Live-Zirkus 0.3
Longue partie en perspective, on dépasse les 8 000 mots ! Bonne chance à ceux qui auront la foi de tout lire (vous pouvez prévoir le chocolat chaud et les petits gâteaux). Merci et bonne lecture.
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C'était l'un des quartiers les plus dépravés d'Erfurt. Ici, c'était la pire des canailles qui régnait et faisait sa loi. Aucun bâtiment n'était neuf, aux fenêtres brisés, totalement vandalisé. Les rues étaient dénuées de toutes formes de vie que ce soit animale ou humaine. Le ciel nocturne, couvert d'épais nuages noirs dans lesquels la lune s'amusait à jouer à cache-cache ne donnait naissance qu'à plus de ténèbres et noirceurs en ce lieu malsain. Les seules sources de lumières, de pauvres réverbères à l'interminable dos courbé, en fin de vie, n'aspiraient guère confiance et rendaient les ruelles encore plus sinistres qu'ordinaire - si on pouvait dire que l'« ordinaire » était accueillant. Les faibles rayons jaunâtres de diffusés créaient des ombres monstrueuses sur les bâtiments délabrés. L'atmosphère étouffante était presque palpable. S'aventurer dans ce sombre quartier était synonyme d'entamer une longue et lente descente aux enfers.
Une ombre sinueuse arpentait d'un pas mesuré les allées désertes, le bruit de ses pas étouffé par la neige au sol qui scintillait comme une étoile en fin de vie. Elle tranchait les nappes de brume pâle avec finesse tandis que son souffle s'élevait sous la forme de panaches blancs. Vêtue d'une longue cape noire dotée d'un capuchon recouvrant son visage, il était impossible de deviner l'identité de la personne se trouvant dessous. Il était juste possible de savoir que cette personne était élancée grâce à sa silhouette presque rendue filiforme par le brouillard. Elle avançait, silencieuse, ses pas crissant à peine dans la fine poudreuse recouvrant les pavés brisés qu'elle empruntait. Elle se trouvait dans une rue plus large que les autres, probablement la rue principale et elle tournait de temps à autre la tête à droite et à gauche comme si elle craignait que quelque ne surgisse ou bien par simple curiosité. Elle se dirigea ensuite dans une ruelle où aucune lumière ne filtrait et sembla jeter un œil derrière elle comme si elle ne craignait être suivie. Prudente, elle posa une main dissimulée sous la longueur et par la forme ample de sa manche sur le mur des immeubles aux pierres rendues granuleuses par le gel comme si elle avait peur qu'ils ne disparaissent par magie ou qu'elle ne s'égare et les longea sans un bruit.
Alors que tout n'était que silence comme si le temps s'était arrêté, un choc métallique résonna brusquement, s'élevant dans les ruelles telle une longue plainte glaçante. La silhouette sursauta sur le moment et eut un brusque mouvement de recul lorsqu'une forme animale jaillit devant elle pour partir à la course.
- Un chat... ! marmonna rageusement la personne encapuchonnée avec une voix masculine tout en fixant le félin s'évanouir dans l'ombre.
Elle reprit sa marche silencieuse avec une certaine méfiance pour finalement arriver dans une avenue aussi grande que celle supposée être la principale où tout était aussi désertique. Elle passa devant nombre de bâtiments délabrés, boutiques mises à sac, vitres brisées,... Tout avait été saccagé. Ceci n'était guère surprenant avec l'abandon de ce quartier suite à un terrible incendie ayant fait plusieurs victimes il y a quelques années. Un incendie... Rien que d'y penser la silhouette frémit.
Que de mauvais souvenirs...
L'inconnue tourna enfin dans une petite rue adjacente où la lumière naturelle faisait faiblement étinceler la neige. Elle s'arrêta finalement devant une ancienne boutique dont les livres apparents à l'extérieur laissaient penser à une vieille librairie. Elle passa avec méfiance la porte branlante et grogna lorsqu'elle la vit se détacher d'un de ses gonds. Un de ses jours, cette fichue porte allait lui rester dans les mains. Elle l'appuya sur une bibliothèque qui était un peu de travers et ployant sous le poids imposant de nombreux livres épais et poussiéreux laissant un nouveau courant d'air glacial s'engouffrer dans le bâtiment et elle resserra sa cape autour de ses épaules en frissonnant. La personne parcourut la pièce du regard et soupira devant le désordre y régnant. Des étagères et bibliothèques étaient pleines à craquer de biblios si bien que certaines avaient fini par céder, répandant leur contenu au sol, ou d'autres ployaient dangereusement. Une couche de poussière d'au moins un centimètre se trouvait sur les couvertures à la matière rare et chère et dont la couleur semblait être plutôt vive une fois propre. Les pages jaunies par le temps pouvaient presque permettre de dater l'abandon de cette librairie dont les effluves épicées venaient chatouiller avec entêtement les narines de l'homme. Les livres se trouvant sur de vieux présentoirs ou étagères proches des baies vitrées d'exposition désormais inexistantes avaient même une petite couche de poudreuse sur la couverture ou page quand ils avaient fini par s'ouvrir sous le vent glacial. Des pages déchirés, feuilles volantes ou livres jonchaient tristement le sol. C'était comme si une tornade était venue pour tout ravager sur son passage.
Le sol, aux quelques carrelages apparent fendus sous le papier, crissait désagréablement sous les pas prudents de l'homme encapuchonné qui s'enfonça dans les ténèbres de la pièce. Longeant avec une certaine distance de sécurité le mobilier à l'apparence assez dangereuse et évitant à grandes enjambées aisément les cadavres d'ouvrages, il arriva sans encombre au fond de la boutique. Derrière un comptoir dont le bois ne ressemblait même plus à du bois se trouvait une porte en assez bonne état et dont de la lumière filtrait timidement en-dessous. Il l'ouvrit avec méfiance d'une main et mit directement l'autre en visière en plus de sa capuche lorsque la lumière inonda son champ de vision. Une fois habitué à l'éclairage ambiant, il ôta sa capuche, révélant une épaisse chevelure brune encadrant un visage assez pâle à cause d'une fatigue marquée par les poches noires soulignant ses yeux froids comme l'hiver. Le jeune homme lança un regard réprobateur au candélabre posé sur un bureau enfoui, ou plutôt enterré, sous des feuilles risquant de prendre feu à tout moment à cause des bougies dans un équilibre précaire. La pièce dans laquelle il se venait d'entrer semblait servir de débarras ou quelque chose dans le genre vue comment elle était encombrée. Des cartons remplis de dossiers et de feuilles volantes traînaient par-ci par-là, gênant principalement le passage, alors que des piles de livres bancales étaient appuyées contre les murs et boîtes. Dans des bibliothèques, en meilleur état que celles de la librairie mais toutes aussi pleines, traînaient quelques objets douteux tel qu'une espèce de porte-plume en forme de tête de moineau dont le bec ne cessait de claquer ou encore un bel encrier en cristal dont l'encre changeait de couleur toutes les cinq secondes. C'en était tout autant étrange que malaisant et les questions étaient multiples sur l'origine ou bien encore l'utilisation de certains outils.
