Chapitre 1-Trouver sa place - réécrit
Iris
Une sonnerie stridente résonne entre les murs de mon appartement tandis que je cours à la recherche de mon foutu sac.
Je suis en retard.
Je manque de trébucher dans le couloir et me rattrape à la commode d'une main. Un centimètre de plus et mon orteil heurtait le coin du meuble. Et nous savons tous à quel point c'est douloureux...
Note à moi-même : déplacer ce meuble dès que possible. Oh, et me réveiller à l'heure les prochains jours...
Je déteste les gens qui sont en retard et je déteste l'être moi-même. D'habitude je suis organisée mais, allez savoir pourquoi, pas aujourd'hui. Sans doute le stress du déménagement.
Le bruit continue à me percer les tympans et je retrouve enfin mon téléphone entre deux coussins du canapé. Alléluia.
– Ouais ? demandé-je en haletant.
Mes clés de voiture en main, je claque la porte de l'appartement et la voix de ma tante Emma me parvient à l'autre bout du fil.
– Ta sœur a refait une crise, Iris, commence-t-elle de sa voix désagréable. Quand j'ai accepté de la recueillir chez moi, j'attendais un minimum de maturité de sa part.
La façon dont elle prononce le mot « recueillir » – comme si ma petite sœur était un chien errant – fait monter ma colère que je suis malheureusement obligée de ravaler.
Je pose ma tête contre le bois laqué de la porte et soupire en serrant le combiné. Pauvre conne.
Je me retiens de le répéter tout haut et réponds en serrant les dents :
– Elle fait une crise de panique. Rassure-la.
J'entends ma sœur pleurer derrière elle et l'imagine seule, bouleversée.
Son jeune âge ne l'a pas aidée à accepter la situation, contrairement à ce que je pensais.
– Peut-être que quitter Portland maintenant n'était pas une si bonne idée, continue Emma sur un ton chargé de reproches.
C'était au contraire la seule bonne idée que j'ai eue ces derniers mois. La seule solution qui me permettait de garder la tête hors de l'eau. Un nouveau départ pour ne pas me noyer parmi mes cauchemars. Si j'étais restée, je me serais perdue à tout jamais.
– Passe-la-moi, ordonné-je en descendant les deux étages au pas de course.
– J'ai une réunion dans trente minutes, tâche d'arranger ça, continue ma tante d'une voix crispée.
Je me doute bien que recueillir une gamine de 9 ans ne faisait pas partie de ses plans. Il y a quelques mois – huit pour être exacte – sa vie a été chamboulée, alors que celle de ma sœur et la mienne ont été détruites.
Malheureusement, la décision du juge était sans appel. Ma sœur a été confiée à Emma. « Sans les ressources financières nécessaires. Passé trop instable et vie trop précaire pour pouvoir s'occuper d'une fillette de 9 ans. » Les paroles que le juge a prononcées contre moi reviennent en boucle dans ma tête, me serrant un peu plus la gorge.
J'entends un reniflement à travers le combiné et mon cœur se comprime alors que je m'installe dans ma Chevrolet à peu près en état de marche.
– Ma chérie ?
Le reniflement se fait plus fort, entrecoupé d'une forte respiration.
– Tout va bien Agnès, OK ? Écoute-moi. Inspire profondément.
– C'est maman qui devait m'emmener pour ma rentrée.
Je serre le volant fortement quand elle mentionne ma mère et essaye de couper court à toute pensée autre que ma petite sœur.
– Je sais, ma chérie. Mais cette année c'est tante Emma qui va t'emmener d'accord ? Tout va bien se passer.
– Non, je dois prendre le bus toute seule. Putain.
J'enclenche la marche arrière, ne pouvant me permettre de prendre du retard supplémentaire, et sors du parking du lotissement universitaire. Je mets le haut- parleur en cherchant dans mon sac mon emploi du temps.
Science criminelle, Amphi B4. 9 h à 11 h.
Moi qui me faisais un plaisir de commencer ce cours jusque-là inconnu pour moi... En effet, en choisissant mes options, c'est celle qui m'a le plus intriguée. Pourtant, quand j'ai vu ce mot, une boule au ventre et une envie de vomir me sont instantanément venues.
Comment pouvais-je être attirée par ça après ce qui s'était passé ?
Mais j'y ai réfléchi, j'ai entendu quelques élèves faire l'éloge du professeur le jour de la prérentrée, et je m'y suis finalement inscrite. Ça va m'apporter un plus pour ma troisième année de psycho et ça pourrait enfin m'aider à déchiffrer le comportement d'un criminel. J'en attends peut-être beaucoup mais si ça peut me permettre de comprendre ce qui s'est passé dans la tête du malade qui a tué mes parents huit mois plus tôt, alors je veux en être.
