Chapitre 13
Stiles gardait le silence depuis une bonne heure. Isaac n'avait pas quitté leur chevet, à Derek et à lui. En fait, il serait plus juste de dire... Qu'ils étaient toujours là, car Jackson s'était joint à eux quelques minutes après l'arrivée du premier loup. Autant dire que l'hyperactif ne comprenait rien à rien parce que le kanima s'était installé seulement après que Derek lui ait donné, à son tour, l'autorisation de venir avec eux.
C'était ça qui coinçait et qui le perturbait au plus haut point. Pour tout dire, il n'en avait pas dormi alors que la fatigue continuait de l'alourdir. Il était toujours là, la tête contre le torse de Derek, sa main se baladant sur la fourrure d'Isaac, allongé à moitié sur ses jambes. Jackson, plus dans la retenue, était en boule à ses pieds, tel un petit chat.
Rien dans cette scène n'avait de sens.
En partant de la base... La meute ne s'était jamais intéressée à lui et n'avait justement jamais cherché à le soutenir d'aucune manière. Il avait sa part de responsabilité là-dedans : à force, il avait appris à se protéger et à ne plus montrer ce qu'il ressentait en leur présence, mais il était vrai... Que l'on n'avait jamais cherché à voir plus loin. Après tout, c'était juste Stiles, l'humain à qui on reléguait toutes les recherches, à qui on laissait faire les plans parce que... C'était tout ce qu'il savait et qu'il pouvait faire. Pour le reste... On s'en passait aisément. Ah et puis comment il se sentait... Pourquoi lui poser la question ? Il se devait d'aller bien, il n'avait pas le choix.
Alors forcément, avoir deux loups contre lui et une hallucination imitant Derek à la perfection... Enfin. Il commençait à avoir quelques doutes. Parce qu'il les sentait bien, ces muscles. Et cette odeur, aussi. Sans être un loup, elle lui parvenait plutôt facilement et... Il l'appréciait un peu plus que de raison. Tout comme la personne à qui elle appartenait. Stiles pesta intérieurement. Il était stupide. Ridicule. Idiot. Parce qu'il se blottissait malgré lui contre cette présence fantomatique qui lui faisait du bien. L'air de rien, il en avait besoin, et recommencer à vivre lorsqu'elle disparaîtrait serait une tache des plus ardues. Que Derek soit réel ou pas, il s'en irait.
- A quoi tu penses ?
Et voilà qu'il recommençait. Malgré l'envie de répondre qui le taraudait, Stiles garda la bouche close. Au cas-où, il préférait ne pas répondre devant ses amis les loups, qui avaient tous deux relevé la tête comme s'ils avaient entendu Derek parler. L'hyperactif s'efforça de penser au fait que c'était complètement stupide. Stupide et impossible. Il était le seul à pouvoir entendre une hallucination... Sauf si elle n'avait d'hallucination que le nom qu'il lui donnait. Ce qui lui mit à nouveau le doute. Mais les caresses sur sa joue lui paraissaient si réelles...
- Si je finis à nouveau à Eichen House, ce sera de ta faute, souffla-t-il finalement.
Il était fatigué de faire attention et puis de toute façon, au final... Ne lui parlait-il pas depuis plusieurs jours ? Avec leur ouïe, les loups et la coyote avaient déjà dû l'entendre. Et le juger. Donc oui, il voulait se taire, éviter de se ridiculiser davantage, et pourtant... Au final, c'était vain, car déjà fait. Il se pelotonna contre ce torse qui lui manquerait beaucoup une fois parti. Il entendit un soupir et ferma les yeux. Derek, en plus d'être une hallucination, était un fantasme vivant, l'homme qu'il avait toujours voulu avoir à ses côtés. Au moins, la folie avait cela d'agréable qu'elle lui accordait ce qu'il ne pouvait que rêver.
Un Derek adorable. Un Derek qui prenait soin de lui. Un Derek qui, surtout, faisait attention à lui. Un Derek doux.