Le jeune homme s'approcha d'un pas hésitant vers le fauteuil du bureau qui était tout aussi encombré de paperasse sur lequel se trouvait un objet imposant sous un voile écarlate. Il le souleva avec prudence révélant dans un bruissement de plume coléreux une grande cage argentée. Il se pencha sur la tornade plumeuse blanche qui réussit à se calmer peu à peu, s'habituant à cet éclairage soudain tout en reprenant une position plus élégante sur son perchoir. Il ne peina pas à reconnaître klein Feder, la chouette effraie avec laquelle la Grigri et Liam faisait parvenir leur courrier. Il était vrai que c'était nettement plus rapide que la poste de nos jours. Il passa prudemment un doigt entre les barreaux de la prison d'argent et le volatile s'approcha dans un petit sautillement, intrigué avant de pencher sa petite tête duveteuse sur le côté, le fixant de ses grands yeux ambrés. Le brun approcha encore plus son index, probablement dans l'espoir de toucher les petites plumes douces mais fut contraint de le retirer presque aussitôt lorsque le bec acéré claqua avec violence à un millimètre de son ongle. Il pesta contre l'oiseau qui se mit à pépier bruyamment et se détourna pour se diriger vers une petite porte presque dissimulée à cause du bazar mais dont l'entrée était suffisamment dégagée pour l'ouvrir.
Le jeune homme se rapprocha avec curiosité de la porte lorsqu'il entendit des éclats de voix de l'autre côté. Il se doutait bien que c'était étrange qu'il n'y ait personne dans le bureau habituel – et la boutique en elle-même - mais ça l'était encore plus quand il écouta le ton monter. Il n'avait même pas besoin de coller son oreille à la porte pour suivre la conversation tellement les hurlements étaient forts. Ça semblait chauffer entre la Grigri et son ami et il espérait surtout ne pas interrompre quelque chose d'important en débarquant au mauvais moment. Il était vrai qu'il pouvait revenir le lendemain soir à la rigueur mais il n'avait pas vraiment envie de devoir retraverser ce sale quartier une seconde fois de nuit. Une fois c'était suffisant. Il ne s'y sentait pas vraiment à l'aise et avait bien fait de prendre cette cape que lui avait conseillé sa sœur avant son départ au cas où il aurait fait une mauvaise rencontre. Vraiment, il se demandait comment faisait le rouquin pour vivre ici sereinement.
Ce que tu vas trouver dans ces pages ne sera que le fruit de mes recherches et donc ma franchise, avait lu Joyd comme annotation de l'écriture d'enfant de son ami. J'ai fait mes premières recherches sur le Live-Zirkus le soir-même où j'ai trouvé les billets. C'est un cirque itinérant ayant fait sa toute première représentation le 10 mai 1867, en Angleterre, à Londres. Il est donc encore très récent et fut monté en Angleterre de ce que nous pouvons en déduire et plus particulièrement dans les alentours de Town (voir page 3). Le directeur serait un certain Erik Niar, homme anglais de 39 ans dont la description correspond au personnage que nous avons vu l'an dernier sous le chapiteau. Du côté des artistes, ils n'ont presque laissé aucune information derrière eux comme si toute trace de leur existence avait été effacée tel l'acte de naissance ou même leurs connaissances. Pour cela, il a donc fallu faire fonctionner le réseau d'information de la Grigri.
- Non mais je rêve ! C'est ça ? entendit-il s'écrier la voix de la vieille femme avec force.
Joyd l'imaginait facilement les sourcils froncés et les mains ou poings sur ses hanches osseuses à défier le rouquin avec un regard noir dans l'attente d'une réponse.
- Qu'est-ce que je pouvais en savoir, mince ! C'est pas écrit sur mon front ! résonna tout autant avec colère la voix du roux surprenant le brun.
- 'Fallait t'en douter un peu abruti ! 'Y en a pas beaucoup des types comme ça !
- Pourquoi accorder tant d'importance à cela s'il y en a d'autres ? Hein !
- À ton avis ! Je te laisse deviner qui ne risque pas de finir aveugle à la fin !
- Quoi ?
- Je savais qu'on aurait dû quitter l'Allemagne depuis longtemps. A force d'y rester on a finit par mettre tout le monde en danger.
- Attends. Tu te fous de moi là ! Tu crois sérieusement qu'on va se casser comme ça sans rien dire ? J'uis pas d'accord !
- D'accord ou pas, ton avis ne compte pas cette fois !
- Shawn et Aiden : deux faux-jumeaux âgés de 14 ans blonds aux yeux noisettes. Ils sont de nationalité belge et leurs parents ont été retrouvés assassinés lorsqu'ils avaient six ans. Emmenés dans un orphelinat, ils ont mystérieusement disparu de la circulation quelques jours après pour réapparaître dans ce cirque comme enfants prodiges de la voltige.
- Gin : femme âgée d'une petite trentaine d'années de sang écossais. Elle était barman dans un bar assez connu des côtes écossaises et un soir lors d'une bagarre ayant mal tournée, elle aurait subi une lourde blessure à un bras, l'handicapant à vie. A l'hôpital, elle se volatilise et nous la retrouvons comme féroce dresseuse de fauves avec l'usage parfait de ces deux bras - dont je soupçonne l'un d'être une prothèse métallique.
- Eden : jeune homme à la fin de la vingtaine ayant un talent inné pour le maniement de couteau. Il est de nationalité anglaise et était fils d'une famille plutôt aisée. Il serait un très bon pianiste et aurait pris la fuite face à un mariage arrangé.
- Lynn : très belle et ravissante femme - aux courbes généreuses - ayant dans la vingtaine. Aucune information sur elle mise à part la particularité de son corps pouvant se contorsionner n'importe comment avec aisance.
- Jason : un homme dans la fleur de l'âge qui est un vampire français âgé de cent vingt-sept ans. C'était l'héritier d'une riche famille française qui fut vampirisé lors d'une partie de chasse. Tel un succube, ses proies favorites sont les femmes et il en tua plus d'une centaine. Il est connu comme le Vampire Pourpre. Aucune information trouvée sur ses raisons d'entrer dans un cirque de mortel.
- Ionas : homme-serpent âgé de quinze ans d'après son ancien propriétaire. Depuis son plus tendre âge, à cause de son physique disgracieux, il fut envoyé par ses parents à un chasseur de montres qui l'exposa devant de nombreuses personnes. Il se serait sauvé - alors âgé de cinq ans - avec les autres monstres un soir de lune rouge. Aucune information sur la suite de sa vie.
- Le Clown : prénom et âge inconnu bien que nous pouvons supposer qu'il avait une quinzaine d'année. Aucune information sur lui.
