Just a place
« Aucun lieu ne relève de l'exceptionnel. Ils sont tous d'un banal...Jusqu'au moment où vous choisissez d'en faire un endroit extraordinaire. »
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Dans chaque ville il y en un.
Un petit endroit, d'apparence sans histoire, qui a fait naître le plus incroyable des récits. Un conte imprévu, qui voit le jour entre quatre murs, par la force des événements.
Et, dans cette ruelle aux allures si banale, qui est à peine commerçante, c'est le cas de l'un de ces bâtiments. La rue n'est fréquentée la plupart du temps, que part les habitués qui habitent le quartier, ou les quelques étudiants qui ne logent pas très loin. On y trouve un petit épicier, qui semble être ici depuis la nuit des temps, et qu'absolument tout le monde connaît, sans exception. Il y a également quelques vendeurs ambulants, lors des beaux jours, qui investissent les lieux pour proposer leurs babioles aux touristes éventuels qui passent là, histoire de visiter le cœur de la ville.
Pourtant cette allée gagnerait à être connue, tant l'atmosphère qui s'en dégage est assez particulière. Ici, tout est toujours d'une douceur assez déconcertante. Un peu comme si la parcourir et s'y arrêter, revenait à entrer dans une bulle hors du temps.
Les quelques personnes qui y vivent, postent des décorations à leurs fenêtres, telles que des attrapes-soleil, ou de tous petits carillons légers. Lors des beaux jours, les rayons lumineux se reflètent dans ces objets, couvrant toutes les pierres de multiples couleurs, si chatoyantes à voir. Les tintements des carillons, n'ont jamais joué une musique désagréable à entendre. Ils ont toujours été synchronisés, comme si ils savaient d'eux-même s'accorder afin de créer la plus belle des mélodies.
En plus de tous ces petits ornements, la quasi-totalité des fenêtres accueillent des jardinières où les fleurs s'appliquent à s'épanouir autant que possible. Une symphonie visuelle, ressemblant à un arc-en-ciel, ou une œuvre d'art immense. C'est généralement lors du printemps que cet endroit atteint l'apogée de sa beauté, et de sa féerie. Qu'il est absolument indispensable de venir l'observer, pour en savourer la magnificence.
Pourtant, cela reste un espace très privé. Qui n'accueille que les quelques chanceux, qui s'y sont aventurés une fois, et qui continue d'en profiter, tout en conservant jalousement le secret.
Juste au centre, se situe la pièce maîtresse de l'une des multiples histoires de ce monde. À première vue, comme n'importe quoi ici, il ne s'agit que d'une petite laverie.
Fréquentée par les étudiants qui n'ont pas la chance d'avoir une machine à laver chez eux, ou encore ceux qui se retrouvent avec un appareil en panne. Ou juste les habitués, qui prennent l'habitude de s'y rejoindre, pour le plaisir de continuer à partager de nombreux souvenirs.
Elle est un peu rétro, style années 70, avec ses assises aux coloris acidulés, et les motifs omniprésents à certains endroits. Les murs, tapissés d'un papier peint d'un orange très crépusculaire, semblent être ainsi depuis bien longtemps, si ce n'est depuis le commencement. Et curieusement, pour le reste du mobilier, tout est impeccablement conservé. Rien n'est défraîchi, ni même à changer. Les lampes sont également toujours en excellent état, les sièges, et les haut-parleurs vieillots à l'œil, ne grésillent même pas un peu.
Il n'y a que les machines qui ont été changées récemment, afin d'offrir un meilleur service à la clientèle. Le reste de la pièce n'appartient qu'à une faille temporelle, que beaucoup apprécient. C'est le propre de ce lieu, ce qui en fait quelque chose qui marque les esprits.
Et, c'est ici que ce sont rencontrés deux jeunes hommes, qui ne pensaient pas voir leur existence totalement chamboulée, par un simple endroit.
Pourtant, à mesure que passent les mois, c'est étrangement devenu une routine propre à leur vie. Se retrouver là, pour discuter le temps que leur linge se nettoie. Ce qui était à la base une simple corvée, un truc un peu chiant que l'on repousse à plus tard, qui donne une flemme monstrueuse, est curieusement devenu leur moment préféré. Le petit bout de leur quotidien qu'ils savourent, et qu'ils prennent plaisir à vivre.
