—Comment tu peux rompre en cinq minutes ? je demande incrédule à Marysa qui bouillonne sur place.

—....

Les yeux rivés sur le carrelage, elle tortille ses doigts dans tous les sens.

—Je comprends pas, je poursuis en lui attrapant les mains pour les serrer dans les miennes, vous vous embrassiez au bar, et là tout d'un coup c'est fini ? Mais pourquoi ? Qu'est ce qui s'est passé ?

—J'ai souri au serveur.

J'hausse un sourcil.

—Comment ça t'as souri ?

Elle retire ses mains des miennes, et embêtée elle se dirige vers le lavabo.

—Ok il m'a demandé mon prénom, grogne-t-elle en ouvrant le robinet.

—Et ?

—Et je lui ai donné !

Je commence à m'énerver. J'étais en pleine discussion, en pleine ouverture télépathique avec le vampire, et elle me raconte une histoire de prénom ?

Je lache un soupir.
Pendant qu'elle se lave les mains, j'en profite pour soulager ma vessie. Au moins je serais venue ici pour quelque chose d'utile.
Une fois libérée, je contemple Marysa en train de se recoiffer avec ses doigts devant le miroir. Je ne sais toujours pas ce qui s'est passé, mais elle ne semble pas être affectée par leur prétendue rupture.

—Le serveur m'a demandé si j'étais avec quelqu'un, reprend-elle.

J'attrape ma mèche doudou pour la mettre en bouche, en attendant la suite.

—Je lui ai répondu non.

Aussitôt, je crache ma mèche.

—T'as dit ça devant Alex ?

Elle acquiesce de la tête avec une mine triste.

—Mais pourquoi ?

Elle se retourne vers moi, dépitée, et lève les bras en l'air en gueulant :

—Je sais pas moi ! C'est sorti comme ça !

Des grands coups secs contre la porte des toilettes nous font sursauter. Surprises, on se fixe les yeux grands ouverts.

—Marysa, c'est moi. T'es là ?

Alex.

—Je fais quoi ? chuchote mon amie, affolée.

—Tu lui ouvres !

—Tu crois qu'il ne m'en veut plus ?

—Ouvre-lui, et tu verras.

Elle jette un dernier coup d'œil au miroir, repasse les mains dans ses cheveux pour les placer derrière ses épaules, puis bombe sa poitrine dans sa robe moulante rouge.

—Ok, j'y vais.

Alors qu'on entend Alex toquer à toutes les autres portes des toilettes, elle expire un bon coup et déverrouille la poignée.
Son petit ami l'accueille aussitôt avec un grand sourire de soulagement aux lèvres.

—Putain je suis désolé ! lance-t-il d'une voix tremblante avant de la prendre dans ses bras. Je me suis emporté trop vite ! Pardonne-moi, Mary !

Vaut mieux que je les laisse.

Cinq minutes plus tard (oui je marche avec des talons ), je rejoins l'ambiance tamisée du restaurant.

La musique est un peu plus forte qu'avant, et ils passent enfin les tubes du moment.
Je retrouve Constantin au bar qui me tend une bière. On trinque avant de la boire.

—Ça s'est arrangé entre eux ? me sourit-il.

—Oui, je réponds en reprenant une deuxième gorgée bien fraîche. Ils se sont rabiboché aussi vite qu'ils ont rompu.

Il pose sa main sur ma hanche pour m'attirer contre son torse. Instinctivement je détourne mon regard pour chercher le vampire.
Toujours le même réflexe idiot. Quand Constantin me touche, j'ai peur que le psychopathe nous saute dessus.

Pourtant j'ai beau balayer la salle du regard, pendant plusieurs secondes, je ne le trouve pas. Ni lui, ni ses amis.
Bizarre.

—On va danser ? je propose à Constantin en masquant ma déception.

Déception ?
Ok je vais finir ma bière pour arrêter de dire des bêtises.

Une fois nos boissons avalées, je tire Constantin par la main pour aller sur la mini piste de danse improvisée, sur laquelle se trémoussent un petit groupe d'étudiants. C'est le chanson « Hurtin'me » qui passe sur les ondes.
On se déhanche à une bonne distance l'un de l'autre pendant un long moment, en échangeant des sourires gênés et des petits regards timides, quand je repère une silhouette noire, dehors sur la terrasse en train de fumer.

Mon cœur sursaute. Je ne comprends pas trop ce qui se passe. On dirait que ça me dérange que le vampire soit là-bas et non ici au restaurant.
Troublée, je fixe son dos immobile et la fumée blanche qu'il recrache devant lui.

—Tu veux boire autre chose ? propose Constantin.

Je sors de ma contemplation en clignant plusieurs fois des yeux. Pourquoi ça m'embête que le psychopathe me laisse seule avec Constantin, et qu'il nous saute pas dessus pour nous séparer ?

Déstabilisée, j'accepte en hochant la tête et suit Constantin jusqu'au bar. Cette fois-ci on commande deux vodkas-pomme.
Toujours pas de Marysa et Alex à l'horizon. Apparemment ils nous ont encore oubliés.

—Tu t'amuses bien ? me demande Constantin avec un petit sourire aux lèvres.

—Oui ça va, je réponds en jetant un regard dehors.

Peut-être que je ne suis pas assez proche de Constantin ? C'est pour ça que le vampire n'intervient pas ?

Je tourne la tête vers Constantin, avant de m'approcher de lui.
Surpris, il pose son verre de vodka sur le bar, sa lèvre inférieure commençant à trembler. Je me colle à son torse et enroule mes bras autour de son cou. Je patiente ainsi, en fixant le regard troublé de Constantin qui tente de comprendre mon soudain rapprochement.

Normalement le psychopathe devrait bondir d'un instant à un autre. Ce n'est qu'une question de secondes.

Lorsque des lèvres rêches s'abattent sur les miennes par surprise, je me mets à tousser. Mais c'était pas prévu comme ça ! Pourquoi le psychopathe ne l'a pas empêché ?

Je promène mon regard sur la terrasse extérieure, et le trouve dans la même position qu'avant. Dos à moi, en train de fumer.
Quelle cruche. Il n'a pas pu nous voir.

Pourtant quelque chose au fond de moi me dit que quelque chose cloche. Je ne sais pas quoi, mais le vampire est bizarre ce soir.
Mon cœur se trouble de nouveau, sans savoir pourquoi. Je me sens, encore une fois...vide.

—Tu vas bien ? s'inquiète Constantin en me voyant cesser de respirer.

—Oui, oui...J'ai juste besoin de prendre l'air...Je reviens.

Je le repousse gentiment, et me dirige vers l'immense baie vitrée qui donne sur l'extérieur.
J'ai besoin de rejoindre mon vampire-psychopathe qui semble m'avoir délaissée ce soir...