Exactement le Derek qui n'existait pas. Stiles était idiot et il le savait : idéaliser l'ancien alpha était une bêtise folle, mais que pouvait-il y faire ? Il était amoureux, simplement amoureux. Toutefois, il restait lucide là-dessus. Il l'idéalisait, oui, mais en était conscient et savait où s'arrêtait le fantasme.
Les caresses sur sa joue s'arrêtèrent un instant, avant de reprendre comme si de rien n'était.
- Je t'ai toujours trouvé très intelligent mais parfois, ta connerie prend le dessus et tu deviens incapable d'être lucide.
- Sympa, maugréa-t-il.
- Je suis honnête, Stiles. Tu te mens à toi-même.
La voix de Derek s'était durcie tant il était agacé. Entendre l'hyperactif répéter les mêmes choses, notamment qu'il était fou et allait finir à Eichen House... C'était fatigant. Mais surtout, cela lui faisait mal. Voir Stiles s'enfermer à ce point dans le déni était difficile, d'autant plus qu'à côté, il ne prenait pas le moins du monde soin de lui. Pour preuve, il ne mangeait pas si le loup ne le forçait pas à sortir du lit.
- Je ne me mens pas à moi-même, je me protège, rétorqua Stiles en élevant un peu la voix.
Il avait totalement oublié la présence des deux boules de poil sur le lit, avec lui. La présence de son hallucination avait des propriétés impressionnantes. Dans un sens, il ne voyait que Derek.
- Si tu es faux et que je pars à Eichen House, ça va être dur, mais... Si tu es réel, tu vas t'en aller. Je ne sais pas ce que je pourrais le plus supporter entre les deux.
En cet instant, il était d'une lucidité impressionnante et mettait pour la première fois les mots sur son doute sans réellement le dire clairement. Il émettait l'hypothèse, et c'était déjà beaucoup pour Derek, qui y voyait là un progrès énorme. Toutefois, il ne dit rien. Tenter de convaincre Stiles au début n'avait pas marché et c'était partiellement pour cette raison qu'il avait arrêter d'essayer de lui prouver quelque chose qu'il n'était pas prêt à accepter. Si cela l'arrangeait de penser qu'il était une illusion... Soit. Toutefois, s'il commençait à envisager que sa présence puisse avoir un fond de réalité... Là, c'était intéressant. Néanmoins, ce n'est pas cette information qu'il choisit de saisir.
- Pourquoi je m'en irais ? Demanda-t-il plutôt.
- Tu es Derek Hale, lâcha l'hyperactif.
Pour lui, cette réponse avait l'air suffisante. Mais pas pour Derek, qui commençait d'ailleurs sérieusement à s'accoutumer à sentir ce corps contre lui.
- Et ?
Stiles ne répondit pas. Il ne s'était pas endormi. S'il somnolait, c'était à peine. Non, il ne voulait juste pas répondre. Pour lui, ce qu'il avait dit résumait toute sa pensée et si sa potentielle hallucination ne comprenait pas, tant pis. Derek était quelqu'un de solitaire : il faisait partie d'une meute, mais aimait bénéficier de sa tranquillité. Pourquoi s'embarrasserait-il d'un hyperactif inutile juste sous prétexte qu'il n'allait pas réellement bien ? Il allait partir, aussi simplement que cela, si tant est qu'il était réel. Du reste... Il n'avait aucune preuve.
Et puis, il finit réellement par s'endormir sous les caresses de Derek, qui ne chercha pas à approfondir le sujet. Plus tard, sans doute.
