Chapitre 4-Ils sont là - réécrit
Iris
Bâillant à m'en décrocher la mâchoire, je sors de ma Chevrolet, claquant la portière derrière moi. « Highway to Hell » d'AC/DC à fond dans les oreilles, je traverse le parking en direction de l'amphi B4.
Ce matin, tout va de travers. Je n'arrive pas à me réveiller. La caféine ne m'a été d'aucune utilité, et ma douche a décidé de se foutre de moi dès sept heures : l'eau était glaciale. Ma peau en frissonne encore !
Je me retourne à quelques mètres de ma voiture et la verrouille. Un petit sourire naît sur mon visage. Cette fois-ci, je suis arrivée en avance, ce qui me correspond plus. J'ai ainsi pu récupérer la place de parking que j'occupais la semaine dernière... c'est-à-dire celle de Tucker. Oh oui, il y a d'autres places de libre. Mais mon côté peste n'a pas pu résister.
Je rentre dans le bâtiment, traînant presque des pieds. Les couloirs sont blindés. Des étudiants se précipitent dans tous les sens pour rejoindre leur prochain cours. Tandis que je passe devant un groupe, un énorme bruit sourd explose derrière moi. Mon cœur loupe un battement alors que je me tourne brusquement.
Ce bruit me replonge des mois en arrière et ma gorge se serre soudainement. C'était une détonation !
Mais je suis apparemment la seule que cela inquiète. Autour de moi, les étudiants explosent de rire et semblent être excités par ce bruit, comme s'ils l'attendaient.
C'est quoi cette connerie ? !
À quelques mètres de moi, un hurlement retentit parmi la foule. Quelqu'un hurle à la mort et cela ressemble... Attendez est-ce qu'il est en train de hurler comme un loup ?
Le cri s'arrête soudainement tandis que tout le monde se regarde, ne sachant pas qui vient de crier. Un autre se fait entendre, un peu plus loin cette fois. Un étudiant en polo bleu et jean brut passe dans la foule, distribuant quelques papiers. Mon regard l'analyse. Il agit en véritable connaisseur des lieux. Il salue les gens tout en continuant son chemin. Une fois le prospectus entre leurs mains, les étudiants paraissent surexcités.
Alors qu'il se rapproche, je remarque ses cheveux blonds s'arrêtant au niveau de la nuque et je le reconnais. T-J, l'ami de Tucker !
Ses yeux verts se braquent sur moi et un grand sourire se dessine sur ses lèvres quand il semble me reconnaître à son tour. Il s'avance vers moi, la démarche beaucoup plus mesurée que l'autre soir. L'alcool semble avoir définitivement quitté son corps.
– Et voilà mon joli taxi, me salue-t-il gaiement en se dressant face à moi.
Je prends une seconde pour comprendre l'appellation qu'il m'a donnée.
– Je suis pas ton taxi.
Face à son air ironique, je reprends :
– Je suis pas un taxi tout court, j'ai juste aidé ton pote.
T-J continue de me fixer avec attention, comme s'il cherchait une réponse sur mon visage.
– Hum hum, si tu l'dis.
Je lève les yeux au ciel et commence à m'éloigner.
– Eh ! s'exclame-t-il en se remettant face à moi. Bordel, tu rigoles vraiment pas, Tucker avait raison.
Je lâche un petit rire moqueur. Eh bien, on en apprend beaucoup en quelques secondes...
– Vous avez parlé de moi ?
– Bien entendu. C'est pas tous les jours qu'une jolie rousse entre dans ma vie, m'affirme-t-il en posant théâtralement la main contre son cœur.
– Iris. Je m'appelle Iris.
Il hoche la tête sérieusement tout à coup.
– Je note. J'userai de cette information à bon escient.
T-J me tend un papier avec des mots de couleur vive imprimés dessus.
– C'est quoi ? demandé-je en le récupérant.
– Ça, ma belle, c'est ton invitation à pousser les portes de l'enfer.
Mes yeux se posent sur le prospectus : « La Meute a décidé de s'agrandir, qui veut tenter de la rejoindre ? »
– Vraiment ? demandé-je ensuite. Ça a un rapport avec ce gars qui faisait le loup tout à l'heure ? Laisse-moi te dire que c'était plus ridicule qu'autre chose. Et puis, c'est quoi cette histoire de « Meute » ? Un genre de fraternité où tous les excès sont permis ?
T-J me fait un simple clin d'œil avant de répondre.
– Toi, t'es une petite nouvelle. La Meute... C'est juste le groupe le plus influent de toute la fac. Regarde tous ces jeunes, dit-il en jetant un œil aux gens autour de nous, ils rêvent tous d'en faire partie. Tout le monde peut tenter sa chance mais les places sont chères.
