✨Chapitre 46 - D'au-delà et de phares

— C'est vrai ça ! intervint alors Spoty. Un sort permet de mettre fin à ses jours « en honorant sa dignité pour être accueillis dans le royaume des dieux en héros », dixit Vie et Mort d'un Sage, autobiographie de Grévous Xien, grand sorcier des temps anciens, volume III, chapitre quarante-cinq.

Zed esquissa un semblant de sourire tandis qu'Ethel explosa de rire.

— Dis, t'as combien de livres dans ta tête Spoty ?

Ce dernier haussa les épaules.

— En entier ? Une dizaine seulement. Sinon j'ai des fragments. Mais bref, toujours est-il que pour mourir de la manière qui soit la plus digne possible, selon les sorciers, il suffit de se transformer et de prononcer « eglantis aeda höher ». Cette formule te met en lévitation. Ensuite, il faut mettre sa main gauche sur ton cœur, penser à ce que t'as le plus chéri au court de ta vie et à ta plus grande réussite.

— Il faut prononcer une deuxième formule une fois que ta main est sur ton cœur, embraya Zed, « kelumnis totis tutis aehexer ». Là, ton rythme cardiaque ralentit jusqu'à ce que tu t'évanouisse puis jusqu'à ce qu'il s'arrête.

— Et en croyant la légende, termina Spoty, là, tu rejoins le royaume des dieux en toute sérénité.

Ethel frissonna. Elle n'en revenait pas que les garçons n'aient rien d'autre à imaginer que leur mort. Quoi que c'était Lumia qui avait commencé, ce n'était même pas une question de garçons... Zed remarqua son trouble et esquissa un sourire. Il se fit la réflexion que malgré son caractère bien trempé, la jeune sorcière était sensible. Trop sensible. Et il se dit que ce qu'il considérait comme la faiblesse des porteurs de Jupiter, tôt ou tard, jouerait en sa défaveur... Le garçon sortit de ses pensées, secoua la tête et se remit en marche. Les quatre ados suivirent.

— J'ai remarqué un truc, lança Lumia à Zed alors qu'ils avançaient en silence depuis une bonne heure.

L'après-midi touchait à sa fin, le premier soleil s'apprêtait à disparaître pour laisser place au soleil rouge. Lumia avait vérifié que les trois Transferts se trouvaient assez loin d'eux pour ne pas entendre leur conversation.

Zed lui jeta un regard en biais.

— Quand tu parles de Charly et May, tu mets toujours May d'abord.

Le sorcier haussa un sourcil.

— On fait toujours passer les filles d'abord, rétorqua-t-il.

Lumia gloussa.

— Te cache pas Zed. Pas avec moi.

— Où est-ce que tu veux en venir Lu ?

— Tu l'aimes ?

Le sorcier leva les yeux au ciel pour toute réponse.

— J'ai pas besoin de tes reproches Lu, l'informa-t-il.

Sa sœur pouffa.

— Je suis pour te faire des reproches je te rappelle. Je suis ta sœur. C'est seulement que je m'inquiète. Parce que si tu l'aimes ou que tu t'en soucies, ce qui revient au même, au-delà du fait que vous êtes incompatibles, j'ai peur de ta réaction quand Thomas... la touchera avec la pierre, acheva l'adolescente.

— C'est pour ça que je... Non rien, se reprit le sorcier, qui s'était promis de ne parler à personne de son plan.

Lumia leva des yeux soucieux vers son frère.

— Attends, me dis pas que tu comptes l'empêcher de prendre la pierre ?! chuchota-t-elle, confuse.

— C'est pas ce que j'allais dire, la contredit Zed.

— Qu'est-ce que t'allais dire alors ? le défia Lumia, une lueur de suspicion dans le regard.

— Je ne veux pas que ça se sache, soupira-t-il.

Mais Lumia ne le lâcherait pas l'affaire ainsi.

— Zed, écoute-moi deux secondes, tu te rends compte de l'enjeu, pas vrai ? tenta-t-elle. On parle de la vie de notre peuple, de nos familles, de nos amis et de la vie d'un millier de sorciers. Tu–

— Je sais Lu, la coupa-t-il. Je sais tout ça.

— Tu ne peux pas sacrifier mille personnes sous prétexte que tu veux que May reste en vie ! chuchota-t-elle avec trouble. Y'a pas plus égoïste !

