. À pleurer de nerfs. De tout ce qui se passe depuis que j'ai mis un pied dans ce chalet. Depuis que j'ai découvert qu'un ami que je connais depuis le lycée, voulait en fait me tuer. Me faire du mal. Et là Sam qui rajoute une couche en me jetant juste après m'avoir embrassée.

—Pleure pas Jeanne, s'il te plaît.

Je saute sous la couette pour me cacher, en lui criant :

—Va t'en !

Non mais qu'est-ce que je croyais ?
Que Sam allait se mettre en couple avec moi, alors que depuis le début il fait tout pour me fuir ?
Qu'il allait me dire : oui Jeanne je veux sortir avec toi et le reste je m'en fou ?

Des foutaises.
Des putains de foutaises qu'on trouve que dans des romans à l'eau de rose.

Je lache tous mes pleurs sur le coussin. Je suis tellement vidée, lessivée par cette folle journée, que je veux juste pleurer. Pleurer et dormir.
Même quand je sens Sam s'asseoir sur le lit en silence, j'en viens à espérer qu'il parte pour qu'il me foute la paix. J'en ai tellement marre de tout ça, qu'il me faut juste un peu de temps pour réfléchir et me calmer.

—Viens, murmure Sam en relevant la couette de mon visage.

—Non.

Il s'allonge auprès de moi, et je fais exprès de tourner la tête pour ne pas le voir.

—Bébé arrête ça...S'il te plaît...

Mon cœur rate un battement. Il cesse carrément de battre.
Bébé ?
Je tourne la tête pour le dévisager les yeux grands ouverts. Son bras passe sous mon dos pour m'attirer contre lui, alors que ses yeux me contemplent avec les sourcils froncés.

—C'est pas ce que j'ai voulu dire.

Il s'approche et dépose un doux baiser sur mes lèvres.
Sam le super tendre, le super attentionné, le super aimant, est de retour.
Mince, comment il fait ça ? Il est vraiment lunatique.

Je décide de mettre fin à ce baiser chaste pour lui tenir tête.

—Et qu'est-ce que t'as voulu dire ?

Ma voix n'est pas aussi furieuse que je l'espérais. Cette traîtresse est encore sous le charme du surnom « bébé ».
Argh!

—Je voulais dire que demain ton weekend prendra fin et que tu pourras rentrer chez toi.

Je le regarde les yeux écarquillés.
Bouche bée.
En hallucination totale.

—Pardon ? je parviens à articuler.

—Demain tu pourras rentrer chez toi, réplique-t-il de manière sérieuse. C'est pas la peine de pleurer.

Mon bras le pousse. Fort. Il pourrait presque le frapper.
Je sors du lit face à ses yeux surpris, et debout sur mes deux jambes, je lui fais face.

—Tu crois que je pleurais pourquoi, Sam ?

Les deux poings sur les hanches, je le devisage d'un air méchant.

Troublé, il me fixe quelques secondes, avant de s'asseoir au bord du lit en cachant son visage entre ses mains.

—Réponds-moi Sam, ou je te jure que je vais péter un cable.

—Tu me plais, ok ? s'écrie-t-il en plantant son regard dans le mien. Mais toi et moi c'est pas possible. Pas ici.

—Pas ici ? MAIS OÙ ALORS ?

Son regard se voile.
Il me contemple en silence. Ses yeux paraissent soudain si tristes, que ma colère retombe sur le champ.

—Dans une autre vie, souffle-t-il enfin à voix basse.

Ses mots me font mal, très mal, mais sa voix encore plus. Il paraît si perdu, que mon coeur pleure avec lui.

C'est alors que je comprends.
Je comprends qu'à travers cette lueur qui brille pour moi, Sam se bat pour la faire disparaître.
Et que la seule manière qu'il a trouvé pour me repousser est de me faire mal. De nous faire mal.

En observant son regard torturé par des centaines de souffrances, j'ai qu'une envie c'est de les lui enlever.
Je vais doucement m'agenouiller devant lui, en silence, sans le quitter du regard.
L'atmosphère n'est plus criblée de cris et d'incompréhensions, mais d'un lien, fort, qui se tisse entre nous deux. Je ressens une connexion puissante entre nos âmes, dix fois plus forte que les précédentes.

Son souffle s'accélère en même temps que son corps se tend, lorsque je pose ma main sur son gant pour lui retirer.
Je fais ça lentement, en lui transmettant par mon regard qu'il peut me faire confiance. Que ses baisers qu'on a échangé avant, ont une grande importance. Ils étaient purs et remplis d'émotions.

—Bébé fais pas ça, murmure-t-il d'une voix perdue.

—J'ai pas peur. Je veux juste te connaître.

Quand je retire totalement son gant noir, je découvre une main blanche, décolorée par endroit, marbrée et surtout très sèche. On dirait des taches de brûlures qui ont abîmé le haut de sa main et certains de ses doigts.

La gorge nouée, je glisse mes doigts dessus, avec délicatesse et douceur, émue qu'il me laisse enfin le toucher. Qu'il me laisse rentrer en contact avec sa peau. Mon cœur bat si vite en réalisant ça, que ce que je ressens pour lui devient encore plus fort. Bouleversant.

Quand je relève les yeux, je rencontre son regard qui hurle sa souffrance. Je pourrais presque y voir des démons danser à l'intérieur. Je lache sa main, et me lève pour m'asseoir sur ses genoux.

Mes lèvres se joignent aux siennes comme un besoin vital de le rassurer. De lui dire que je m'en fou qu'il ait les mains brûlées, que ça ne change rien pour moi. C'est son âme, et son cœur, qui me plaisent. Je m'en moque qu'il ait des brûlures ou des cicatrices, ça n'a pas d'importance.

Quand ses bras passent enfin autour de ma taille pour me rapprocher de lui, je soupire de soulagement. Mon cœur se remet à battre normalement. J'avais tellement peur qu'il me repousse parce que j'ai franchi une limite.

Au contraire, à mon plus grand plaisir, il répond à mes lèvres en m'offrant un baiser plus lent, plus tendre, plus profond que ceux qu'on a échangé avant.
Je sais pas ce qui se passe entre nous, quel lien étrange nous unit depuis le début, mais je sais qu'on vient de basculer vers une autre étape.

À bout de souffle, nos bouches se séparent mais restent à quelques millimètres l'une de l'autre, comme si on ne voulait pas s'éloigner.
Ses mains se posent sur mes joues, et il me sourit. Il esquisse un sourire si éblouissant qu'il fait trembler mon cœur d'émotions que j'ai jamais ressenti avant. Je comprends à travers son regard que je suis à lui.
Qu'il veut être avec moi.
Peu importe les conséquences.

Je colle mon front au sien, bouleversée par ses yeux qui me transmettent toutes ces fabuleuses sensations, et lui murmure :

—Fais-moi confiance.

—Je te fais confiance.

Les yeux brillants, il glisse ses doigts dans mes cheveux pour me dire :

—T'es la plus belle chose qui me soit arrivé dans la vie. Je...

Il n'a pas le temps de finir sa phrase, qu'on entend la porte d'entrée s'ouvrir puis claquer.

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