Live-Zirkus 0.1
Voici un bref exemple d'un extrait d'une histoire ratée. Je préviens, le thème n'est pas jojo pour les âmes sensibles.
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Plic... Ploc... Plic... Ploc...
Des gouttes vermeilles s'écrasaient au sol à un rythme irrégulier dans ce qui pourrait s'apparenter à une mare écarlate. Une faible respiration résonnait avec peine dans la cellule dont l'air était lourd de cette odeur métallique due à la forte présence d'hémoglobine. Un corps était suspendu au plafond par les poignets, les muscles tant relâchés que les jambes se balançaient légèrement et les orteils frôlaient le sol, trempant dans l'eau rouge. Des cheveux noirs et blancs mouchetés d'une teinte ocre avaient collé certaines mèches et dissimulaient un visage baissé. Il ne portait plus son haut, réduit en lambeaux sous la torture, et par chance son bas avait résisté quoiqu'assez déchiré.
La peau que l'on se doutait être de porcelaine était de toutes les couleurs du ciel. Des hématomes aux allures plus qu'inquiétantes s'y étaient étalés. Des zébrures carmines strier les parties mises à nues. Des coupures sanguinolentes tranchaient d'autres endroits. C'était comme si un artiste avait fait du corps de ce jeune garçon une véritable œuvre d'art. Un mélange subtil de bleu, de violet et d'un rouge vermillon allant dans des teintes plus obscures à certains endroits jusqu'à devenir presque noir. Une toile parfaite. Triste. Mélancolique. Dramatique. Tragique. L'homogénéité de tant d'émotions rassemblait par le plus grand maestro.
Autrement, il n'y avait pas d'autres bruits. L'étage, voire la prison, était devenue silencieuse comme si tous les prisonniers avaient retenu leur souffle sous ce spectacle macabre. Oui, les cris et gémissements de ce garçon ne s'étaient tus que récemment. Ils furent une douloureuse mélodie funèbre qui résonna dans le dernier niveau durant de longues et interminables heures. Des cris à en devenir fous. Des pleurs à faire monter les larmes aux yeux. Des plaintes à en serrer les dents. Ce fut aussi une lente et pénible torture pour chaque prisonnier de ce niveau, témoin d'une façon ou d'une autre de ce massacre. N'en parleront même les détentionnaires dont la cellule se trouvait en face de celle du jeune homme et qui avaient pu assistés à ce massacre. Cela leur avait donné la gerbe. Au sens propre. La nausée. L'envie de vomir ses tripes. Ce traitement fut inhumain. Encore plus sur un enfant. On pouvait se douter qu'il n'y eut pas que l'étage de l'oubli spectateur de ces cris. Ceux au-dessus en avaient probablement eu des échos glaçants.
La tortionnaire avait quitté les lieux depuis un bon moment maintenant mais le lieu restait toujours plongé dans un silence pesant. Juste le murmure des plus courageux se questionnant sur la possible survie de sa dernière victime ou ceux qui n'en avaient rien à faire. Mais, c'était vrai. Celesteela n'y était pas allée de main morte bien qu'elle n'avait pas infligé la peine capitale à sa victime. Une grande première. Le Penseur désirait donc garder cet enfant en vie bien qu'il se doutait de son envie de s'échapper. C'était pour cela que la torture effectuée n'avait que pour unique but de rendre le prisonnier dans l'incapacité de faire le moindre mouvement pour une durée indéterminée, histoire de lui rappeler sa place. La mort n'était pas acceptable sur ce garçon. Des blessures, oui. Ça guérissait. Enfin, s'il survivait. Puis, ça ne laisserait que des cicatrices. Une de plus ou de moins sur ce corps mutilé, il n'y avait pas de quoi en faire un drame. Ce n'était qu'un cobaye bien qu'il avait son utilité. Il était hors de question de mettre des soins au service de quelque chose de remplaçable, non ?
