Chapitre 12

Les paupières s'ouvrirent doucement sur deux yeux à l'heure actuelle plus ambrés que chocolatés, avant de se refermer rapidement. En ce moment, les réveils de Stiles étaient une succession de lumière et d'ombre. Cette fois-là n'y fit pas exception. Les caresses qu'il sentait dans ses cheveux ne l'aidaient pas à précipiter sa sortie du lit et avant même que la pensée fuse dans son esprit, il avait maugréé quelque chose comme « 'tain, pousse-moi à m'lever ». Mais il avait tant parlé dans sa barbe inexistante et si peu articulé que Derek faillit ne pas comprendre ce qu'il avait dit. Comme toujours, le loup ne dit rien et se contenta de continuer ses caresses douces et lentes qui, il le savait, n'étaient plus vraiment instinctives. Plus qu'une habitude, c'était devenu un besoin. Comment dire... Stiles avait longtemps manqué d'attention et d'affection et il voyait l'étendue des dégâts de cette privation, aujourd'hui. La discussion surréaliste qu'il avait eue avec l'hyperactif quelques heures plus tôt n'avait fait que renforcer ce fait. En fait, plus qu'inconscient, le jeune homme lui était tout d'un coup apparu comme... Abîmé. Oui, profondément abîmé. Et quand il songeait à ses paroles, son aveu... Merde, Stiles avait failli partir. Il avait failli disparaître de leur vie à tous, sans prévenir. Il avait préparé ses affaires et ce qui l'avait retenu... C'était elle. La meute. Il était resté par altruisme, parce qu'il était le seul à être capable et à avoir le temps de les aider. Il aurait pu, mais il n'avait cherché personne pour le remplacer. Et il avait fait ce qu'il considérait comme un devoir, qu'il avait un peu trop bien rempli. A force, c'était devenu un cercle, une spirale infernale dans laquelle l'hyperactif était bien conscient de n'être qu'un outil. On lui demandait de l'attention, on avait besoin de nourriture, de se divertir, on vivait dans un lieu sans arrêt ordonné et propre. Et tout ça sans lui montrer la moindre once de reconnaissance. Depuis que Derek était redevenu humain, il avait mis un frein sur tout ça – la nourriture mis à part. Pas qu'il cherche à les punir, simplement... Stiles avait besoin de plus de soin et d'attention qu'eux. Puis dans un sens, ils finiraient par comprendre qu'ils avaient merdé, tous, lui compris. De toute manière, viendrait un moment où il leur parlerait. Mais pas tout de suite.

Disons que sentir Stiles contre lui le rassurait. Oui, rester avec lui devenait un véritable besoin, ne serait-ce que pour s'assurer personnellement qu'il ne fasse pas de connerie. Alors, Derek préférait rester à son côté que descendre et mettre la situation au clair, chose qui pouvait clairement attendre. La guérison de son protégé, elle souffrait d'avoir déjà trop attendu, sans espoir de réussite. Et maintenant qu'il était là, qu'il gérait les choses à sa place et faisait en sorte que Stiles se repose, voilà que la guérison, ayant appris la leçon se faisait désirer. Elle s'écoulait doucement, si bien que Derek dut faire preuve d'une patience exemplaire et tant mieux, parce qu'il n'en manquait pas. Si Stiles devait passer ses journées à alterner entre le lit, les toilettes et la cuisine avant de recommencer ce cercle plus ou moins vicieux, soit. Derek l'accompagnait tout autant qu'il faisait le nécessaire pour le bien-être des loups, même s'il passait bien plus de temps avec l'un qu'avec les autres, à raison d'ailleurs. L'un avait besoin de soins et d'affection tandis que les membres de la meute étaient, par leur nature animale actuelle, bien plus indépendants. Il leur fallait juste à manger et que l'endroit dans lequel ils se trouvaient reste vivable. Même si c'était parce qu'il voulait faire au mieux, Stiles les avait mal habitués. Avec Derek, ils avaient d'ores et déjà commencé à apprendre que tout ne leur était pas dû et qu'ils se devaient de respecter ce qu'on leur accordait et qui n'entravait en rien leur liberté.

