Chapitre 9
Stiles s'éveilla doucement, si lentement qu'il n'eut pas envie d'ouvrir les yeux. L'effort lui paraissait pour l'instant trop important. Son corps était lourd, comme s'il s'était réveillé beaucoup trop tôt dans une nuit. Enfin, c'était ce qui s'en rapprochait le plus niveau ressenti parce qu'en réalité, il avait longuement dormi mais son épuisement était tel qu'il n'était pas encore sorti d'affaire. Du temps, il lui en faudrait, s'il voulait rattraper tout son sommeil en retard et permettre à son corps de récupérer toute cette énergie perdue à forcer sur lui-même. Cependant, ce n'était toujours pas à l'ordre du jour. Intérieurement, il pestait déjà. Bien conscient qu'il s'était assoupi alors qu'il ne le devait pas, Stiles voulut se lever. Mais il ne put bouger un orteil. Il était trop faible, mais il n'y avait pas que ça. Il n'avait plus le contrôle de son corps qui était actuellement très bien installé et jouissait d'un agréable confort, un confort tel qu'au fond, il ne voulait pas bouger. Parce qu'il était bien et ça ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Oh, ses tâches s'accumulaient, mais... Il n'arrivait pas à bouger.
Et peut-être que les bras passés autour de lui y étaient pour quelque chose – dans une moindre mesure – mais ça, il ne pouvait pas le savoir. Parce qu'il n'était pas encore assez réveillé pour avoir conscience du monde extérieur, de la personne qui était avec lui. De toute manière, y croirait-il ? Croirait-il que Derek était allongé avec lui, dans ce lit aux draps qu'il faudrait bientôt changer ? Croirait-il qu'il était dans les bras du loup ? Que celui-ci n'avait pas quitté son chevet depuis plusieurs heures pour veiller sur lui ? Que Stiles avait crevé de froid dans ce lit mais que Derek avait voulu le réchauffer et surtout, l'empêcher de se lever ? Croirait-il seulement que Derek avait peur pour lui et avait décidé de tout faire pour qu'il se repose ? Croirait-il qu'il veillait à son confort ? Non, bien sûr qu'il ne croirait à rien de tout ça, surtout dans la mesure où il pensait que le jeune Hale était encore une illusion, fruit de son esprit épuisé qui ne réfléchissait plus correctement.
Aux yeux de Derek, le plus triste n'était pas tant la déchéance physique de Stiles que le fait qu'il se pensait fou. Le jeune homme était persuadé d'voir commencé à perdre la tête et le pire, c'est qu'il avait tout essayé pour lui montrer que la réalité était toute autre. Stiles n'avait pas rêvé, tout comme il n'avait rien imaginé. Derek était là, bien réel, en chair et en os... Humain. Mais il était vrai que la scène avait de quoi surprendre. Au lieu de simplement le surveiller de loin, le loup était là, dans ce lit, avec lui. A lui apporter la chaleur dont il avait besoin, la présence qu'il lui fallait. Et puis, il avait vu ce que cela faisait de le laisser se réveiller seul : Stiles se levait et voulait s'activer, prenant des risques qui, à ce niveau-là, étaient inconsidérés. Derek était certain que l'hyperactif se serait écroulé dans les escaliers s'il les avait descendus seul, quelques heures plus tôt. Alors s'il fallait l'avoir dans ses bras pour l'empêcher de faire quoi que ce soit, soit. Dans une certaine mesure, cela le rassurait. Derek n'était pas quelqu'un de câlin et détestait jouer à la nounou, toutefois ce cas-ci était différent. On jouait à la nounou avec un enfant. Là, il s'agissait d'empêcher un adolescent en plein burn out de faire n'importe quoi, parce que... Parce qu'il avait été seul trop longtemps et remplissait un peu trop bien la tâche qu'on lui avait confiée. Avec du recul, Derek se rendait compte à quel point tout ça, c'était de la folie. Au départ, il fallait avouer que les loups – et la coyote – n'avaient pas été très tendres avec l'hyperactif et n'avaient pas essayé le moins du monde de lui faciliter la vie. Derek avait bien remarqué tôt la fatigue de Stiles, mais comment la lui faire comprendre alors que tout ce qu'il pouvait faire, c'était glapir, grogner et... Exister ? Il se faisait chaque fois tout petit pour ne pas lui donner trop de travail mais la plupart de ses compères ne l'avaient pas compris. Et puis, il y avait eu l'incident avec Malia, qui avait mis en lumière l'état réel de l'hyperactif, que Deaton avait été obligé de sédater.
