Prologue

Comme le font tous les contes de fées, ce récit commence par ces mots simples: il était une fois...

Mais ce conte ne parle pas de hauts faits d'un preux chevalier ou de l'ingéniosité d'un magicien.

Non, cette histoire, vieille comme le temps est celle d'un amour. Un amour qui sait voir au-delà de la beauté du paraître pour chérir celle de l'être.

Donc, il était une fois, dans un pays lointain appelé Eirtagne, se trouvait la charmante contrée de Lonniskerry. Verdoyante comme une émeraude, elle était la terre de nombreux villages charmants et de superbes forêts. 

Au cœur de l'une d'elles se nichait le magnifique château de Maulême, fierté de sa région.

De magnifiques jardins, colorés des plus belles fleurs parfumées au monde, servaient de décor à d'élégantes fontaines de pierres et de superbes statues de marbre, entourées d'arbres centenaires qui étendaient leurs feuillages jusqu'au sommet.

On ne pouvait rêver de plus bel écrin pour la magnifique demeure de Maulême, dont les hauts murs étincelaient par ses dorures, promesse d'un intérieur aussi majestueux.

Ce lieu somptueux était le berceau d'une prestigieuse famille princière, qui compta dans sa lignée bon nombre de preux guerriers, de gouvernants sages et de brillants savants.

Au moment de notre histoire, Maulême était désormais le foyer des deux héritiers de cette illustre maison.

L'aîné se nommait Marc, et il était remarqué pour sa beauté, son courage et sa détermination. Doté d'une grande intelligence, il gouvernait avec sagesse et fermeté. 

Le plus jeune, Steven, était plus en retrait par rapport à son rayonnant frère. Certes, la nature lui avait donné une belle apparence, mais contrairement à Marc, il était plus calme et plus doux, aimant davantage lire et s'instruire plutôt que gouverner.

Cette vie calme fut un jour bouleversé par un terrible appel: celui de la guerre. En effet, le royaume ennemi de Drecuria menaçait la tranquillité d'Eirtagne, et tous les nobles du pays étaient convoqués pour mener les troupes à la victoire.

Cela obligea Marc à partir au combat, laissant ses terres aux bons soins de son frère. Le jour de son départ, le prince salua son frère et son personnel, leur promettant de revenir en vie et le plus vite possible.

Steven et les fidèles domestiques ont patiemment attendu le retour du prince, priant pour qu'il ne lui arrive rien.

L'attente fut une longue et douloureuse torture pour tout le monde jusqu'au jour où cette annonce les délivra de leur supplice:

"Le prince est revenu ! Le prince Marc est de retour !"

Fou de joie, Steven avait accouru pour accueillir comme il se doit son frère tant aimé que la guerre ne lui avait pas enlevé.

Mais à peine avait-il rejoint Marc que le jeune prince se figea: quelque chose n'allait pas, et il pouvait le voir.

Certes, Marc était vivant et semblait bien portant, mais dans ses yeux, on pouvait y voir une lueur étrange. Un éclat froid et dur comme la pierre, annonciateur que la guerre avait laissé une empreinte à vif dans l'esprit du prince.

Et les craintes de Steven se confirmèrent très rapidement: Marc n'était plus le même homme. Au lieu du leader sage et confiant, il était devenu un être égoïste, capricieux et insensible.

Le temps allant de l'avant, les domestiques faisaient les frais des accès de colère et des exigences de leur maître. Tous tremblaient à l'idée d'entendre leur nom être appelé par le prince, craignant de subir son courroux.

Mais celui qui souffrait le plus était Steven: chaque fois qu'il prenait la défense du personnel, son frère le rabaissait et se moquait cruellement de lui, méprisant son amour de la lecture et des arts.

Cette atmosphère délétère connut son point d'orgue un soir d'hiver, alors que le vent rugissait à travers les arbres et que la pluie martyrisait les murs du château.

Personne de sensé n'oserait s'aventurer par un temps pareil. 

C'était en tout cas ce que pensait Peter, le jeune palefrenier, jusqu'à ce qu'il entendit frapper trois coups à la porte.

Surpris, il pensait qu'il s'agissait des branches d'un arbre qui devaient frapper quelque part, avant que l'on ne frappe de nouveau à la porte, avec un peu plus d'insistance.

Intrigué, le jeune domestique prit une bougie et ouvrit la porte, faisant face à un vagabond.

Ce dernier, se tenant voûté sous son long manteau blanc sali par les éléments, dissimulait son visage sous une large capuche, tandis que sa main desséchée tenait fermement un bâton, seul soutien à une démarche accablée. Mais la lumière de la bougie laissait apercevoir un visage amaigri et marqué par le temps, pareil à un parchemin oublié.

