#3
- Tiana grouilles toi s'te plait ! Cria Shera du couloir.
- C'est bon deux secondes.
Ce soir là, on partait en discothèque avec les filles pour fêter les vingt et un ans de Shera. Et pour son anniversaire, je lui avais cédé la tenue qu'elle m'avait choisie, une robe, pas très courte mais quand même près du corps rouge à manches trois quart et des escarpins noirs. J'étais mal à l'aise, moi qui était toujours en jean basket, c'était un changement radical pour moi et je ne savais pas si je pourrais l'assumer.
Shera me disait sans arrêt que j'étais jolie, et je ne pouvais pas nier le fait qu'elle jouait très bien son rôle de meilleure amie. Malheureusement, ses compliments ne suffisaient pas pour me faire changer d'avis. J'étais très complexée par ma petite poitrine mais je devais admettre qu'au moins on me regardait dans les yeux quand je parlais –je n'ai jamais rien trouvé de mieux pour me consoler-.
Je me regardai une dernière fois dans le miroir puis sortis de ma chambre pour rejoindre les filles dans le salon. Elles me scrutèrent en ouvrant exagérément la bouche, et je dus leur demander d'arrêter parce que ça me gênait.
- T'es superbe ! Lança Maddie, en souriant.
- Arrêtez, c'est vous qui êtes magnifiques. Répondis-je, gênée.
Il est vrai que mes deux meilleures amies étaient très agréable à regarder. Et je ne disais pas ça parce que c'était mes amies. Shera est petite de taille, fine, avec un visage angélique. Elle a de longs cheveux raides et châtains qui descendaient jusqu'en bas du dos, et des yeux bleus en amande. Elle portait une robe assez courte couleur gris métallique et des escarpins vernis.
Quant à Maddie, elle portait un bustier qui mettait en valeur sa poitrine que j'ai toujours rêvé d'avoir et une jupe taille haute rose pâle fendue sur le côté. Difficile de faire plus attirante. En effet, Maddie est souvent casée comme étant une bimbo à cause du fameux stéréotype de la blonde à forte poitrine qui s'attire toutes les bonnes grâces, mais elle n'est pas du tout ce genre de fille.
Plus tard, Deen était venu nous chercher en voiture.
Leur relation avait l'air de se concrétiser, je n'avais toujours pas demandé à Shera parce qu'elle-même ne sait pas. Peut-être qu'eux deux ne sont pas encore prêts pour ça.
En parlant du barbu, j'avais appris à le connaître et il est sympa, pas tellement du genre à s'ouvrir mais quand même de bonne compagnie. D'ailleurs, nous étions devenus presque inséparables avec l'entourage. On passait tous nos weekends ensemble, et il arrivait même qu'on se voit la semaine avec Sneaz. Ce soir, eux aussi étaient de la partie, et étrangement j'étais pressée d'y être. J'aimais l'ambiance qui régnait en leur compagnie.
- Excusez-moi mademoiselle, on n'a pas eu l'honneur de se rencontrer mais permettez-moi de vous dire que vous êtes très très charmante. Amorça le maghrébin en guise de bonsoir.
- Arrête tes conneries, Sneaz. Rigolai-je.
- Ah c'est Sneaz maintenant ?
- Ça dépend des jours.
Il secoua la tête légèrement et je souris.
- En tous cas t'es très séduisante ce soir. Il me dit un clin d'œil
Je lui gratifiai d'un bisou sur la joue en guise de remerciement et il me sourit.
Shera m'emmena sur la piste lorsque How Deep Is Your Love retentit dans la salle.
J'étais crispée au début, puis je me détendis un peu plus et me déhanchai sur le rythme de la musique, ne pensant à rien d'autre qu'à cette soirée. Pour une fois, je voulais m'amuser et ne pas avoir de regrets.
- C'est pas Ken là-bas ? S'interrogea Shera.
Maddie tourna la tête en premier et je l'imitai. Les cheveux plaqués en arrière, un perfecto, un t-shirt blanc et jean noir. Décontracté mais tout ce que j'aimais chez un homme. Il était très attirant.