Et, en ce tout début de printemps, alors que la ruelle commence à se couvrir de son manteau coloré, ce jour ne fait pas exception au reste. À peine dix heures du matin, le jeune homme s'avance très souriant, avec sa corbeille coincée sous les bras. De toute manière, il sourit toujours. C'est un peu sa signature, et ce qui fait qu'on peut le remarquer dès qu'il passe quelque part. Pas juste parce que sa présence est solaire, qu'il a un physique d'Apollon qui fait chavirer les esprits et se retourner tous les cœurs, ou que sa voix envoûtante en fait quelqu'un à qui l'on veut parler sans que cela peut s'arrêter un jour. Non, il y a ce foutu sourire, blanc, éclatant, magistral, qui le rend si spécial.
En arrivant juste devant la devanture de la laverie, il s'observe quelques instants dans la vitrine voisine. Il replace son pull vert correctement, s'assure que sa chevelure ondulante, du même coloris, ne part pas trop dans tous les sens, et que la chaîne qui pend à son cou est encore à sa place. Ses bagues n'ont pas bougées, ses piercings sont présents au complet. Le vernis noir qui orne ses ongles n'est pas écaillé, ses baskets sont lacées. Tout est nickel, sans aucun accroc.
Légèrement surexcité, il tâche de contrôler son souffle, se donnant l'impression d'aller au rendez-vous de sa vie, alors que rien de spécial ne doit se dérouler en ce jour.
Non, c'est juste la même chose que toujours. Mais quelque part, une légère pointe d'espérance vient se faire sentir, le rendant complètement fébrile. Peut-être est-ce du à une intuition ? Il doit pourtant se contrôler, s'il ne veut pas passer pour un idiot, et s'étaler à peine un pas fait dans la pièce. Alors, en rassemblant tout son courage, et sa détermination sans limite, il pousse la porte faisant tinter le carillon de l'entrée.
« - Salut Katchan !
- Salut Deku. »
Son sourire, déjà immense d'ordinaire, s'agrandit encore plus lorsque son regard se pose sur la tête blonde, qui est avachie sur deux sièges.
Izuku s'avance, tout en s'appliquant à ne pas faire tomber son linge, et pose son panier sur le comptoir en bois blanc juste derrière son camarade.
« - T'es déjà amorphe ?
- Nuit de merde, et toi ?
- Bof, les cours quoi, tu sais ce que c'est. Qu'est-ce qui se passe ?
- Rien, juste...j'réfléchis. »
La gestuelle tout à fait mécanique, à force d'évoluer ici, le garçon écoute Katsuki minutieusement tout en mettant son linge dans une des machines disponibles. Il remplit le tambour, dose sa lessive, et met en route l'appareil, juste après avoir inséré sa monnaie.
Une fois sa corvée terminée, il contourne le meuble, et pousse son ami d'un coup de genou, afin de le forcer à se redresser. Izuku s'assied ensuite sur l'assise, se plaçant instinctivement en tailleur. Sans doute par habitude, le blond s'étale une seconde fois, et vient poser sa tête sur la cuisse du jeune homme. Un peu comme un rituel, qu'ils partagent tous les deux. D'ailleurs, l'étudiant ne tarde pas à glisser une main délicate dans la chevelure raide mais tout aussi folle que la sienne, teintée d'un blond cendré. Et le mec, un peu bourru au premier abord, à ses côtés, finirait presque par ronronner comme un petit chaton en manque d'affection.
« - Un vrai gamin.
- La ferme Deku.
- Mmh, à votre service, votre grandeur. » Répond-il, en étouffant un petit rire.
L'œil divaguant un peu, il se permet de reluquer discrètement le garçon qui se sert de lui comme oreiller. Et si Izuku marque déjà les esprits, avec son corps sculpté, son regard similaire à des émeraudes, et ses tâches de rousseurs qui sertissent ses joues, il estime ne rien valoir à côté de Katsuki.
D'une beauté à couper le souffle, sa musculature dépasse la sienne de loin. Les épaules plutôt larges, résultat de ses multiples heures passées à la salle afin de décompresser. Son regard est assez unique en son genre également, les prunelles aussi vives que des rubis, et qui donnent à Izuku l'impression d'être passé au crible et sondé jusqu'au fin fond de son âme dès qu'il pose les yeux sur lui. Féru de noir, Katsuki ne semble pas connaître que cette couleur pour s'habiller. Aujourd'hui ne fait pas exception à la règle, avec un jean troué au niveau des genoux, ainsi que les chaînes qui pendent de sa ceinture. Il porte également un t-shirt à l'effigie d'un groupe de rock, style musical qui le berce continuellement, et de grosses boots en cuir, noires également.
Le garçon à l'air de faire partie de ceux qui n'en ont strictement rien à faire de ce qu'ils font. C'est sans doute ce qui le rend aussi irrésistible, cette nonchalance aucunement dissimulée, qui se lit aisément sur les traits de son visage.