Le mystérieux visiteur se présenta comme un pauvre mendiant qui cherchait un abri contre le froid qui le menaçait à chacun de ses pas.

Une autre personne aurait immédiatement chassé le malheureux vieillard, mais pas le jeune Peter, dont la bonté était grande. Il invita aussitôt le mendiant à entrer se mettre au chaud.

Le vieil homme remercia le jeune homme, lui promettant de récompenser sa générosité et sa bonté d'âme.

Mais alors qu'ils se dirigeaient vers les cuisines, Peter et le mendiant tombèrent nez à nez avec le prince Marc qui se rendait au même endroit.

Ce dernier, furieux de voir qu'on avait invité un inconnu sans l'en informer, fustigea le jeune palefrenier. 

Alertés par les cris de colère de Marc, Steven et les domestiques s'étaient précipités dans l'immense hall d'entrée et virent toute la scène, horrifiés par la colère princière qui s'abattait sur le malheureux garçon.

C'est alors que le mendiant s'avança vers le prince et fit une profonde révérence avant de prononcer ces paroles d'une voix chevrotante:

"Mon bon prince, n'ayez aucune colère envers ce garçon au si bon cœur. Je ne suis pas entré en ces lieux pour causer quelconque ennui. Je ne suis qu'un pauvre vagabond, ayant parcouru ces vallées et ces monts, à la recherche d'un abri contre cette tempête qui aura raison de ma pauvre carcasse. Si vous me laissez passer juste une seule nuit dans votre demeure, je saurais vous remercier pour votre bonté !"

Ne faisant pas le moindre effort pour masque le dégout que lui inspirait l'aspect misérable du vieil homme, Marc demanda d'un ton agacé:

"Et que peux-tu bien m'offrir en échange ?"

Pour toute réponse, le mendiant tira de sa manche une superbe rose, dont les délicates pétales étaient d'un rouge flamboyant digne des plus beaux rubis, tandis que sa tige semblait avoir été sculptée dans l'émeraude la plus pure.

Ce présent émerveilla toute l'assemblée... sauf Marc, bien entendu !

"Comment oses-tu me proposer un si pathétique présent ? Tu pensais vraiment que j'allais te laisser souiller mon château en échange de cette fichue fleur ? Va t'en d'ici !"

"Marc ! Ne fais pas ça: le malheureux ne survivrait pas dans cette tempête !" protesta Steven.

"Peu m'importe ! Je n'ai que faire d'un vieux pouilleux et de son ridicule présent !"

Le mendiant tenta de faire entendre raison au prince:

"Mon bon prince, avant que vous ne me rendez au froid et aux éléments, permettez moi de vous dire que ma misérable personne, comme vous le dites, n'est pas le reflet de ce que je suis. Il n'y pas plus trompeur que les apparences, et la véritable beauté est celle qui vient du cœur !"

Mais au lieu d'adoucir le jugement de Marc, cela le fit entrer dans une colère noire.

"Qu'est-ce que tu racontes comme sottises ? Si tu crois que ton vieil âge va m'empêcher de te corriger, tu te trompes !"

Mais alors que le prince s'apprêtait à mettre lui-même le mendiant dehors, ce dernier se mit à rire et dit d'une voix caverneuse:

"Alors, c'est ainsi que tu traites ceux qui sont plus faibles que toi ? En voilà un prince bien méprisable !"

"Que dis tu ?"

"La vérité, espèce de gamin prétentieux. De ce que je vois, tu n'as pas écouté mon conseil. Ce que tu vois de moi n'est qu'illusion. Laisse moi te montrer qui je suis vraiment !"

Tout à coup, le mendiant devint de plus en plus grand, jusqu'à ce qu'il dépassa tout le monde. Son manteau tomba au sol, révélant une créature terrifiante.

Au lieu et place d'un visage humain se tenait le crâne d'un oiseau à long bec qui se tenait sur le corps d'un homme, drapé d'un habit éclatant.

Pour leur plus grand malheur, tous reconnurent Khonsou, le mage de la nuit et des sortilèges. On racontait qu'il aimait se déguiser en humain, afin de tester la bonté des hommes pour récompenser les bons et punir les mauvais.

Et ce soir, le prince n'allait pas trouver grâce à ses yeux.

"J'ignorais que c'était vous. Veuillez pardonner mes offenses, seigneur Khonsou !" le supplia Marc en tombant à genoux.

