Chapitre 12
Constantin et moi commençons à courir dans l'immensité de la forêt. Malgré mes 1m62 et mes quarante-huit kilos, je ressemble à une flèche qui perce le vent. Qui le défie, en sentant cette curieuse sensation de froid-chaud sur mon visage.
Constantin garde le rythme à côté de moi, bien qu'il porte ses éternels mocassins. Je m'esclaffe intérieurement en le voyant courir avec sa veste cintrée noire et ses petites lunettes sur le nez.
—Ah !
J'entends une sorte de crissement, puis le sol résonne brusquement comme s'il avait reçu un coup inattendu.
Je me retourne et aperçois Constantin assis par terre, se tenant la cheville gauche entre les mains.
Je fais vite demi-tour pour accourir vers lui.
Rouge comme une écrevisse, le front en sueur, ses lunettes sont à moitié descendues sur son nez. Il lance d'une voix plaintive :
—J'ai mal !
Je m'apprête à me baisser à son niveau pour vérifier l'état de sa cheville, quand sa main attrape mon bras pour me tirer vers lui. Je lache un hoquet de surprise, et sans comprendre comment, ses lèvres s'abattent sur le coin des miennes.
C'est un baiser brutal.
Totalement raté.
Je recule les yeux écarquillés, alors que les siens s'arrondissent aussi, mais plutôt de honte.
—Qu'est-ce que...? je lance ahuri.
Ses sourcils se froncent, il devient encore plus rouge qu'avant.
Mais sa main tire sur mon coude d'un geste vif et déterminé. Cette fois il ne rate pas sa cible : mes lèvres atterrissent en plein sur les siennes. Je sens ses nerfs, toute la rage à travers sa bouche rêche et congelée qui s'obstine à se coller à la mienne.
Ma respiration est coupée nette. Je rentre en apnée, les yeux grands ouverts. Aussitôt les dernières paroles de Marysa prononcées au chalet, viennent éclairer mon esprit.
Il faut que je me dévergonde.
Je dois lui donner sa chance.
Je dois reprendre ma vie affective en main pour oublier Alex.
Alex...
Alors qu'il met fin à ce baiser sans langue, je réprime un petit soupir en pensant aux yeux azurs de mon Appolon. À sa manière tellement sexy de recoiffer sa mèche brune qui tombe sur son front. À son corps d'athlète qui doit être chaud et doux. À...
—On y va ? lance Constantin avec un grand sourire.
Quoi ?
Je le fixe en train de se redresser comme si rien n'était. Il se met à trottiner devant moi pour m'attendre.
Est-ce qu'il a simulé sa chute pour pouvoir m'embrasser ?
Je crois que je vais pleurer.
Ou me taper le front contre un arbre.
Pourtant son regard radieux derrière ses lunettes me fend le coeur. Constantin n'est pas méchant, il est plutôt sympa comme garçon. Un peu maladroit et très timide, mais il fait son possible pour que je me sente à l'aise.
Je mets de côté mes pensées négatives, et lui offre un sourire sincère, avant de le rejoindre pour courir à ses côtés.
Après tout, on est tous les deux dans la même galère, non ?
Vivre avec un couple pendant trois jours est un véritable supplice que je souhaite à personne. Ça se trouve, Alex lui a aussi demandé qu'on se mette ensemble pour qu'on forme un groupe de couples.
Ça se trouve Constantin est l'homme de ma vie et je le sais pas encore.
Hum...non. Je crois pas.
Tout en courant mais beaucoup moins vite qu'avant, Constantin toujours aussi rouge qu'une écrevisse, me lance plusieurs regards heureux. Au bout de quelques minutes il se rapproche de moi de manière timide, saisit ma main pour la glisser dans la sienne. Lorsque sa peau rugueuse rentre en contact avec la mienne, mon cœur rate encore un battement.
Ça y est, lui et moi sortons ensemble ?
Une légère peine, teintée de gris, s'invite dans ma poitrine. C'est pas la main d'Alex qui tient la mienne, mais celle d'un autre.
La gorge serrée, je me force à sourire à Constantin, puis je reporte mon regard sur la forêt devant moi.
Mon coeur est criblé de tristesse, mes yeux sont légèrement humidifiés à cause du froid. Ou plutôt à cause de la terrible désillusion que je me prends en pleine face. Tous mes espoirs avec Alex s'écroulent d'un coup. C'est pas avec moi qu'il a voulu sortir, mais avec ma meilleure amie.
Ma raison essaye de me relever du terrible précipice dans lequel je me noie. Je dois faire le deuil de l'homme de mes rêves qui est amoureux de ma copine.
Constantin pourrait être un bon tampon, une belle transition pour cesser de penser à lui. En essayant avec quelqu'un d'autre, je parviendrais peut-être à oublier Alex.
C'est sur cette petite note positive, ce petit espoir qui vibre en moi d'enfin passer à autre chose, qu'on débouche Constantin et moi, toujours main dans la main, sur une grande surface plate. Des grands arbres sont reliés par des câbles à dix mètres devant nous.
On échange un sourire satisfait, lorsqu'un grondement terrible s'élève dans les airs.
Une silhouette habillée tout en noir court vers nous de manière furieuse. Ses amis courent derrière lui.
—Non !! s'écrient-ils à l'unisson.
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