Chapitre 7
Derek posa sa main sur le front de Stiles. Sa température semblait avoir un peu baissé et il vérifierait cela une fois que l'hyperactif serait réveillé. Il y avait sans doute un thermomètre qui devait traîner dans la salle de bain. Non, ce qui inquiétait un peu Derek, c'était le fait que l'hyperactif ne s'était toujours pas réveillé. Sa discussion avec Alan Deaton datait déjà de huit bonnes heures et le précédent réveil de l'adolescent, de la veille. Il dormait beaucoup, vraiment. Le loup essayait de relativiser en se disant que Stiles en avait besoin. Son corps avait réclamé du repos durant si longtemps qu'il profitait vraiment de ce sommeil imposé. Ce qui embêtait toutefois le loup-garou, ce n'était pas vraiment cela. La maigreur grandissante de l'hyperactif le perturbait réellement et il se rendait compte que ces temps-ci, l'adolescent s'était plus que négligé.
Une fourrure douce se frotta contre sa jambe partiellement nue. Derek s'était changé et portait un short appartenant à Stiles. Il était élastique, moins serré que les autres, lui permettant ainsi de se mouvoir sans crainte de déchirer le tissu à chaque pas. De sa main libre, le bêta caressa distraitement la fourrure de Liam, venu prendre des nouvelles de Stiles. Au vu des traits tirés de Derek, il n'y avait pas beaucoup de changements. L'hyperactif, autrefois si vivant, si énergique, n'était plus qu'un vieux souvenir. Il n'aimait pas le voir allongé aussi longtemps. Dans un sens, c'était une bonne nouvelle : il se reposait enfin, prenait involontairement le temps de récupérer toutes ces heures de sommeil perdues... Et risquait ainsi un peu moins de s'écrouler comme il le faisait de temps à autres ces temps-ci, sous les regards impuissants de la meute lupine. Néanmoins, Stiles leur manquait, à tous et cette immobilité leur paraissait morbide. Stiles parlait, avant. Il babillait sans arrêt et faisait des monologues à n'en plus finir sans se soucier de l'agacement que cela pouvait provoquer, même chez ses plus proches amis. Il était désormais silencieux. Stiles bougeait, avant. Si son hyperactivité, qui se manifestait régulièrement par des mouvements saccadés et répétitifs, avait parfois le don d'énerver quiconque était assis à côté de lui, elle brillait par son absence. Il était désormais d'un calme inquiétant. Stiles était joyeux et sarcastique, avant. Il s'était affadi d'une manière telle qu'il n'avait plus rien de l'hyperactif agaçant qui animait chaque endroit dans lequel il allait. Il n'était désormais plus que l'ombre de lui-même. Stiles irradiait, avant. Son énergie solaire avait le don de galvaniser les troupes. Il était désormais en train de disparaître.
Et ça, tout le monde avait fini par le remarquer.
xxx
Stiles avait déjà connu mieux comme réveil. Déjà un bon moment qu'il avait quitté le royaume du sommeil et des songes, mais il n'avait toujours pas trouvé la foi de se lever. Il le fallait, pourtant. Des choses à faire, il en avait, et elles n'allaient pas se réaliser toutes seules comme par magie. Le monde surnaturel avait ses limites. Quoiqu'avec sa folie naissante, il pouvait bien avoir l'illusion de n'avoir plus rien à faire, tout comme cette fois où il avait vu Derek en se réveillant... Quelle belle hallucination. Regrettable toutefois, parce que se rendre compte qu'on commençait à perdre la tête n'était pas une expérience très agréable. A vrai dire, il pourrait carrément avouer que ça l'angoissait sans problème. Ne devrait-il pas aller faire un examen, un de ces jours ? On ne sait jamais, sa mère pouvait fort bien lui avoir laissé une démence fronto-temporale en guise d'héritage...
Se redresser valut à Stiles un bon essoufflement. Clairement, il se sentait faible et il était clair que reprendre des forces était indispensable, surtout s'il voulait être efficace. Il en fallait de l'énergie pour faire du ménage pour une meute de loups et enchaîner avec des heures de visites à son père à l'hôpital, sans trop dormir entre temps. Avec lui, les journées n'étaient jamais assez longues. Alors, puisqu'il était impossible de changer la durée du rythme jour-nuit, Stiles allongeait son temps debout. Jusqu'à maintenant, cela fonctionnait très bien. Tout avançait vite, au détriment de sa santé mentale. Oui, mais il avait à s'occuper d'une meute de canidés évolués tout en allant régulièrement voir son père, guettant la moindre variation dans son état. On lui avait dit que son pronostic était engagé mais qu'il n'était pas foncièrement bon, mais il continuait d'espérer. Il ne pouvait pas abandonner, se dire que son père pouvait le laisser tomber. Sa mère avait déjà sa place parmi les étoiles, il n'y en avait pas encore pour son géniteur. L'hyperactif était encore jeune et son deuil n'avait jamais été entièrement fait, il n'était pas prêt à perdre son dernier parent.
Quelques minutes plus tard, Stiles se retrouva plus ou moins en équilibre sur ses deux jambes tremblantes. Des frissons parcoururent l'intégralité de son corps, qui lui semblait glacé depuis qu'il était sorti du lit. Mais ce n'était pas grave, il pouvait lutter contre le froid, la fièvre. Ce n'était rien, il pouvait passer outre : il ne faisait que ça. Il encaissait tellement qu'il ne se souvenait plus avoir fait autre chose depuis que la meute avait été transformée.