"Tu me demandes pardon ? Aurais-tu montré cette même mansuétude à mon égard, si je n'avais été qu'un pauvre mendiant ? Visiblement, non ! Tu as beau être comblé par la nature, il n'en est pas moins que ton cœur est aussi glacial que l'hiver !"

Steven tenta d'amadouer la divinité contrariée:

"Seigneur Khonsou, je vous implore d'accepter mes excuses au nom de mon frère. Il n'aurait jamais dû se comporter ainsi envers quiconque, qu'il s'agisse de vous-même ou d'un malheureux nécessiteux ! Si vous lui laissez une chance, je suis persuadé qu'il saura se racheter et redevenir l'homme bon qu'il a toujours été !"

Khonsou secoua la tête en soupirant:

"Ton frère ne me rend pas la tâche facile. Il a beau te ressembler de l'apparence, son coeur reste encore plein de bonté, contrairement à toi. Mais ça ne sauvera aucun d'entre vous: ta sottise entraînera le malheur sur ce domaine !"

"Comment pouvez-vous faire cela ? C'est monstrueux !"

Khonsou pencha légèrement la tête sur le côté, comme intrigué. A ce moment là, Marc aurait pu jurer qu'il avait vu l'ignoble créature lui sourire:

"Monstrueux, dis tu ? Voilà un mot qui semble te convenir, et qui sera la parfaite définition de ta punition !"

Et d'un geste de la main, il lança un sort sur le prince qui se commença à se transformer en une créature terrifiante, ressemblant à une momie vivante. 

Son corps se recouvrit entièrement de bandages, ne laissant que deux espaces pour ses yeux devenus aussi blancs et froids que la lune, et pour sa bouche, qui montrait des rangées de dents tranchantes et aiguisées comme des épées. Au bout de ses mains, il vit avec horreur des griffes acérées apparaître.

Les malheureux domestiques furent également victimes de ce sortilège qui corrompit le domaine dans son ensemble, devenant des objets parlants.

Quant à Steven, il disparut dans un nuage de fumée et on le revit plus.

Une fois son œuvre accomplie, Khonsou se saisit de la rose et déclara:

"A partir de ce jour, tu resteras cette bête monstrueuse jusqu'à ce que tu saches enfin aimer et être aimé en retour... Et tu devras le faire, avant que ne chute le dernier pétale de cette rose. Sinon, toi et tous les occupants de ce château resterez ainsi pour l'éternité !"

Et dans un éclair aveuglant, Khonsou disparut, laissant toutes ses victimes dans leur désespoir. Pour toute trace de son passage, il laissa un miroir magique et la rose, précieusement protégée par un globe de cristal.

Découvrant son horrible apparence ainsi que la disparition de son frère, Marc entra dans une rage folle et entreprit de détruire tous ses portraits, tout en hurlant le prénom de Steven dans les couloirs.

Arrivé dans ses appartements, le prince s'écroula au sol, rongé par le remords. A cause de lui, tous ses malheureux domestiques avaient été victimes d'une malédiction, et son frère avait probablement été tué...

"Marc..."

En entendant son nom, le prince releva la tête et vit son frère dans un miroir. Lui aussi avait changé: Steven portait un large masque vénitien qui était devenu son nouveau visage. Vêtu d'un élégant costume doré orné d'un croissant de lune, l'autre prince avait été lui aussi piégé par Khonsou.

"Steven... Mon Dieu, qu'a t'il fait ?"

"Je pourrais te retourner la question. Mais en ce qui me concerne, je suis devenu comme l'âme de cet endroit: je ne pourrais apparaître que dans tout ce qui offrirait un reflet."

Il soupira.

"Et maintenant, qu'allons-nous devenir ?"

"Je n'en sais rien. Ce maudit oiseau ne me laisse pas le choix: il faut que quelqu'un m'aime et que je l'aime en retour avant que cette satanée rose ne fane, pour tout redevienne comme avant..."

Le prince maudit murmura:

"Autant dire qu'il n'y a aucun espoir que cela arrive. Je ne pourrais jamais sortir en pleine lumière sous cette apparence: tout le monde me rejetterait immédiatement..."

Une lueur attira son attention et il vit la rose sous son globe de cristal, toujours aussi magnifique. Mais pendant encore combien de temps.

Marc semblait être résigné sur son sort: rien ne pourrait le sauver.

Car, en réalité, qui pourrait un jour aimer une bête ?



Et voilà pour ce long prologue !

J'espère que vous avez aimé et que vous serez partants pour découvrir la suite de l'histoire.

N'hésitez pas à laisser votre commentaire !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top