« - Au fait Deku, quand t'auras fini de mater, tu pourras me répondre ?
- Quoi ? Mais je matte pas !
- Ouais, si tu veux. Tes examens c'est quand ?
- Dans deux semaines, et toi ?
- Ouais, pareil. »
Légèrement cramoisie, le garçon retourne la tête à l'opposé, en espérant camoufler un peu les rougeurs sur ses joues.
Si au tout début, l'entente était bien compliquée entre ces deux-là, le monde entier est forcé de constater, que les choses ont bien évoluées. Pourtant, rien ne semblait bien parti, le jour de leur rencontre. Katsuki, dans son caractère de vieil ours mal-léché, s'obstinait à ne répondre à personne, ni même lui accorder un regard. Son attitude confortait Izuku dans sa première impression : celle qu'il n'est pas quelqu'un à fréquenter. Presque mal à l'aise, le jeune homme en venait presque à espérer ne plus le croiser, si bien qu'il en a changé ses heures de venue à la laverie, pour éviter sa présence.
Et grande coïncidence, Katsuki semblait avoir eu la même idée. Parce que le vendredi soir qui suivait cette constatation, quand Izuku a poussé la porte de la boutique, il l'a trouvé posté à la même place que d'ordinaire. Un livre à la main, un carton de pizza posé juste à côté de lui. Il pense même l'avoir vu rouler des yeux, alors qu'il entrait dans la petite bâtisse.
Vraiment, devant une telle réaction, l'étudiant s'est demandé si Katsuki et lui pourrait s'entendre à l'avenir, ou si ce n'était qu'une cause perdue. À ce moment, avec le peu d'information qu'il détenait, la réponse lui paraissait bien évidente d'ailleurs. Mais pourtant, les choses ont pris une tournure un peu différente, alors qu'ils se sont encore croisés bien plus tard, toujours par le plus grand des hasards.
« - Oh, à quoi tu penses Deku ? »
Sortit subitement de ses pensées par cette voix rauque, et la sensation d'une main posée sur sa joue, il sursaute un peu sur sa chaise. Son palpitant menace de sortir de sa poitrine, avec ce simple petit geste, qui paraît des plus banals, au premier abord.
Les yeux grands ouverts, perdus dans les mirettes d'un rouge éclatant de son ami, il se sent toute chose. Il lui faut quelques secondes avant de se remettre à sourire, poursuivant dans le même temps sa séance de papouillages. Et cela doit plaire à Katsuki, parce qu'à l'instant où il laisse sa main de nouveau parcourir la chevelure, le blond ferme les yeux tout en souriant de satisfaction, en se blottissant un peu plus contre Izuku.
« - En fait, je repensais à notre première rencontre, et surtout la première fois où on s'est adressé la parole.
- Ah ouais, tu veux dire...le jour où t'as failli transformer la laverie en soirée mousse ?
- Arrête ! J'ai pas fait exprès !
- Je te taquine p'tite tête, mais c'était trop drôle. La tronche que t'as tiré ! »
Complètement hilare, le garçon se met à rire un peu, toujours les paupières closes.
Il est vrai que cet instant avait été particulièrement amusant. Et même si Izuku s'est couvert de ridicule lorsque cela s'est produit, il en garde un excellent souvenir. Peut-être simplement parce que cette bribe de vie marque le début de tout.
Le commencement de leur relation, de cet attachement qui a pu naître entre eux. C'est même ainsi qu'il a écopé de son surnom. Une petite blague récurrente, qui a vu le jour à cause de ce dosage trop important de sa lessive. Occupé à jeter un œil à ce garçon au physique tout de même attirant, Izuku en un carrément oublié de vérifier ce qu'il faisait. Et qu'elle n'a pas été sa surprise, quand fut venu le moment d'ouvrir la machine, et que celle-ci débordait de mousse de toute part.
Katsuki avait été sincèrement mort de rire devant un tel spectacle, et n'avait obtenu de la part de l'étudiant, qu'un regard totalement noir, qui aurait probablement pu le fusiller sur place. Son premier réflexe fut d'avoir une opinion bien mauvaise du jeune homme, avant de changer du tout au tout, alors que le blond s'avançait jusqu'à lui, afin de lui proposer son aide.
C'est lors de cette soirée, que cela a marqué officiellement la venue au monde de leur amitié.
« - Mais non, arrête !
- En même temps, je sais que c'est ma présence qui t'as troublé Deku.
- Oh je vois. Cet irrésistible Apollon s'imagine qu'il lui suffit d'être dans la pièce, juste pour que tout le monde soit en émoi devant sa prestance, et sa beauté ?
- Bien évidemment. C'est totalement limpide même.
