Chapitre 19
De sa vie, Stiles n'avait sans doute jamais vu ses amis se coller autant contre lui. S'ils avaient tendance à se montrer de plus en plus affectueux sous leur forme lupine ces derniers temps, l'hyperactif ne comprenait pas vraiment ce qui leur prenait. Enfin dans un sens, si. Ils avaient peur. Les coups de feu ? Ils les avaient fort bien entendus. Sa conversation à sens unique avec son Derek ? Également. Il les savait donc inquiets et se disait qu'ils cherchaient donc à être assurés et réconfortés. Alors, c'est ce qu'il s'appliqua à faire même si l'envie de sortir du manoir pour aller chercher les trois loups manquants le tiraillait.
Stiles n'avait, en soi, pas complètement tort dans son analyse. Les loups avaient peur. Mais pas seulement pour eux.
Pour lui aussi.
Parce que Stiles ne se rendait ni compte de la tête qu'il tirait, ni de l'odeur qu'il dégageait. Les risques qu'il avait été prêt à prendre, on les avait aussi bien vus qu'entendus... Et ça faisait froid dans le dos. Comment un humain pouvait-il se comporter ainsi ? Agir comme s'il était invincible alors que le fil qui tenait sa vie était si fragile ? Et puis il y avait son état, qu'on ne négligeait pas. Qu'on ne négligeait plus. Si l'adrénaline lui donnait l'impression d'être en forme, l'hyperactif était en réalité toujours épuisé. Ça allait mieux, il pouvait marcher, mais... Il lui faudrait du temps avant de recouvrer ses forces. Forcément, on se tenait sur le qui-vive, prêt à agir en cas de mouvement suspect de sa part. On essaierait de le retenir, parce qu'il n'avait pas à se mettre en danger – il l'avait déjà beaucoup fait par le passé. Trop, au final. Alors, on exagéra un peu, on montra davantage sa peur... Juste pour garder son attention vacillante. Et ça marchait... Péniblement. Stiles restait et tentait autant que possible de rassurer chacun des loups, mais... On sentait qu'il trépignait, qu'il se retenait de partir à la recherche de ses trois amis manquants. Et avec ce qu'on avait appris le concernant, on désirait ardemment faire attention à lui et surtout, à l'empêcher de faire une bêtise. Puis Derek était là, même si Stiles n'y croyait pas : l'ancien alpha leur ramènerait les absents et se calfeutrerait avec eux, ici. En sécurité. Toutefois, aucun des loups n'oubliaient le hurlement de douleur que l'un des leurs avait poussé. Nul doute qu'il avait été blessé d'une quelconque manière. Et même s'il était apeuré, Liam eut une idée... Qu'il n'eut toutefois pas le loisir d'exécuter, car Stiles venait de passer un bras autour de lui et même si le louveteau pouvait aisément se détacher de cette étreinte aussi faible que légère, il ne le fit pas.
- Reste ici, Liam, lui ordonna doucement Stiles en caressant son poil doux. Personne ne bouge d'ici.
Sa voix tremblait, un peu, tandis que son regard était se faisait aussi sérieux que fuyant. Il avait peur, lui aussi et ne savait pas s'il agissait correctement... Encore moins s'il avait bien fait d'écouter son hallucination.
De son côté, Liam faillit être heureux, tout comme le reste des loups présents dans la pièce : si Stiles ne s'était pas trompé sur son identité, c'était sans doute bon signe... Le fait qu'il l'air reconnu voulait peut-être dire qu'il commençait doucement à aller mieux. On pensa aussi à un simple coup de chance, et on espéra que cela n'était pas le cas. Apeuré par la situation, Liam remit son idée à plus tard et alla instinctivement se blottir contre l'humain... Tout en restant vif, au cas-où. Comme les autres, il étendait son ouïe à son maximum et essayer de capter le moindre bruit qui pourrait l'informer de la situation autour du manoir. Plus loin, ce n'était pas possible, Liam n'en avait pas les capacités et il était prêt à parier que pour une fois, Scott non plus. Il se rendit alors compte qu'il ne servait à rien et que ce constat s'appliquait à tous les loups présents. Tout ce qu'ils pouvaient faire, c'était protéger Stiles en cas d'intrusion. Et maintenant qu'on était au courant de la manière dont il se sentait réellement au sein de la meute, on comptait bien lui prouver qu'on l'appréciait, qu'on se souciait de lui.