Contre Derek, Stiles soupira. Réveillé, un peu plus qu'il ne l'était plus tôt, il eut du mal à bouger. Encore une fois, le confort l'appelait, le rendait fainéant. S'il était conscient de cela, il n'eut toutefois pas la force d'essayer de faire valoir sa volonté à ce corps qui le trahissait en restant mollement allongé dans ce cocon de chaleur. Cet abandon était le résultat de semaines d'épuisement. Stiles s'était littéralement dévoué corps et âme pour ces amis qui ne tenaient pas réellement à lui, mais qui seraient dans son cœur à jamais. Lui-même n'en revenait pas de ce qu'il était capable de faire pour eux. Il les aimait, c'était indéniable et n'arrivait pas à s'imaginer autrement. Il avait envisagé de partir, oui, avait été à deux doigts de le faire, effectivement, mais jamais il n'aurait définitivement coupé le contact avec eux. C'était stupide. Stiles était stupide. Il aurait accepté n'importe quoi qui pourrait les aider, y compris faire leurs maudites recherches, à distance, depuis un autre état sans doute. Parce que... Eh bien, cela lui paraissait normal. Puis, il se serait régulièrement enquis de leurs nouvelles se serait tenu informé des actualités de cette meute dont il avait le sentiment de n'avoir jamais réellement fait partie. De manière générale, il était humain, rien qu'humain. Par définition, une meute était un rassemblement d'êtres de la même espèce. Lydia était une banshee, Malia, une coyote, mais le fait était que chacun des membres avait quelque chose en commun : des capacités surnaturelles. Ils brillaient de par leur nature fantastique et lui... Se trouvait dans leur ombre. Qu'avait-il de spécial ? Rien. Rien, à part cette hyperactivité qui lui collait à la peau et que son traitement n'arrivait même pas à camoufler. Parfois, Stiles se demandait ce qu'il avait fait de mal pour mériter sa différence qui, il le savait, n'était ni appréciable, ni appréciée. Si lui avait bien été obligé de l'accepter puisqu'il s'agissait d'une partie de lui, c'était ce qui lui faisait l'effet d'être une gêne pour les autres.

Ses pensées, qui n'étaient guère des plus joyeuses, ne l'aidèrent pas non plus à se motiver pour faire un effort. S'il avait été objectif, Stiles aurait pu se faire la réflexion qu'il frôlait la dépression, s'il n'y était pas déjà. A force, il commençait lui-même à s'agacer mais n'arrivait pas à faire quoi que ce soit qui puisse le changer. Il n'avait plus de motivation. Le jeune homme avait tout juste vaguement conscience qu'il était en train de se laisser couler sans même chercher à se raccrocher à quelque chose. Se confier à son hallucination aurait pu lui faire du bien, mais la sensation d'avoir parlé dans le vide ne le quittait pas. Il en avait la boule au ventre et la gorge serrée. C'était comme si les mots n'avaient jamais été prononcés et étaient restés prisonniers derrière la barrière que ses lèvres closes formaient, comme si son élan de lucidité avait été vain. Ses problèmes, à peine énoncés, se voyaient déjà voués à l'oubli. Stiles n'arrivait pas à voir les choses autrement que comme un éternel recommencement, un cercle vicieux dans lequel il était toujours perdant. Le pire, c'était qu'il ne se plaindrait sans doute pas, il n'y arriverait pas, parce que de toute façon... A quoi bon essayer d'alerter sur son état mental ? Qui serait-là pour l'écouter, le soutenir ? Oh oui, parfois, il regrettait d'avoir refusé la morsure et s'imaginait une vie différente, une vie dans laquelle il aurait la même valeur que les autres.