(Une photo ou croquis de chacun d'entre eux est présente à la fin du dossier)
Le brun, surpris par l'élan de colère qui semblait s'être emparé de ses deux connaissances, eut un bref mouvement de recul. Il ne pensait pas un jour entendre Liam lever la voix ainsi sur la Grigri dont il avait connaissance des remontrances pour ceux lui tenant tête. Ce dont ils parlaient devait être grave pour que cela se produise.
- Jamais ! Jamais je ne deviendrais sa marionnette ! Tu m'entends ? claqua la voix du roux le sortant de ses pensées.
- Tu sais pourtant que cela va se produire si tu continues sur cette voie !
- Je le sais bien, et alors ? Je sais me défendre !
- Ah bon ? Avec quoi ? Quelles armes ? tonna la voix de la Grigri avec ironie. Ce n'est pas avec ta mémoire que tu vas triompher de là-bas ! Ce n'est pas un terrain de jeux !
- Je trouverai des armes !
- Fous-toi pas de moi ! Tu ne vas pas gagner en étant novice dans le maniement des armes contre eux ! C'est se jeter dans la gueule du loup !
- C'est moi qui vais décider de mon avenir de toute façon !
- Et alors ? Pauvre chou, tu te rends compte que tu as été marqué par eux ! Sais-tu ce qu'il pourrait te faire avec ses fils !
- Parfaitement !
- Oh non, je ne crois pas ! Tu vas juste de te faire crever ! Ça suffit tes conneries un peu !
- Mes conneries ? La bonne blague ! J'y crois pas ! J'ai parfaitement le droit de vouloir vivre !
- Lorsqu'il sera tombé !
- Cette implantation ou opération, comme tu veux, m'a suffisamment pourri la vie pour le moment ! Je peux être libre ! Quoique tu dises !
Il est vrai que la nature de beaucoup d'entre eux (vampire, homme-serpent,...) est pour le moins assez atypique en son genre mais véritable que tu le veuilles ou pas. Je pourrais donc avancer l'idée que ce que l'on nomme « surnaturel » existe. « Pourquoi ? », telle serait ta question. Avec mes connaissances à ce jour, je ne pourrai que brièvement éclairer ta lanterne dans les lignes qui vont suivre.
Prenons l'exemple assez mythique de ce cher Jason le vampire. Tu dois connaître le terrible mythe autour de ce suceur de sang. Laisse-moi t'en confier alors les origines véritables, oublie tout ce qu'on t'a dit sur eux depuis des années. Le vampire n'existe pas au sens propre du terme. Ce n'est pas une créature qui soit né ainsi. Pour revenir aux sources, le tout premier vampire était un humain comme toi et moi. Il serait né durant l'Antiquité grecque. As-tu bien retenu tes cours d'histoire et te souviens-tu d'un célèbre massacre de Mantinée ? Probablement pas. Ce massacre aurait été commis par un soldat fraîchement mort à la guerre. Est-ce possible ? Oui puisque le soldat fut retrouvé plus tard en Algérie et sous une torture - des plus horribles existantes - il avoua tout. Mais « comment a-t-il pu devenir un vampire ? », n'est-ce pas ? Nous verrons cela plus tard. Allons découvrir un autre cas où le surnaturel fut nié. Le cas de la française Jeanne d'Arc te dit quelque chose ? Elle aurait écouté des voix et aurait dit que c'était celle de Dieu, mais pour ta gouverne, c'était faux. C'était les pensées de tous ses camarades dont elle arrivait à capter la pensée la plus avantageuse pour la situation dans laquelle elle se trouvait. Un don surprenant mais véritable qu'elle n'a pas su reconnaître ainsi étant sous l'influence de sa religion. Crois-moi ou pas, ce n'est que la vérité. D'autres personnes comme elle sont aussi nées avec ce genre de don hors-du-commun mais elles ne sont que minoritaires. Elles ne correspondent qu'à une poignée de personne dans le monde et très peu ne vivent. Lorsqu'un parent ou autre voyait son enfant glacer ce qu'il touchait, parler aux animaux ou autre, il le pensait sous l'emprise du malin et donc le tuait. Avec ce genre de cas, c'est toujours un moyen pour l'Église de se faire remarquer. Ceux qui ont survécu à cette première étape ont soit eu des dons avec un développement tardif n'apparaissant qu'à l'adolescence ou un qui n'était pas visible comme celui de Jeanne d'Arc.
Le brun fronça les sourcils sous l'incompréhension totale des propos tenus et se rapprocha un peu plus pour mieux écouter. Il avait l'impression de saisir certaines choses mais de passer à côté de beaucoup d'autres. C'était vraiment étrange. Pourquoi se disputaient-ils ? Qui voulait attenter à la vie de Liam ? De quelle implantation parlait-il ?
- Tu veux que je te dise quoi à la fin ? Que je vais rester ici et obéir bien sagement ? L'époque du petit garçon tout mignon est révolu ma vieille !
CLAC !
Le bruit d'une gifle sonore venait de retentir et le jeune homme à l'écoute ne put s'empêcher de se mordre les lèvres, se faisant force pour ne pas intervenir. Il peinait à croire que le rouquin avait osé dire ça à la vieille femme en ayant conscience de son tempérament de feu ! Il l'imaginait bien la main sur sa joue qui devait être joliment rouge mais il n'arrivait pas à savoir quelle expression pouvait illuminer ses yeux. Du mépris ? De la douleur ? De la honte ? De la colère ? De la tristesse ? Ou tout en même temps ?
- Garde un peu de respect, gamin !
- Pour le moment ? Même pas en rêve !
- Il suffit ! Tu vas m'écouter maintenant ! Ça commence à bien faire tes caprices de gamin ! Tu as souffert ! Tu as morflé plus que quiconque dans ce pays ! Et tu veux quoi ? Retourner là-bas ? Tu crois gagner quelque chose avec ta force de poulet crevé ? Que dalle mon choux ! Regarde. Regarde ! Regarde ce qu'il fait à ses victimes ! REGARDE !
Il y eut un bref silence après l'éclat ayant fait sursauter le brun et ce fut un cri qu'il qualifierait d'horreur de son ami qui le brisa le faisant s'inquiéter, manquant de venir les interrompre.
- Bordel..., écouta-t-il faire la voix de du roux comme étant bouleversée.
- Et oui, mais va. Va ! VA ! Va voir qui est ce genre d'homme ou plutôt que c'est ! On rigolera bien si tu reviens vivant d'un aller-retour de là-bas !
- J'ai réussi une fois... Pourquoi pas deux ?
- Seul ? Tu ne pourras.
