I - Le mal de guerre
La nuit m'avait tenu réveillée, le levé m'avait brisé les genoux et le petit dèj n'avait de cesse de vouloir refaire surface.
C'était la troisième fois que la galette de millet que j'avais avalé me remontait jusqu'au poumon. D'ordinaire les nausées c'était pas mon rayon, mais cette fois je me tordais comme un ver au bout d'un hameçon.
J'avais beau en chercher les raisons, rien de bien différent aujourd'hui. Toujours la même odeur de cadavres dans les rues, le même soleil de plomb a en décoller la peau, les même foutues galettes de millets. "Le mal de guerre" Milke a eut l'audace me dire que je l'avais chopé. Quelle trouffion celui ci.
Un boucher n'avait pas de haut le cœur à couper sa viande, non ? Alors pourquoi j'en aurais a découper la mienne. Ici c'est tout ce qu'on faisait, couper de la viande, sauf que le bœuf était remplacé par de la barbaque Symerienne. "Le mal de guerre" voilà une drôle d'idée pour un vétéran de guerre comme moi. L'idée m'aurait presque fait rire si mes crampes a l'estomac me le permettaient.
J'arpentais l'une des rues déserte de ce qui était leurs capitales lorsqu'une fourche en main un Symerien me coupa dans mes réflexions. Puis vint s'empaler le torse sur mon épée. Après quelques cris étouffés, son corps hâlé s'écrasa sur le sol. Sa joue heurta le cadavre haché d'un autre de son clan, tombé sur les mêmes grains de sable. Le sable fin qui recouvrait le sol de la ville buvait déjà son sang a grosse lampée. Les quelques organes en évidence accueillaient déjà des hordes de mouches. Puis venue des tréfonds, une énième remontée acide me saisit le gosier.
À bien y réfléchir, j'associais mes aigreurs à l'eau-de-vie que j'avais enfilée la veille par caisson. Je choisissait de laisser à d'autre le loisir d'accorder de tel symptômes à la guerre. Bien que... Cela n'avait rien d'une guerre. C'était un putain de génocide.
La campagne touchait à sa fin, mais le massacre n'en était pas moins intenses. Depuis les dernières victoires, on voyait de plus en plus de femmes et d'enfants remplir les rangs ennemis. Certains n'avaient même pas de vraies armes et se défendaient a coups de pelles et de pioches, j'en avais vu plusieurs combattre avec de simple pierre taillée ficelée au bout d'un bâton. Une vraie bande de fanatiques! Ils continuaient de crier que cet endroit était sacré et refusait de le laisser a des hérétiques. Sacré.. Sacrément con si vous voulez mon avis. Pourquoi ne fuyaient-ils pas? Pourquoi n'abandonnaient-ils pas leurs terres ?
Encore aurait-il fallu en garder un vivant pour lui demander.
La dernière bataille se déroulait dans leur capitale, Tongareen. Une sorte de citée aride aux habitations creusées à même la pierre de grès, le tout couvée de hautes dunes de sable. La plupart des habitants se dirigeaient vers la grande Methat. Un bâtiment de grès a moitié enfoncé dans la terre de la taille d'un palais dans laquelle il était interdit de porter les armes. Inutile de préciser qu'une unité de nos troupes y avait d'ors et déjà prit position.
Comme à leurs habitudes les Symeriens venaient se déchirer sur les épées et s'enfoncer sur les lances, vagues après vagues. En cette journée ensoleillée peu de flèches les évitait. Ça donnait parfois presque l'impression d'être à l'entraînement. On était cinq fois plus nombreux, mieux préparés, mieux armés. Ils n'avaient même pas l'avantage sur leur propre terres rocailleuses. Face à ce semblant d'armée, la fierté et l'honneur avait déserté le champs de bataille. Ce n'était qu'une chasse à l'homme géante, un abattage à la chaine. A nouveau un relan me serra les tripes et je me demandais si ce n'était pas l'eau de vie de la veille.
La Campagne allait s'achèver un mois avant la date prévue. Grande nouvelle, le régent de CentreTerre venait de se faire propriétaire d'un immense désert et de quelques villes désormais inhabitées. Ces peaux marrons qui n'avaient auparavant déjà pas grand chose n'avaient désormais plus rien. Qui sait! Cela ferait peut-être un sujet de discussion intéressant à la Cour. La conquête d'une terre morte que seuls les autochtones, dont la plupart servaient maintenant de mangeoire aux corbeaux, savaient tirer partie pour survivre.
Putain, qu'est-ce que je foutais encore là? Voilà une question à laquelle ma conscience ne préférait pas réfléchir.
Un dernier... C'est tout ce qu'il me manquait. Après, tout serait terminé.
Derrière moi, un carreau fit tomber le dernier des leurs. C'était celui de Nathanael. Il abhorrait tirer, mais il le faisait à la perfection. Ses cheveux blonds, ses yeux bleus perçants, sa grande taille, sa gueule cassée mais pas trop, tout lui donnait une prestance que je n'aurais jamais. Dans le bataillon certains le raillait en disant que les Symeriennes mourraient d'abord d'amour pour lui avant de mourir de son arbalète.
Alors que le Symerien traversé du carreau de Nathanael chutait encore, le cor résonna par trois fois à travers le champs de bataille.
Dur à croire... La guerre était finie.
Emplie du son qui venait de retentir je ne pouvais dire lequel des sentiments d'amertume ou de soulagement était le plus fort. Soulagé d'arrêter le massacre, amer de l'avoir si longtemps pratiqué.