Le pauvre garçon soufflait péniblement. L'air inspiré n'était qu'une douleur supplémentaire lorsqu'elle passait dans sa gorge irritée et nouée. Des perles salées coulaient en silence sur ses joues maculées de rouge. Il n'avait plus la moindre once de force. Même plus celle de laisser le son d'un sanglot sortir de sa bouche. Ni celle de gémir. Ni celle de se plaindre. Sa voix s'était brisée sous ses cris. Il avait hurlé à s'en briser les cordes vocales. La douleur était devenue trop forte à un moment pour oser se retenir. Il ne pouvait même plus se tenir droit. C'était les chaînes qui soutenaient son corps meurtri désormais. Des entraves féroces ayant dévoré la chair de ses poignets presque jusqu'à l'os. Ses lèvres étaient ensanglantées, recouvertes de croûtes séchées, à force de se les être mordues au début pour ne pas crier. Il ne sentait que le goût métallique de son liquide vital dans sa bouche. Un goût qui ne lui donnait qu'envie de vomir. Or, il n'y arrivait pas. Il avait déjà rendu le contenu de son estomac plusieurs fois auparavant. Celui-ci était plus que vide désormais. A la rigueur, ce serait encore des sucs gastriques brûlants qui risqueraient de sortir. Et il pleurerait encore. Puisqu'il avait mal. Et il n'en pouvait plus de cette souffrance éreintant son corps.
- Eh gamin ? fit la voix grasse du prisonnier de la cellule voisine. Ça va aller ? T'es toujours vivant ?
Le dit gamin ne remua pas. Il ne pouvait pas. Sinon il l'aurait fait. Mais il avait mal. Ses larmes redoublèrent en intensité. Il n'était même pas sûr d'avoir bien entendu tant il souffrait. Que ce soit vrai ou pas, ça lui faisait plaisir que quelqu'un s'inquiète pour lui. Il se doutait que le silence inhabituel du niveau était dû à sa condition pitoyable. Il ne voulait pourtant pas empêcher les autres détenus de se parler entre eux. Il n'était pas à l'article de la mort. Péniblement, il rassembla alors ses dernières forces et dans un effort surhumain pour lui, il réussit à faire tinter ses chaînes. Tintement triste, sinistre, emprunt de la souffrance du blessé.
- Ah... elle t'a salement amoché mon pauvre, soupira son voisin. Tu penses être capable de ne pas clamser cette nuit ?
Le bicolore, s'il aurait pu, se serait crispé et aurait répondu de manière insolente à sa question un peu ironique. Cependant, dans le cas présent, il n'avait pas la force de répliquer et se posait exactement la même question. Il laissa juste un souffle lourd s'échouer lamentablement sur ses lèvres meurtries. Il n'avait qu'une envie en ce moment : dormir. Dormir et ne plus se réveiller. Dormir et oublier cette douleur. Ne plus se réveiller et pouvoir tout oublier. Mais, il savait qu'il devait vivre. Il devait vivre pour se délivrer et faire tomber Town et le Penseur. Il n'avait pas le choix.
Il ouvrit la bouche avec difficulté, sa mâchoire craquant sous l'effort, cherchant une goulée d'air pure et haleta difficilement, la respiration sifflante. Sa vue se troublait et commençait à s'obscurcir. Il le savait. Il n'allait pas tarder à sombrer dans l'inconscience. Il n'entendait même plus clairement les autres prisonniers autour de lui. L'impression qu'une sorte de voile le recouvrait, lui et ses oreilles. De plus, il avait froid. Très froid. Certes, ses plaies le brûlaient, mais il était transi de froid comme plongé dans un lac en plein hiver. Un froid glacial qui enveloppait son corps. S'il avait encore une once de force, il aurait eu la chair de poule et aurait grelotté face à ce mal. Mais il ne pouvait rien faire. Il n'était qu'une boule de douleur. Une coquille vide. Même Néa ne semblait vouloir venir profiter de son état de faiblesse pour l'embêter, preuve à quel point il était pitoyable et honteux.
- Évite de crever maintenant, gamin, râla une voix masculine en provenance de la cellule en face de la sienne. Je ne veux pas que ça pue le rat mort lorsque l'on nous apportera le repas.
Qu'est-ce que ça peut te foutre, ne put s'empêcher de penser le bicolore. Je crève si j'ai envie !