Sur le coup, je ne sais pas vraiment quoi lui répondre. Je le fixe, assez sceptique. Les fraternités, sororités et tout le tralala existent également à Portland. Leurs fêtes étaient démentielles. Mais j'ai bien l'impression que celles de Denver sont sans limite.
– Il faut que tu viennes, continue T-J avec un sourire diabolique. Semaine prochaine.
Je fixe sa silhouette qui s'éloigne et me demande pourquoi tout le monde veut rejoindre cette fraternité. Je jette finalement un coup d'œil à ma montre, me pressant de rejoindre mon amphi.
Les étudiants sont agglutinés devant la porte. Certains poussent des exclamations de surprise en entrant, d'autres rigolent avec joie.
Quand je pénètre dans l'amphi, je retiens mon souffle. L'immense salle est remplie de boules de cotons... et de poils ? Je me penche pour ramasser une petite boule toute douce.
– C'est de la laine de mouton ! s'exclame une fille sur ma droite avec gaieté.
Écœurée, je lâche la boule au sol. Mais où est-ce que j'ai atterri ? ! Moi qui croyais que l'ambiance de Portland était déjantée, celle de Denver la dépasse largement.
– Tu sais ce qui se passe ? demandé-je à la fille.
Elle me fixe avec des gros yeux, comme si j'étais débile.
– Les loups débarquent !
– Mais encore ? Ça veut dire quoi ?
Elle s'approche de moi et me dit sur le ton de la confidence :
– Ça veut dire que la débauche commence et que personne n'est à l'abri de se faire mordre.
Mais c'est quoi leur problème ? J'ignore le spectacle et commence à monter les escaliers, bien décidée à ne pas rentrer dans ce petit jeu débile, quel qu'il soit. Pourtant, alors que je vois tous les regards converger vers l'avant de l'amphi, je ne peux m'empêcher de me retourner.
Lequel d'entre vous allons-nous manger en premier ?
J'ai à peine le temps d'assimiler le message inscrit à la craie sur le tableau que je sens une présence derrière moi. Un regard brûle ma nuque.
Je fais volte-face et découvre Tucker juste là, les bras croisés, en train de m'observer. J'essaye de ne pas lui montrer que sa présence me perturbe alors que ses yeux vairons si vifs analysent chacune de mes réactions. Sa légère barbe sombre est un peu plus prononcée aujourd'hui. Mais pourquoi est-ce que je remarque tous ces foutus détails ? !
– Alors, t'as une idée ? me demande-t-il gravement une seconde plus tard. Il serre un peu plus les bras et j'observe ses biceps se contracter.
– Une idée de quoi ?
– De qui on va manger ? continue-t-il avec assurance.
La lumière se fait dans mon esprit. Je me penche vers lui.
– Attends... Tu fais partie de cette connerie ?
Tucker ne me répond pas. Il continue de me fixer avec attention et je comprends que oui, il en fait bien partie. Les liens se tissent dans mon esprit. Je me souviens de sa surprise en me voyant lui tenir tête lors de notre rencontre... Il n'a pas l'habitude que les gens lui résistent et ne soient pas à ses pieds. Eh bien, laissez- moi vous dire que les choses vont changer.
Perdant patience, je rentre dans une rangée et m'assieds sur un des sièges du milieu, le laissant derrière moi. Je n'ai pas de temps à perdre avec un bouffon qui se prend pour l'un des rois du campus. La place que je viens de rejoindre n'est pas l'une de celles qui lui sont « réservées » alors je suis persuadée qu'il ne me suivra pas. Je sors mon ordi, ignorant tous les étudiants qui se calment peu à peu.
Alors que l'écran s'allume, je sens une chaleur dans mon dos, près de mon oreille. Ne me dites pas qu'il s'est assis derrière moi ? !
Je ne bouge plus, reconnaissant l'odeur masculine qui s'impose à moi. Des petits cheveux se dressent sur ma nuque sans me demander mon avis.
– C'est toi que je mangerai en premier, murmure Tucker. Je tourne ma tête avec rage.
– Eh bien, j'espère que tu feras une indigestion, gros con.
Ses yeux luisent presque tandis qu'il s'installe confortablement, une nouvelle fois surpris par mon ton et le fait que quelqu'un lui tienne tête. Les étudiants semblent choqués de le voir s'asseoir ici plutôt qu'à sa place habituelle. Juste derrière moi.
Tucker les ignore, nullement perturbé par leur regard. Il pose ses deux mains sur la table, en véritable maître des lieux. Soudain, le bruit des escarpins de Mme Richards retentit entre les murs. Enfin ! On va pouvoir passer à autre chose
– Bonjour à tous. Je... Est-ce qu'on vient d'abattre un animal sauvage ? s'exclame- t-elle en voyant l'état de l'amphi.
Personne ne répond. Je tente alors de suivre son cours, douloureusement consciente du regard posé sur moi.
J'ai bien l'impression d'avoir pris part malgré moi à un petit jeu dont je ne connais pas encore les règles.
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