Chapitre 3

Hélio avait l'impression que depuis qu'ils avaient discuté de l'origine de leur ancienne hostilité sa relation avec Alhéna n'avait fait que se dégrader. Ils n'étaient plus aussi proches et surtout ils ne se comprenaient plus. Et le jeune homme n'arrivait pas à mettre le doigt sur l'origine de ses problèmes. Il était pourtant sûr d'aimer Alhéna autant qu'il le pouvait mais quelque chose n'allait pas depuis un mois. Février touchait à sa fin et le blond était dans son canapé à boire des quantités énormes de chocolat chaud -il voulait garder l'esprit clair alors il avait remplacé l'alcool-. Leur relation semblait étrangement s'écrouler une fois le jour venu et se reconstruire la nuit venue. Mais ils ne pouvaient pas vivre ainsi, c'était impossible.

Hélio était plongé dans une énième session de réflexion silencieuse lorsqu'il vit Oscar se planter devant lui, lui bloquant l'accès aux rayons de soleil qui traversaient la fenêtre. Son colocataire avait l'air contrit et avant même que le blond n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche son ami pointait du doigt le piano. Un ordre silencieux. Alors, n'ayant pas le choix, Hélio se posta devant son instrument. Il passa délicatement ses doigts sur les touches et releva les yeux vers Oscar qui se trouvait au milieu du salon.

Les premières notes s'élevèrent alors dans l'air, désespérées. Et ainsi le danseur se mit en mouvement. Tous deux entrèrent en symbiose, ils s'accordaient parfaitement. Les minutes passaient et leur création prenait de plus en plus de sens, passant pas une multitude d'émotions à un rythme soutenu, violent, représentation concrète du doute qui envahissait Hélio.

Le pianiste ralentit alors le rythme, signal subtil à Oscar qu'il pouvait commencer à parler, qu'il y était prêt. Alors au fil de ses mouvements le danseur se mit à l'interroger.

- Qu'est-ce qu'il se passe avec Alhéna ? Je veux dire, je vois bien qu'il y a un truc qui semble étrange entre vous.

- Je ne sais pas moi-même, soupira Hélio, on s'est pris la tête le mois dernier parce que je lui ai avoué que la situation avec les parents était un peu de sa faute, même si à l'heure actuelle je ne lui en veut pas. Je pensais qu'elle comprenait mais au final elle s'est braquée.

- Je vois, mais vous parlez quand même ?

- Oui mais il y a quelque chose qui a changé, tu l'as bien vu.

Oscar s'arrêta quelques instants, plongé dans sa réflexion. Puis il releva son regard bleu vers Hélio, hésitant.

- Pourquoi est-ce que tu l'aimes ?

Le blond fut pris de court par la question. Elle semblait complètement hors de contexte mais il savait pertinemment que lorsque son ami lui posait une question elle n'était jamais anodine.

- Et bien elle est vraiment admirable, je veux dire, elle est brillante, elle en connaît un rayon sur les étoiles et elle excelle en sciences. Et aussi, elle...

Hélio s'arrêta en croisant le regard d'Oscar. Ses sourcils s'étaient rejoints d'une façon qui donnait à son visage doux une expression compatissante. Il s'approcha du blond et posa une main sur son épaule.

- Hélio je... est-ce qu'il y a une seule de ses qualités pour laquelle tu l'aime ou tu admire seulement ce qu'elle incarne et que tu aurais aimé être pour plaire à tes parents ?

Le jeune homme ouvrit la bouche pour répondre, pour protester, pour démentir les accusations. Mais sa voix resta prisonnière de sa gorge qui se serra, à l'instar de son cœur. Il avait mal. Il ne savait plus ce qu'il ressentait. Tout devenait soudainement aussi clair que confus. Les larmes coulaient sans qu'il ne s'en rende compte. Il ne savait plus où il était, ni ce qu'il faisait. Rien n'avait plus de sens. Ou du moins, tout récupérait son sens.

- Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

- Tu étais simplement désespéré, tu n'as rien fait de mal.

Si. Il avait tout détruit. Il avait tout brûlé.

Le Soleil était beau mais il n'en était pas moins destructeur.

.•.

Alhéna était assise sur son ancien lit. Elle passait le week-end chez ses parents et le fait de revenir lui faisait apparaître sa relation avec Hélio plus étrange encore. Elle avait l'impression que quelque chose était cassé quelque part. Pourquoi le jour était-il synonyme de désastre avec eux ? Chaque fois que les étoiles disparaissaient ils ne se comprenaient plus, comme s'ils parlaient dans deux langues différentes.

Elle se morfondait, faisant glisser ses doigts dans la neige qui recouvrait le bord de sa fenêtre qu'elle avait ouverte dans une recherche de clairvoyance. C'est alors qu'elle entendit sa porte s'ouvrir, laissant entrer son frère dans la pièce. Il lui offrit un demi sourire avant de prendre place à ses côtés. Alhéna lui avait déjà dit tout ce qu'il y avait à dire sur sa situation actuelle, elle ne savait donc pas pourquoi il était là.