- T'es irrécupérable.
- Mais qui met un paquet de lessive entier dans une machine, en même temps ? »
Prenant un air faussement outré, le garçon cesse sa séance de cajolerie, tout en croisant les bras sur son thorax. La moue boudeuse de celui-ci, vient arracher un autre rire à Katsuki, qui connaît son petit manège absolument par cœur.
Il vient lui attraper le bras doucement, replacer la main d'office dans ses cheveux tout en lui faisant un petit clin d'œil. Parce qu'il sait que ce simple petit détail fait rire Deku, à coup sûr. Et aujourd'hui ne fait pas exception à la règle, devant ce numéro, le garçon éclate de rire tout en reprenant ce qu'il faisait.
« - Bon, maintenant que t'as fini de bouder.
- Je ne boudais pas Katchan.
- Ouais, à peine tiens. Du coup, pourquoi tu repensais à ça ?
- Je sais pas, j'aime bien m'en rappeler des fois. Et me souvenir de nos premières conversations.
- J'pensais pas qu'on en serait là, c'est vrai. »
Personne ne s'imaginait qu'ils pourraient en être là aujourd'hui.
Leurs caractères semblaient si éloignés l'un de l'autre, que n'importe quelle conversation pouvait prendre une tournure inattendue, en quelques secondes. Et pourtant, à force de persévérance, dont ils n'ont aucunement comprit l'origine, ils sont devenus si proches, que certains les comparent même à ces précieux oiseaux colorés, appelés les inséparables.
Se soutenant, lors des périodes de doutes et de difficultés, causés par leurs examens respectifs. Partageant leurs réussites, toujours avec une pizza, achetée dans le même restaurant, trois rues plus loin, qu'ils mangent durant leurs rendez-vous improvisés. Parfois à faire des révisions, le crâne totalement en fusion, avec une envie si forte de se frapper le front contre l'une des machines, qui n'a rien demandé à personne.
Même si leurs domaines d'études ne sont pas réellement similaires, ça ne les a jamais freiné à s'apporter une aide mutuelle, quitte à souffrir eux aussi de ne pas tout saisir. Katsuki n'a pas la fibre et la sensibilité qui aident Deku à briller dans sa filière artistique. Tout comme Izuku n'a que peu de facilité à manier les langues étrangères, soit la quasi-totalité des cours de Katchan. Mais qu'importe, à coup de fiches de révisions, et gros livres de cours, ils se soutiennent mieux du mieux qu'ils peuvent.
Seulement voilà, là où le garçon à la chevelure verdoyante s'imaginait ne trouver qu'un simple camarade, il a bien du se rendre à l'évidence, après ces quelques mois à le côtoyer. Dans sa poitrine, l'apparition d'un crépitement, à la résonance tout à fait particulière, et pas réellement inconnue du jeune homme, s'est fait sentir.
Ça le prend un peu trop souvent à son goût, alors que le blond fait un simple geste dans sa direction par exemple. Il ne suffit de pas grand-chose, pour que cette horde de papillons, qu'Izuku imaginait pourtant perchés sur les jardinières en fleurs, sur les balcons, se rue dans son abdomen, et le chamboule sur place. Il ignore à quel instant précisément sa vision de Katsuki a changé. À quel moment celui-ci est passé du stade d'« ami » à bien plus que cela, bien qu'il ne soit pas en mesure de mettre un nom dessus, ou tout du moins refuse de le faire.
Et même si il a toujours été attiré par ce physique de dieu vivant, et que sa propre homosexualité n'a jamais été un réel problème, ce n'est pas pour autant qu'il pensait être traversé par une telle vague de sentiments.
D'ailleurs, il n'est pas tout à fait sûr de l'orientation sexuelle de son ami. Non, en fait, il n'en a surtout aucune idée. Ce genre de sujet n'a jamais fait partie de leurs conversations, ni même des aspects de leur vie privée qu'ils ont déjà révélés, alors qu'ils faisaient connaissance tous les deux. Ils auraient pu pourtant, mais leur vie amoureuse n'a jamais été mise en avant. Comme si ils cachaient tous les deux un secret.
Alors même qu'il n'y en a pas, enfin, presque pas du point de vue d'Izuku.
Le seul secret, c'est que le garçon est tombé amoureux.
Encore une fois, « tombé » est assez faible pour exprimer ce que le jeune homme peut ressentir. En réussissant à l'admettre, il conviendrait certainement sans trop de peine, à être d'accord avec le fait qu'il s'est même carrément ramassé par terre. Et de toute sa hauteur en prime.
« - T'es sûr que ça va Deku ? Tu disais de moi, mais c'est toi qui est carrément à l'ouest là.
