Dimanche 31 décembre

Ça fait quinze minutes que je suis réveillée à cause des ronflements de Constantin.

Les yeux rivés vers le plafond, j'effectue le bilan de la première journée du week-end.
Elle est indéniablement marquée par la rencontre avec Sam. C'est simple, il était partout. Au restaurant le midi, à l'accrobranche, puis hier soir à la soirée.
Qu'est-ce qui s'est passé hier soir ?

« Viens avec moi ».

Mon cœur se trouble à ce simple souvenir. Sa voix chaude, rauque, poussée à bout, qui s'est enfin exprimée.
J'y suis parvenue, mais à quel prix ?
Il m'a immédiatement ramené dans ma chambre alors que quelques minutes plus tôt il insistait pour que je reste avec lui.

Un pas en avant, deux pas en arrière.

Je lache un long soupir de frustration en sortant du lit. Je fouille dans mon sac à main qui pend sur une chaise en bois, pour trouver mon portable.
Quelle idiote de l'avoir laissé ici. Si j'avais pris mon sac avec moi, rien de tout ça ne serait arrivé. J'aurais appelé Marysa pour qu'elle vienne nous donner la clé.
Oui mais j'aurais pas entendu la voix de Sam. Ni senti son souffle tiède expirant sur mon visage alors que j'étais en pleine crise de panique.

Troublée par cette simple pensée, je charge mon téléphone à une prise, avant de sortir à pas de loup de la chambre.
Sam prend de plus en plus de place dans mon esprit, dans mon corps, dans la moindre parcelle de mon âme.
Ça suffit.
Je le connais que depuis hier, qu'est-ce que je vais m'imaginer ?

Je découvre Marysa assise à la table de la kitchenette. Elle boit un café avec un grand sourire aux lèvres. Elle est déjà habillée et coiffée. Ses beaux cheveux châtains sont ramenés et attachés en une élégante queue de cheval haute. Elle porte un pull bleu marine très simple avec un léger decoletté, et un jean brut.

Je la rejoins d'un pas énervé. J'en ai marre qu'elle me laisse en plan à chaque fois pour roucouler avec son copain.

Assise en silence en face d'elle à table, je ramène à mes lèvres la tasse de café qu'elle vient de me servir.

—Tu fais la gueule ?

—Non.

—T'as passé une bonne soirée hier ? me sourit-elle d'une voix mielleuse.

Je bois une nouvelle gorgée de ce breuvage chaud, avant de poser un peu brutalement la tasse sur la table. Les bras croisés, je la fusille du regard.

—On est censé passer un weekend tous ensemble. Et toi tu passes tout ton temps avec Alex ! On dirait que t'es venue ici en lune de miel !

—Mais on a failli rompre ! se justifie-t-elle en posant aussi sa tasse.

—Cinq minutes ? T'as rompu cinq minutes et ça justifie ton absence d'hier ?

Avec un petit sourire gêné, elle tire sur son pull marine.

—Il fallait bien se réconcilier.

Je lui lance un regard sidéré.

Je reprends la tasse pour la boire en silence. Ça ne sert à rien de lui ouvrir les yeux, de lui expliquer que je me sens mise à l'écart. Elle est amoureuse.

—Alors ta soirée ? reprend-elle comme si rien n'était. Tu racontes ?

Un petit beurre en bouche, je le mâche en fixant Marysa.
Je suis toujours en colère contre elle, contre ce weekend qui ne se déroule pas comme je le pensais.
Mais elle semble heureuse. Elle a ses yeux qui pétillent et ça fait longtemps que je l'ai pas vu aussi épanouie.
Est-ce que je suis jalouse ? Est-ce que je lui en veux encore de sortir avec Alex ?

L'image de Sam s'immisce aussitôt dans mon esprit. Mon cœur se trouble de nouveau face à cette sensation de chaleur que j'ai ressenti avec lui hier.

—J'étais avec Sam, je lache timidement en baissant les yeux.

—C'est qui lui ?

Mes doigts triturent le contour de la tasse de café.

—Tu sais...celui qui péte un câble à chaque fois que je suis avec Constantin...Enfin qui pétait un câble, car il a fait des efforts hier soir.

Figée sur sa chaise, elle me regarde les yeux écarquillés. Sa bouche s'entrouvre légèrement, puis sa voix explose.

—Tu parles du psychopathe qui te suit partout ?

J'hoche la tête.

—Mais t'es malade ou quoi ? Alex m'a dit qu'il l'a vu traîner à côté de la gare avec des gars louches !

—Alex le connais ? je lance ahuri.