Chapitre 22
Mes yeux se retrouvent face à deux prunelles profondément noires, profondément inquiètes.
Je perçois chaque inspiration, chaque expiration qui souffle sur mes lèvres de manière saccadée.
Edward ouvre, referme la bouche. Il se bat de nouveau avec des mots qu'il refuse de sortir.
Je le fixe impuissante, toute tremblante, encore sous le choc de la brutalité de son plaquage contre le mur.
Ses yeux sont voilés par la colère, mélangée à de la tristesse. Il passe sa main dans les cheveux d'un geste rageur.
—Parle, je murmure.
Son regard s'éclaire.
Puis s'assombrit aussitôt.
Il est à quelques centimètres de moi, en plein dilemme. Je le vois dans ses yeux.
—S'il te plaît Edward, dis-moi juste une phrase...Dis-moi juste que tu veilleras sur moi pour qu'il ne m'arrive rien ici...
Il lève sa main et la fige dans l'air de manière frustrée.
Je dévisage cette main hésitante, plantée dans le vide, le cœur battant à mille à l'heure.
La mâchoire contractée, les yeux solidement rivés dans les miens, il pose finalement sa main contre le mur, juste à côté de mon visage.
Je ne le lache pas du regard. Je veux entendre sa voix avant de m'endormir ce soir.
Mon cœur bat tellement fort face à sa présence si envoûtante en face de moi. Face à son souffle qui expire toujours de manière saccadée. Face à cette souffrance qui émane de ses yeux, mais qu'il refuse de libérer.
—Si tu me redessine un triangle, je prononce d'une petite voix, je te jure que je te touche.
Il éclate de rire, seigneur un si beau rire que je fonds en mille morceaux.
—Jeaaannnne ? lance une voix pâteuse.
Je tourne la tête, et croise le regard bourré de Constantin.
Edward gronde, fort.
—Jeaaaannne, t'étais où ? demande Constantin en titubant juste à côté de nous.
D'un geste rageur, Edward retire son bras du mur, et se place sur le côté pour me laisser le champ libre.
—Je suis là, je réponds enfin.
Les lunettes à moitié tombées sur son nez, je me demande comment Constantin tient encore debout. On dirait qu'il se trouve sur un bateau, et qu'il va basculer d'un moment à un autre par terre.
—On va aller se coucher, je propose amusée.
—D'abord un bisou ! lance-t-il d'une voix pâteuse.
Mes yeux s'arrondissent et se plantent dans ceux d'Edward.
Il contracte la mâchoire, entraînant dans sa colère le plissement de son front. Pourtant il ne bouge pas d'un poil. Debout à côté de moi, il ne bronche pas.
Craignant qu'il explose à tout moment, je m'avance vers Constantin qui sourit.
—Mon bisou du soir ! s'exclame-t-il ivre mort. Je veux mon bisou pour dormir !
Seigneur, pourquoi m'infliger ça à moi ?
Je l'attrape par le coude pour sortir le plus vite possible du restaurant avant que ça dégénère. Mes chaussures à talons dans une main, et le bras de Constantin dans l'autre, j'essaye comme je peux de le faire marcher droit. Mais il se penche, ou plutôt il tangue vers moi, la bouche en forme de « O », implorant un baiser.
Je tente de l'esquiver, tout en le retenant pour pas qu'il tombe, lorsque une main le tire en arrière de manière brutale.
—Oh ! marmonne-t-il. Qui a fait ça ?
Le visage enragé, Edward le maintien fermement par le col arrière de sa chemise.
Constantin se tourne vers lui.
—On se connaît ?
Alors qu'Edward le tient toujours par la chemise qui est sortie de son pantalon, et le fusille du regard, Constantin se met à rire sans raison.
Je croise les yeux du vampire, la bouche grande ouverte.
Mais qu'est-ce qu'il lui prend de rigoler comme un dingue ? Il veut mourir ce soir ?
Il faut qu'on rentre. Maintenant.
Je saisis le coude de Constantin, et Dieu merci Edward le libère. Vite, avant qu'il change d'avis. Il m'a déjà permis de toucher Constantin, c'est une grande première.
Investie d'une incroyable adrénaline, j'avance avec Constantin qui manque de tomber une fois sur deux. Bon sang, où est Marysa ?
Quand on sort enfin du restaurant, je suis à bout de force. Je viens de porter soixante ou soixante-dix kilos sur moi. Voir même plus.
Combien pèsent les garçons ?
Bref, toutes les secondes mes oreilles ont été inondées par des « je veux mon bisou », des « s'il te plaît bisoute-moi » et pleins d'autres, je n'en peux plus.
