Chapitre 17

En faisant le parcours d'accrobranche en sens inverse, je me demande comment j'ai pu tomber sur un garçon qui ne parle pas et qui a horreur qu'on le touche.

Pourquoi réagit-il comme ça ? Qu'est-ce que je lui ai fait ?

Quand j'arrive enfin au début de l'accrobranche, le ciel s'est vraiment assombrit. Non seulement le vent est puissant, mais de gros nuages gris, à la limite du noir, menacent d'exploser à tout instant. Il faut vite que je rentre au chalet avant de recevoir l'averse.

Je me dirige vers le chemin rose que Constantin et moi avons emprunté un peu plus tôt, mais je me demande si je ferais pas mieux de prendre le chemin vert. Celui que la bande du psychopathe a prit. Ils étaient là avant nous, il devrait donc être plus court non ?

Je souffle sur mes mains en sautillant sur place, j'ai trop froid. Je compte jusqu'à trois pour me décider avant de congeler sur place.
Une silhouette sort à toute allure d'un chemin au loin sur ma gauche, vêtue d'une veste noire et de lunettes sur le nez.

Constantin ?

Je m'apprête à l'appeler quand il tourne la tête vers moi. Ses yeux s'écarquillent de surprise. Il est encore plus rouge qu'avant.

—Constantin ? Mais qu'est-ce que...

—Jeanne ! s'exclame-t-il en accourant vers moi. Oh mon dieu t'es là !

Il arrive devant moi à bout de souffle, les lunettes remplies de buée.

—T'as fini ?

—Ouais, y a dix minutes environ...Mais tu faisais quoi dans la forêt ?

—J'ai pas trouvé le bon chemin.

Il râle en essuyant ses lunettes avec la manche de son manteau, alors que je reste bouche bée.
Il replace les lunettes sur son nez, puis tout heureux il prend mon visage dans ses mains.

—Si tu savais comme j'ai galeré.

Je le repousse comme par instinct.
Paniquée, je fais le tour de moi-même pour voir si le vampire traîne dans les environs.

Je soupire de soulagement en constatant que la plaine derrière moi est vide.

Mais qu'est-ce que je fais ? Je suis devenue folle ?

Le psychopathe m'a contaminé avec ses réactions disproportionnées à chaque fois que Constantin me touche.
Agacée par moi-même, j'empoigne le coude de Constantin pour l'entraîner droit devant nous.

—Non ! s'ecrie-t-il. Je me suis perdu avant dans ce chemin. Viens, on passe par le rose.

Je lui jette un regard incrédule. Est-ce qu'il a refait tous les chemins pendant que j'étais à l'accrobranche ?

Pas le temps de réfléchir ni de poser des questions, car l'orage commence à gronder au loin. Le moniteur surfeur est en train de s'agiter avec les derniers participants.
Une forte odeur d'humidité nous force à courir dans les bois. On doit vite se mettre à l'abri, bien au chaud, avant que l'averse tombe.

Il est 16h passées quand on arrive au chalet.
Constantin n'a plus osé me parler ni me toucher pendant notre folle traversée dans la forêt.

On pousse la porte de notre suite trempés de sueur, mais ma colère n'est toujours pas retombée. Au contraire, elle s'amplifie en découvrant Marysa et Alex affalés sur le canapé en train de regarder la télé.

—Hey ! s'exclame ma supposée meilleure amie lovée dans les bras de son mec. C'était bien ?

Mon regard essaye de la tuer sur place, elle et son sourire béat d'amoureuse, qui semble avoir passé une bien meilleure après-midi que la mienne.

—Ouais, lui répond Constantin en me lançant un regard gêné. On n'a pas pu...

Je n'entends pas la fin de sa phrase, je viens de claquer la porte de la salle de bain. Il me faut une douche d'urgence. Je dois absolument oublier l'activité cauchemardesque avec le psychopathe.

À bout de nerfs, je me déshabille pour me jeter sous des jets d'eau bouillants. J'ai tellement chaud et froid en même temps, que mon corps a besoin de retrouver une température normale, mon esprit des idées claires.

Une éternité plus tard, je sors apaisée mais lessivée, pour rejoindre ma chambre. Je traverse le salon enroulée dans ma serviette, sans jeter un regard aux autres.
Je tombe nez à nez avec mon charmant petit lit qui me fait de l'œil. Sa douce couette couleur chocolat m'invite à me blottir sous elle. Je frémis rien qu'en pensant à la sensation de m'allonger sur le lit pour faire une bonne sieste bien méritée. Je suis debout depuis 6h ce matin, je n'en peux plus.

Une fois habillée d'un legging polaire gris et de mon long pull bleu fétiche , j'enfile mes chaussettes, pressée de rejoindre Morphée.

Pourtant deux coups secs à la porte me font grimacer.