Après être arrivé à notre niveau et avoir checké tout le monde, je pus faire la connaissance du rappeur qui l'accompagnait ; un grand gars chauve, la peau pâle, une barbe rousse et un sourire à tomber, Jazzy Bazz.
- Tu viens on va danser. Me dit Shera en me reprenant la main.
Je levai les yeux au ciel mais me laissai faire malgré tout. Son sourire montrait qu'elle s'amusait comme une petite folle, et la voir heureuse le jour de son anniversaire me comblait.
Son sourire s'agrandit encore plus lorsqu'elle sentit la présence de Deen dernière elle qui lui tenait la taille. Décidant de les laisser en amoureux, je fis volteface et me trouva nez à nez avec Sneaz qui m'invita à danser, ce que j'acceptai le temps d'une chanson, avant de l'abandonner pour m'hydrater au bar.
- Une vodka citron, s'il vous plaît. Demandai-je au barman.
- Tout de suite.
Je m'appuyai au comptoir et tournai machinalement la tête vers la droite et reconnus Maddie, dos à moi, face à Ken quelques mètres plus loin. Lorsque je posai les yeux sur lui, je vis qu'il me regardait déjà. Son regard insistant me gêna instantanément, et je ne trouvai rien d'autre à faire que de détourner hâtivement le regard. Comme si ce contact visuel avait quelque chose de nocif. Je vis alors deux verres sur le comptoir.
- Excusez-moi, je n'ai commandé qu'un seul verre. Dis-je confuse.
- C'est de la part du jeune homme là-bas. Dit-il en désignant sa droite avec la tête
Mes yeux se stoppèrent sur un jeune homme aux ondulations dorées qui me sourit. Sourire que je lui rendis et qu'il dut prendre comme une invitation puisqu'il vint à ma rencontre.
- Tu passes une bonne soirée ? Me demanda-t-il, à l'oreille.
- Nickel et toi ?
- Super.
Je fis nerveusement claquer les glaçons contre la paroi de mon verre.
- Merci pour le verre.
- Y'a pas de quoi, je t'ai trouvé très mignonne.
- Merci... Dis-je en détournant le regard, gênée une nouvelle fois.
Nous nous échangeâmes ensuite quelques mots pour apprendre à nous connaitre. Accoudés au bar, j'appris qu'il s'appelait Alex, qu'il avait vingt quatre ans et qu'il était un habitué de cette boîte. « Jamais il n'avait vu de beauté pareille » avait-il dit.
J'avais directement compris sa combine mais n'avais pas relevé, étant dans l'optique de m'amuser. Il me paya plusieurs verres et m'invita à danser. Je commençais à devenir pompette mais j'étais toujours bien consciente.
Une bonne demi heure plus tard, je l'avais laissé en lui promettant de revenir pour rejoindre Shera qui allait souffler ses bougies. Au carré, tout le monde était là. Je m'approchai de Mo et il me sourit. Puis nous chantâmes tous en cœur le fameux « joyeux anniversaire » devant l'énorme gâteau de ma meilleure amie. Elle souffla ses bougies et embrassa Deen, ce qui entraina des cris, des sifflements et des applaudissements dans la petite bande.
Je m'approchai d'elle à mon tour et lui fit un gros câlin. Puis Antoine péta le champagne et nous trinquâmes. La soirée continua et chacun était un peu de son coté, les gars faisait des aller-retours dehors pour fumer, Shera et Deen ne se lâchaient pas, Maddie était sur la piste et je remarquai avec dépit que son cavalier changeait à chaque musique et moi, au bout d'une énième coupe de champagne, je me levai pour prendre l'air.
Je fermai les yeux au contact de l'air frais sur mon visage collant de sueur. Puis, je vis Antoine et Ken discuter au loin. Je les rejoignis, le sourire aux lèvres et m'appuyai sur l'épaule du blond. L'alcool commençait à faire effet.
- Tu tiens le coup belle gosse ? S'enquit-il, le sourire aux lèvres.
- Oui... Je suis un peu fatiguée, ça va passer.
- Tu veux rentrer ?
- Non, je suis bien là.