Il aurait aimé rétorquer cela s'il aurait pu et ce qui l'énervait était qu'il ne pouvait même pas voir le visage de ce type. Pour qui il se prenait à lui parler ainsi ? Il pouvait juste deviner que celui-ci était un homme probablement dans la vingtaine d'après sa voix. Par-ailleurs, il se doutait que s'il survivait et rencontrait ce gars, il risquait de ne pas forcément l'apprécier. Le ton de sa voix ne lui plaisait pas. Enfin, ce n'était pas vraiment son problème à l'heure actuelle... Pour le moment, oui, il voulait juste dormir. Il ne sentait presque plus la chaleur de ses blessures. Signe qu'il était en train de partir. Enfin, ce n'était pas bien grave...
Il souffla et laissa ses paupières lourdes comme une chape de plomb venirent recouvrir ses orbes dont l'argent s'était éteint depuis sa torture. Il plongea alors avec lenteur, comme le nageur dans une piscine olympique, dans un état de semi-conscience. C'était à la fois chaud et agréable malgré une fraîcheur persistante. Il percevait les bruits de façon étouffé autour de lui. C'était plaisant. Cela le berçait. Même le « plic, ploc » des gouttes de sang tombants devenait insignifiant. Il se sentait presque bien. A l'abri dans une sorte de cocon. Cependant, ses paupières frémir légèrement lorsqu'il parvint à écouter la voix de son voisin d'en face, se démarquant de celles des autres, faire :
- Oh ! Gamin ! Je t'ai dit de ne pas crever avant que j'ai mangé !
Le bicolore soupira quelque chose ressemblant plus à une expiration des plus laborieuses et avec peine réussit à rouvrit lentement des yeux, papillonnant pendant plusieurs secondes des paupières. Il fit un effort incommensurable pour redresser la tête et plongea son regard d'acier, qui s'était durci, sur la silhouette masculine dans l'ombre face à lui. Ses chaînes cliquetèrent sous le faible mouvement, résonnant dans l'étage. Par un effort herculéen, il accomplit l'exploit de prononcer d'une voix rauque et cassée :
- Hein... ?
Le tintement des entraves de son interlocuteur lui permit de savoir que celui-ci s'était approché et effectivement, non sans grande difficulté, il réussit à distinguer une forme tremblante à travers les barres d'acier. Il vit sous l'aspect de tâches floues deux mains pâles sortirent de l'ombre pour venir saisir les barreaux avec fermeté et écouta la voix dire de nouveau, légèrement agacée :
- Je. T'ai. Dit. De. Ne. Pas. Crever. Gamin.
Les lèvres du bicolore s'incurvèrent légèrement face à la réplique, non sans douleur, et il parvint à répondre avec toute la peine du monde :
- Je meurs... si j'ai... envie...
- Pff ! T'as encore du répondant pour une tafiole dis donc !
- Quoi... ?
- Que c'est malheureux que la sadique ne t'ait pas achevé du premier coup. Cela m'aurait évité de gaspiller ma salive face à un cadavre.
- Ré... répète... pour voir...
- V'là donc ! J'vais t'éviter cette peine voyons. T'es mourant, gamin. Regarde-toi. T'es pire qu'un blessé de guerre et tu pisses le sang. Tu ne vas pas tarder à t'en vider et je parie qu'il n'y a pas si longtemps, tu étais en train de chialer sur ton sort.
- Co... nnard...
- Tss... Les insultes ne vont pas t'aider gamin. T'as perdu.
L'inconnu s'avança encore afin d'être entièrement visible aux yeux de tous, éclairé par les lumières artificielles du couloir. L'adolescent, bien que dans un état comateux où sa vue était imprécise, écarquilla ses yeux gris à leur maximum. Encore un peu et ils auraient pu sortir de leur orbite. Cet homme ! Ce n'était pas possible ! Il ne pouvait pas être là ! Il ressemblait trait pour trait à... !
L'homme était d'une beauté à couper le souffle pour un prisonnier dont on avait le cliché du type mal entretenu. Grand, on pouvait aisément deviner des muscles bien dessinés sous ses vêtements grâce au peu étant visibles. C'était à se demander comment il avait pu conserver une telle musculature en restant en prison tout en demeurant aussi fin. Des cheveux de jais, dont des mèches rebiquaient, étaient attachés en une queue de cheval basse retombaient allègrement jusqu'au milieu de son dos. Puis ses yeux... Ils étaient d'une beauté à couper le souffle. Deux véritables pépites d'or qui donner l'impression de briller dans le noir.