Maintenant, demande-toi si quelqu'un ayant conscience de ce don et se trouvant au milieu de personnes totalement « normales » ne se sentirait pas exclu de la société, spécial voire même supérieur. Cette personne restera-t-elle sans rien faire ? Non. Elle l'utilisera et essaiera d'asseoir sa dominance sur les autres. C'est un être humain après tout, donc ce fut le cas de beaucoup. Souvent, cet acte conclu par leur mort de façon terriblement tragique lors de « chasse » entre eux. D'autres se sont sentis dans l'obligation de se mettre au service du gouvernement et ont eu alors une belle et longue vie, alors que certains ont senti le besoin de ne pas être le seul à être « unique ». La solitude a fini par leur peser et ils ont donc essayé d'engendrer d'autres êtres humains avec un don comme eux. La méthode naturelle ne fonctionnant qu'une fois sur je ne sais combien voire presque jamais, beaucoup ont abandonné à partir de ce point. Les plus hardis et intelligents se sont alors tournés vers la science et ont testé la procréation artificielle. Non pas avec des incubateurs ou autre matériel digne du plus grand scientifique fou mais simplement avec comme cobaye l'être humain au stade où il est le plus pur et en pleine croissance.
L'enfant.
Les enlèvements devinrent donc chose courante. Ils étaient très jeunes, bien souvent entre cinq et onze ans. Je t'ai joint une liste des enfants ayant disparu de façon assez mystérieuse en Allemagne dans le courant des années 1600. Le moyen d'engendrement fut d'autant plus simple. Transmission de sang, salive ou tout ce que tu veux se rapportant de façon physique à la personne. Oui, la technique n'est pas la plus hygiénique mais étrangement efficace. C'est ainsi que d'autres personnes au don presque similaire à celui de leur géniteur naquirent. Ils étaient presque parfaits, presque comme l'original, mais leur espérance de vie s'en retrouva amoindrie et leur fertilité inexistante. De plus, ils leur fallaient survivre puisque cette transmission ne se faisait pas sans douleur. Recevoir un don de manière non-naturelle était source de souffrance pendant un temps, le temps que le corps s'accoutume à cette nouvelle condition. L'enfant était un véritable cobaye.
La tension semblait être légèrement retombée dans la pièce d'à côté comme le ton de leur voix qui avait diminué si bien que le brun dû coller son oreille contre la porte s'il voulait continuer de suivre la conversation même si ce n'était que par bride. Les deux personnes s'étaient mises à parler à voix basse comme si elles craignaient de se faire entendre - ce qui était en partie le cas.
- ... vrai ?
- ... connais pas... secrets... ce monde ... plus cruel... le pense. ... peut lui échapper... ... là-bas... en cage... éternité.
- ... alors ?
- Pff... suicidaire... rappelle pas... élevé...
- Ça... souci ?
- ... peu... 'veu !
Le ton commença de nouveau à monter tout comme la tension et le brun frémit, se reculant en attendant les nouveaux éclats de voix.
- Tu sais parfaitement pourquoi tu es ici ! tonna la voix de la personne la plus âgée.
- Ah bon ? Je ne crois pas ! s'exclama le roux. Pourquoi m'as-tu pris ? Hein ! Pourquoi ? Tu aurais pu prendre n'importe quel gosse là-bas durant ta fuite ! Mais non ! C'est moi que tu as pris ! Pourquoi ? Qu'ai-je donc de si spécial ?
- ...
- Tu le sais mais tu ne veux pas me le dire ! Pourquoi ? As-tu peur de ma réaction ? Ou bien tu sais quelle elle sera ? Tss... le monde de nos jours n'est qu'un amas de mensonges !
- ...
- Je pourrais t'en balancer plein des questions existentielles ! Mais me donneras-tu une réponse ? Non ! Ou bien tu mentirais ! Comme tu le fais si bien depuis des années ! C'est tellement plus facile de berner un gosse !
- ...
- Merde ! Qui dois-je croire à la fin ? Même les livres se mettent à me mentir ! Je n'arrive plus à démêler le vrai du faux ! Pourquoi ? Où se trouve la vérité ?
Revenons-en à l'exemple de mon vampire. Son géniteur en 1502 le kidnappa à l'âge de six ans et étrangement ne lui planta pas la seringue de sang dans le bras mais dans la gencive. Sans doute pour un test - les techniques de transmission par voie sanguine étant multiples - qui fut concluant puisqu'il créa le tout premier spécimen de la lignée vampirique - le pouvoir du géniteur étant celui de rendre du sang liquide solide et de lui donner la forme souhaitée. Malheureusement, il n'eut pas le temps de savourer cette victoire et de pouvoir en créer d'autres artificiellement étant donné qu'il fut la victime de Vlakdimirr lors de sa première saignée. Cependant, Vlakdimirr conscient de ses capacités surnaturelles qu'il réussit à apprivoiser et développer, il réussit à survivre et continua à engendrer d'autres vampires - la méthode variant selon les récit de la simple morsure au fait de vider la victime de sang pour y mettre celui de l'être de nuit - une fois l'âge adulte atteint. Les vampires étaient nés. Leurs capacités n'ont cessé de s'améliorer au cours du temps et leur organisme a évolué en fonction de leur milieu de vie. Il faut ensuite comprendre qu'avec cette apparition de soudaine de suceur de sang, les humains se sont hâtés de les chasser.
Voici l'histoire sur la naissance de cette espèce.
Maintenant, retournons sur le Live-Zirkus veux-tu. Je t'avais mentionné Town plus tôt donc je vais t'en parler un peu. On ne sait presque rien de cet endroit, même en fouillant les archives du monde entier on ne trouvera rien. « Pourquoi ? ». La ville n'existe pas. Ce que je veux te dire, c'est qu'elle n'est pas cartographiée ni répertoriée. Elle est introuvable par soi-même. Personne ne peut l'atteindre s'il n'est pas originaire de là-bas ou y a vécu. Bien sûr, ceux en possession de sa localisation sont soumis au don de quelqu'un faisant en sorte que quiconque donne l'information mourra. Tout ce que nous pouvons savoir dessus provient de personne ayant difficilement réussi à fuir. Fuir cette ville ? Pourquoi donc ? Facile. Là-bas ce n'est que source de souffrance d'être sous la domination de xxxx (le nom fut impossible à traduire) qui par de nombreux moyens tout aussi sordides les uns que les autres essaie d'engendrer un maximum de semblable. Les enlèvements sont toujours d'actualité dans les alentours de Town. Il est donc pratiquement impossible de fuir cette ville puisqu'elle n'est pas sous la domination d'une mais de plusieurs personnes dotées de don. On les appelle depuis environ un siècle des Yedemi Libi (des Cœurs de Sang). Va savoir pourquoi ils sont nommés ainsi, moi-même je ne le sais. En tout cas, la naissance génétique venant de l'un d'entre eux est rare. L'artificiel domine.
Voilà. Je suis désolé mais je pense que c'est tout ce que je pourrais te dire dessus à ce jour. Navré de ne pas pouvoir satisfaire pleinement ta curiosité.
P.S : N'oublies pas de venir voir la Grigri pour ta marque.
Des sanglots mêlés aux paroles violentes du rouquin se rajoutèrent à la discussion mouvementée faisant froncer encore plus les sourcils du brun qui s'appuya contre le mur pour ne pas perdre une miette de la discussion.
