Chapitre 3

Il est déjà neuf heures passées lorsque je me prépare pour aller chez Marysa.
J'enfile un jean, un long pull gris en maille, et mes bottes noires fourrées. Je jette un coup d'œil au petit miroir sur le mur de ma chambre : mes cheveux sont décoiffés et arborent un look négligé.

Mais je m'en fou.
Premièrement, on est en vacances.
Deuxièmement, je vais que chez ma meilleure amie.
Et troisièmement, même si je croise l'homme de ma vie dans la rue j'aurais un bonnet sur la tête.

Je dévale les escaliers, attrape à l'entrée ma grosse doudoune et mon sac à main en bandoulière, avant de sortir de chez moi pour affronter le froid hivernal.
Marysa habite au bout de ma rue, j'ai que quelques minutes de marche.

Ma meilleure amie est fille unique comme moi et on se connaît depuis la Seconde. Ses parents sont divorcés et elle vit avec son père qui travaille dans les assurances. Les miens sont toujours mariés mais ont un niveau de vie plus modeste. Ma mère est secrétaire chez un garagiste, alors que mon père est cariste dans un hypermarché. On ne manque de rien et notre pavillon nous suffit.

Quand j'arrive chez Marysa, elle ouvre la porte pour m'accueillir à bras ouverts.

—Hey poulette ! Comment ça va ? Ça fait un bail !

J'aimerai lui répondre que c'est pas de ma faute. Que depuis qu'elle sort avec Alex, elle m'a un peu délaissée.

Pourtant la joie de la revoir me pousse à lui dire :

—Ouais je suis désolée. J'ai voulu m'avancer dans les devoirs...

—Ne parle pas de devoirs quand on est en vacances, grimace-t-elle. Allez viens, j'ai déjà tout préparé.

Elle me tire par le bras, et je constate que contrairement à moi, vacances ou pas, elle est toujours bien habillée. Un joli chemisier jaune poussin avec un pantalon noir slim brillant la rendent déjà fraîche et élégante de bon matin.

Une fois montées dans sa chambre, aux murs orange et violet, je découvre une pile de vêtements étalés sur son lit.

—Voilà, j'ai sorti tout ce qui pourrait t'aller, s'exclame-t-elle fière d'elle. T'as plus qu'à essayer.

J'en reste bouchée bée. Je bégaye même.

—Mais...Mais...Mary...J'ai déjà mes vêtements à moi.

Elle attrape mes mains et se rapproche de moi en faisant une tête bizarre.

—Tu crois que tu vas réussir à draguer Constantin avec ce style ?

Elle fait un signe avec ses mains me désignant de haut en bas.

Je dépose mon sac près de son bureau, et vais m'asseoir sur sa banquette près de la fenêtre. Je soupire haut et fort afin qu'elle comprenne mon mécontentement.

Constantin est le meilleur ami d'Alex, mais comment dire...Il n'est pas aussi beau que lui. Premièrement il porte des lunettes et j'aime pas les hommes qui cachent leurs yeux, trouble de la vue ou pas.
Deuxièmement je le trouve trop coincé avec ses chemises toujours fermées jusqu'en haut et ses affreux mocassins noirs.

C'est simple, Constantin est l'exact opposé d'Alex.

Ma meilleure amie vient s'agenouiller en face de moi et pose ses mains sur mes genoux.

—Poulette...

Elle esquisse ce sourire « fais moi confiance » que je hais.

—Ça serait trop cool si tu sortais avec Constantin. On pourrait faire des sorties à quatre.

—Hum...

—Et puis ça fait combien de temps que tu t'es pas tapée un mec ? Trois mois ? Six mois ? Ça date de la fin de la première quand t'as largué Théo ! Pourtant il était super comme gars !

Mais trop ennuyeux, je continue dans ma tête. Une grosse erreur dans le parcours de ma vie sentimentale pourrie.
Je déglutis en pensant immédiatement à Alex et son regard de braise. Je me maudis intérieurement d'être tombée amoureuse d'un garçon inaccessible.

—Hey poulette, t'es avec moi ?

—Oui oui.

—Allez lève-toi. Tu vas essayer ce qui te plaît et tu seras parfaite pour notre super week-end de trois jours.

Son enthousiasme provoque une immense panique intérieure. Demain on part dans les Alpes dans une sorte de Center parc, pour fêter le nouvel an tous les quatre ensemble.
Sauf que j'ai jamais quitté ma maison aussi longtemps. J'ai jamais laissé mes parents seuls plus qu'une seule nuit, et j'angoisse à l'idée de me retrouver si loin pendant trois longs jours.

La gorge serrée, j'essaye de sourire à mon amie qui m'a déjà choisi des habits. Un haut à bretelles noir avec des paillettes, ainsi qu'un magnifique pantalon rouge avec deux bandes noires sur le côté. Moi qui adore camoufler mon corps pour cacher mes petits seins et mes petites rondeurs, je crois que je vais mourir.

Pendant que je me déshabille le plus lentement du monde, Marysa s'impatiente avec un grand sourire aux lèvres.

—Tu crois que je vais plaire à Constantin avec cette tenue ? dis-je en enfilant le pantalon rouge.

—Mais oui. Et tu lui plais déjà.

Pas moi.

Mais si ça peut me permettre de me sentir moins seule pendant ces trois jours, et de ne pas me sentir à l'écart à chaque fois qu'elle et Alex s'embrasseront (heurk !), je pourrais peut-être faire un effort...

Je finis de mettre le haut à bretelles, avant de lui demander :

—On part à quelle heure demain ?

—On viendra tous les trois te chercher avec la voiture de Constantin, à 7h30. Comme on a deux heures de route, il vaut mieux partir tôt pour éviter les bouchons. Mais t'es magnifique, poulette.

Ses yeux s'illuminent en même temps que ses paroles.

Je baisse les yeux intimidée. Je dois être toute boudinée et tout le monde va découvrir que j'ai des minuscules petits seins.

Marysa passe sa main dans mes cheveux pour me forcer à relever la tête. Ses yeux gris-verts pétillent, mais son sourire s'efface progressivement. J'écarquille les yeux face à ce soudain changement de comportement. Quand ses lèvres s'approchent doucement des miennes pour les embrasser, mon cœur s'affole.

Qu'est-ce qu'elle fait ?

Je sens son gloss cerise qui se dépose sur mes lèvres. Sa bouche reste collée à la mienne.

Prise de panique, je ne peux qu'ouvrir mes yeux au maximum, impossible de bouger. Ses yeux sont fermés et je ressens une certaine tendresse dans ce baiser.

Au bout d'interminables secondes, elle se retire en déployant lentement ses prunelles, et me fixe avec un grand sourire.

—T'es magnifique habillée comme ça, lache-t-elle dans un murmure. C'est sûr et certain que Constantin va tomber à tes pieds ce week-end.

Sa voix s'est éclaircie pour redevenir plus joviale, alors que je reste sidérée face à sa réaction.

Elle retourne vers le lit pour me choisir d'autres affaires, en faisant comme si rien n'était.

Comme si elle ne m'avait jamais embrassée.

Au bout de brèves minutes, je décide de faire comme elle, et mets ça sur le coup de l'excitation. De la surprise de m'avoir vue habillée différemment.
Je ne suis pas lesbienne, et ma copine non plus. Je préfère mille fois les lèvres d'un bel homme que celles d'une fille, même si ce sont celles de ma meilleure amie.

Ce n'était qu'un petit moment d'égarement.
Il n'y a rien de dramatique là-dedans.

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