- ... Néa... ? souffla le bicolore surpris par cette ressemblance frappante avec la personne partageant son corps même si la couleur de cheveux était totalement opposé.
Il crut distinguer le type en face de lui se tendre légèrement pour ensuite baisser la tête avec une mine sombre. Un sourire narquois vint s'afficher sur son visage et un rire moqueur sortit de sa bouche. Le genre de rire qui était à la fois craquant et énervant. Il rejeta sa tête en arrière en riant ainsi que quelques mèches. Plongeant un regard sérieux dans celui éteint du plus jeune, il lança avec amusement :
- Navré pour toi gamin, mais tu fais erreur sur la personne. Je ne m'appelle pas ainsi.
Le blessé aurait frémit à cette réponse si son corps n'était pas si meurtri. Pendant un court instant, il avait presque cru que son interlocuteur allait se mettre en colère pour lui crier encore plus dessus à travers ses barreaux. Puis, comment était-il possible que ce type ressemble autant à Néa sans le connaître ou avec un quelconque lien ? Ces yeux ! C'était les mêmes ! Le jeune garçon aurait pu les reconnaître entre mille à force de croiser ces prunelles d'or pur.
- Qui... es-tu... alors... ? haleta-t-il difficilement, s'épuisant encore plus par le simple fait de rester conscient.
- Haha, retiens bien ce nom, gamin ! Appelle-moi Jay' ! C'est tout ce que tu dois savoir. Je suis, on va dire en quelque sorte, celui qui est arrivé le premier dans cet étage de merde.
- Ouais ! Jay' c'est le père de ce niveau ! hurla un détenu.
- C'est notre patron ! cria un autre.
- Il est le cœur du last level !
- Personne ne lui arrive à la cheville !
- Même les mâtons ont peur de lui !
D'autres prisonniers manifestèrent leur admiration pour le brun en le couvrant de compliment. Bientôt, l'étage ne devient qu'un concert de grognements assourdissants où seul un nom ressortait : « Jay' ».
- Tu... as des... admirateurs..., articula avec difficulté l'adolescent.
- Que veux-tu gamin ? C'est ça d'être le premier arrivé. On a largement le temps d'établir son territoire.
- Tu es... là... depuis com... bien de temps... ?
- Depuis bien trop longtemps pour m'en rappeler. C'est tout.
- ...
- En tout cas, je te trouve bien curieux pour un mourant, gamin.
- ... 'suis pas... mourant...
- Mais bien sûr. Je te demanderai juste de ne pas crever avant l'heure du repas. Je tiens à ne pas être dérangé par une vile odeur de cadavre.
Le bicolore eut un faible rictus face à cette réplique et expira péniblement. Parler un peu, bien que ce fut dans la douleur, lui avait fait du bien. Il était vrai que la ressemblance avec Néa et ce type était frappante mais il ne semblait pas avoir un mauvais fond quoique ses paroles fussent crues et que sa personnalité ne semblait pas correspondre avec la sienne. Il soupira, faisant tinter ses chaînes, bruit l'assourdissant encore plus, et essaya de tendre ses bras pour se redresser. Il ne les sentait plus et souffrait toujours le martyr. Finalement, à bout de forces, il laissa ses paupières se fermer et le vacarme autour de lui s'atténua presque aussitôt. Il se sentit basculer dans l'autre monde, faisant fit de sa douleur, tout son corps se relâchant, les bras tortueux de Morphée l'accueillant.
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Félicitations à tous ceux qui auront eu la foi de lire ce pavé de plus de 2500 mots. Cet extrait, que je n'ai nullement tenu à modifier, fait parti d'un roman que j'avais commencé à écrire il y a quatre ans maintenant (bordel ça date !) qui se prénomme Live-Zirkus. Je dois avoir près de 350 pages actuellement sur l'ordinateur et j'en arrivais au milieu mais bon, l'inspiration m'a abandonné et je commençais à m'embrouiller avec mes idées. Le début n'a pas eu de succès ici alors je me contente de vous mettre mes scènes favorites.
Merci encore à tous ceux qui y auront lu.
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