J'essaye de le caler contre un mur du couloir pour reprendre ma respiration, mais cet idiot me tombe dessus et m'écrase.
—Constantin ! je braille.
Mes bras poussent autant qu'ils peuvent son corps qui gît sur moi.
Quand je tourne la tête, j'intercepte un regard amusé qui me fixe à l'embrasure de la porte du restaurant à quelques mètres de là.
—Constantin, relève-toi s'il te plaît ! Tu m'écrases !
J'ignore le regard d'Edward pour concentrer toute mon attention sur cette masse qui semble apprécier d'être allongée sur moi. Non seulement la bouche de Constantin produit des sons incompréhensibles, on dirait qu'il se parle à lui-même dans un langage codé, mais en plus il rigole en même temps.
Seigneur priez pour moi. Je veux juste rentrer me coucher.
Lassée par la situation, je détourne le regard vers le vampire.
—Tu peux m'aider s'il te plaît ?
Un magnifique sourire s'étire sur ses lèvres.
Je manque de m'évanouir par cette beauté éblouissante.
Le vampire a souri !
Edward a souri !
Edward se fout de ma gueule.
Avec un regard amusé, il soulève Constantin, et mon corps parvient enfin à respirer normalement.
—T'es qui toi ? lui lance Constantin soudain redevenu conscient.
—Constantin s'il te plaît, je ne peux pas te porter jusqu'à la chambre. Laisse-le faire.
—Et tu me feras mon bisou ? sourit-il de toutes ses dents.
Je croise le regard d'Edward qui ne pétille plus d'amusement.
Mon cœur se trouble.
—On verra...Allez marche maintenant. Droit devant toi.
Quand il passe son bras autour de l'épaule d'Edward en se marrant, je crois halluciner. Depuis ce matin ils se cherchent, et là ils avancent côte à côte , un bras au dessus, l'autre en dessous. Je souris intérieurement de cette scène surréaliste.
Pendant qu'on traverse le couloir qui mène à l'ascenseur, Constantin ne fait que commenter tout ce qu'il voit autour de lui.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent enfin et Edward cale le corps de Constantin dans un coin afin de dégourdir son bras.
J'appuie sur le bouton 2, puis je surprends les sourcils du vampire se froncer. Son regard semble préoccupé.
—Quoi ? je dis à voix basse.
La mâchoire contractée, il me fait signe de la tête vers Constantin qui délire tout seul en parlant une nouvelle fois dans un langage codé.
—Il n'est pas méchant, Edward. Il est juste bourré.
Son regard noir s'imbrique dans le mien pour me faire comprendre qu'il ne partage pas mon avis.
Je mordille ma lèvre inférieure à défaut de prendre ma mèche doudou. Le vampire a une façon de me regarder en silence qui est stressante, glaciale, et brûlante à la fois.
Son regard hypnotique figé dans le mien, le souvenir de son rapprochement de toute à l'heure contre le mur du restaurant, me percute de plein fouet. Mon cœur s'emballe, tambourine comme un fou.
Alors que Constantin marmonne tout seul dans son coin, les yeux d'Edward absorbent les miens en silence. Je me noie dans son regard à la fois mystérieux, vif et rassurant.
Le gong de l'ascenseur me fait sursauter. Il brise ce silence rempli de battements cardiaques assourdissants.
Le vampire reprend Constantin par dessous l'épaule pour sortir de l'ascenseur pendant que je les suis. Je tente de me remettre de mes émotions qui jouent aux montagnes russes depuis que je suis en présence d'Edward.
Lorsqu'il s'arrête devant la porte 211, je me fige sur place.
Comment connait-il le numéro de notre suite ?
Ah oui, il nous a vu sortir ce matin quand il fumait avec ses amis dans le couloir. Pas d'inquiétude Jeanne, il n'est pas un vrai psychopathe.
D'un pas rassuré je les rejoins, avant d'entreprendre de chercher la clé dans les poches du pantalon de Constantin.
—Tu me chatouilles ! s'esclaffe-t-il en se tortillant dans tous les sens dans les bras d'Edward.
—Calme-toi Constantin, je cherche juste la clé de notre chambre.
J'ignore les regards assassins du vampire qui s'impatiente à côté de moi, pendant que Constantin éclate de rire de plus en plus fort.
Bon sang, où est cette clé ?
J'ai fouillé dans toutes les poches de son pantalon, et rien. Il ne porte pas de veste, donc je ne vois vraiment pas où il la mise.
—Constantin s'il te plaît concentre-toi, et dis-moi où est la clé de la suite ?
Ma voix n'est plus calme. Je stresse à mort.
—C'est Alex qui l'a, affirme-t-il un sourire aux lèvres.
—Quoi ?
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