De cette manière, chacun des loups était prêt à le retenir s'il lui venait la merveilleuse idée de partir sur les traces de Derek.
Mais Stiles se montra coopératif. Tout ce qu'il fit fut de marcher jusqu'à la fenêtre et regarder au moins, dans l'espoir vain d'apercevoir quelque chose. Il tourna en rond, se rongea les ongles. Se retourna vers la porte. Eut l'air d'hésiter, se ravisa finalement.
- Stupide hallucination de merde, soupira-t-il, désespéré, en se prenant la tête dans les mains.
Il retourna bien vite s'assoir en maugréant tout un tas de noms d'oiseau à l'encontre de l'ancien alpha. Ses jambes tremblaient, et le peu de mouvements qu'il avait eus lui faisaient comprendre à quel point il était faible. Toujours faible. Et pourtant, il savait que ce n'était pas vraiment cela qui l'empêchait de sortir du manoir.
Non, c'était encore et toujours cette fichue hallucination. Dont il doutait à nouveau. Un peu. Un tout petit peu. Disons qu'elle avait su se montrer convaincante et... Stiles avait eu, l'espace d'un instant, l'impression de réellement faire face à Derek. Oui, mais et s'il avait eu tort ? S'il s'était trompé ? Si son esprit était encore en train de lui jouer un tout ? Et si son absence d'action concrète pour retrouver ses amis était en train de causer leur perte ? Un sentiment de panique profond accabla l'hyperactif, qui se laissa aller contre le mur et ramena ses jambes vers lui avant de les entourer de ses bras sans se soucier de la manière dont on pouvait le voir en cet instant. De toute manière, il n'était plus à ça près de ce côté-là... Bordel, avait-il fait le bon choix en acceptant d'obéir à une hypothétique création de son cerveau ravagé ?
Comme si une entité divine désirait amplifier sciemment ses angoisses, un nouveau coup de feu retentit brusquement, brisant complètement le silence ambiant. Puis il y en eut un second. Un troisième.
Stiles sursauta. Sentit quelque chose se briser en lui. Les yeux écarquillés, l'expression figée dans l'horreur, il réalisa qu'il n'était qu'un idiot. Laissa le bruit des détonations retentir et résonner jusqu'aux tréfonds de son être. Car il y en eut d'autres. Stiles ne les compta pas.
Et elles cessèrent tout aussi soudainement qu'elles avaient commencé.
Dans sa poitrine, son cœur battait à tout rompre. Paralysé par le choc, Stiles mit du temps à reprendre ses esprits. Il se leva alors soudainement sans faire attention au vertige qui le prenait et se précipita vers la porte. Aussitôt, certains loups lui barrèrent la route. Stiles essaya d'en pousser quelques-uns,, mais il en venait toujours d'autres. D'autant plus qu'on essayait de le retenir en usant de ses crocs. Malia, qui s'en voulait toujours, les avait par exemple plantés dans son pantalon juste pour l'empêcher de partir. Elle ne touchait pas sa peau, faisait attention à ne pas lui faire de mal. Et d'autres faisaient la même chose. Stiles leur demanda, même s'il ne comprenait pas ce qui leur prenait, de le laisser partir. Il leur dit que c'était urgent, qu'il reviendrait vite – avec les trois loups manquants. Il ajouta qu'il allait trouver une arme, qu'il ne partirait pas sans rien. Il restait d'avis que la famille Hale avait forcément de l'artillerie quelque part. Aux Etats-Unis, la possession d'une arme était quasiment de l'ordre de l'automatisme. Il y en avait dans la presque intégralité des foyers alors non, Stiles ne pouvait pas croire que la famille Hale n'avait pas ne serait-ce qu'un pistolet quelque part. Bon, il ne savait pas réellement s'en servir, mais il avait eu beaucoup d'occasions de voir son père et ses collègues à l'œuvre. Stiles avait un sens de l'observation aussi bon que sa mémoire. Techniquement, il devrait savoir agir.