- Tu sais quoi ? J'aurais préféré mourir là-bas ! Maintenant je souffre ! Un moment c'est le jour et l'instant d'après la nuit ! Toi ! Tu sais pourquoi ça me fait cela ! Mais tu ne le diras pas !
- ...
- ... Tu sais... ? Je l'ai vue... 'y pas longtemps... de loin mais c'était elle...
- ...
Le jeune homme tendit encore plus l'oreille à ce moment précis, sachant que ça allait être l'heure d'une grosse révélation tandis qu'à l'autre bout de la pièce, la chouette avait commencé à s'agiter, poussant des hululements plus ou moins stridents. Elle n'aimait pas du tout qu'on la réveille si ce n'était pas la sortir. Furieuse, elle donnait de violents coups d'ailes contre les barreaux de sa cage, la faisant trembler de son perchoir précaire.
- Chut... ! gronda Joyd en se tournant vers le rapace, un doigt devant ses lèvres.
Il se pencha à nouveau pour écouter, maudissant intérieurement le volatile qui faisait autant de bruit. Si cela continuait il allait se faire découvrir.
- Et ? fit la voix posée de la Grigri avec une certaine incertitude.
- Elle sait que je suis l'-
CLONG !
Les voix se turent aussitôt le bruit résonnant et le brun se tourna brusquement vers la source du raffut. Il remarqua directement la cage argentée au sol malgré le fouillis présent et constata que la petite porte s'était ouverte au moment de l'impact. Jurant entre ses dents, il traversa la pièce d'un pas vif en manquant de trébucher à plusieurs reprises avec les objets jonchant le sol et il remit droit l'enclos métallique. Sifflant d'agacement et sachant que la porte de la pièce voisine n'allait pas tarder à s'ouvrir, il se mit à chercher du regard le volatile à la fois fugitif et fauteur.
Derrière lui, il écouta la porte s'ouvrir en grinçant et se retourna aussitôt, se plaçant devant l'objet ayant été l'origine du bruit pour faire face à son ami qui le regarda avec suspicion, les yeux - ou plutôt l'œil - légèrement rougis comme s'il avait pleuré. Ils se fixèrent pendant quelques secondes, comme cherchant à trouver une quelconque réponse dans le regard de l'autre. Ce fut le roux qui rompit le contact visuel en premier en soupirant et passa un revers de main rapide sur sa joue sous son œil visible comme pour effacer une quelconque trace de larme. Alors que le brun allait parler, son ami l'en empêcha d'un signe de main avant de lever son bras, tendu vers le plafond. Un cri perçant fit que le jeune homme aux yeux de glace les leva vers le plafond où il put voir la chouette, accrochée à un vieux lustre, plonger en piqué pour empoigner férocement l'avant-bras qui lui était offert. Son propriétaire ne grimaça même pas lorsque les serres s'enfoncèrent sans ménagement dans la manche de son pull et il se contenta de caresser doucement le sommet de la tête duveteuse bien qu'il se faisait foudroyer par le regard d'ambre. Il ne s'en préoccupa guère et lança avec un sourire à son ami :
- Alors Jojo, cela fait longtemps que tu es là ?
Le surnommé eut un rictus à l'entente de son surnom et en voyant le sourire complètement faux qu'affichait le rouquin il frémit, comprenant alors que celui-ci savait parfaitement qu'il avait tout écouté.
- C'est Joyd, grogna le brun avant de rendre un semblant de sourire au roux. Et je viens d'arriver Liam. J'ai voulu dire "bonjour" à klein Feder mais elle n'était pas du même avis.
- Je vois ça haha, mais il vaut mieux ne pas la réveiller lorsque l'on a aucun message à lui faire passer.
- J'ai vu ça.
- Et Eva' n'est là ?
- Elle n'a pas pu venir, je crois qu'elle a eu une embrouille avec son frère et elle voulait rester seule.
- Hm, d'accord. Bref, tu viens ? La Grigri t'attend à côté.
- Ce n'est pas ici votre bureau ? fit le brun mimant la surprise de savoir une autre pièce derrière et en englobant la salle d'un bras.
- Euh... c'est le mien, répondit le roux en se grattant la nuque nerveusement de sa main libre.
Joyd ne cacha pas son étonnement qui fut véritable et il sourit en franchissant la distance les séparant de son ami de quelques pas habilement placés. Il posa une main rassurante sur son épaule en lançant tout de même un regard mauvais au volatile qui avait fait échouer sa mission et que celui-ci lui rendit avant de dire :
- Je ne sais pourquoi, mais je m'en doutais.
- Je ne demanderais pas « pourquoi ? », haha.
- Ce serait totalement inutile.
- Bref, allons-y. C'est maintenant ou jamais que tu devras poser tes questions si tu en as bien sûr. Ce n'est pas tous les jours qu'elle accepte de recevoir quelqu'un qui plus est lui est presque totalement inconnu, tu le sais.
Le brun hocha la tête, le sachant que trop bien. Durant toutes ces années depuis sa rencontre avec Liam jusqu'à aujourd'hui, il n'avait rencontré que deux fois la « tutrice » de son ami. Cela n'avait été que pour ses urgences, il s'en rappelait très bien. La première fois, ce fut lorsqu'ils avaient chahuté tous les trois un peu trop violemment et qu'Eva' était tombée se faisant une entorse. Le roux était allé chercher la Grigri et il se rappellera toujours de comment il s'était senti intimidé quand il avait croisé son regard. La seconde fois, ce fut lorsque Eva' et lui avaient dû ramener le roux après un douloureux râteau lui ayant brisé le cœur. La vieille femme avait sermonné son apprenti d'une telle force qu'il avait encore mal aux tympans rien que d'y penser. Il aurait peut-être dû laisser son ami noyer son chagrin dans l'alcool ce soir-là mine de rien maintenant qu'il y pensait.
Il soupira et passa la porte de l'autre bureau suivit de son ami qui avant de refermer la porte derrière eux déposa l'oiseau sur une pile en lui conseillant de se tenir à carreaux. Il fit alors face à la Grigri et constata sans surprise qu'elle n'avait pas changé depuis. Ne dépassant pas les un mètre vingt si on ne comptait pas l'énorme chignon dont des mèches grisâtres s'en échappaient et qui lui rajoutait au moins vingt centimètres. Portant des vêtements amples d'un style oriental et aux couleurs semblant provenir du siècle précédent sur son corps frêle, elle avait les mains dans ses manches immenses. Son visage marqué par les années n'affichait plus l'expression de colère l'ayant probablement habité quelques minutes auparavant et était désormais neutre. Son regard noisette, rendu profond par les années, s'était directement visé au sien et il frémit quand la main de Liam se posa sur son épaule comme pour le rassurer.