- Ça va t'es pas si coincée que ça en fait. Lâcha l'abruti à la coupe au gel.
Son sourire provocant me passa au travers de la gorge.
- Moi coincée ?
- Ouais.
- Moi coincée ? Répétai-je, agacée.
- Ouais. Dit-il sur un air de défi.
Sans réfléchir je pris des mains d'Antoine le joint qu'il fumait et tirai une taffe. Puis deux, puis trois. La troisième fut peut-être de trop, puisqu'elle me brûla la gorge, jusqu'à m'en faire tousser.
- Oh vas y doucement. Me conseilla-t-il en me reprenant le joint des doigts.
La sensation fut étrange, voire indescriptible. Incapable de savoir comment je me sentais fatiguée mais à la fois euphorique, j'avais senti une montée d'adrénaline s'emparer de moi face à Ken, puis un goût écœurant s'emparer de ma bouche.
Ken me sourit, toujours avec cette pointe de défi dans les yeux et j'en fus satisfaite.
- Alors ? C'était comment ? Me demanda-t-il.
- Bon. Super bon. Je ne me suis jamais sentie aussi bien.
Evidemment, j'avais embelli la chose. C'était la première fois que je fumais un joint. Et la sensation que ça me procurait était intense. Et je me sentais plus mal que bien. Mais plutôt crever que de lui avouer le fin fond de mon ressenti. Tous mes sentiments se mélangeaient d'un coup. Je regardai Ken longtemps. Un peu trop longtemps à mon avis car il finit par le remarquer et froncer les sourcils. Je détournai donc le regard puis décidai de rentrer sentant le froid me mordre les jambes, suivie des gars.
Il était aux alentours de quatre heures du matin quand je regardai une énième fois l'écran de mon portable et que je n'arrivai pas à déchiffrer les notifications affichées. Je me déhanchai, toujours plus sensuellement sur la musique, plusieurs gars étaient venus m'aborder et cela m'avait redonné confiance en moi en plus de l'alcool. Je bus mon verre de vodka un peu timidement au début, puis d'une traite quand je vis Ken s'approcher.
- Mais c'est qu'elle se lâche la tigresse.
- Maddie n'est pas là.
Je ne lui prêtai pas plus d'attention et bougeai un peu plus sur le son. En temps normal j'aurais sûrement été intimidée mais là, je m'en fichais royalement. Je le regardai quand même du coin de l'œil et vis qu'il m'observait.
Il me scrutait de bas en haut, lentement, comme pour ne rater aucun détail de ce qu'il voyait. Mon cœur rata un battement, ça me plaisait.
- T'essayes de te prouver quelque chose à toi-même ? Demanda-t-il, candide.
- J'essaye de m'amuser.
- T'es déchirée.
- Et alors ? Demandai-je nonchalamment.
- Rien, répondit-il, j'aurais jamais pensé ça de toi, c'est tout.
Un rictus moqueur se forma au coin de sa bouche.
- Et pourquoi t'es pas en train de rouler des pelles à Maddie ?
- Arrêtes deux secondes de parler de Maddie.
Je ne répondis pas, préférant de loin le détailler. Il était attirant, beaucoup trop attirant. Je ne sais pas si c'était mon état second ou l'effet qu'il me faisait mais je ne sentais plus les membres. D'un coup sans m'en rendre compte je vacillai et heureusement pour moi, Ken me rattrapa par les bras.
- Eh, ça va ?
J'eus à peine le temps de reprendre mes esprits qu'il m'aida à marcher pour rejoindre les sièges. Je ne pouvais plus parler. Je n'entendais plus rien à part les basses de la musique. J'avais l'impression que ma tête était une montgolfière et qu'on m'avait amputé les jambes. Alphonse était assis pas loin avec Antoine.
- Qu'est ce qu'elle a ? Demanda-t-il.
- Je crois qu'elle fait un bad. Répondit Ken en m'aidant à m'asseoir.