Stiles fit quelques pas et chacun était incertain. Il pouvait tomber à tout moment malgré le repos qu'il avait pris. Il se sentait beaucoup trop faible, vraiment. Il lui fallait un truc à manger, une pomme suffirait sans doute. Tout était si flou dans sa tête que pour lui, cette pensée n'avait rien d'anormal, comme si un pauvre fruit pouvait suffire à rasséréner son corps. Il n'avait plus le sens des réalités, tout comme il avait oublié de prendre soin de lui depuis que cette histoire était venue chambouler sa vie. Arrivé à la sortie de la chambre qui était en train de devenir la sienne, Stiles s'arrêta un instant, essoufflé. Il n'était pas allé loin et pourtant, il était déjà mort. Plus le temps passait, plus le monde autour de lui tanguait. S'il ne se savait pas dans le manoir Hale, Stiles se serait cru dans une barque voguant péniblement au cœur de l'océan Atlantique. C'était tel qu'il commençait à avoir des nausées. Décidément, il n'avait rien pour lui : en plus de commencer à devenir fou, l'état physique de son corps commençait sérieusement à désirer. S'appuyant contre le mur le plus proche de lui, il ferma les yeux un instant avant de les rouvrir et de les poser sur l'escalier, à trois mètres de lui. Si proche et pourtant si loin, le descendre lui paraissait insurmontable, mais avait-il le choix ? Il fallait qu'il se ressaisisse : il était le seul humain ici, le seul à pouvoir faire quelque chose, personne ne pourrait l'aider. Stiles devait se débrouiller et c'était ce qu'il comptait faire. Quand même, le nombre de marches lui paraissait faramineux... Peut-être pouvait-il se passer de nourriture pour l'instant ? Stiles se força à faire quelques pas supplémentaires en direction des escaliers et prit appui sur la rambarde lorsqu'il l'atteignit finalement. Ses yeux fatigués lorgnèrent la première marche. Définitivement, cela ne serait pas une mince affaire... Le pire, c'était qu'il continuait de trembler et que son souffle erratique n'était pas vraiment discret, si bien qu'il apercevait déjà quelques petites boules de poils qui s'agglutinaient en bas de l'escalier. Qu'ils ne commencent pas à monter ou bien sa descente risquerait de s'avérer encore plus compliquée. Il n'arrivait même pas à distinguer correctement les pelages de chacun... Le brun, c'était Liam ou Scott ? Il ne savait plus et sentit un certain stress monter en lui... Ravalant difficilement la salive, il ferma les yeux un instant. Pas de questionnements inutiles. Objectif : descendre.
- N'y pense même pas.
Stiles sursauta et faillit perdre l'équilibre en entendant la voix de ses songes. Il rouvrit les yeux et son cœur tambourina fort dans sa poitrine lorsqu'il vit son illusion se faire un chemin parmi la meute. Un humain au milieu des loups, simplement vêtu... Mais il le reconnaissait, ce short ! Mon dieu, c'est encore pire que ce que je pensais, s'affola intérieurement l'hyperactif. Voilà maintenant qu'il imaginait Derek porter quelque chose lui appartenant. Il en perdait même le peu de souffle qu'il avait encore. L'angoisse le prit alors avec une violence telle que ses jambes refusèrent de le porter plus longtemps : Stiles s'assit péniblement sur la première marche. S'il pouvait éviter une nouvelle chute, histoire de ne pas aggraver sa folie... Vraiment, le fait de savoir qu'il perdait la tête en plus d'être si faible allait réellement le rendre dingue. Il était humain, n'avait aucune force, pas grand-chose à offrir et maintenant... Il devenait fou ? Ne pouvait-il pas être tranquille et vivre une vie normale ? Ils se prit la tête dans ses mains et ferma les yeux avec forces. C'était un cauchemar, il allait se réveiller, il n'était pas comme sa mère, n'allait pas finir comme elle, il...
Des mains chaudes se posèrent sur ses épaules et coupèrent sa réflexion toxique.
- Hé, calme-toi. Regarde-moi.
La voix de Derek était étrange, à la fois rugueuse et douce. Les mots « Derek » et « douceur » n'étaient pas censés aller ensemble, mais... Après tout, c'était une hallucination de sa part, non ? Elle s'adaptait donc à son imagination, à ses envies, à la manière dont il pouvait le voir, à... Tout de même, se coupa-t-il intérieurement, il sentait vachement bien cette chaleur sur ses épaules.
- Non, souffla Stiles.
- Stiles.
- Non, c'est non ! Entendre et parler à une putain d'hallucination c'est déjà trop alors non, je vais pas te regarder ! S'exclama-t-il d'une voix brisée.
Et cela l'essouffla. Il se sentait vraiment mal et pas seulement physiquement.
- Stiles, arrête, tu...
- Tu n'es pas réel, le coupa l'hyperactif, la voix cassée, tu n'es pas réel, tu n'es pas réel, tu n'es pas réel...
S'il arrivait à s'en convaincre, cette hallucination, bien que très réaliste, disparaîtrait. Forcément. Ou alors, elle perdrait au moins en puissance, en vraisemblance... Il n'entendrait plus aussi bien ces inflexions de surprise dans la voix de Derek, ne sentirait plus aussi bien cette chaleur fantôme, ces doigts qui... Ces doigts qu'il avait longtemps rêvé de sentir sur sa peau. Bordel, pourquoi était-ce lui, son illusion ? C'était un enfer. D'accord, il avait peut-être eu des sentiments pour le loup par le passé, mais... Quel enfer. La violence physique pouvait s'avérer destructrice, mais elle ne rivalisait pas avec la torture que lui imposait son esprit cassé. Sans sa santé mentale, il n'était plus rien, tout juste un corps qui fonctionnait à peine.
Les yeux toujours clos, il ne se rendait même pas compte qu'il pleurait, les mains plaquées sur ses oreilles pour ne pas entendre la voix de Derek, dont le visage était complètement défait.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top