- Mmh ? Oh ? Hein ? Oui ça va, pardon.
- Tu es malade ? T'as besoin d'un truc ? »
Katsuki se redresse subitement, comme piqué par une guêpe, tout en fronçant les sourcils. Il se tourne en direction d'Izuku, en venant palper son visage. Il le vérifie sous toutes les coutures, et son inquiétude ne passe pas inaperçue aux yeux du garçon, qui se met à sourire de plus belle devant son attitude.
Il vient attraper les mains du blond, pour lui faire cesser son petit cinéma, tandis qu'il vient apposer un baiser sur le bout de son nez, sans trop y réfléchir. Ce petit geste, complètement imprévu, cause le désarroi chez l'étudiant, qui s'arrête net après l'avoir reçu, tandis que Deku vire couleur coquelicot, en se rendant compte de ce qu'il vient de faire.
« - Pardon Katchan...
- Beh...T'excuse pas...Deku. »
Et, sans doute par envie de prouver sa bonne foi, ou quelque chose d'un peu similaire, Katsuki accompagne sa phrase d'un baiser sur cette joue encore totalement rougie, qui est juste sur son chemin.
Izuku jubile complètement, même s'il essaie de faire taire la voix de ce cupidon, qui s'invite dans sa tête, pour le pousser à avouer ses sentiments à son cher Katchan. Décidément, l'amour est une émotion bien trop complexe pour lui. C'est tout de même bien ironique finalement, puisque c'est celle qu'il préfère travailler, dans ses diverses productions artistiques.
Il n'y a rien qui ne lui plaise plus que de la dépeindre, dans de vastes palettes de couleurs chatoyantes. Travailler les matières, que ce soit sur des toiles, des feuilles bristol, ou n'importe quel papier à grain, qui lui tombe sous la main. Son domicile déborde de dessins abstraits, ou figuratifs également.
L'amour est pour lui ce qu'il y a de plus riche à exploiter. De plus intense à voir, à apparaître, et à représenter. Sans doute parce qu'il rêve de cette histoire, qui viendra le chambouler à son tour, dans son quotidien d'étudiant. Sa productivité s'est tout bonnement accrue, quand il a commencé à côtoyer le blond. Parce que sa tête est emplit d'un tout trop intense, de ce petit bout de rien, qui représente finalement presque tout.
« - Katchan.
- Ouais Deku ?
- Tu... T'en es où de tes révisions ? »
Perplexe, Katsuki l'observe quelques secondes, avant de se contenter de hausser les épaules. Il se lève de son siège en plastique, pour se diriger vers sa machine, qui contient sa propre lessive.
Izuku se colle une claque sur le front, discrètement, légèrement énervé de se conduire de la sorte. Évidemment qu'il n'avait pas l'intention de lui demander une telle chose. Le jeune homme s'est même fortement mordu la langue, tant il craignait que son cœur se mette à parler à la place de sa tête.
Bien qu'il rêve de lui exprimer ce qu'il peut ressentir à son égard, il a l'horrible sensation qu'il va se heurter à un mur violent, et que les quelques doutes qui subsistent sur la situation, ne sont pas que le fruit de son imagination. Si Izuku s'était laissé allé, sa phrase aurait sans doute été « ça me fait quelque chose, de te savoir si près de moi », ou encore « tu n'imagines pas ce que je ressens pour toi ». Si son âme avait décidé de s'emballer, il aurait aussi pu aller jusqu'à dire « embrasse-moi ».
Deku ne saurait dire à quel point il rêve de lui dire cette simple phrase.
Enfin, elle paraît simple au premier abord, mais ce qu'elle sous-entend, ce qu'elle peut signifier l'angoisse terriblement. Ou peut-être est-ce l'idée d'être rejetée, qui l'effraie tant que ça.
« - Je suis pas trop à la bourre sur mon programme, ça aurait pu être pire. Mais faudrait que je prenne un peu d'avance quand même.
- Mais c'est super ! »
En levant le nez du tambour, alors qu'il bascule son linge dans sa panière, Katsuki est marqué par l'incompréhension. Son regard se pose sur Izuku, qui se frotte la nuque, un peu mal à l'aise par sa réaction inappropriée.
« - Ce que je veux dire c'est...Fin non c'est nul. Enfin, c'est pas nul Katchan, tu bosses bien. Mais, je voulais juste...
- Tu pourrais déjà commencer par respirer Deku.
-Désolé.
- Et arrêter de t'excuser tout le temps, aussi. Bon, c'est parce que tu voulais qu'on bosse ensemble ?