Il inspira profondément et parcouru brièvement malgré tout d'un œil curieux la pièce. Les murs étaient tapissés de bibliothèques et d'étagères pleines à craquer de livres épais aux couvertures en cuir authentique. Quelques tas de feuilles traînaient au sol mais étaient soigneusement regroupés. Une corbeille était remplie de papiers froissés qui dépassaient même et de plumes hors d'usage. Un seul et unique bureau se trouvait dans la pièce avec sa chaise et il était aussi encombré que celui de la salle précédente. A son avis, Liam avait travaillé dessus ces derniers temps pour qu'il soit dans cet état. Il croulait sous des feuilles éparses et des ouvrages imposants dont l'un était ouvert et une bouteille d'encre se trouvait dessus avec sa plume. Ce fut un toussotement légèrement agacé qui sorti le brun de sa contemplation et son regard tomba de nouveau sur la vieille femme.
- Bonsoir, dit-il avec une certaine froideur.
- Bonsoir Joyd, lança-t-elle sur le même ton en l'examinant de haut en bas. Bien, nous n'allons pas y allé par quatre chemins. Mon abruti de disciple m'a expliqué ta situation et votre « projet » de voyage.
- Et donc ?
- Déshabille-toi.
- Pardon ?
Les deux garçons avaient prononcé l'interrogation en même temps et la Grigri soupira pour ensuite se reprendre :
- Je veux voir ta marque.
Joyd acquiesça silencieusement, le visage légèrement suspicieux par cette demande avant de souffler et de jeter sans ménagement sa longue cape sur son ami qui protesta pour la forme avant de la mettre sous son bras. Il retira ensuite son pull avec une certaine grâce involontaire pouvant égaler celle des strip-teaseuses que le roux avait rencontré et le laissa tomber au sol. Il déboutonna ensuite sa chemise en étant parcouru d'un léger frisson et la laissa tomber de ses épaules, offrant une vue imprenable de son torse à la vieille femme qui plissa légèrement les yeux sur le dessin occupant un espace presque plus grand que celui de la dernière fois selon le roux.
- Je te rappelle qu'il est célibataire mais peut-être un peu trop jeune pour toi, commenta le roux après plusieurs minutes de silence avec un fin sourire amusé aux lèvres.
Le brun se tendit devant cette remarque et lança un regard noir avec lequel lui seul pouvait faire ressentir une telle envie de meurtre alors que la plus âgée lâcha un lourd soupir avant de dire :
- Si tu ne veux pas que je dise à Yaeg que je sais où tu te trouves la prochaine fois qu'il vient me le demander, ferme-la.
Liam eut un mouvement de recul en poussant un glapissement presque plaintif ce qui lui attira une œillade intriguée de son ami. Cependant, l'attention de celui-ci fut vite ramené devant lui lorsque la Grigri s'approcha de quelques pas et posa un doigt froid sur une des espèces de feuilles en relief et en traça le contour avec lenteur. Elle sentit le brun se tendre sous son contact mais continua son chemin. Elle avait l'impression de sentir le dessin battre sous son touché comme s'il était animé d'une volonté propre. C'était à la fois troublant et attrayant. Elle remonta les feuilles entourant l'épaule gauche et son regard se fit peu à peu nostalgique. Cela lui faisait tellement penser à elle et son passé. A travers cette marque, elle avait l'impression de se revoir plus jeune. Et elle avait déjà vu ce genre de dessin mais c'était il y a des années. Elle ne pensait en aucun cas le revoir un jour, surtout depuis ce fameux jour.
Elle plissa les yeux et se pinça brièvement les lèvres en louchant sur le symbole de l'horloge brisée et ses engrenages. Son index glissa dessus avec prudence et surmonta les fines aiguilles avec lenteur, s'interrogeant sur la signification de ces dessins. Puisque bien sûr, ils n'étaient pas là par hasard et avaient forcément une signification quelconque ayant sans doute un rapport avec la venue de cette marque. Fronçant les sourcils, elle passa son doigt sur la naissance des feuilles et les contourna avec finesse. La sensation de relief sur la peau était troublante, c'était comme toucher une cicatrice mais ayant l'apparence d'un dessin.
- Tu l'as depuis combien de temps ? finit-elle par demander, brisant l'étrange silence s'étant installé.
Le brun s'attendant à une autre question du genre « Où est-ce que tu as eu ça ? » lui aurait posé une colle sursauta de peu et inspira profondément comme s'il allait plonger en apnée.
- Un an et demi..., souffla-t-il difficilement.
- Je vois...
- Tu vois quoi ? la coupa le roux.
La plus âgée fit claquer sa langue d'agacement sur son palet avec l'intervention de Liam, montrant à Joyd la certaine tension demeurant encore entre eux.
- C'est alors normal qu'elle prenne déjà autant de place, déclara-t-elle sèchement.
- D'accord, d'accord...
- Et donc ? trancha le brun en remontant sa chemise, les bougies servant d'éclairage ne tenaient pas aussi chaud qu'un poêle.
La vieille soupira et se recula de quelques pas, remettant ses mains dans ses grandes manches avant de reprendre avec sérieux :
- J'ai déjà vu ce cas de figure une fois dans ma longue vie et je n'ai pu en suivre l'évolution que durant les quatre premiers mois.
- Tu peux nous y raconter ? fit le roux avant de lever aussitôt les mains en signe de paix.
- S'il te plaît, rajouta exceptionnellement le brun ne voulant pas qu'ils se prennent la tête devant lui cette fois.
- Je ne m'en rappelle plus très bien, je devais avoir votre âge. C'était un ami à moi qui fut « victime » de cette chose.
- « Victime » ?
- Je pense que toi aussi tu y appelles une malédiction maintenant, comme mon ami l'eut fait ?
- Exact...
- Un matin, il était venu me montrer son bras qui avait un étrange mais léger enflement. Ce n'était pas une piqûre d'insecte ou autre, aucun docteur de l'époque ne savait. Ce n'est que quelques jours plus tard qu'un dessin - comme le tien - avait commencé à apparaître telle une tâche d'encre. Une belle rose noire. La couleur s'accentuait de jour en jour jusqu'à être aussi sombre que ton motif l'est actuellement. On trouvait cela étrange et certains pensaient à de la magie noire, j'y ai donc étudié avec attention voulait aider mon ami. Une fois la rose bien noire, des ronces ont commencé à émerger tels des serpents et ainsi, un mois plus tard, son bras entier était pris dans cette chose. Puis un jour, il était venu affolé...
- Les rêves ? demanda le brun avec lassitude, connaissant pertinemment la réponse.
- Exact, il s'est plaint de « rêves » ou plutôt souvenirs. Des souvenirs ne lui appartenant pas et l'assaillant depuis plusieurs nuits. Il me les a racontés, on les a analysés mais on ne comprenait pas. « Était-ce à cause de ce dessin ? », c'était notre question. Il en a déduit que oui puis nous avons creusé cette piste. Cela n'a rien donné et le temps est passé...
- Et ?
- Et mon ami perdit sa lucidité de jour en jour. Il s'appropriait les souvenirs de cette personne. C'était horrible. Il en devenait fou puis un jour, il est venu me voir avec un sourire aux lèvres en me disant être guéri.