Ereinté, il se força tout de même à ouvrir les yeux au bout d'un moment si l'on qu'il avait alterné à plusieurs reprises entre somnolence et éveil. Il fallait bien bouger un jour. Avec cette faiblesse qui commençait à lui coller à la peau, il tenta mollement de se redresser. Un bras passé autour de lui l'en empêcha.

- A moins que tu aies une raison valable de te lever, tu bouges pas d'ici, articula une voix pâteuse.

Stiles releva les yeux vers l'origine de la voix et tomba des nues. Il était toujours là. Derek était toujours là. Son hallucination était toujours là. Sa gorge se serra alors qu'un torrent d'émotions contraires déferlait violemment dans sa tête, son esprit torturé dont les digues n'étaient plus que de vieux souvenirs.

- Mais t'es pas censé continuer d'être là, souffla-t-il.

Surtout que cette illusion était bien trop réaliste pour n'être que le fruit de son imagination. Derek était... Fatigué. Ses cernes étaient importants et son regard paraissait encore un tantinet vitreux, comme s'il venait de se réveiller à son tour. Sans doute avait-il fini par céder à l'appel du sommeil pendant que lui jonglait entre le dodo et des réveils tous plus difficiles les uns que les autres. Sauf qu'une hallucination, ça ne dormait pas. Ça n'était même pas réel. C'était translucide, on pouvait passer à travers, sauf en cas de dommage mental sévère, qui donnerait ainsi l'impression de pouvoir toucher quelque chose de solide.

Pour la première fois depuis des jours, le doute effleura l'esprit de Stiles.

- Qu'importe ce que tu penses, je serai toujours là.

La voix de Derek sonna étrange aux oreilles de Stiles, mais le sens de ses paroles qui se voulait rassurant lui parut doucereux. Faux.

- Je t'ai déjà dit de ne pas me faire de promesses que tu ne pourras pas tenir, lâcha-t-il en détournant le regard.

- Je ne suis pas du genre à dire les choses en l'air, le contra le loup.

- Le vrai Derek, non. Mais pas toi.

Mais ces mots-là, aussi difficiles furent-ils, commençaient à sonner faux.

- Est-ce que je t'ai déjà laissé depuis que je suis là ? Rétorqua son hallucination en haussant un sourcil.

Par là, Derek entendait le moment où il avait repris forme humaine, récit dont Stiles refusait de croire à la véridicité. C'était tout bonnement impossible. Si Derek avait, comme il le prétendait, retrouvé forme humaine d'un seul coup, pourquoi n'était-ce pas le cas des autres ? Tout simplement parce que c'était du pipeau. Une connerie crée par son cerveau parce que celui-ci s'était abîmé au fil du temps, à force de possession, de meurtres, d'affaires surnaturelles en tous genres. Peut-être qu'au fond, Stiles n'était pas de taille à continuer d'affronter tout ça, peut-être qu'il était trop faible et qu'il voyait là les conséquences de son insouciance, ce petit côté suicidaire qui lui faisait parfois prendre des risques aussi inconsidérables qu'inconsidérés.

- Non, ne put qu'avouer Stiles. Mais tu es une représentation créée par mon cerveau. Tu n'es pas fait pour durer. Un jour où l'autre, tu disparaîtras, parce que je suis un putain de taré et que si je t'imagine toi... Je ne sais pas jusqu'à quel stade je suis capable d'aller.

Il avait prononcé ces mots avec une fragilité folle et même s'il les pensait, dans un sens, le doute commençait sérieusement à l'habiter. Parce que l'air de rien... Oui, il avait envie de croire à ce que s'entêtait de lui répéter son hallucination. Bien que le fait que le loup ne soit pas réel le rassure parce qu'il lui permettait de lever le pied et de se montrer faible sans trop de honte, il nourrissait l'espoir secret, un peu coupable, de se retrouver face au vrai Derek, de se dire... Qu'on prenait soin de lui, réellement. Il manquait tant d'affection et d'attention qu'il était déchiré entre profiter de ces choses dont il avait besoin et en même temps d'arrêter de se torturer ainsi. Autrement, la chute serait d'autant plus difficile à encaisser.