- Oui, s'il te plaît. On pourrait faire comme d'habitude, et j'emmène la pizza ? »
Soulagé que le blond ait apprit à le décoder, malgré son langage pas toujours très assuré, et sa fâcheuse manie de s'éparpiller dans tous les coins, il souffle tout en souriant. Cette petite habitude qu'ils ont, à se retrouver sur les chaises inconfortables, à se bombarder le crâne d'informations en tout genre, pour se préparer à leurs évaluations respectives, c'est un peu comme un rituel. Il y est attaché à ce fonctionnement qu'ils ont. Tout comme il aime quand ils se retrouvent ici, peu importe la raison.
Mais il a l'impression d'avoir eu la possibilité de le connaître un peu plus de cette façon. Parce qu'après deux ou trois heures de révisions intenses, ils finissent systématiquement par tout poser, et se lancent dans de très longues discussions, qui conduisent ils ne savent trop où. C'est comme ça qu'il s'est décidé à lui parler de ses plus proches camarades, ainsi que de sa relation fusionnelle avec sa mère, qui ne le lâche plus depuis le décès de son père. C'est aussi au détour d'un de ces échanges, que Katsuki lui a parlé de son groupe d'amis un peu déjantés, avec qui il aime jouer de la musique, quand ils ont un peu de temps.
Le jeune homme a aussi pu connaître des détails qui peuvent paraître insignifiants, mais qui ont une valeur toute particulière dans son esprit. Comme le plat que le blond aime manger, sa couleur préférée ou le plus grand rêve de sa vie.
De minuscules éclats de son existence, qui lui permettent d'en savoir plus à son sujet.
« - Ou sinon, on pourrait se retrouver chez moi Deku ? »
La proposition à peine soumise, le garçon se retourne violemment dans sa direction. Cela paraît surprenant, mais les deux jeunes hommes ont beau partager de nombreuses heures de leur quotidien, ainsi que des centaines de textos en semaine, ils ne se sont jamais vus en dehors de cette petite laverie de quartier.
Peut-être parce que cet endroit, est un peu leur lieu. Que c'est ici, entre ces murs, que cette relation totalement inattendue à vue le jour. À l'abri du temps, et de tout le reste. À la manière d'une bulle qui leur appartient, et qu'ils n'étaient pas encore prêt à exploser, pour la confronter au reste, au monde entier.
Katsuki comprend sa surprise, et vient poser sa pile de linge sur le meuble en bois, avant de reprendre sa place aux côtés d'Izuku, qui n'a pas encore trouvé quoi répondre à cette question. Son visage est dénué de toute moquerie, témoignant du sérieux de sa demande.
« - Fais pas cette tête, on dirait que j'ai menacé de te tuer.
- Mais non, c'est pas ça... Juste, c'est la première fois qu'on... Enfin...On s'est jamais vu en dehors de la laverie.
- Et alors ? Tu sais, je crois que j'aurais vraiment du te proposer ça avant. Mais ya eu cette période chelou, pendant laquelle on se parlait pas vraiment. Et puis on a fait connaissance, y a eu nos examens.
-Et ?
- Et ensuite, j'ai jamais osé...
- T'as jamais osé ? »
Il ne l'avait aucunement vu venir.
Izuku connaît bien les facettes de Katsuki. Son côté joueur, quand il vient le taquiner avec ses clins d'œil. Et son caractère, très sûr de lui, alors qu'il s'impose fortement dans les conversations, qu'il répond d'une voix qui incite les gens à l'écouter, lors des quelques échanges téléphoniques auxquels il a assisté. Il y a cette douceur aussi, moindre mais tout de même bien présente, quand le blond vient se soucier de lui, et se préoccuper de sa santé. Katchan lui avait même ramené une soupe bien chaude une fois, alors qu'il se traînait une vieille crève un peu trop persistante. La dureté de son regard, qui a fini par laisser place à quelque chose de très bienveillant, voir un peu moqueur quand Izuku raconte une bêtise ou deux.
Mais le voir timide à ce point, à son égard, le jeune homme doit bien avouer que c'est la toute première fois.
Il n'a jamais vu cette petite brillance au fond de ses yeux, qui sont déjà impressionnants d'ordinaire, avec cette teinte carmin. Et ces rougeurs sur ses pommettes, alors que lui-même l'observe avec ses prunelles vertes, grandes ouvertes, sans trop savoir ce qu'il doit comprendre. Tout ça, c'est un tableau totalement nouveau, que Deku découvre progressivement, avec une certaine chaleur qui se propage dans son palpitant.
« - J'ai voulu te demander plusieurs fois, qu'on se voit ailleurs. Et qu'on passe plus de temps tous les deux. Mais j'ai jamais osé.