Pitié, faites que ce soit pas Constantin.
Pas maintenant. J'ai vraiment besoin de me reposer.

—Poulette, je peux rentrer ?

Un visage parfaitement maquillé, encadré par des cheveux châtains coiffés à la perfection, se glisse entre la porte.

—Ouais, je marmonne en soulevant la couette pour m'engouffrer dans le lit.

Marysa s'approche avec une mine inquiète, et s'assied au bord du lit.

—Tu fais la gueule ? demande-t-elle d'une petite voix.

—Non c'est bon.

Je croise son regard vert-gris qui me sourit.

—Constantin nous a raconté.

Son ton mielleux ne présage rien de bon.
Je me redresse légèrement pour m'adosser contre le mur. Je relève la couette jusqu'au menton en plissant les yeux.

—Vous a raconté quoi ?

—Que vous sortez ensemble ! Bravo ma vieille ! Je pensais pas que ça irait aussi vite !

Moi non plus.

Je me rallonge dans le lit, cache ma tête sous la couette, mais Marysa la retire.

—Ben quoi ? T'es pas happy ?

—Si, si...C'est tout ce qu'il vous a raconté ? Il vous a pas parlé de l'accrobranche ?

—Ben non, pourquoi ? C'était pas bien ?

L'image du vampire se tenant à quelques centimètres de mon visage, réveille mon coeur. Son haleine tiède expirant contre la mienne. Son aura envoûtante, mais terrifiante qui émanait de son être. Ses yeux solidement imbriqués dans les miens dans un silence surréaliste en haut d'un arbre.
Rien que d'y penser, j'en ai la chair de poule.

Je dois absolument sortir l'image du psychopathe de mon esprit. Je souffle un bon coup, avant de reporter mon attention sur les yeux de Marysa qui attendent ma réponse.

—C'était...c'était...Et vous, vous avez fait quoi ?

Avec un grand sourire aux lèvres, elle s'allonge à mes côtés. Elle place ses deux mains sous sa tête, avant de répondre d'une voix émerveillée :

—Oh poulette, c'était fantastique ! Sublimissime ! Totalement démentiel !

Je me tourne vers elle.

—Vas-y, raconte.

—On. L'a. Fait !

Je déglutis.

Pendant qu'elle me narre ses ébats sexuels, super torrides avec Alex, une fois de plus je me sens en décalage par rapport à elle. Si ma meilleure amie a perdu très tôt sa virginité, moi j'ai toujours la mienne à dix-sept ans.

Marysa dégage une telle assurance, elle est tellement à l'aise avec son corps. Alors que moi c'est tout le contraire. Je le cache, camoufle les formes que j'ai pas. Mon corps est encore un espace étranger pour moi-même. Et j'ai peur, tellement peur de le dévoiler, et encore pire : qu'un homme pose un regard dessus.

—Et toi ?

Sa voix remplie de papillons me fait sursauter.

—Quoi moi ?

—Toi et Constantin ! C'était comment ? Il embrasse bien ?

Ouf, j'ai cru qu'elle parlait d'autre chose.

—Ouais...C'était un tout petit baiser de rien du tout tu sais...Et puis on n'a pas eu le temps...d'approfondir...de recommencer...Enfin voilà quoi !

Ses yeux s'illuminent en me fixant en silence. Un sourire s'étire sur ses lèvres alors qu'elle me regarde avec insistance.

—Quoi ?

Elle cligne des yeux plusieurs fois, puis sa main se pose sur ma joue.

—Rien poulette, murmure-t-elle. T'es juste...

Mon cœur se serre. Je ressens exactement le même malaise que lorsqu'elle m'a embrassée chez elle. Ce même regard qui change tout d'un coup pour devenir tendre.

—Mary...

Son pouce s'approche du coin de mes lèvres.
Je le sens, et je suis tétanisée.
Elle n'a pas un petit ami ?

Dieu merci, elle a dû lire la panique dans mon regard car elle retire sa main pour la passer dans mes cheveux.

—Repose-toi ma belle. Tu dois être en forme pour la soirée de ce soir.

—Quelle soirée ? je peste en poussant sa main de mon crâne.

Surprise par ma réaction, son sourire s'efface.
Je la quitte pas des yeux. Son comportement a changé depuis quelques jours.

Elle fronce légèrement les sourcils comme si elle essayait de deviner mes pensées. Puis elle se penche pour déposer un petit baiser sur mon front.

—Il y a une soirée ce soir au chalet, reprend-elle en se levant pour se diriger vers la porte. Et toi et moi, on va bien s'amuser avec nos mecs !

Elle me lance un dernier sourire coquin, avant de refermer la porte derrière elle.
Je m'enfouis au plus profond de mon lit en grognant.

Seigneur, faites que cette soirée se passe bien.

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