Chapitre 15

En pleine nuit et après nos ébats, nous avions déserté de l'hôtel avec mes affaires dans les bras et nous nous étions promenés dans le bois de Millbrook. Nous étions ensuite rentrés dans l'ancienne maison des parents de Nathan, faute d'énergie.

Le lendemain, je m'étais sentie étrange. Ce qui était étrange, c'était de se réveiller avec Nathan. J'avais cette sensation permanente d'être sale et d'avoir fait quelque chose de mal. Je fis comme si de rien n'était.

J'étais en tailleur sur le porche de la maison, un plaid sur les épaules. La brise caressait doucement mon visage. Le plancher se mit à craquer et à grincer.

- Tu médite ? demanda Nathan qui s'était posté derrière moi.

- J'ouvre mes chakras, dis-je un sourire en coin.

- J'aimerai bien que tu m'apprenne, dit-il tout en s'asseyant à côté de moi.

Il peina à mettre ses jambes en tailleur ce qui m'arracha un petit rire aigu.

- Nathan ?

Il tourna sa tête vers moi et me fis signe de continuer.

- Est-ce que tu me laisserais te dessiner ? demandai-je en le regardant.

Il sourit tendrement et posa sa main chaude sur ma cuisse.

- Je ne savais pas que j'étais assez beau pour démanger ton talent, répondît-il d'un ton railleur.

J'avais pris l'habitude de faire des portraits de certaines personnes. Ça me détendait et en plus je pouvais m'exercer au dessin.

Un peu plus tard dans l'après-midi, je pris Nathan par la main et l'entraînai à l'extérieur de la maison, mon fusain et mon chevalet sous le bras. Je le fis asseoir dans le salon de jardin en bois en dessous du vieux sol pleureur.

- Est-ce que c'est bien cette position ? demanda-t-il un peu perdu.

- Détends toi Nathan, il faut que tu prennes un air naturel.

Malgré mes paroles sensées être apaisantes, Nathan se raidit encore plus. Son visage était crispé et absolument pas naturel. Je le regardai en haussant un sourcil.

- Détends toi ! Vraiment !

Il leva les yeux au ciel et enfin, son visage s'adoucit. J'attrapai mon calepin et mon fusain. Je traçai des lignes imaginaires, ne sachant pas trop par quoi commencer. Je me mis alors à l'observer. Les traits de Nathan donnaient l'impression d'être droits, rectilignes. Des mâchoires fortes, un front carré. Cependant, en l'étudiant plus attentivement, plus longuement, je découvris des courbes inattendues. Ses yeux, par exemple. Ils étaient grands, ronds, innocent, presque enfantins pourtant, ils étaient à la fois espiègles et joueurs. Mais dans les coins extérieurs, il avait de petits plis en éventail, des rides d'expression qui, je le devinais, ne lui étaient pas venues en riant.
Même si j'avais passé énormément de temps à les embrasser, ses lèvres étaient étonnement pleines et pulpeuses. Il avait une belle bouche. Je me perdis dans les fines lignes verticales qui soulignaient les commissures de ses lèvres. On n'attendait pas une bouche aussi sensuelle chez quelqu'un d'aussi grand et fort. Je me trouvais même un peu folle de le fixer aussi avidement et aussi longuement. Je me stoppai et commençai à dessiner. Ou plutôt à esquisser. Mes coups de crayons étaient imprécis et rapides pourtant, à force, ils donnaient en rendu très satisfaisant et réussi.

Alors que je me concentrais encore pour représenter Nathan, il me fit une remarque.

- Est-ce que moi j'ai moi aussi de me mordre les lèvres ? Tu es vraiment craquante comme ça, dit-il en m'adressant un sourire charmeur.

Je m'arrêtai. Mes lèvres étaient en feu. Je m'étais mordu les lèvres pendant toute la séance sans m'en rendre compte ? J'étais si obnubilée par Nathan que ça ?

Il se leva et observa mon travail. Je le fixais, inquiète de sa réaction. Et si ça ne lui plaisait pas ? Un large sourire s'étira sur ses lèvres charnues. Il baissa légèrement son visage pour atteindre ma bouche et l'embrasser en douceur.

Je passais donc tout mon après-midi à dessiner Nathan. Quand je vis le soleil se coucher et Nathan bailler, je compris qu'il était temps de faire une pause.

Mon cœur était rempli de bonheur et c'était bien cela qui m'inquiétais. Qu'est-ce que j'allais faire après tout ça ? Qu'est-ce que j'allais dire à Jacob ? J'allais sûrement le décevoir, c'était sûr et certain. Était-ce possible d'aimer deux hommes en même temps ? La polygamie n'était pas dans mes valeurs et il fallait que je me décide. Nathan était-il plus qu'un amour de jeunesse ? Mon excès de folie était passager, du moins c'est ce que j'espérais.

Alors que je continuais à ruminer sur le porche de la maison, une sensation étrange se fit ressentir. La nuit était presque tombée, le soleil se couchait peu à peu. Nathan était rentré, trop occupé à faire je ne sais quoi. Le vent s'était soudainement arrêté et c'était étonnamment silencieux. D'habitude, à cette période de l'année, il y avait toujours quelques rouges-gorges qui s'amusaient à se voler dans les plumes. Pourtant, il n'y avait plus rien. Pas un bruit, pas un geste. Je tournai la tête à droite et à gauche. Je me sentais épiée et cette sensation était plus que désagréable, même effrayante. Je plissai mes yeux afin de distinguer n'importe qu'elle silhouette à travers les buissons. Soudain, un bruit de feuillage me fit sursauter et un frisson parcourut mon échine. Je me levai et rentrai rapidement, apeurée. Alors que j'eus fermé la porte à clé, j'entendis des pneus crisser sur les graviers. Qui était donc en train de m'observer ?

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