– Tu vas y arriver Agnès, continué-je en tournant à un coin de rue, me demandant si moi-même j'allais y arriver.
Heureusement, je ne suis qu'à une dizaine de minutes du campus central.
– Je voudrais que tu sois là, chuchote ma petite sœur en se calmant peu à peu.
Je pince les lèvres en arrivant enfin au niveau du campus.
– Je te verrai bientôt.
Je m'engage dans le parking et pousse un soupir en ne trouvant aucune place près de l'entrée.
– Tu sais quoi ? continué-je en voyant enfin une place libre un peu plus loin, la seule. Pendant les vacances d'automne, tu vas venir ici, d'accord ?
– C'est vrai ? Je vais venir à Denver ?
Son ton me serre un peu plus le cœur alors que je m'engage dans la place de parking. Même si je n'ai pas obtenu sa garde, Tante Emma la laissera venir chez moi pour quelques jours.
– Bien sûr... Ehhh !
Un pick-up s'engage en même temps que moi et manque d'arracher l'avant de mon véhicule.
– Espèce de connard ! crié-je alors que la voiture s'arrête au même instant.
– Je croyais qu'il fallait pas dire de gros mots, Iris ? me demande Agnès d'un air surpris.
Je marmonne entre mes dents serrées et regarde par la fenêtre, essayant de voir le conducteur complètement malade qui a failli me tuer. Mais ses vitres sont teintées. L'une d'elles se baisse doucement tandis que je plisse les yeux, furieuse.
– T'es complètement con ou quoi ? hurlé-je en ouvrant également ma fenêtre.
Alors que le véhicule redémarre, je fais de même et m'engage avant lui dans la place de parking.
Je l'ai vue la première !
– Je dois y aller, annoncé-je à ma petite sœur. Tout va bien se passer. Je t'appelle ce soir, d'accord ?
– Je t'aime, me répond Agnès juste avant de raccrocher.
Je soupire de soulagement en éteignant mon moteur, récupère mes affaires et vérifie dans mon rétro intérieur que mes cheveux cuivrés sont toujours en place.
L'avantage d'avoir un carré, plutôt que de les porter longs comme autrefois, c'est qu'ils sont beaucoup plus simples à coiffer.
Les cernes sous mes yeux noisette sont assez prononcés à cause de mon manque de sommeil, mais je vais devoir faire avec. Alors que je frotte une trace de dentifrice sous ma lèvre inférieure, je remarque quelque chose à l'arrière de mon véhicule. Le pick-up noir n'a toujours pas bougé.
J'ouvre ma portière et décide d'ignorer la personne débile qui le conduit, elle finira bien par bouger.
Je commence à m'éloigner de mon véhicule mais une voix rauque et indéniablement masculine me stoppe.
– C'était ma place.
Sa phrase sonne comme un ordre. Il ne prononce rien d'autre, comme si ces simples mots étaient censés me faire bouger. Je relève les sourcils et me tourne vers le type.
Sa place ?
Mes yeux tombent d'abord sur un avant-bras puissant posé sur le rebord de la portière, puis je relève la tête et, quand mon regard trouve le sien, je fronce les sourcils. Je n'avais encore jamais rencontré d'homme aux yeux vairons.
Bien sûr, j'en ai vu en photo, mais là, je dois dire que son regard bleu d'un côté et bleu taché de brun de l'autre est assez déstabilisant.
Sa casquette de base-ball rouge et blanche cache sa chevelure foncée. Je ne le détaille pas plus et m'avance d'un pas dans sa direction.
– Y a écrit « danger public » dessus ? répliqué-je en faisant mine de regarder le sol derrière ma voiture comme si je cherchais un nom. Non, y a pas écrit, alors je doute que ça soit ta place.
– Y a pas écrit « spécial garce » non plus, rétorque-t-il.
Il fronce ses sourcils foncés et sa bouche se plisse au milieu de sa barbe de trois jours. Il y a quelques heures, je l'aurai sans doute qualifié de « beau », mais là, je n'ai pas du tout la tête à ça.
– Si tu veux pas bouger ta caisse, c'est ton problème, continué-je alors qu'il reste derrière ma voiture. Faudra pas te plaindre quand elle sera arrachée tout à l'heure.
Sa place ? Sérieusement ? Bouffon...
Je n'attends pas une seconde et m'éloigne pour aller en cours.
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