Rien qu'en y pensant, Derek en avait des frissons. Cet adolescent, contre lui... Il avait beaucoup à donner, c'était certain. Mais à trop donner sans compter et sans faire attention à ses propres besoins, on s'épuisait et se vidait de toute son énergie. La main du loup partit se caler dans les cheveux de l'hyperactif avant de jouer distraitement avec un début de boucle. Il l'inquiétait, encore et toujours. Depuis qu'il le connaissait, c'était la principale réaction qu'il faisait naître chez lui. Stiles prenait toujours des risques inconsidérés, quoi qu'il faisait, qu'importe la situation. Parce que c'était pour les autres. Alors forcément, pour essayer de le protéger et d'éviter de l'exposer, Derek avait longtemps joué au dur avec lui. Sa vie lui importait alors il y allait, quitte à le blesser. Il était certain que Stiles s'en remettait à chaque fois facilement – cette manière qu'il avait de rebondir à chaque chute l'avait toujours impressionné – mais là, force était de constater qu'il avait atteint, voire largement dépassé ses limites. Alors, Derek ne pouvait plus être aussi détestable avec lui, non seulement parce que ça n'aiderait pas son protégé, mais également parce qu'il n'y arriverait pas. En ce moment, Stiles le terrifiait tant il faisait si peu attention à lui et cette inquiétude le rongeait, au point de l'empêcher d'endosser son rôle habituel.
- Imbécile, murmura-t-il en baissant les yeux.
Le visage de Stiles paraissait si serein à l'heure actuelle... Mais ses cernes se voyaient toujours autant. Et ses joues, si creuses... Il fallait vraiment que les choses changent. Derek l'avait connu fougueux, plein de vie, une vraie pile électrique dont les batteries lui avaient longtemps semblé infinies. Malheureusement, cette épreuve qu'ils traversaient tous lui montrait bien que la réalité était toute autre. Stiles n'avait plus de batterie, son énergie était à plat et ses limites, complètement caduques. Comment avait-il pu s'oublier à ce point ? Ne se rendait-il pas compte d'à quel point il allait mal ? Ne voyait-il pas sa propre déchéance ?
Pourquoi ne pensait-il pas un peu à lui ?
S'il le sentit doucement se réveiller, il ne le pressa pas, bien au contraire : même si ça faisait des heures qu'ils étaient là, dans ce lit, Derek ne précipiterait pas les choses. Et si Stiles choisissait de se rendormir, il le laisserait complètement faire et il l'y encouragerait même carrément. Pour l'heure, il le laissait reprendre conscience des choses à son rythme, le reste viendrait après. Stiles commencerait peut-être même à réfléchir au fait qu'il était réel, qui sait...
Mais l'expression qu'eut l'hyperactif en ouvrant les yeux refroidit instantanément ses espoirs. Il leva légèrement la tête, le regarda d'un air effaré et douloureux à la fois, avant de la laisser retomber sur son torse pourtant bien ferme et musclé. Un torse dont il se servait de coussin mais auquel il ne croyait pas.
- Même dans le lit... Marmonna-t-il. Je t'imagine même dans le lit...
C'était prononcé si bas que Derek n'aurait pas compris ses propos s'il n'était pas un loup. Il retint un soupir de désespoir. Comment lui faire comprendre ? Il lui avait fait à manger, l'avait porté jusqu'au lit, lui avait fait compter les loups de la meute à plusieurs reprises, lui avait parlé, avait essayé de lui faire entendre raison... Que fallait-il qu'il fasse pour que Stiles arrête de penser qu'il n'était que le fruit de son imagination ? Ne sachant quoi dire, il continua de jouer, d'une main, avec l'une de ses mèches qui commençait à bien pousser. Néanmoins, contrairement à ce qu'il pensait, se lever ne fut pas la première chose que fit Stiles. En fait, il laissa sa main à lui errer sur le torse irréel de Derek en regardant distraitement ses muscles bien dessinés. Ses doigts fins glissèrent sur sa peau un poil tannée, effleurèrent ses muscles qu'il avait tant rêvés. Pardon, qu'il rêvait encore. De son côté, Derek se crispa un peu, perplexe et pas vraiment d'accord quant à ce qu'il pouvait se passer. Pourquoi Stiles le touchait-il de cette façon ? Ne s'attendant pas vraiment à quelque chose de ce genre – encore moins venant de Stiles – Derek ne savait pas vraiment comment réagir. Alors, il ne réagit pas et laissa l'hyperactif faire.
Mais Stiles n'alla pas plus loin et au bout de quelques secondes, sa main se referma en un poing, juste en-dessous du pectoral de Derek. Et puis, il se blottit purement et simplement contre lui. Quitte à halluciner, autant profiter des bons côtés...
- Je suis si bien, j'ai pas envie de me lever...
Il avait la voix pâteuse et malgré son éveil avancé, il restait fatigué. La main dans ses cheveux cessa de s'amuser avec et descendit sur sa nuque. Stiles ferma les yeux et songea tout haut d'une voix toujours pâteuse :
- J'ai tant de choses à faire et si peu de motivation... T'es mon hallucination, tu pourrais pas faire comme le vrai Derek et me pousser un peu au cul ? Peut-être que ça marcherait...
- Pour ça, tu peux rêver, rétorqua Derek en lui caressant distraitement la nuque. La seule chose que je t'encourage à faire, c'est de te rendormir.