- Il avait fait comment ? s'exclama le jeune homme aux yeux bleus, une lueur d'espoir y brillant.
Le roux qui s'était appuyé contre le mur, somnolant, sursauta et lui jeta un regard désolé alors que la Grigri inspira profondément puis expira lentement et continua :
- J'ai posé mon regard sur son bras et c'est là que j'ai vu. Sa manche était vide. Il s'était coupé le bras et écorché vif les endroits où les ronces avaient pris place...
PAM !
Des morceaux de pierres se détachèrent du mur dans lequel le poing du brun s'était enfoncé avec violence juste à côté de Liam qui le fixait avec des yeux ronds alors que la vieille femme tira sa pipe de sa manche en détournant la tête. Joyd jura entre ses dents, frustré de n'avoir aucune piste pour une quelconque voie de guérison et face à la douleur qui commença à irradier dans ses phalanges. Il fit claquer sa langue contre son palet avec agacement et lança avec agressivité en desserrant et serrant son poing endolori où quelques traces de sang apparurent :
- Alors au final, je ne peux rien faire ? C'est ça ?
La plus âgée soupira d'un agacement légèrement prononcé et bourra sa pipe. On venait lui demander des informations et elle les donnait bien gentiment pour qu'ensuite on martyrise les pauvres murs si fragiles de son lieu de travail et qu'on lui râle dessus. Il ne fallait pas trop lui en demander quand même. Le respect s'apprenait, sinon elle pouvait l'inculquer mais ce ne sera pas de la manière la plus délicate possible.
Elle alluma son calumet et en pris une longue inspiration toxique pour la souffler silencieusement.
- Tu peux essayer de t'écorcher vif tout le torse mais tu risques de mourir en te vidant de ton sang ou à cause d'infection, dit-elle le plus calmement possible. Cette méthode de soin a été la seule solution pour mon ami.
- Votre ami est-il toujours en vie ? lâcha-t-il sèchement.
Un nouveau nuage de fumée grisâtre s'éleva dans le bureau sous l'œil attentif de Liam comme s'il attendait quelque chose. Une réponse à une question muette.
- Oui, souffla la Grigri, mais elle se reprit rapidement face au regard glacial s'étant fait espérant, mais je ne sais pas où il se trouve de nos jours.
Un silence lourd prit place dans l'atmosphère tendue de la pièce si bien que les pépiements de klein Feder étaient facilement percevables à travers la cloison fine séparant les deux bureaux. Le brun dardait ses orbes de glace, s'obscurcissant de plus en plus sous la colère, sur son aînée. Il aurait fait tout ce chemin pour qu'on lui dise qu'au final il devait se mutiler s'il voulait sortir de ce bordel ! La bonne blague. Il grogna silencieusement et lança un regard courroucé à son ami qui avait fermé son œil unique sur un visage crispé qui lui avait recommandé de venir ici. Le roux, lui, se retenait une fois de plus de râler sur celle qui lui avait tout appris. Il n'arrivait pas à croire qu'elle avait osé dire cela. Devant lui en plus. Surtout après la discussion qu'ils avaient eue un peu plus tôt. Qu'est-ce qu'elle avait derrière la tête décidément ? Mais si elle voulait jouer à ça, alors lui aussi.
- Ce n'est pas beau de mentir, dit-il avec un ton enfantin rouvrant son œil avec une lueur malicieuse dedans et un sourire énigmatique aux lèvres.
Deux regards se posèrent sur lui en une fraction de seconde, l'un plutôt étonné et l'autre révolté.
- Quoi ? s'étonna celui visé. Je ne fais que dire la vérité, continua-t-il sur le même ton.
- Que veux-tu dire ? grogna Joyd.
- Ce que cela veut dire.
- Développe.
- Liam, le coupa la Grigri avec un ton menaçant alors qu'il ouvrait la bouche pour continuer, ne joue pas au plus malin avec moi.
Il se contenta de lui adresser son plus grand sourire et la personne âgée souffla sa fumée nocive avant de dire sous l'œil insistant du brun :
- Que veux-tu savoir ?
- La vérité que sous-entend Liam, claqua-t-il.
- Un peu de respect, veux-tu. Et puis, tu veux que je te dise quoi ? Tu désires « guérir » de cette malédiction dont je ne connais point de remède, mais à mon avis tu savais avant de venir ici que tes rêves-souvenirs appartenaient à quelqu'un. Une idée ?
- Oui...
- Tu dois trouver cette personne. Je pense qu'elle pourrait peut-être en savoir plus que toi.
- Va savoir, mais nous devrions aller alors dans un autre pays pour la trouver.
- « Nous » ? Et où ?
- Eva', Liam et moi. Et elle se trouve en Angleterre.
La vieille se crispa en grimaçant à l'entente du nom du pays alors que le roux se tendit en lançant une œillade mécontente à son ami. Celui-ci n'avait donc toujours pas lâché l'affaire. Enfin bon, cette fois, il n'allait pas se laisser faire sagement et son regard coula sur son aînée avant qu'un fin sourire ne fleurisse sur son visage.
- Et Liam est d'accord ? demanda-t-elle avec suspicion.
Elle jeta un regard méfiant à son apprenti dont le sourire long de dix kilomètres ne lui aspirait guère confiance.
- Bien sûr, dit-il avec calme et un petit air fier.
Les muscles du visage de la Grigri se tendirent sous un agacement non feint alors que celui du jeune homme aux yeux bleus dissimula tant bien que mal une surprise mal contenue. Il ne comprenait pas comment cela se faisait- il que le roux accepté soudainement sa demande si facilement pour venir avec lui en Angleterre alors que les premières fois il la lui avait refusé avec violence. Il avait presque fini par abandonner l'idée d'insister depuis. Enfin bon, il allait éviter de le questionner sur ce changement de décision même si il aimerait bien en connaître la raison bien qu'il avait sa petite idée. Mais ce qui le perturba encore plus, ce fut de voir que la vieille femme semblait totalement contre cette décision. Qu'est-ce qui s'était donc dit entre eux deux lors de cette dispute ? Cela avait-il un rapport avec sa Marque ?
- Bien, lâcha sèchement la Grigri sous l'air victorieux de son disciple. Mais tâche de ni le regretter ni de revenir en chialant en me disant « Tu avais raison ».
- C'est quitte ou double de toute façon, tu le sais aussi bien que moi, répondit-il avec son petit air mystérieux. Soit on revient, soit...
Il n'avait pas besoin de finir sa phrase sous l'œil intrigué de Joyd et celui préoccupé de la vieille. Décidément, quelque chose ne tournait pas rond entre ceux deux-là aux yeux du brun mais il ne fit aucun commentaire et se contenta juste d'un de ses typiques « tch » habituels. Il le saurait bien assez tôt de toute façon.
- Tu as d'autres questions ? fit la voix grasse de la plus âgée, le sortant de ses pensées.
