Chapitre 36

On rentre dans la salle bain, annexée à la chambre de sa suite. Sam dépose mon corps qui est pris de spasmes incontrôlables sur un tabouret.
Ma vision devient flou, puis s'éclaircit, et redevient flou de nouveau. Je sens les mains gantées de Sam nettoyer ma plaie d'un geste sûr de lui et tendre à la fois.

Puis il se lève, cherche dans les placards, avant de revenir s'accroupir devant moi pour enrouler mon bras d'une grande bande blanche.
J'ai tellement mal que je peste intérieurement de ne pas pouvoir sentir le contact de ses mains comme je le voudrais. Je le regarde faire, sa mine est très concentrée, sa mâchoire serrée.

—Pourquoi tu portes des gants ?

Son regard reste attentif sur le bandage qu'il enroule autour de mon avant-bras. Il ne répond pas.

—Ils sont plein de sang, je poursuis, tu devrais les changer.

Sans un regard, il termine de m'accrocher la bande, puis se lève.

—On doit aller manger, annonce-t-il d'un ton sec.

Sam n'est pas bipolaire, il est lunatique. Il peut se montrer très doux et attentionné, puis l'instant d'après être d'une froideur effroyable.

—J'aimerais me changer avant, je rétorque, mais j'ai perdu mon sac.

Il pose enfin ses yeux noirs comme la nuit sur moi, et me dévisage en silence d'un air interrogateur.

—J'ai pas la clé de la chambre, je râle, et je ne peux pas aller au restaurant avec ce pull rempli de sang !

Pensif, il m'observe un moment en silence comme si je lui avais posé une colle.
Puis dans un soupir, il va dans la chambre, et revient deux minutes plus tard avec un grand pull noir dans la main. Il le pose sur le lavabo, avant de déclarer :

—Je t'attends à l'entrée.

Je ne suis même plus surprise par son changement de comportement. Au moins il me parle, c'est déjà ça.

J'attends qu'il ferme la porte de la salle de bain pour me lever. Mes jambes semblent avoir retrouvé leur énergie. Je m'avance vers le lavabo et me passe de l'eau sur le visage.
Ça fait du bien.

Pendant que je me rafraîchis plusieurs fois, j'ai dix mille questions qui grouillent dans ma tête. Qui est réellement Sam ? Pourquoi est-il rentré en contact avec moi ? Pourquoi j'ai depuis le début la sensation qu'il veut me protéger de quelque chose ? De Constantin ?

Je retire mon pull pour enfiler celui du vampire, et les questions continuent. Qui est Warwick ? Pourquoi Constantin lui a demandé ce qu'il savait ?
Mais la question la plus importante de toutes, qui clignote en rouge dans mon esprit : qui est Constantin ?

Une fois prête, je rejoins Sam que je retrouve adossé contre le mur de l'entrée. Je constate qu'il a changé de gants. Ceux qu'il porte sont d'un beau noir, tout neufs.
Il me jette un rapide regard pour s'assurer que je vais bien, avant d'ouvrir la porte et sortir.

J'aimerais tellement lui poser toutes mes questions, mais j'ai peur qu'il se braque. Il fait des efforts pour me parler presque normalement, il m'a laissée me blottir dans ses bras, et maintenant il m'accompagne au restaurant.
À ce simple constat, mon coeur s'envole. Il sautille dans tous les sens, heureux de passer encore un peu de temps avec son vampire énigmatique.

Je ne dois pas espérer quoi que ce soit avec lui. Même si mon coeur me dit le contraire.
Quand je revois son regard empli d'intensité dans le cagibi, ses mains chaudes entourant mon visage, et ses petits regards lancés sur mes lèvres, je me dis qu'il n'est pas aussi insensible qu'il parait.

J'ignore l'âge qu'il a, sûrement 20-22 ans.
Est-ce ça qui l'effraie ?
Mais dans sept mois j'aurais 18 ans ! C'est comme si je les avais déjà non ?

Une fois dans l'ascenseur, je fixe sa tête baissée qui depuis tout à l'heure me fuit.

—Sam...T'as une copine ?

Il s'étrangle en toussant, les yeux écarquillés comme des fous.

—C'est juste pour savoir, je marmonne gênée.

J'intercepte son regard qui brille d'une magnifique lueur. Une lueur aussitôt écrasée par un voile noir. Il détourne les yeux sur les boutons de l'ascenseur comme s'il m'évitait.

—Laisse tomber, je murmure agacée. Je sais même pas pourquoi je t'ai posé cette question. C'est pas comme si tu m'intéressais...

Ma petite voix tremble d'elle-même à la fin de la phrase.

Sam pose ses yeux sur moi, et me lance un regard...troublé ?

Le ding de l'ascenseur met fin à notre connexion visuelle.

—Je ne suis pas là pour ça, lache-t-il tout d'un coup en sortant dans le couloir.

Ma réplique fuse tel un missile :

—Alors t'es là pour quoi ?

Les poings crispés, il continue d'avancer en évitant de me regarder.

—On doit récupérer ton sac à la réception, et après tu iras rejoindre tes amis au restaurant.

—Tu m'énerves à jamais répondre à mes questions, je râle énervée. Je vais d'abord manger. J'irai récupérer mon sac après !

Je le dépasse comme une furie, agacée d'échanger dans le vide avec un vampire qui change d'humeur toutes les secondes.

Deux minutes plus tard, j'aperçois Marysa assise à une table en face d'Alex.

—Putain, t'étais où ? s'écrie-t-elle en me fusillant du regard.

Je me fige telle une statue. Sam passe à côté de moi, furieux, pour s'installer avec ses amis deux tables plus loin.

—Constantin n'est pas avec toi ? demande Marysa étonnée.

Mes yeux s'arrondissent d'effroi. J'entends dans mon esprit la voix glaciale de Constantin. Mon bras ressens la lame froide qui déchire ma chaire.

Les larmes aux yeux, je fixe impuissante Sam qui vient de s'asseoir plus loin avec ses copains. Il ne comprend pas ce qui m'arrive.

Je reste immobile, pétrifiée, face à une Marysa qui gueule de plus en plus fort.

—Constantin n'est pas avec toi ? Qu'est-ce que t'as ? Pourquoi tu restes plantée là avec un air de zombie ? Tu me fais peur là, Jeanne...

Je ferme les yeux de rage, de désespoir, quand j'entends sur ma droite :

—Elle s'est disputée avec lui.

Je tourne la tête, et lance un regard sidéré à Sam qui me dévisage d'un air inquiet et froid en même temps.

—Qu'est-ce que tu fou là toi ? s'écrie Marysa énervée. On t'as pas sonné.

Mes yeux restent rivés dans ceux de Sam. J'essaye de me calmer en fixant cette lueur noire qui vient de mentir.

Pourquoi ? je l'interroge silencieusement avec les yeux.

Fais-moi confiance, réplique-t-il d'un signe de la tête.

Mais qu'est-ce que je vais faire ? je m'affole en le regardant.

Tu vas manger ! m'ordonne-t-il en fronçant les sourcils et en me désignant la table.

—Hé oh ? lance Marysa d'une voix stridente. On vous dérange pas trop ?

Je pose ma main sur la plaie, avant de m'asseoir auprès d'elle à toute vitesse.

—Sam a raison, je réponds d'une petite voix, je me suis prise la tête avec Constantin et il est allé prendre l'air...dans la forêt.

Je grimace au souvenir de sa silhouette s'engouffrant à travers les grands arbres au loin.

Sam en profite pour retourner à sa table, et le serveur arrive au même moment pour nous servir les plats du jour.

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