12.
Lorsque Jun entra dans le salon, il trouva Grace en train d'amuser leur fils, Harry, âgé alors de deux ans et demi -le demi est très important, surtout à cet âge là ! Il était brun, comme sa mère, mais il avait les yeux magentas de son père. Sa peau était basanée, plus foncée que celle de sa génitrice, mais plus claire que celle de son paternel. Il s'amusait innocemment avec ses petites voitures alors que Grace prenait des photos de lui à la dérobée.
« Grace ? » l'appela le rouge la voix instable.
Son intonation l'avait lui même étonné, se raclant la gorge la seconde d'après pour timbrer sa voix comme il le fallait. Sa gorge était totalement nouée, il en venait à se demander comment il était parvenu à prononcer son nom.
« Je peux te parler ? » continua-t-il alors que la brune avait relevé la tête vers lui.
Elle acquiesça en se levant, s'avançant vers son compagnon, jusqu'à lui faire face. Le rouge sortit de la pièce sans rien dire, intimant à la femme de le suivre sans lui poser de question. Elle s'exécuta, non pas sans s'interroger sur les raisons d'un tel comportement de la part de son conjoint.
« Que se passe-t-il ? » demanda-t-elle inquiète en voyant l'air grave du rouge.
Jun croisa son regard, l'esquivant la seconde d'après. Comment lui annoncer ?
« Il faut que je t'avoue quelque chose... et ça ne va pas te faire plaisir. Tu vas m'en vouloir, très certainement vouloir que je sorte de ta vie même, et je te comprendrai totalement, annonça-t-il avec le plus grand sérieux.
- Jun ? Où est-ce que tu veux en venir ? Tu m'inquiètes... » laissa échapper la brune en saisissant sa main dans la sienne.
Le rouge se dégagea doucement de son emprise, tournant les talons pour lui faire dos. Il ne pouvait pas la regarder lorsqu'elle apprendrait. Ça lui ferait trop de mal de la voir souffrir.
« Tu te souviens lorsque je t'ai raconté à quel point j'avais souffert de ma précédente relation ? » questionna-t-il doucement.
Grace acquiesça lentement, pendu à ses lèvres pour connaître le fin mot de l'histoire.
« Je t'ai menti lorsque j'appelais cette personne « elle »... »
La femme resta un instant silencieuse avant d'assimiler les dires de son conjoint.
« Tu veux dire que... ? »
Elle hésita à lui poser la question, alors il précisa :
« C'était un homme. Et... tu le connais. »
Grace resta silencieuse, attendant qu'il poursuive.
« Shin. » prononça-t-il alors seulement.
La brune crût bon de s'asseoir sur le fauteuil, ayant besoin de digérer que son compagnon avait eu une relation avec un homme, mais qu'en plus de cela il le côtoyait toujours aujourd'hui.
« Mais vous... ? Commença-t-elle en bégayante. Enfin tu... ?
- Quand j'ai appris qu'il allait se marier avec Mee Na, j'étais complètement anéanti... ça nous a détruit, autant lui que moi. C'est pour ça que je suis parti. C'était trop dur de le croiser tous les jours. Il me paraissait tellement accessible alors que pourtant une barrière invisible semblait se dresser entre nous... »
Sa compagne le fixa un instant en silence, alors qu'il lui faisait toujours dos, puis elle prit parole.
« Ce n'est pas grave Jun... murmura-t-elle d'une voix rassurante, Tant que...
- Il n'y a pas... que ça. » la coupa le rouge en faisant volte-face.
Elle lui lança un regard interrogateur. Il fallait qu'il fasse les choses bien. Il ne voulait pas lui balancer qu'il aimait Shin comme un ultimatum. Elle méritait de connaître toute l'histoire. Parce qu'il était clair qu'elle ne méritait pas ce qu'il lui faisait. Elle n'avait pas à subir ça. Elle n'y était pour rien dans tout ça.
« Je- »
Ses mots se brisèrent dans sa gorge quand il pensa à quel point ils pouvaient être blessants. Ils allaient complètement la détruire. Mais il fallait qu'il lui dise. Il ne pouvait plus lui mentir.
Il prit une inspiration, relevant ses yeux magentas vers ceux de celle qui partageait sa vie, qui était la mère de son enfant, qu'il avait cru aimé pendant plusieurs années.
« J'ai bêtement pensé que je l'avais oublié, que j'avais réussi à tirer un trait sur notre histoire, mais quand je l'ai revu au bout de sept ans... mes sentiments pour lui ont refait surface. Je l'aime toujours, Grace. En fait... je n'ai jamais cessé de l'aimer, il n'y a toujours eu que lui... » peina-t-il à dire.
Les yeux de Grace battaient dans le vide, tandis que des larmes perlaient au coin de ses yeux et menaçaient dangereusement de couler. Jun amorça un geste pour poser sa main sur son épaule, mais la jeune femme s'esquiva, sans rien dire. Puis, ses jambes ne soutenant plus son poids, elle se laissa tomber sur le sol, complètement impuissante.
« Je suis désolé Grace... je- je n'ai jamais trouvé le courage de te le dire... je te demande pardon... »
Jun était ce que la jeune femme aimait le plus au monde avec leur fils, mais à cet instant, elle lui en voulait tellement, elle en voulait au monde entier. Elle n'avait qu'une envie, c'était de le gifler, de lui crier dessus, de le ruer de coups, de libérer toute sa colère, mais seule sa peine semblait pouvoir s'exprimer, avec ses joues baignées de larmes et ses membres tremblants. Elle voulait lui demander pourquoi il avait attendu aussi longtemps pour lui dire, comment il avait pu lui faire une telle chose, mais aucun mot ne voulait franchir la barrière de ses lèvres, aucun mot ne pouvait. Sa gorge était nouée. Pourtant ses sanglots résonnaient dans la pièce.
Des bras vinrent enrouler son corps frêle, et comme elle ne parvenait pas à bouger, mais aussi sûrement dans un élan de désespoir, elle se cramponna aux bras du rouge, laissant toute sa souffrance s'exprimer, à défaut de pouvoir montrer sa colère. La pluie avant l'orage.
« Je suis désolé... je suis quelqu'un d'horrible... Je n'aurais jamais dû attendre si longtemps, j'aurais dû être honnête avec toi dès le début. » culpabilisa le rouge.
"La culpabilité n'est, après tout, qu'un sentiment de compassion à l'égard de la détresse et du malheur que l'on a causés."
Valère Staraselski
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