Mais on continuait de l'empêcher de sortir de la pièce avec une agitation folle et ce fut tel qu'il finit carrément par tomber. Une aubaine pour les loups et la coyote qui, s'ils ne souhaitaient pas sa chute, y voyaient là la chance de l'empêcher définitivement de sortir. A plusieurs, ils réussir à le maintenir au sol, faisant fi des noms d'oiseau instinctif que poussait Stiles. A vrai dire, il ne voyait aucun problème à partir à la recherche des trois loups, c'était même l'inverse. Il ne comprenait pas pourquoi on l'empêchait d'aider. D'ordinaire, on ne laissait faire. Il s'était toujours mis en danger de son propre chef sans que quiconque en ait quelque chose à faire et ne voyait pas pourquoi les choses changeraient. Alors, il se débattait, donnait un coup par-ci par-là. Mais c'était faible, trop faible face à la force et au poids des animaux qui l'entravaient. Si Stiles était dans son état normal et dans une forme optimale, sans doute aurait-il réussi à s'extirper de cette prison poilue. Alors, il usa de sa seule arme véritable, celle qu'il avait toujours avec lui.
Sa parole.
S'il ne parvenait pas à repousser les loups qui le maintenaient au sol avec la force ridicule de son corps, il pouvait les décourager, quitte à se mettre en danger d'une autre manière. S'il pensait de cette façon, avec lucidité, les choses pourraient relativement bien se passer.
Mais Stiles parlait tout en cédant à la panique. Alors, ses mots sonnaient plus durs qu'ils ne l'étaient réellement, d'autant plus qu'il laissait éclater des vérités longuement enfouies. Ses mots claquaient dans ce qui s'était transformé en un silence de plomb. Les bêtes poilues se figèrent. Scott eut la stupidité de laisser l'amertume glaçante de Stiles l'atteindre et relâcha son emprise sur sa jambe gauche tandis que Malia appuyait moins sur la droite. Les autres étaient figés de stupeur et sans le savoir, laissaient graduellement à Stiles l'espace nécessaire pour qu'il agisse. De son côté, l'hyperactif n'était plus vraiment conscient de ce qu'il disait. Il déversait simplement tout ce qui le rongeait sur cette meute qu'il aimait tant, sans se rendre compte d'à quel point il leur faisait mal. C'était délibéré, sans être réellement conscient. Parce que dans le même temps, Stiles pleurait. Parce qu'il était terrifié à l'idée de savoir Isaac blessé et de ne pas pouvoir agir. Il était seul, dehors, avec Théo et Jackson. Il avait besoin de les voir. Besoin d'aller les chercher. Il ne fallait pas qu'il compte sur Derek pour les lui ramener. Ce Derek-là n'existait pas. Il n'avait jamais vécu autre part que dans sa tête.
Alors, il acheva ses amis présents en leur faisant injustement porter la responsabilité de ce qui pourrait éventuellement se passer si on le gardait ici. En fait, toutes les choses que Stiles eut le stupide courage de sortir étaient horribles. Injustes. Et pourtant réelles, dans un sens. Bien sûr, l'hyperactif s'en voudrait plus tard et souhaiterait plus que tout revenir en arrière pour tout effacer. Mais pour l'instant, il ne s'en souciait pas le moins du monde. Tant pis s'il devait bousiller le peu d'amitié qu'il avait encore avec eux. Une vie, potentiellement trois, valaient plus que cela. C'était son truc à lui : tout gâcher pour aider.
Ainsi, il saisit la chance qui lui était offerte sur un plateau d'argent et profita du choc de chacun des loups pour les pousser sans trop de difficultés et sortir de la pièce en courant. Stiles se précipita, ne chercha pas d'armes à feu comme il l'avait annoncé. Il s'empara simplement du couteau de cuisine le plus gros qu'il trouva. Quelques secondes plus tard, il courait hors du manoir. La terreur et le chagrin lui donnèrent des ailes, lui conférant une adrénaline incroyable. Il courait vite malgré sa faiblesse mais savait pertinemment qu'il finirait par s'effondrer. Stiles se convainquit de tenir jusqu'à ce qu'il ait retrouvé les trois absents. En vie. Qu'importe que les chasseurs chassent du simple gibier et aient profité de voir des loups pour s'enticher de leur fourrure ou qu'ils soient là pour assassiner des êtres surnaturels. Stiles se savait capable de les distraire, quitte à faire barrage de son corps pour permettre à Isaac, Jackson et Théo de regagner le chemin du manoir.
Alors les mots, tout ça, ça n'aurait pas d'importance tant qu'il ne les aurait pas retrouvés. Il avait fait l'erreur d'attendre après une hallucination. Au final, il avait perdu un temps monstre. Et c'est rongé par l'angoisse, le cœur battant, qu'il s'enfonça vivement dans la forêt alors qu'il savait son corps prêt à le lâcher à tout moment.
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