Chapitre 44

Aujourd'hui

JEANNE

J'ai une boule de nausée qui remonte jusqu'à ma gorge. J'ai envie de vomir. Mon pouls bat comme un tambour, tellement fort que j'ai mal dans la poitrine.
Même les bras de Sam qui m'enveloppent contre lui, ne parviennent pas à me calmer. À enlever tout ce cauchemar qui repasse en boucle dans ma tête et que j'essaye de chasser de toutes mes forces en pleurant. Car oui je pleure, en gros sanglots, contre le torse de Sam qui me force à me relever.

—On doit bouger de là.

Confuse, je croise son regard qui paraît inquiet. Alors qu'il passe son bras autour de mes épaules pour m'aider à marcher, il crie à ses potes :

—Emmènez-le. Loin d'ici.

J'ignore comment je fais pour avancer, mes jambes n'ont plus de forces. J'ai tout donné avant, tout ce que j'avais en moi, tout mon courage pour me battre avec Constantin. Je me sens faible. Au bord de l'évanouissement.

À peine le temps d'apercevoir les amis de Sam qui poussent Constantin pour le mettre dans une grosse voiture noire, qu'on est déjà arrivé au chalet.
Ils l'emmènent où ?

—Baisse la tête, me demande Sam à voix basse, et colle-toi à moi.

Je reprends peu à peu mes esprits pour réaliser qu'on vient de franchir le hall.

Je cache ma tête au creux de son épaule pendant qu'il remonte sa veste sur nos têtes pour nous abriter des regards.
Mon dieu, on doit être affreux. Et comment fait-il pour marcher avec sa plaie au ventre ?

J'attends qu'on soit dans l'ascenseur pour m'écarter de ses bras. Je lève doucement sa main gantée qui est posée sur son abdomen, pour inspecter sa blessure. Mais dès que je commence à soulever son pull, il la bloque d'un geste brusque.

Troublée par sa réaction, je me justifie :

—Je voulais juste voir si ça va...

—Rien de grave, rétorque-t-il d'un ton sec. Évite juste d'y toucher et ça ira.

À peine le temps d'analyser sa réaction, qu'il m'attire de nouveau dans ses bras.

Mon cœur loupe un battement.
Mais je ne cherche plus à comprendre. Je suis trop déboussolée pour ça. L'image du sang que je viens de voir sur son pull me fait réaliser ce qu'on vient de vivre.

J'aimerai que tout ça soit qu'un cauchemar. Mais c'est réel. Véritablement, atrocement, horriblement réel. Je suis choquée par ce que Constantin a fait à Sam. Par ce qu'il a tenté de me faire.

Jusqu'ici je ne mesurais pas l'ampleur du danger. Je vivais dans une bulle, qui vient d'éclater en milles morceaux.

—Arrête de trembler, murmure Sam sur mon front. C'est finit.

Une larme perle sur ma joue. Puis une deuxième. Je crois que je me suis jamais calmée. Sam me serre encore plus fort contre lui, comme si ses mains refusaient de me lâcher.

J'inspire un bon coup en essayant de ravaler mes larmes. Puis je me focalise sur la chaleur de ses bras qui m'entourent. Mais le ding de l'ascenseur retentit.
On sort de l'ascenseur, les têtes baissées, pour se diriger droit devant nous.

Deux minutes plus tard, on se retrouve dans sa suite, plus précisément dans la salle bain.

Retour à la case départ. Même scénario que ce matin, sauf que les dégâts sont pires. Dix fois pire. Constantin ne s'est pas contenté de m'entailler le bras, il a poignardé Sam. Sans aucune once d'hésitation, encore une fois.

Je serre les dents, très fort, pour éviter de penser à lui. Pas maintenant. Je peux pas. Je dois absolument me calmer et sortir cette scène d'horreur de mon esprit.

Je pose mes yeux sur Sam, assis sur un tabouret devant moi, en train de nettoyer les plaies que j'ai sur le visage. Il fait ça en silence, de manière très concentrée. Son arcade sourcilière ne saigne plus. Ni sa lèvre légèrement fendue sur le côté droit. Par contre sa peau est recouverte de terre et de sang séché.

Je baisse mon regard sur sa main dont le gant est partiellement déchiré, et qui est posée sur son abdomen. Ma gorge se serre lorsque j'imagine la douleur qu'il doit ressentir, alors qu'il prend le temps de d'abord s'occuper de mes blessures.

Je prends sa main qui nettoie mon visage pour la baisser.
Il me regarde surpris.

Laisse moi faire.

Quand je soulève délicatement sa main qui repose sur son abdomen, il fronce les sourcils.
Mais il ne m'en empêche pas. Au contraire, sa respiration se fait plus forte, plus saccadée.
Je relève aussi lentement que je peux son pull, pour ne pas lui faire mal.

Un frisson d'horreur parcourt ma colonne vertébrale lorsque je vois sa peau ouverte en deux, exactement comme dans les films.

—Il faut recoudre, dit-il à voix basse.

Mes yeux s'écarquillent d'effroi, ce qui le fait sourire.

Je ne peux pas, je lui réponds par un regard qui est dégoûté face à l'idée de coudre de la chaire humaine.

Il approuve des yeux, avant de recouvrir sa plaie avec sa main.

—Ramène-moi la trousse noire qui est sur l'étagère, me sourit-il.

Je sais pas comment il parvient à sourire dans ce genre de situation. Moi je serais déjà tombée dans les pommes en voyant un trou comme ça dans mon ventre. Pourtant je trouve le courage pour me lever et lui ramener la grande trousse de secours.

Après avoir farfouillé dedans, je sors une bombonne de fil noir ainsi qu'une grosse aiguille qui me donne la chair de poule. J'essaye de calmer mon rythme cardiaque en enfilant un long fil dans l'aiguille, puis les mains tremblantes je lui tends l'objet de mes nausées.

Une lueur amusée s'invite dans ses yeux. Non seulement je suis sûre qu'il se moque de moi, mais je suis certaine d'être devenue plus pâle que lui.

Il compte réellement se recoudre lui-même sa plaie ?
Ici ?
Tout seul ?

C'est plus fort que moi, je détourne le regard en m'asseyant sur le bord de la baignoire.
J'hésite à me boucher les oreilles. J'ai vraiment pas envie d'entendre le bruit d'une aiguille qui se plante dans la chaire.
Alors je me mets à chanter mentalement dans ma tête, la première chanson qui me vient à l'esprit. Une comptine d'enfant. À cette heure-ci, je n'ai plus de logique. Je chante l'histoire d'une souris qui est verte en la criant aussi fort que je peux dans mon esprit.

—C'est bon, annonce Sam, j'ai fini.

Je plisse les yeux en tournant lentement la tête vers lui.
Alors qu'il était debout pour se recoudre (heurk), il vient se planter devant moi.

Ses yeux plongent dans les miens avec un air inquiet. Il se penche et passe la main dans mes cheveux, pour relever les mèches qui cachaient une partie de mon visage.

—Ça va aller ?

J'hoche nerveusement la tête pour le rassurer.

—Je dois aller prendre une douche. Je ne serais pas long.

Sa voix tendre me trouble. Elle me laisse perplexe.

Pendant que je le vois refermer la porte de la salle de bain, j'essaye de chasser cette nuée de papillons qui est venue se loger dans mon ventre.

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