Une chose était sûre, Stiles en avait carrément oublié la présence d'Isaac et Jackson dont la douleur mentale était plus forte que jamais. Entendre de loin était une chose. Être des témoins directs de ce mal-être en était une autre.
xxx
Les jours passaient et le doute grandissait. Stiles n'était jamais seul, hormis les moments où il allait aux toilettes et lorsqu'il allait se laver sommairement. Il arrivait parfois à marcher seul, sans l'aide de son hallucination, mais pas toujours. Et lorsqu'il se retrouvait dans l'incapacité d'aligner deux pas, un bras fort passait autour de lui, la main titanesque se cramponnait à sa taille et la silhouette un peu trop réelle avançait doucement, au rythme de l'humain. Il était là le couac. Comment Stiles réussissait à s'appuyer contre quelque chose d'irréel ? Soit il était sacrément atteint, soit il se trompait sur toute la ligne. Malheureusement pour sa santé mentale, il commençait réellement à se dire que la possibilité que Derek soit réel... Gagnait doucement en crédibilité. Et ce n'était pas bon. Il était bien plus simple pour lui de lâcher la bride lorsque personne ne le voyait, qu'il n'avait pas de témoin direct de sa faiblesse. Or, si Derek était bel et bien là... C'était sacrément embêtant et la honte que ressentirait Stiles serait assurément inimaginable. A l'heure actuelle, il faisait de son mieux pour ne pas en être submergé, même si c'était difficile.
Stiles avança. Il était prêt à essayer de descendre ces foutus escaliers sans aide. Marcher, c'était une chose, mais descendre des escaliers était une tout autre histoire. En général, il n'osait pas s'en approcher sans le fantôme de Derek, mais aujourd'hui... Il fallait bien qu'il finisse par avancer, non ? Il ne pouvait pas laisser sa santé mentale dépendre de... D'une chose. Identifier Derek comme une hallucination de sa part commençait à sonner faux et le caractériser par un éventuel côté réel le terrifiait. Ses doigts démesurément resserrés sur la rambarde blanchirent à outrance. Il était prêt à essayer, oui, mais il avait peur. Ses jambes ne le tenaient pas toujours et il était possible qu'elles lui fassent défaut au moment où il avait le plus besoin d'elles. L'hyperactif regarda en bas. Cela lui paraissait si loin et si près à la fois ! Si l'étage n'était objectivement pas très haut, il avait tout de même le vertige tant l'exercice lui paraissait aussi indispensable que difficile. C'était sans doute surmontable, mais il aurait bien du mal. Paralysé par la peur de ne pas arriver à descendre ces escaliers correctement, l'adolescent resta planté là, les doigts serrés autour de la rambarde, à regarder le sol.
- Allez, t'es pas débile, tu peux y arriver, souffla-t-il pour s'encourager.
Il était le seul à pouvoir réellement s'aider, alors pourquoi pas le faire dès à présent ? Il était son propre allié, à condition de coopérer et de faire attention à son état, sa forme, son bien-être. Pour l'instant, il était surtout toxique envers lui-même. Un poison. Il fit un pas, se rapprocha du bord de la première marche. Il vit un loup accourir en couinant, puis commencer à monter les marches. Stiles plissa les yeux. De quelle couleur était le pelage d'Isaac, déjà ? Ou peut-être était-ce Liam... Il ne s'en souvenait plus et soupira de dépit. Il allait réellement falloir qu'il « révise » l'apparence de ses amis... Qu'il se remette à la page, qu'il reprenne toute son activité au manoir et qu'il arrête de glander comme un flemmard. En premier lieu, il devait déjà s'occuper de descendre ces escaliers sans se casser la figure. Commencer par là serait déjà pas mal.
Mais il restait figé. Ses jambes tremblaient déjà. Pas beaucoup, mais assez pour lui faire comprendre que s'il était stable pour l'instant, cela risquait de ne pas durer, surtout s'il essayait de descendre ces fichues marches.
Stiles hoqueta alors qu'un bras s'enroulait autour de lui, qu'une main se posait à plat au niveau de son ventre et l'éloignait de son défi composé de marches.
- M-mais non, mais... Ne put-il que balbutier.
C'est à ce moment précis que son dos rencontra la chaleur du torse de Derek, dont le souffle arrivait de manière involontaire à son oreille.
- Espèce d'idiot, dit-il simplement.