- Tu crois qu'on peut pas se parler en dehors de cette laverie ?
- Non c'est pas ça. Tu sais j'ai jamais été très doué pour tout ça Deku. Je voulais juste pas tout gâcher ou je sais pas quoi. Et...J'avais l'impression que tant qu'on était ici, on était protégé. Que jamais tu me laisserais.
- Je te laisserais jamais Katchan. »
Cette petite déclaration, surgissant de nulle part, vient faire battre leur cœur à l'unisson, toujours un peu plus fort. Et Izuku se met à rire, juste un peu, tout en s'installant face à Katsuki.
Instinctivement, leurs mains viennent se lier, tandis que leurs doigts s'entrelacent, et ce simple contact provoque en chacun d'eux cette immensité dévastatrice. Ce petit quelque chose qui les troublent profondément, mais surtout, qui est totalement réciproque.
« - Tu penses sincèrement qu'on a besoin de machines à laver, de grosses piles de linge, ou même de lessive et d'assouplissant, pour réussir à se parler ?
- Non, c'était idiot, t'as sans doute raison.
- C'est pas idiot. Moi aussi je trouve que cet endroit est particulier. Mais, ce qui l'a rendu aussi incroyable...C'est toi. On aurait pu se rencontrer dans un bar, ou autre part, ça aurait été la même chose tu sais.
- C'est vrai. Je serais quand même tombé amoureux de toi, Izuku. »
Son souffle se coupe, alors que Katsuki semble prononcer ces quelques mots si facilement, contrairement à lui qui cherchait comment se déclarer depuis des semaines déjà. Il en serait presque jaloux, de cette faculté qu'il possède à gérer les choses de cette façon.
Avec tant de détachement, et de self-contrôle, alors que lui se laisse si déborder facilement. Il ne se sentait même pas capable de le regarder aussi intensément, sans se mettre à bégayer. Et il lui faut un effort monstrueux pour lui répondre, sans se liquéfier sur sa chaise.
« - Je...Je suis amoureux de toi, moi aussi...
- Je sais, t'as jamais été très discret Deku.
- Et t'as attendu tout ce temps ?
- Je me demandais si tu finirais pas te décider à parler. »
Les garçons à la chevelure ondulante ouvre des yeux ronds comme des billes, tout en venant frapper l'épaule de son, désormais, flirt, qui se fout ouvertement de lui. Katsuki rigole de tout son cœur, et Izuku se décide à le faire languir encore un petit peu.
Il se lève de son assise, réellement déterminé à se préoccuper de sa lessive avant d'accorder une quelconque attention au blond, qui persiste à se moquer. Levant le regard au ciel, il se dirige vers sa propre machine, en attrapant au vol la panière en plastique bleue, qui attendait son heure. Mais, alors que Deku vient juste de la poser sur le sol, et qu'il vérifie que le programme est bien terminé, une poigne sur son bras droit l'oblige à se stopper.
Le jeune homme tremble de tout son être, alors que cette main l'incite à se retourner. Le geste mêle puissance et douceur, le rendant totalement fébrile. Et, en moins de quelques secondes, Izuku se retrouve plaqué, le dos contre les appareils qui sont superposés les uns sur les autres. Coincé par Katsuki, qui ne lui offre aucune porte de sortie, son souffle commence peu à peu à se faire court, alors que le torse de celui-ci se presse progressivement contre le siens.
C'est un peu trop pour lui, de sentir ce corps et ce parfum si près de lui, alors qu'il se contentait d'en rêver jusqu'à maintenant. Mais Deku rassemble ses morceaux de courage, qui commence à se faire la malle, pour lever le regard. Il se heurte à celui de Katchan, qui parle à sa place. Dans ses prunelles, le jeune homme parvient à lire cet amour débordant envers sa personne, et ce désir non dissimulé, qu'ils partagent.
Cette envie de goûter cette bouche, qui est à seulement quelques centimètres de ses propre lèvres. Il lui suffit de s'avancer, juste un peu, pour que leurs lèvres rentrent en contact, et qu'ils découvrent chacun cette saveur particulière, celle de leur peau.
Mais Izuku veut être sûr et certain que c'est la bonne décision. Il ne veut pas foncer tête baissée, et prendre le risque de tout gâcher, juste parce que sa raison a foutu le camp bien trop loin de son pauvre petit corps, qui fond dans cette ambiance bien trop intense. Et il espère de toute son âme que personne ne s'apprête à rentrer dans la bâtisse, pour ne pas briser cet instant décisif.
« - Katchan ?...
- Deku...