- Ah oui mais non... T'es pas censé me dire ça...
Stiles parlait lentement et peu distinctement. Il ne s'en rendait pas compte, mais il mâchait ses mots, peinait à les articuler. En fait, il parlait et c'était déjà un effort en soi. Puisqu'il avait décidé de discuter avec son hallucination personnelle, pourquoi faire attention à sa diction ? Etant fausse, elle comprenait tout.
- J'suis partagé, tu sais ? Je suis bien, tu me donnes l'illusion que t'es confortable alors que t'existes même pas et j'ai juste pas envie de bouger, mais... Mais en bas, ils m'attendent. Enfin, ils attendent une distraction, il faut qu'on s'occupe d'eux. C'est pas vraiment moi qu'ils veulent, ils m'ont jamais voulu. A choisir, je sais qu'ils préfèreraient que quelqu'un d'autre les garde.
- Pourquoi tu dis ça ? S'enquit Derek en haussant un sourcil sans cesser de caresser distraitement la nuque de l'hyperactif.
Puisqu'il était enfin ouvert à l'idée de lui parler, autant ne pas l'arrêter d'autant plus que ce qu'il lui disait l'intriguait déjà. Si discuter lui permettait doucement de lui faire comprendre qu'il n'avait pas à se donner autant et qu'il devait se reposer... Derek allait en profiter. A défaut de pouvoir lui prouver tout de suite qu'il était réel, peut-être que sa condition « d'hallucination » lui permettrait de l'influencer ? Dans le bon sens, cela va sans dire. Derek n'avait aucune intention de lui nuire, bien au contraire : tout ce qu'il voulait, c'était que Stiles aille mieux, qu'il commence à prendre soin de lui.
L'hyperactif se pelotonna contre lui, toujours sans se rendre compte qu'il se blottissait bien contre un corps réel et bien en chair, dont le propriétaire était surpris, ne s'attendant pas à ce que l'hyperactif se montre aussi... Câlin ? Il ne savait pas trop. Stiles ne montrait pas d'affection, c'était plutôt comme s'il en cherchait, plus ou moins consciemment.
- C'est juste que je... Je suis peut-être dingue, mais pas aveugle. Je sais que je fais tache dans la meute. Tu sais, la tache qu'on n'arrive pas à enlever, qui reste même si tu grattes à mort pour la faire partir.
Les yeux toujours fermés car les ouvrir lui prenait trop d'énergie, Stiles se mit à bâiller. S'il les avait ouverts, s'il avait relevé la tête, il aurait connu la version surprise et attristée de Derek. Oui mais, l'hyperactif était épuisé et parler n'était pas simple, au final. Ça aussi, ça lui cramait une énergie pas possible. Et puis, bon, on ne pouvait pas dire qu'il avait l'habitude de beaucoup parler en ce moment, la seule personne à qui il avait adressé quelques mots, c'était Deaton lorsqu'il était venu l'ausculter, ou les infirmières, lorsqu'il allait voir son père... Le reste du temps, il le passait à se donner pour aider la meute, le temps qu'elle reprenne forme humaine. Tout de même, cela commençait à faire long, non ?
- Moi j'veux bien, tu vois, c'est pas grave, j'ai l'habitude d'être cette tache, mais c'est juste que... En ce moment je suis faible, mon père est dans le coma et je... Je sais pas, j'y arrive pas. Pourtant, il le faut et je... Aide-moi. Dis-moi de me bouger, dis-moi quelque chose qui pourrait...
Mais Stiles ne termina pas sa phrase. Il n'en avait pas la force. Sa voix, faible et son souffle, irrégulier, faisaient un combo qui ne l'aidait pas vraiment et puis... Que voulait-il dire, déjà ? Il fronça les sourcils, perdu et embêté, mais ne rouvrit pas les yeux. Le sommeil était là, en train de le rappeler, mais il résistait. Peut-être qu'arrêter de parler l'aiderait à garder un peu d'énergie pour se lever ? Il lui fallait un petit temps d'adaptation, juste ça. Et ça irait, sans doute. Toutefois, il se sentait si lourd et ce faux coussin à forme humaine, à la peau si douce, à la voix si envoûtante ne l'aidait pas vraiment à combattre sa fainéantise. Était-il tombé si bas ? Voir Derek était une chose, le laisser le charmer de cette manière juste parce qu'au fond, il voulait céder à cette fatigue, c'était désastreux.
Il sentit, comme dans un rêve, les grandes mains se déplacer, les bras se déplacer pour l'entourer complètement tout comme il entendit la voix un tantinet altérée de Derek lâcher tristement :
- Rendors-toi, Stiles...
Quelques secondes plus tard, le pouls de Stiles était lent et régulier, son corps immobile et pelotonné contre lui continuant de réclamer ce sommeil qui lui manquait tant. Et la conscience de l'hyperactif était partie loin, bien assez pour que Derek puisse souffler un coup, comprendre et digérer les paroles révélatrices, aveux inconscients de son protégé.
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