- Caph ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Ce n'est pas toi qui dit toujours que lorsqu'une Étoile s'éteint une autre doit l'aider à briller ?

- Si...? Et ?

- Et bien je suis là pour ça !

Alhéna était déroutée. Caph avait beau être son frère elle ne le comprenait pas toujours, surtout lorsqu'il voulait se donner un air mystérieux.

- Développe, commanda-t-elle.

- Vous ne vous entendez pas tout le temps c'est ça ?

- C'est ça.

- Alors est-ce que tu as déjà pensé à ce qui change la nuit pour que vous vous entendiez si bien ?

La jeune femme le fixa. Sa réflexion était extrêmement intelligente. La nuit. Ce qui changeait la nuit c'était le fait que les étoiles apparaissent. Hélio était aussi toujours plus vulnérable lorsque le Soleil disparaissait. Elle s'attarda sur ce point. Pourquoi l'appréciait-elle plus lorsqu'il était moins rayonnant ? Cela n'avait aucun sens.

- Il est moins lumineux, moins parfait, avoua-t-elle.

- C'est bien ce que je pensais...

Caph n'élabora pas, ce qui frustra Alhéna qui le fixa intensément jusqu'à ce qu'il reprenne le fil de ses pensées.

- Tu as toujours envié sa perfection. En fait, tu aimes le fait qu'il ne le soit plus, ça te rends plus confortable vis à vis de tes propres défauts. Tu ne lui accordais pas les bonnes émotions, celles qui étaient nécessaires à l'amour, et tu ne pouvait pas faire sans, aucun de vous deux ne le peut.

Alhéna resta bouche bée. Elle n'avait rien réalisé de tout cela. C'était comme si elle se réveillait d'un rêve. Tout faisait soudainement sens. Et elle se sentait mal, elle avait certainement blessé Hélio une nouvelle fois. Prise de panique elle prit refuge auprès de son frère. Caph resta là, à briller pour elle le temps qu'elle puisse s'allumer de nouveau.

Mais une Étoile éteinte pouvait-elle seulement se rallumer ?

.•.

Hélio avait donné rendez-vous à Alhéna sous les Étoiles, au lever du Soleil. Tous deux se tenaient désormais face à face dans la pénombre. Ils savaient aussi bien l'un que l'autre ce qu'il était sur le point de se passer mais aucun des deux ne voulait lancer l'engrenage. C'était effrayant de laisser partir une lumière. Mais il n'étaient pas la bonne étoile l'un pour l'autre. Leur amour était factice, fait d'admiration et de désespoir.

Ce fut Alhéna qui se décida à faire le premier pas. Elle attrapa les mains d'Hélio et accrocha son regard. Leurs yeux étaient tous deux emplis de larmes et leurs cœurs saignaient mais ils souriaient tout de même tristement.

- Je suis vraiment désolée Hélio. Je n'ai jamais voulu te faire du mal. Je voulais vraiment t'aider, mais je crois que de te voir aussi vulnérable m'a donné l'impression de pouvoir faire quelque chose d'aussi bien que toi, de pouvoir être aussi incroyable. Tu as toujours paru parfait à mes yeux, même adolescents quand rien n'allait plus. Alors je suis désolée d'avoir cru t'aimer alors que...

Sa voix se brisa. Elle détourna le regard le temps de retrouver sa contenance pour plonger ses yeux dans ceux d'Hélio.

- Alors que je ne t'aimais pas réellement.

Le blond lui serra les mains en guise de réconfort et les larmes coulant il prit sa suite :

- Moi aussi je m'excuse. De ne pas avoir vu à quel point je te regardais comme la personne que j'aurais rêvé pourquoi être et pas comme la personne que tu es. D'être passé à côté de tes qualités et tes défauts pour me concentrer sur ce que je n'étais pas. C'était égocentrique et je m'en veux mais je ne regrette pas d'avoir cru t'aimer alors que moi non plus, je ne t'aimais pas comme j'aurais dû le faire.

Hélio et Alhéna se regardèrent alors, et doucement, avec toute la tristesse, la douleur et la passion qui les envahissait ils s'embrassèrent. Un moyen de refermer leur histoire, de rassurer leur cœurs meurtris. Un au revoir où leurs larmes et leurs sanglots se mêlaient pour ne plus faire qu'un. Si Hélio avait eu son piano il aurait sûrement joué le morceau le plus envahissant émotionnellement qu'il n'aie jamais joué. Une ironie puisque c'est exactement ce qu'il lui manquait pour faire marcher les choses avec Alhéna.

Ils se séparèrent lorsque les premiers rayons du Soleil les atteignirent, que les Étoiles disparaissaient et que l'étoile du nom d'Alhéna partait dans la direction opposée à celle du Soleil après l'avoir croisé toute une nuit. L'aube se levait alors que Mars arrivait apportant avec lui le renouveau et la joie destinés à remplacer la désolation et la mort qui allaient de pair avec Janvier et Février.

Leurs cœurs étaient désynchronisés. Ils s'étaient écroulés, aspirés par la lumière éclatante du Soleil.

Les Étoiles ne brillent pas éternellement ensemble.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top