Chapitre 21


Sur le retour, Derek n'avait rien dit. Le pauvre Isaac version loup dans les bras, il s'était contenté d'avancer tout en jetant de réguliers coups d'yeux à Stiles, à qui il n'avait pas adressé un mot. Jackson à leurs côtés, ils s'étaient dépêchés de rentrer, tout en faisant attention à l'hyperactif, dont le manque d'énergie était aussi cruel que flagrant. D'ailleurs Jackson sut, à la mâchoire crispée de Derek, que celui-ci aurait porté l'hyperactif si Isaac n'était pas blessé. L'ancien alpha surveillait chacun de ses pas, de ses regards, et cette démarche si irrégulière qu'elle lui faisait craindre le pire à chaque seconde. S'il était en colère ? Bien sûr. S'il avait peur ? Oui. Il était même terrifié et scrutait sans arrêt les alentours, comme Jackson. Par chance, ils ne croisèrent aucun chasseur sur le chemin et regagnèrent le manoir sans encombre.

Dès lors qu'ils passèrent la porte, l'ambiance changea. Derek s'empressa de déposer le pauvre Isaac sur la table basse du salon tandis qu'il aboyait malgré lui à Stiles d'appeler Deaton en urgence. Se tournant vers Jackson et Théo, il leur demanda rapidement de surveiller les alentours du manoir – sans aller trop loin précisa-t-il – et d'hurler s'ils apercevaient l'un des chasseurs. Techniquement, ils ne devraient pas s'aventurer dans cette direction, mais Derek préférait prendre ses précautions. Si de son côté, Stiles obéit malgré lui, ce fut sans se poser de questions quant à son hypothèse habituelle concernant Derek. L'urgence du jour s'appelait Isaac et Stiles ne ferait jamais rien qui puisse retarder ses soins.

Par chance, Deaton arriva rapidement et demanda aussi bien à Derek qu'à Stiles de le laisser s'occuper seul du jeune loup blessé. Si l'ancien alpha avait une balle logée dans l'épaule, son cas n'avait pas besoin d'une intervention aussi lourde que celle d'Isaac promettait de l'être. En fait, le vétérinaire fut obligé de prendre Lahey avec lui pour l'emmener au cabinet.

Alors bien vite, le manoir plongea dans une ambiance morne et silencieuse, aucun loup n'osait faire le moindre bruit. La raison à cela était plurielle. Même Théo et Jackson, qui sentaient les émotions de leurs congénères, se faisaient discret... Sans même savoir ce dont les autres avaient été témoins, sans même savoir ce que Stiles leur avait dit.

Stiles, qui ne faisait d'ailleurs pas le fier. Stiles, qui se tenait sur le seuil de l'entrée du manoir et regardait le véhicule du vétérinaire s'éloigner. Stiles, qui faisait au mieux pour ignorer cette fatigue habituelle qui écrasait tous ses membres.

- Rentre.

Si l'hyperactif tressaillit, il ne répondit rien et ne consentit à se retourner vers Derek que lorsque la voiture eut totalement disparu de son champ de vision. Ses yeux accrochèrent tout de suite le haut de Derek, et plus particulièrement son épaule. Une hallucination... Ça ne se blessait pas. Ça ne ressentait pas non plus la moindre douleur. Or, son Derek avait les traits crispés... Et pas juste à cause d'une forme de colère quelle qu'elle soit. Stiles savait déceler la douleur sur le visage d'autrui. Et cette plaie, qu'il devinait plus qu'il ne voyait réellement... Elle l'hypnotisait.

- Ton épaule, souffla-t-il.

Stiles voulait se persuader que l'inquiétude qui lui nouait les tripes n'avait pas de sens. Qu'avoir peur pour une hallucination, c'était stupide. Mais il y avait son instinct... Celui qui le sauvait de tout. Il hurlait. Il lui hurlait de faire quelque chose pour lui.

Derek baissa les yeux sur sa blessure. Pas longtemps, juste un instant. Son regard s'ancra à nouveau dans celui de Stiles.

- Ça va, j'ai juste à retirer la balle. Ça guérira tout seul.

Pas comme Isaac, dont la prise en charge avait dû être aussi rapide qu'urgente. A ce souvenir plutôt récent, Stiles pâlit. Son ami était entre de bonnes mains. Pas Derek. Pas son Derek.

- Alors qu'est-ce que tu attends ? S'entendit demander l'hyperactif d'une voix quelque peu étranglée.

Bouge, fais quelque chose... Mais Stiles ne savait même pas s'il cherchait à parler à Derek par la pensée ou bien par essayer de se convaincre lui-même de s'activer. Disons que la vue du sang le rendait toujours fébrile et qu'il n'était pas forcément... Le mieux placé pour s'occuper d'une quelconque blessure. C'était à peine s'il touchait aux siennes. N'avait-il pas négligé la morsure de Donovan ?

Mais voilà, Stiles ne bougeait pas et fixait Derek comme jamais il n'aurait osé le faire. Il y avait dans ses yeux quelque chose de fort, d'intense, d'hypnotisant. Contrairement à sa blessure, il n'y avait rien de morbide dans cette fascination inquiète qui le saisissait au corps, aux tripes. C'était très différent... Et Stiles savait très bien pourquoi.

