✨Épilogue
Quelques centaines de kilomètres au nord de l'océan de Draeh, des sorciers se relevaient. Ils avaient été soldats mais ils avaient failli. Leur moral était au plus bas. Deux garçons de grande taille, tous les deux au sang chaud, se serraient dans les bras l'un de l'autre, unis dans leur faiblesse et dans leur tristesse. Ils se retrouvaient enfin. Ils n'auraient jamais souhaité vivre la scène qui s'était jouée devant eux.
À quelques pas, un autre sorcier, plus jeune, à genou, avait le visage livide. Les sourcils froncés, il semblait être dans un état de concentration extrême. Il cligna des yeux, souffla et se mit debout. Et alors qu'il enchaînait les mouvements qui lui permettaient de se transformer, il prononça ces mots : « eglantis aeda höher ».
Son regard était vide. Seule sa détermination guidait ses gestes. Le sorcier porta sa main gauche à son cœur et il ferma les paupières si fort que des couleurs dansèrent devant ses yeux. Il pensait à ses sœurs, à ses amis, à l'eau. Ses lèvres remuèrent à nouveau. Leur articulation était faible mais les mots qui s'en échappèrent étaient plus puissants que tous ceux qu'il avait pu prononcer au court de son existence.
Kelumnis totis tutis aehxer.
Un tourbillon de gouttelettes scintillantes l'encercla. Et l'air qui remplissait le corps du garçon l'abandonna, créant une onde légère qui perturba l'atmosphère. Le tourbillon liquide s'épaissit, s'agrandit, prit de la vitesse, jusqu'à n'être plus qu'un filet d'eau pure et translucide, le linceul d'un corps trop jeune qui s'endormait trop tôt. Thomas avait quitté le Dashgaïh, ce qu'il en restait s'écroula au sol.
Un cri retentit. Une sorcière blonde qui tenait un sorcier roux par la main accourut à grandes enjambées vers le corps inanimé. Elle s'accroupit à ses côtés et palpa son pouls. Ses yeux agrandis par l'horreur libérèrent des larmes en abondance, sans qu'elle ne parvienne vraiment à se rendre compte que ce compagnon de voyage d'abord dénigré, qui l'avait ensuite abasourdie en touchant May avec la pierre de Soteria, et qui s'en était sans doute trop voulu en apprenant le sort réservé à son amie, avait pris sa vie.
Autour des jeunes sorciers, des nomades se relevaient, se réconfortaient ou se soignaient. D'autres ne se relèveraient jamais. Tous avaient compris ce qui venait de se passer ; aucun n'avait envie de se préparer à affronter la nuit qui était en train de s'abattre sur leur monde.
Plus au sud, sur une terre salée par l'océan du vide, les Savants de Lo s'affairaient à ramasser leurs cultures. Leurs gestes étaient précipités, ils s'échangeaient des cris et peu à peu, tous se réfugièrent dans leurs maisons de bois et de coquillage et s'y calfeutrèrent, se préparant à passer la plus longue nuit qu'ils n'avaient jamais connue.
Dans les confins de la Barrière de Mars, les Muyoks n'étaient pas plus à l'abri que les Savants. En silence, certains contemplaient le ciel d'encre constellé d'étoiles.
— La fille d'Adélaïde est de retour, constata quelqu'un sans éprouver la moindre émotion.
Minute après minute, alors que le pouvoir de la Gardienne se déversait dans l'antre du Néant, la Lune avalait tout sur son passage, dans la plus grande ascension sorcière depuis trois centenaires.
Et tout au nord, abritée par des mètres de terre, une sorcière au pouvoir immense pleurait un être cher. Recroquevillée autour de son corps encore chaud, elle demandait pardon. À son peuple qui, décimé par la maladie, ne connaîtrait jamais de remède et sombrerait peu à peu dans l'oubli. À ceux qu'elle avait impliqués dans ce qui s'était révélé plus qu'une affaire d'Etat, à celui à qui elle avait donné son cœur. À ses dieux, qu'elle n'avait pas su servir.
Celle qui avait été la souveraine d'un peuple fier et succédé à tant de Grandes Prêtresses avant elle venait d'échouer. Elle n'avait pu empêcher la fille du Néant, la Lune elle-même, d'entamer le règne de la nuit.
À l'écart de ces compagnons, là où un peu plus tôt, elle avait quitté la Gardienne, se tenait une jeune sorcière. Droite sur ses jambes, le buste redressé, ses boucles brunes et argentées illuminés par les rayons de la Lune, tombaient en cascade sur ses épaules et son dos. Elle était debout, entourée de blessés, de dévastation, de ce qui n'était plus. Elle avait joué, elle avait perdu, croyant pouvoir surpasser la puissance des éléments, le pouvoir des origines. Pourtant, elle savait qu'on ne plaisante pas avec des forces aussi grandioses que celles des astres.
Le Néant avec retrouvé sa Gardienne trop longtemps perdue, interdisant ainsi au printemps d'exercer sa magie ; des temps nouveaux s'annonçaient. Des temps rudes. Mais la sorcière savait que ceux-ci ne dureraient pas éternellement.
Elle était l'espoir.
Elle savait qu'elle avait le temps d'incliner son pouvoir dans une ultime tentative pour rétablir l'équilibre, ranimer la chaleur du Dashgaïh, déterrer celle des sorciers, raviver la flamme de la vie. Rien ni personne ne pouvait l'en empêcher. Et rien ni personne ne l'en empêcherait.
Alors dans le silence qui suit les grands drames et précède les grands changements, sa voix s'éleva encore une fois :
« Tout au loin dans les terres, écoute,
Sous le cor du guerrier se tient
Le Gardien, décidé. Sa route,
Sous la lumière de la Lune,
Ne retient rien. »
_______________________________
*publication : 27/04/18, dernière mise à jour : 02/01/19*
J'ai l'honneur de vous annoncer que Jusqu'à ce que tout disparaisse derrière la Lune est officiellement terminé !
Incroyable n'est-ce pas ? xD
J'attends avec impatience vos réactions en comm' !
Et si le coeur vous en dit, voilà une impro que j'ai réalisé aux violon et piano pour illustrer ce... passage dans un autre monde... 😏😂 C'est pas ouf mais c'est spontané, faites-en ce que vous voulez ! :3
https://youtu.be/KXy8BPMN20E
*retourne dans sa cave de sorcière pour tenter de se remettre de ses émotions*
La sorcière qui vous aime :3
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top