Je rangeais mon épée souillée d'un mélange de sable et de sang séché. La tuerie voyait ses dernières victimes humidifier le sable de leurs sangs. J'entamais mon retour vers le camp d'un pas lent, cherchant à éviter les gisants lorsque contre mon gré j'aperçus sur le retour deux têtes cramées Symeriennes cachées derrière une ruine. Un gamin et sa soeur, comme les autres, leurs chevelure noires et ondulées étaient protégés sous un voile blanc et des tatouages leurs parcouraient le visage.
Nos regards se croisèrent. L'une atteignait a peine les quinze ans tandis que l'autre était encore un enfant. Ils se tenaient la main, se rassurant mutuellement. Le plus jeune tremblait de peur, l'autre était rempli d'une haine plus que justifiée à mon égard. La chance leur souriait qu'aucun autre soldat de la garnison ne les repère. Godru en aurait fait de la pâtée Symerienne et non sans un certain plaisir.
Je repris la route évitant d'attirer sur eux une quelconque attention. Barbare certes, mais probablement encore humain quelque part sous mon armure. Ces deux gosses n'avaient rien à faire sur un champs de bataille et peut-être venaient-ils de le comprendre. Rester caché demeurait leurs meilleures options.
Les penser hors de danger c'était cependant sans compter sur Milke. C'était un bon gars, apprécié de beaucoup pour sa calvitie précoce et ses doigts manquants. Son teint déjà blanchâtre palissait d'avantage à mesure que la campagne se prolongeait. Il était à la recherche d'un endroit à l'ombre pour pisser, ses mains déjà portées sur son ceinturon. Sans l'imaginer, le bougre allait bientôt être responsable de la mort de deux très jeunes survivants Symeriens et peut-être perdre ses couilles au passage.
Je n'étais pas du genre à me mêler des affaires des autres, mais j'avançais dans sa direction le bras prêt à le convaincre d'allé se soulager ailleurs. Trop tard.
Devant l'approche de Milke, sans crier gare, la plus âgée enjamba le muret. Sa peur que sa cadette soit repérée avait eut raison de son calme. La jeune Symerienne amorçait sa fuite à pleine vitesse. Elle se ruait la où l'armée en retrait lui laissait apercevoir un espoir de survie. Elle laissait derrière elle son petit frère toujours camouflé. Quelques regards peu intéressés se portèrent sur la fuite acharnée de la jeune fille. Rien qui n'aurait cependant, retarder l'un d'entre nous pour le déjeuné.
Alors que ma tête se remplissait d'espoir d'un repas dont la galette de millet ne serait pas la base, une voix agaçante me parvînt aux oreilles. Une voix qui n'était pas des meilleures augures pour le fuyard.
- Abattez-le! répéta le capitaine d'une voix désormais audible, mais pas moins pénible.
Je ne pu m'empêcher de regarder le capitaine telle la petite merde qu'il était, autant insignifiant de par sa taille que de par sa présence. Ses petits yeux de pervers ne regardaient jamais en face. Son épée ne servait qu'à punir les soldats déserteurs une fois attrapés. Tout chez lui n'était que lâcheté. Loin d'être un combattant, son rôle se limitait à discourir avant chaque bataille de notre allégeance au régent de Centre-Terre et de la perfidie Symerienne. Beaucoup d'entre nous n'avait que trop conscience de la désuétude de cette guerre pour prêter attention à ses sermons. Il ne devait d'avoir sa tête toujours sur ses épaules qu'à la facilité de cette guère.
- C'est un ordre Soldat Manken! grinça une fois de plus la voix du Capitaine Iota.
Abattre une gosse d'une quinzaine d'année non armé, d'une flèche dans le dos? Combien de nuits d'insomnies cela me coûterait?
Alors que les mots "tribunal militaire" venaient tout juste de sortir de sa bouche à merde, je réfléchis aux conséquences d'une décapitation rapide de sa petite personne. Deux choix me venaient en tête : abattre ce gosse et vivre avec, ou le laisser vivre et mourir avec, pendu dès mon arrivée à CrossStones. De toute cette campagne, je n'avais jamais sentit ma mort aussi proche.
Un relan vint me chatouiller les dents. J'en étais certain, c'était l'eau-de-vie.
Godru regardait interloqué. L'humanité ne faisait pas partie de ses attributions et je n'attendais pas de cette masse écervelée qu'il comprenne quoi que ce soit de mon hésitation.
- Soldat Maverick, abattez ce lâche, c'est un ordre, répéta le capitaine trop près de mon oreille.
Dire mon prénom n'allait pas changer la donne. L'envie d'étêter ce nabot se fit plus pressante. Ma main se porta presque aussitôt sur mon fourreau. Soudain un carreau me frôla l'épaule. La jeune Symerienne qui apparaissait à mes yeux déjà réduit par la distance, s'écroula. Avant même de me retourner, je connaissais le propriétaire de ce tir. Je savais également à quel point cela avait dû lui coûter. Nathanael avait choisit pour moi. Une seconde de plus et le lutin qui nous servait de capitaine aurait vu sa tête expulsée de son corps.
Je n'eût qu'à peine le temps d'exprimer ma gratitude à Nathanael que j'aperçus Milke reprendre là ou il s'en était arrêter, son envie d'uriner désormais plus pressante. Ce gros débile allait débusqué involontairement le deuxième gosse. Par chance il croisa cette fois mon regard. Il n'en fallut pas plus pour qu'il comprenne qu'il devrait se trouver un autre coin pour se soulager. Le jeune était sauvé, seul dans cette étendue désertique remplie de cadavre, mais vivant.
Venue du tréfonds de mes tripes je ne put retenir cette fois la gerbe de venir éclabousser le sol. Ce n'était pas l'eau de vie après tout. Putin de mal de guère.
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