- Non, pas pour le moment, lâcha le brun en réfléchissant. Je pense en avoir appris beaucoup pour l'instant. Merci.
Alors que c'était tout le contraire. Il n'avait rien appris qu'il ne savait déjà. Ça n'aura été qu'une perte de temps bien qu'il ait eu une réponse positive du rouquin pour leur départ prochain. Il était déçu en fait.
- De rien alors, lui répondit l'historienne alors qu'il soupira. Liam va te raccompagner et pense à remettre klein Feder dans sa cage, rajouta-t-elle à l'attention de celui-ci, j'aurais besoin d'elle ce soir et elle a intérêt à être en forme.
Le roux lâcha un petit grognement et sortit de la pièce en traînant des pieds mais un sourire satisfait ornant ses lèvres. Quoi que l'on dise, il avait gagné. C'était tout. Alors que la porte se refermait après son passage, le brun s'apprêta à le suivre lorsque la Grigri l'arrêta en lui disant :
- Là-bas, méfies-toi de tout. Même de celui que l'on croit un allié peut être un ennemi.
- Que voulez-vous dire par là ? demanda-t-il en remettant son pull après avoir pris soin de reboutonner sa chemise.
- Ce que cela veut dire. Tu le comprendras en temps et heures voulus.
Un soupire franchit à nouveau les lèvres du brun alors qu'il réajustait ses manches et elle lui demanda :
- Au fait, si tu as une idée d'où se trouve la personne, tu dois connaître son physique ?
- Bof. Je ne l'ai vu qu'une fois et c'était il y a plus d'un an. Je me souviens juste de ses yeux.
- Une couleur inhabituelle ?
- Ouais. Gris argent.
- Une belle couleur dit donc... Je te souhaite bon courage en tout cas.
Le jeune homme hocha la tête et sortit de la pièce un peu mal à l'aise. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui demande à quoi ressemble la personne qu'il recherchait. Puis c'est vrai qu'une fois en Angleterre, il risquait de peiner à le retrouver. En un an, elle avait très bien pu changer physiquement et possiblement de couleur d'yeux, ce qui était la seule chose dont il se souvenait à son propos. Il n'avait rien d'autre d'elle à part leur lieu de rencontre atypique et une carte. Un simple as de pique qui trônait toujours sur son bureau.
Liam, qu'il avait trouvé en train de parler à la chouette pour qu'elle rentre dans sa cage avait fini par le raccompagner dans le centre-ville d'Erfurt après lui avoir rendu sa cape. Ils avaient dû zigzaguer dans les petites rues sinueuses du quartier une fois sorti de l'ancienne librairie pour éviter de croiser la route de personnes mal intentionnées ou de voyous. La neige au sol et s'étant mise à tomber leur avait permis de se camoufler plus facilement bien qu'elle les ait tout autant ralenti. Ils n'avaient échangé aucune parole durant leur traversée laborieuse ayant marché dans une atmosphère constamment tendue. De plus, le brun n'aurait su que dire à son ami.
Le froid hivernal nocturne les gelant pratiquement, ils étaient arrivés sur la place de la ville quelques heures avant le lever du jour. Les muscles endoloris et quelques millimètres voire centimètres de poudreuse immaculée sur leur cape les rendaient tremblants. Le brun s'était apprêté à repartir de son côté, la mission du roux menée à bien quand il lui avait dit d'une voix neutre :
- Ne crois pas que je le fais pour qui que ce soit ou contre quelqu'un en particulier. C'est entièrement personnel.
Joyd n'avait pas peiné à comprendre le sens caché derrière ces mots à ce moment-là, se rappelant des événements de la soirée mais aussi du comportement de chacun.
- Je n'ai jamais pensé cela, avait-il rétorqué avec sa froideur habituelle ne laissant rien transparaître.
- J'espère bien, avait-il eu comme réponse sur le même ton.
Ils s'étaient quittés sur un simple geste de main, invisible à l'autre dans la pénombre malgré le contraste terne de la neige colorant le paysage. Après tout, ils n'avaient rien à se dire, ils étaient au beau milieu de la nuit et il faisait froid. Cependant, tout cela laissait un goût amer au brun qui était rentré chez lui d'un pas traînant. Le roux lui cachait des choses et ce n'était pas aussi insignifiant, il en avait la certitude : cela était en rapport avec le lieu où ils allaient et à son avis, le fameux jour où Liam avait trouvé les billets, il les avait emmené dans quelque chose de bien sombre dont ce qu'ils vivaient aujourd'hui n'était que la triste suite.
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C'était une longue et pénible partie. Sur le papier à l'époque elle rendait bien, j'en étais fière mais ça doit vous faire terriblement brouillon par moment et je comprends tout à fait. C'est naze...
En soi, c'est un moment important du récit puisque cela annonçait un certain tournant et c'est à partir de ce moment que j'ai commencé à m'égarer. D'ailleurs, comme vous avez pu le remarquer, j'avais prévu de faire en sorte que cette histoire se déroule dans notre monde, seulement à une période antérieure. Je ne me rappelle plus bien mais de base, on débutait en Allemagne (à Erfurt) dans les années 1850, sauf que la période n'était pas favorable. J'ai alors hésité à démarrer en 1870 mais pareil. J'ai fini par opter pour les environs des années 1950 et un départ de Sicile (à Catane si je me rappelle bien). Il est donc normal si dans certaines parties la géographie change. De même, le personnage de Joyd a vu son prénom changer pour Caesar par la suite, donc pas de surprise.
Je m'excuse encore des nombreuses fautes et incohérences que vous pouvez y trouver et sachez encore une fois que je ne corrige pas ces parties à l'avance, préférant les laisser telles quelles. Ce sont mes écrits débutants, foirés et horriblement nuls, mais j'y tiens un minimum. Je pense qu'un bon auteur voit souvent des incohérences et coquilles énormes dans le meilleur de ses livres mais ça prouve qu'une histoire évolue et n'est pas fixe. Nos idées, notre façon de pensées, notre plume changent, et nos récits avec.
(La seule chose que j'ai corrigé ici était le personnage de Eden qui initialement était une femme, Alane, mais comme il revient dans une partie que je songe poster ici je ne voulais pas qu'on me demande de qui il s'agit.)
Encore merci pour ceux qui prennent la peine de lire ces écrits. Merci infiniment d'être là pour leur donner une seconde vie.
Des bisous~
Encore une fois, comme hier, petit cadeau pour les courageux, des pages manuscrites de cette partie :
Les enfants, au total j'avais écris 11 pages recto-verso (sinon ce n'est pas drôle) et je peux vous dire que c'était long comme partie. Félicitations à ceux qui ont eu la foi d'essayer de déchiffrer mon écriture de médecin et si ce genre de partie avec ces bonus vous plaisent dites-le-moi. Qui sait, peut-être que je pourrais faire des parties exclusives avec seulement des scans (et non des photos des pages manuscrites) pour vous montrer tous les secrets de cette histoire.
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