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Décembre 2006. Elle nait avec trois semaines d'avance. Enfin elle... Ses parents ne savent pas si c'est une fille ou un garçon, ils voulaient la surprise à vrai dire. De toute évidence, c'est elle. Elle nait à 14h35. Un vendredi. Parait qu'il pleut. Ou qu'il fait soleil. Les gens ne savent plus trop.
Aucun contact avec maman. Pas même un bisou. Pas le temps. C'est peut-être pour ça qu'elle a du mal avec le contact physique parfois. Ou pas.

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Pas grand chose. Juste qu'elle fait des apnées du sommeil. Et qu'elle commence à faire la taille de son doudou.
Pour ses apnées du sommeil, on la met sous monitoring pour la réveiller, assez pour que l'apnée cesse. Elle en a gardé une cicatrice, à cause d'un patch.

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Elle marche enfin. Premiers pas dans un magasin. Super, parrain aura sa demoiselle d'honneur qui marche. Les gens sont soulagés, elle ne se déplacera plus sur les fesses.

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La douille. Un frère.
Il est si petit qu'il oblige maman a resté assez souvent à l'hôpital parce qu'il est dans une couveuse. Trop fragile.
Elle, elle se tait. Boude même sa mère. C'est le début des "Attends", "Débrouille toi", "Je suis occupé.e avec ton/ta frère/sœur".

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Deuxième douille. Un déménagement. C'est pas plus mal. Mais bon, elle et l'amitié, ça fait 36. Voire 42.
En maternelle, les gens parlent dans son dos parce qu'elle s'éternise dans sa sieste. Elle les entend. Et s'obstine à rester couchée, cachée dans son coussin. Il ne faut pas pleurer.

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Pas grand chose à raconter. Juste qu'elle essaye d'avoir des amis. Mais c'est compliqué, les gens ont déjà leur groupe.

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Rien à dire. Juste qu'elle essaye encore d'avoir un peu d'attention des parents.

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Encore une douille. Une sœur cette fois. Le pire ? Cette sœur a décidé de naître un jour où elle aurait bien aimé raconter sa journée. Mais cette petite sœur passe avant tout.
Elle se tait. Elle commence à être spectatrice de ce qui se passe autour. Et elle se renferme.

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Elle pique beaucoup de crises de jalousie. Elle n'en peut plus de jouer la grande sans savoir ce que c'est.
Déjà qu'à l'école, on la traite d'intello ! Elle refuse d'étudier ses dictées, voulant être comme les autres. La prof prévient de son relâchement. Maman gronde.
Et aux stages, on la traite de grosse. Elle essaye d'expliquer, mais les gens n'écoutent pas.

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Elle perd son meilleur ami. Un chien. Qui l'aimait et la protégeait.
Les autres disent que c'était "juste un chien". Ça fait mal.

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Elle se plonge dans la lecture. Parle moins. Rêve plus. Harry Potter est plus intéressant que les autres élèves.

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CEB en poche, elle affronte la cour des grands. Beaucoup s'étonnent de son âge.
"T'as sauté une classe ?"
"Non non."
Elle se fait une amie. Mais l'amie disparaît l'année prochaine. Elle change d'école.

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L'un de ses exs lui mène la vie dure. Elle finit par craquer et ça cesse enfin. Mais elle perd sa joie d'apprendre.

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Seule au milieu des autres, elle lit au pause. À croire qu'elle a une bibliothèque dans son sac.
Un jour, une pote lui dit d'arrêter de parler et de raconter sa vie car ce n'est pas intéressant.
Alors elle se tait. Encore plus qu'avant.

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Pas facile l'école. Et pourtant, elle a eu son CE1D malgré le covid qui débarque.
Elle s'amuse bien à la maison malgré les quelques cours à distance.

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Les cours à distance continuent. Elle va à l'école quelques jours par semaine, le reste est à la maison.
Ça s'accélère et elle fait presque son deuxième burn out à cause des cours.
Puis vient le jour où elle perd sa meilleure amie. Un chat.
Elle se souvient comme si c'était hier. Son mutisme n'a jamais été aussi lourd. Elle en parle à peine de cette perte. Et ne va jamais sur les tombes de ses deux meilleurs amis dans le fond du jardin.

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Découverte de son orientation sexuelle. Ou de son absence d'envie sexuelle.
Elle aime une fille. Aucune réciprocité.
Elle parle de la mort. Beaucoup. Longtemps. Si bien qu'un jour, assise sur le rebord de la fenêtre, elle ramène une jambe vers elle en bougeant à peine, et fait paniquer ses amis qui se lèvent d'un bond.
"On a crû que t'allais sauter."
Elle s'étonne. Elle parle si souvent de ses solutions radicales pour être libre que ça ? Faut croire.

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Elle ment quand elle sourit parfois. Elle parle encore de sauter du pont ou de prendre des médocs.
Elle aime. Mais l'amour semble compliqué. Ça l'agace.
Son meilleur ami semble avoir du mal à comprendre ce qui se passe en elle. Et les meilleur.e.s ami.e.s du meilleur ami disent qu'elle n'a pas assez souffert du mal qu'elle a causé, cause et causera. C'est donc ça sa vie ? Faire mal et avoir mal ?

Et après ? Après, c'est compliqué. Elle ne se voit pas vivre au-delà de ses 18 ans. À voir. Elle se sent absente de sa propre vie parfois, ou souvent, et se demande si les gens ne seraient pas mieux sans elle.
Elle cherche une raison de rester. Donc elle attend.