- Je veux être sûr que tu rentres, avant. Que tu ailles te reposer.

La voix de Derek était plus grave que d'ordinaire... Un peu sèche aussi, peut-être. Stiles n'avait plus l'habitude de ce ton-là... Et ça lui faisait bizarre. En fait, il ne savait pas ce qu'il était censé faire... Ni comment réagir. Oui, il sentait ses jambes réellement fébriles et son cœur battre un peu trop vite, mais... Se reposer, vraiment ? L'idée lui paraissait indécente. Il secoua la tête, décidant soudainement de rester alerte et éveillé en attendant des nouvelles d'Isaac. Son corps était peut-être sur le point de lâcher, ce qui n'était pas le cas de sa tête – elle, c'était déjà fait. Stiles n'avait plus rien à perdre. Quant au fait de rentrer, il n'y avait pas de problème. Ainsi, il exécuta la première demande de Derek, qui le regarda avec étonnement rejoindre non pas la chambre ou le salon, pièce dans laquelle la plupart des loups avaient décidé de se rassembler, mais la cuisine. Le but de Stiles était clair : ne pas se réfugier dans un endroit où la tentation du sommeil pourrait le prendre. Retourner auprès de ses amis... Ça non plus. L'hyperactif ne se souvenait pas des mots qu'il avait utilisés avec exactitude, cependant... Il ne pouvait oublier le sens qu'il leur avait donné, ainsi que tout ce qu'il avait voulu provoquer ses eux, dans l'espoir qu'on le laisse partir à la recherche des trois loups manquants. Il savait qu'il avait été blessants et quelque peu injuste dans certains de ses propos. Qu'y pouvait-il, si on avait voulu l'empêcher de sortir ? Quel intérêt, d'ailleurs ? Stiles ne pensait pas à l'idée qu'on avait voulu le protéger, l'empêcher d'avoir à souffrir – de sa propre faiblesse notamment. Ni même lui éviter le moindre danger. Ils avaient juste... En fait, l'humain n'était pas sûr de vouloir connaître la réelle raison de leur acte groupé.

Dans le souci de reposer ses jambes, Stiles s'assit à table. En fait, c'est tout ce qu'il choisit de se permettre. Son corps hurlait pour continuer de prendre ce repos auquel il avait droit, mais l'esprit refusait de suivre. S'autoriser à dormir alors qu'Isaac allait peut-être... Ce serait d'une indécence folle. L'hyperactif était persuadé de ne pas pouvoir prétendre avoir peur pour lui s'il se laissait aller. A ses yeux, ce serait manquer de respect à son ami.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

Stiles releva un regard quelque peu fébrile en direction de Derek. Là, toujours là. A l'entrée de la pièce. Il dardait sur lui un regard sombre, tout aussi froid que son ton. Non, il n'était définitivement plus sec – un cran au-dessus. L'hyperactif choisit de se simplifier la vie en mettant ce détail de côté – et en continuant d'essayer de se convaincre qu'il avait toujours bel et bien affaire à une hallucination.

- Va retirer ta balle, lui demanda-t-il toutefois en détournant rapidement le regard.

La vue de sa blessure... Elle le mettait réellement mal à l'aise. A côté de cela, Stiles apprécierait beaucoup de se retrouver seul un moment. Puisqu'il ne pouvait pas sortir et se balader de peur de se prendre une balle perdue, autant rester là où l'on venait peu. Dans une pièce sans loup et... Sans son hallucination, qu'il espérait voir déguerpir au plus vite. Ces choses-là n'étaient pas censées s'évaporer ?

Etonnamment, Derek eut un comportement différent par rapport à d'habitude. Au lieu d'insister comme il l'y avait habitué, le loup sortit de la cuisine, le laissant définitivement seul. Stiles s'autorisa un soupir de soulagement. Il en avait vraiment besoin. Parce que ça n'allait pas... Il y avait tant de choses qui n'allaient pas. L'hyperactif se prit la tête dans les mains... Avant de trouver la texture de sa propre peau étrange. Lorsqu'il porta ses paumes à sa vue, il comprit et laissa un nouveau soupir – tremblant, celui-ci – passer la barrière de ses lèvres. Ses mains, elles étaient recouvertes par le sang d'Isaac. Plus ou moins sec par endroits. Stiles cligna des yeux, plusieurs fois. Les images l'assaillirent malgré lui. Et alors qu'il se savait dans la cuisine et seul, il eut l'impression de sentir Isaac, encore. De percevoir sa chaleur, sa respiration hachée. De sentir son sang chaud s'écoulant sur la peau fine de ses mains. Le souffle de Stiles se coupa un instant et un vent de panique le saisit brusquement. Trop brusquement. D'un coup d'un seul, il se leva. Un peu vite, peut-être. Le vertige qui venait de s'emparer de lui était violent... Si fort qu'il perdit l'équilibre.

La chute ne lui occasionna aucune douleur, tout simplement parce qu'elle n'eut pas lieu. Stiles, prisonnier de la tétanie née d'un choc latent, ne se rendit pas compte que les bras de Derek l'entouraient, tout comme il ne sut pas qu'avant de se lever... Il avait passé de longues minutes à fixer ses mains ensanglantées, incapable de se sortir lui-même de ce qui n'était alors qu'un début de crise.

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