Stiles s'insurgea, mais le loup n'en eut cure et ne le laissa pas se dégager de cette semi-étreinte, qu'il ne serrait qu'à peine. L'hyperactif n'avait juste pas assez de forces pour se dégager. Et puis dans le fond, en avait-il réellement envie ? Il faisait chaud, contre ce corps, et cette main posée sur son ventre semblait lui faire mille et une promesses. Une proximité rassurante, un rêve, un fantasme vivant, un plaisir.
- Tu me fais chier... Râla-t-il faiblement.
Parce que ces mots n'étaient qu'à moitié pensés. Il n'aimait pas cette manière qu'avait cette sorte de Derek de l'obliger à se reposer et à prendre le temps de manger, mais... Merde, c'était rassurant d'avoir quelqu'un à qui parler, même s'il était de moins en moins certain du caractère hallucinatoire de la chose. Ce qui était encore plus agréable, c'était le contact. Il ne savait pas trop pourquoi ni comment, mais Derek le collait sans arrêt contre lui et que cela soit réel ou pas, il le sentait dans tous les cas. Si ça continuait, Stiles allait finir par être capable de sculpter les muscles du loup avec une précision stupéfiante. Sa mémoire était excellente – lorsqu'il était en forme.
- Tu es conscient que je sais quand tu mens ? Entendit-il.
Stiles ferma les yeux. Il n'eut pas envie de répondre. En tout cas, s'il s'agissait réellement de son imagination qui lui jouait des tours, la représentation qu'il faisait de Derek était fort fidèle, si l'on exceptait son comportement tendant vers une proximité surprenante. C'était ce paradoxe-là qui le faisait réellement tiquer. Derek était atrocement réel mais son attitude était complètement improbable, ce qui favorisait l'expression d'un fantasme de son cru sous la forme d'une hallucination. Stiles rouvrit doucement les yeux et soupira.
- Si tu veux descendre, tu dois prendre ton temps. On va y aller doucement, à ton rythme.
Pourquoi la voix de Derek lui paraissait-elle si douce ? Pourquoi il désira se l'imaginer, le matin, au réveil, après un moment intime ? Parce qu'il était taré et qu'il avait toujours eu un faible pour ce loup mal luné. Non, c'était bien plus que ça : il s'en était amouraché.
- Je voulais y arriver seul, soupira-t-il, abattu.
- T'en es pas encore capable.
La franchise à la Derek Hale, cette vérité dans sa forme la plus pure. Qu'importe ce que l'on voulait entendre, il restait honnête. Stiles soupira. Il en était conscient. Oui, il savait qu'il en était incapable, dans le fond. Pas parce qu'il était nul, simplement parce que son corps n'avait pas encore assez récupéré. Le jeune homme s'était littéralement épuisé à la tâche, négligé au point de s'évanouir à plusieurs reprises. Oui, à bien y réfléchir, il avait déconné. C'était uniquement de sa faute s'il se retrouvait dans cette situation. Mais il y avait pire : dans un sens, il s'était habitué à se traiter de cette manière, d'autant plus que cet oubli de soi avait débuté par un effacement de la part des autres, cette indifférence à sa personne qui avait manqué de le faire partir.
- Mais je peux t'aider. Tu peux le descendre cet escalier, avec moi.
Un frisson parcourut l'intégralité de l'adolescent, comme si cette dernière phrase comportait un double-sens. Mais ce n'était pas le cas, n'est-ce pas ?
Sur ces paroles prononcées avec une certaine profondeur, Derek fit glisser l'une de ses mains jusqu'à celle de Stiles, qu'il serra doucement. Presque instinctivement, il entrelaça leurs doigts, sous les yeux effarés de l'hyperactif. Vraiment, il allait falloir qu'il se mette d'accord avec lui-même sur ce qu'était Derek. Hallucination ou non, il le perturbait grandement et faisait battre son cœur différemment. Il baissa à nouveau les yeux vers leurs mains, et hocha doucement, presque timidement la tête.
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