Plus loin encore que la simple imagination de la présence de Derek, c'était sa folie potentielle qui lui faisait peur. Il continuait de lui parler tout en pensant qu'il s'agissait d'une illusion produite par son cerveau, et ce... Comme s'il était réellement là. Ce n'était pas une bonne chose et il en était bien conscient. S'il était capable de cela, jusqu'où pouvait-il descendre encore ? De quelle maladie mentale pouvait-il donc bien être atteint ? Quelles étaient ses limites avant qu'il ne perde complètement la tête ? Stiles n'en savait rien et l'inconnu le terrifiait.

Il ne vit pas le regard peiné que le loup posa sur lui et tenta à nouveau de se lever, en vain. Derek était déterminé à le garder avec lui, au lit.

- Arrête, supplia l'hyperactif.

Il eut toutefois un geste contradictoire : alors même qu'il lui demandait implicitement de le lâcher pour le laisser s'occuper de la maison et ainsi, couper un peu ce repos dont il avait tant besoin, Stiles posa sa tête sur son torse, dans un signe d'abandon. Comment pouvait-il avoir confiance en son illusion alors qu'il ne se faisait lui-même pas confiance pour un sou ? Stiles était un jeune homme empli de paradoxe.

Peut-être parce qu'au fond, il savait ce qu'il en était réellement.

- Tu es le mec le plus sain d'esprit que je connaisse, entendit-il.

Stiles eut un faible sourire ironique alors qu'il sentait la grande main se poser sur sa nuque. Chaude, elle était si chaude...

- Tu parles d'un hyperactif suicidaire qui agit comme s'il était un loup-garou alors qu'il n'est qu'un humain chétif. J'me suis toujours foutu dans des situations de merde comme s'il pouvait rien m'arriver.

Il entendit un rire, si léger qu'il lui parut irréel, puis...

- Tu es juste un peu insouciant. Ton seul défaut, c'est de ne pas te soucier assez de ta propre vie.

- Oh après, pour ce qu'elle vaut... Soupira l'hyperactif en fermant les yeux.

Il sentit son hallucination se crisper, cassant l'ambiance légère qui avait commencé à s'installer. En fait, c'était ça le plus perturbant avec elle : il sentait des choses, physiquement. Mais refusa de s'attarder sur ses doutes. Il avait besoin, dans un sens, de continuer de se mentir à lui-même. Mentalement, il était dans un tel état qu'il ne pouvait plus faire semblant. De temps à autres, Stiles était lucide sur certains aspects de sa vie et était bien conscient qu'il ne pouvait plus faire les choses comme il les faisait au départ. Il était devenu incapable d'assurer. Si Derek était réel... Non, il ne pouvait pas l'être. Autrement, il serait obligé de recommencer et il fallait avouer que se reposer un peu... C'était agréable, ça faisait du bien. Il était épuisé, dormait beaucoup et même s'il s'était longtemps voilé la face... Il se rendait bien compte qu'il en avait besoin.

Dans le fond, son corps et son esprit n'en pouvaient plus.

Et pourtant, le doute revint à nouveau. Cette peau nue était quand même vachement chaude...

- Ta vie a bien plus de valeur que tu ne le penses.

La voix de Derek n'était pas aussi assurée que d'ordinaire. Elle était... Un peu rauque, presque retenue et si Stiles avait été objectif, sans doute se serait-il dit que son hallucination était étreinte par l'émotion, qu'elle souffrait à cause de ses paroles. Mais c'était impossible, n'est-ce pas ? Que Derek soit réel ou non, il ne pouvait pas avoir mal en l'entendant se dévaloriser. Il ne l'aimait pas. C'était idiot de sa part de penser l'inverse. Pathétique. Son hallucination étant produite par son cerveau, elle reflétait ses peurs, ses angoisses, ses envies, ce qu'il avait besoin de voir, de ressentir, d'entendre.