- Est-ce que...je peux t'embrasser ? S'il te plaît ? »
Sa voix n'est plus qu'un murmure, à peine audible. Il n'est même pas sûr que le garçon soit parvenu à l'entendre. Mais en l'état actuel des choses, dévoré par ce ressenti, c'est tout ce qu'il est capable de faire. Tout ce qu'il est en mesure de produire comme son.
Et Katsuki n'est pas en reste. Il doit probablement suffoquer lui aussi, parce qu'il se contente de hocher la tête de haut en bas, pour lui signifiant son accord. Izuku vient poser ses mains de chaque côté du visage de l'élu de son cœur, avant d'enfin parcourir cette distance qui les séparent.
C'est une simple caresse au départ. Juste pour s'assurer que ce n'est pas un rêve, pas une chimère. Qu'ils sont bien présents, ici, dans cette laverie qui a vu le commencement de cette relation.
Et, quand ils prennent conscience de ce qui est en train de se produire, Katsuki se permet de passer ses bras autour d'Izuku, au niveau de ses hanches, afin de le rapprocher un peu plus. Ils ne veulent plus être séparés, ils veulent profiter et se délecter de cet instant inoubliable, mais surtout unique.
Leurs lèvres qui sont en train de se mouvoir, font ensuite une place à leurs langues, qui se découvrent également. Elles effectuent une chorégraphie nouvelle, étrangement naturelle, mais si délicate. Il n'y a rien de pressé, ni de trop fort dans cet échange.
Les étapes ne doivent pas être brûlées, ils n'en ressentent aucunement le désir d'ailleurs. Cette exploration sera progressive, et douce, pour leur laisser le temps d'en apprendre plus l'un sur l'autre.
Quand les deux jeunes hommes parviennent enfin à se séparer, pratiquement à contre-coeur, ils s'offrent un regard bienveillant, emplit de cet amour qui commence à pointer le bout de son nez. Fleurissant comme ces quelques plantes, qui viennent sublimer cette petite ruelle, qui atteint le summum de sa beauté en ce printemps nouveau.
Tout en souriant, Katsuki se raccroche à Izuku, bien décidé à ne plus le lâcher, maintenant qu'ils se sont trouvés.
« - Alors Deku, t'es d'accord pour qu'on aille manger un morceau ailleurs ?
- Oui Katchan... »
Rassemblant leurs affaires, ils se laissent tout de même le temps de terminer leurs lessives respectives, sans oublier de se jeter une œillade ou deux au passage.
Une fois l'ouvrage terminé, Katsuki attend son petit ami de pied ferme, un immense sourire vissé au visage, juste à côté de la porte. Et, lorsqu'ils sortent, ils sont tout deux aveuglés par ce soleil qui atteint pratiquement son zénith. Se reflétant dans les attrapes-soleil, les rayons diffusent une multitude de couleurs dans l'entièreté de la rue. L'odeur de la flore qui se met à éclore parvient jusqu'à leurs narines, et Izuku ne peut s'empêcher de rire, toujours traversé de cette joie immense, qui vient tout bonnement de se décupler.
Juste avant de traverser le chemin pavé, le jeune homme se retourne quelques instants.
Le reflet de leur deux corps est visible dans la vitrine de la petite laverie. Si quelques petits yeux curieux se sont arrêtés sur leurs trajets, ils ont probablement pu voir ce qui se déroulait à l'intérieur, derrière le revêtement légèrement coloré qui couvre la vitre. Un sentiment inexplicable le traverse de part en part, en observant cet endroit.
D'apparence si ordinaire, si peu significatif. Juste là pour aider les personnes dans le besoin, et leur permettre de laver leur linge. Ce n'est rien de plus.
Cependant, dans son coeur, et au fond de ses souvenirs, cette petite bâtisse représentera toujours bien plus que ça. C'est le lieu où cet amour est né, où il a rencontré cette belle âme qui partage désormais son existence.
Ici qu'il a pu la découvrir, et alors que les heures ici n'étaient au départ qu'un calvaire, tout s'est finalement transformé. Il y a surtout vécu les plus belles de toute sa vie, et n'oubliera jamais ce premier baiser, qui a marqué son esprit à tout jamais.
Ce qui était sans histoire, a fini par devenir quelque chose d'extraordinaire.
Pourtant, ce n'était qu'un endroit.
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Just a place
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Bien le bonsoir à vous,
Me voici de retour avec un OS, celui prévu pour les 100 abonnés !
En voyant ces fanarts, j'ai eu envie d'écrire une histoire dans ce cadre-ci. J'ai adoré produire cet OS et j'espère qu'il vous plaira !
Bonne lecture à vous 🥰
Onyx
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