Mon corps tomba sur le fauteuil, sans que je puisse contrôler mes moindres gestes. J'avais perdu le contrôle de moi-même, seule ma conscience était là et m'aidait à comprendre ce qu'il se passait. D'où j'étais, la table devant m'empêchait de voir la salle mais je vis s'approcher une paire de Huarache que je connaissais bien.
- Tiana ? Tiana ? Répéta-t-il
Mo me prit par la taille et m'aida à m'assoir, puis me tendit un verre d'eau mais voyant que je ne pouvais faire aucun geste, il me fit boire. L'eau coulait de part et d'autre de ma bouche et je pense qu'à ce moment j'ai perdu tout sex appeal et ma robe aussi.
- On va rentrer, d'accord ?
Je fermai les yeux longtemps en signe d'acquiescement.
- Tu as les clés de chez toi ?
- Mon sac. Marmonnai-je
Il prit mon sac sur la banquette et checka les gars qui me dirent je crois de bien me reposer.
- Shera... Murmurai-je, déçue de devoir la laisser.
- Elle comprendra. Me dit-il, pour me rassurer.
Je sentis à son haleine, qu'il avait bu et que ses pupilles étaient dilatées. Il n'était pas en état de conduire, pour sûr.
- Tu ne peux pas conduire.
Il soupira discrètement, conscient que mes dires étaient vrais.
- Je vous ramène. Dit Ken.
Mon premier reflexe fut de plisser les yeux. Étonnée qu'il soit toujours dans les parages, et paré à me ramener chez moi. Puis, inconsciemment, je sentis mes lèvres s'étirer.
Nous prîmes la route pour chez moi, Ken au volant, Sneaz coté passager, et moi allongée sur la banquette arrière, comme si j'étais entre la vie et la mort. Cette sensation de mal être qui s'était accaparé mon corps était nouvelle, et à la fois déroutante. Je pense que c'est ce qui me faisait réellement paniquer. J'essayais d'écouter les gars parler pour me calmer, Mo indiquait le chemin à Ken et se retournait de temps en temps pour voir si j'étais toujours vivante.
- On est arrivés, dit-il après un moment.
À peine il eut ouvert la portière du véhicule que je me jetais à l'extérieur pour vomir. J'aurais préféré ne pas vider mes tripes devant eux et garder une image un temps soi peu glamour, mais sur le coup je me fichai pas mal de l'allure que j'avais. Je ne devais pas être belle à voir, de toute façon.
Le supplice terminé, ils prirent un de mes bras autour de leur cou pour m'aider à marcher. Je pus sentir l'odeur de Ken dans l'ascenseur, qui se trouvait pour le coup, bien proche de moi. Une odeur de cuir mélangée à son parfum et sa lessive surement. Je me surpris à presque le renifler. Mais c'était tellement bon.
Une fois entrés dans l'appart Mo se détacha de moi pour allumer la lumière et aller dans la cuisine. Il était déjà venu plusieurs fois donc il connaissait les lieux, mais Ken jamais. Il m'aida donc à marcher et me posa sur le canapé. J'eus la force d'enlever mes escarpins en lâchant un soupir de soulagement. M'allonger dans le silence me faisait du bien. Ken et Mo étaient à côté en train de faire je ne sais quoi. L'envie de vomir refit cependant surface, alors je courais jusqu'aux toilettes vider mon estomac d'ores et déjà vide, mais qui eut le don de me faire sentir un peu mieux, malgré ma tête qui tournait encore.
Mo revint me voir une énième fois pour voir si j'allais bien. Puis de retour dans le salon, je croisai le regard de Ken qui me fit un maigre sourire compatissant. Je lui rendis, non sans sentir le sang me monter à la tête, avant de m'affaler près d'où il était assis dans l'angle du canapé.
- Tu veux à boire ? Me demanda Mo
- Non.
- Manger ?
- Non merci.
- Tu vas dormir comme ça ? Demanda-t-il, en désignant ma robe du menton.
- Hm... Flemme. Dis-je en fermant les yeux.
- Laisse tomber gros elle est crevée. Dit Ken.
- Ne me laissez pas s'il vous plait, soufflai-je suppliante et pathétique.
Ce fut les derniers mots que je prononçai avant de tomber dans un sommeil profond.
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