Et pourtant, Stiles ne répondit pas. Il se contenta d'un soupir peu convaincu et se reposa contre ce torse chaud et rassurant qu'il aimerait ne jamais quitter. Toute bonne chose avait une fin.

Une série de couinements assez proches le fit se redresser légèrement. La main sur les abdominaux un peu trop réels de Derek et sans même se soucier de la position dans laquelle il se trouvait, Stiles sentit son angoisse revenir. Face au lit, Isaac venait d'arriver, tête baissée. Enfin, était-ce bien Isaac ? L'hyperactif choisit de suivre son instinct.

- Isaac ? Tenta-t-il.

Le loup au pelage clair releva la tête dans sa direction et bougea la queue dans tous les sens, en signe de joie. Stiles retint un soupir de soulagement, mais s'attela déjà à faire bonne impression malgré cette fatigue qui semblait collée à lui, à moins qu'il soit lui seul incapable de s'en séparer. Il esquissa un sourire qui tenait plus de la grimace qu'autre chose, et s'assit complètement dans le lit. Il sentit avec clarté le bras de Derek glisser et les draps bouger.

- Tu as besoin de quelque chose, petit loup ? Demanda-t-il d'une voix qu'il voulut assurée.

Avec son hallucination, il parlait naturellement, sans se soucier de son ton morne, sa voix brisée. Mais Isaac était réel, on ne peut plus réel. Stiles s'était déjà montré bien assez faible devant la meute : il ne pouvait plus se le permettre. Face à lui, Isaac glapit à nouveau, comme s'il était triste et Stiles s'inquiéta.

- Quoi, tu n'as pas assez à manger ? Tu as besoin de jouer ? Le salon est trop sale ? Merde, merde, merde... Je me dépêche, je...

- Non, le retint Derek en passant à nouveau un bras autour de lui.

Stiles se retrouva projeté contre ce torse imaginaire qu'il commençait à un peu trop bien connaître à son goût. Et c'était bien dommage parce qu'il avait déjà commencé à repousser les draps. Pour être honnête, il avait froid et il avait bien du mal à lutter contre son début de motivation. Toutefois, il avait ses priorités et avait décidé de se concentrer sur l'objectif premier de sa présence ici : s'occuper de cette meute qu'il aimait tant. Et la présence d'Isaac fit naître un nombre impressionnant de questions dans sa tête. Il imagina alors que le bouclé n'était peut-être pas le seul à avoir besoin de quelque chose. L'hyperactif voulut alors dire à Derek de le lâcher et de le laisser vaquer à ses occupations même si l'envie de rester au lit était extrêmement forte, mais il se refusa à prononcer un mot. Pas devant Isaac. Il ne pouvait pas parler à une hallucination... Devant un membre de la meute. Tendu, il essaya plus ou moins subtilement de se décoller du faux Derek... Sans succès. Comment une poigne fantôme pouvait-elle être aussi forte ? Stiles se sentit d'un coup diablement impuissant. Incapable de lutter correctement contre son propre esprit... Pathétique.

Après avoir regardé l'humain d'un air soucieux, Derek tourna la tête vers le loup qui semblait encore plus triste et penaud qu'auparavant. De sa bouche sortirent des mots que Stiles n'aurait jamais cru entendre :

- Tu peux venir avec nous, Isaac.

Comme s'il avait réellement entendu les paroles prononcées par le loup de naissance, Isaac ne se fit pas prier et monta sur le loup, avant de se blottir contre les jambes de Stiles qui le regarda avec effarement. Paralysé par la perplexité, il n'esquissa pas le moindre mouvement.

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