Son frère leva un sourcil.

— Où est-ce que t'as vu que j'étais pas égoïste ?

— Oh mais nulle part, je le vois très bien toute seule et c'est pas nouveau ! répliqua sa sœur. Mais notre souveraine t'a donné la chance pour prouver que tu ne l'es pas, aies le courage de lui montrer que tu vaux mieux que ça !

Zed secoua la tête.

— Je n'ai encore rien fait et tu ne sais pas ce que j'ai en tête, alors évite de me faire la morale.

Cette fois-ci, c'est la jeune blonde qui secoua la tête en soupirant.

— J'espère juste que cette... Transfert de malheur ne t'a pas assez retourné la tête pour que tu veuilles faire passer sa vie avant celle de tout ton peuple.

Sur ces mots, furieuse et soucieuse, la sorcière accéléra le pas pour s'éloigner de ce frère qu'elle avait de plus en plus de mal à comprendre... et maîtriser. Ouvrant la marche d'un pas intransigeant, ses longs cheveux soyeux flottaient derrière elle comme une traîne impériale.

De nombreuses heures plus tard, une fois la nuit tombée, les jeunes voyageurs épuisés s'arrêtèrent pour camper et Zed alluma un feu à l'aide de ses mains. Après avoir amassé un tas de bois mort, il se transforma et dirigea son regard sur sa paume gauche qu'il fixa avec intensité. Sa main rougit, puis blanchit et des étincelles en jaillirent. Il s'accroupit en mit ses doigts en contact avec le bois. Après quelques secondes, une flammèche naquit sur l'une des branches et Zed retira sa main en reprenant son apparition normale. Le feu grandit et embrasa le tas de bois.

Ethel avait regardé la scène, émerveillée. Des paillettes dans les yeux, elle frissonna. Elle aussi aurait aimé avoir un pouvoir capable d'impressionner les autres. La jeune fille poussa un soupir et s'assit sur un rocher près du feu. Les lueurs des flammes accentuaient l'éclat des mèches argentées qui se mêlaient à sa chevelure sinon brune et lui donnaient un air mystérieux. Thomas prit place à côté d'elle et lui sourit. Elle posa sa tête contre l'épaule de son ami.

— May me manque, murmura-t-elle.

Thomas hocha la tête.

— On va bientôt la retrouver, la rassura-t-il.

— N'empêche, tu te rends compte de la chance qu'on a ? reprit la jeune fille. Non seulement on va la retrouver mais en plus on gagne un aller-retour dans le Sauvage où on va vraiment apprendre à utiliser nos pouvoirs.

— C'est ça qui me pose problème, avoua Thomas. Qui nous dit que c'est un aller-retour ?

— Hein ? Tu voudrais rester dans le Sauvage ?

— Pas du tout, rigola Thomas en secouant la tête. Certes le C.I.S.I. n'est pas un endroit idéal mais la vie n'y est pas non plus désagréable. Ce que je me demande plutôt c'est si on va pouvoir rentrer. Vivants... En plus avec leurs histoires de suicides là, ils m'ont retourné le cerveau.

Ethel éclata de rire. Thomas la regarda avec de grands yeux, ne comprenant pas la réaction de son amie.

— Hé, les interpela Lumia, au lieu de vous bidonner, vous pourriez nous aider à préparer le repas ? Il va pas se faire tout seul.

— Sans blague, soupira Ethel en levant les yeux au ciel.

Elle se leva du rocher et tendit sa main à Thomas.

— Allez viens, on va cueillir des fruits, pensa-t-elle l'encourager.

— Tu rigoles ? rétorqua-t-il en retirant sa main aussi vite qu'il lui était permis. Il fait nuit noire ! Et on ne sait même pas ce qui est toxique et ce qui ne l'est pas.

— Je ne voudrais pas paraître pointilleux, s'incrusta Spoty, mais je dirais qu'ici les fruits sont plus magiques que toxiques.

Ethel et Lumia pouffèrent. Thomas sourit.

— T'as sûrement raison, concéda-t-il. En attendant, Ethel t'es complètement tarée sur ce coup-là.

— Mais non idiot, répliqua-t-elle en le tirant finalement vers les ténèbres environnantes. Tu te rappelles que je suis portée par Jupiter ? Et que Jupiter est associée à la nature ?

— Et alors ?

— Alors je sais quels fruits sont comestibles, espèce d'imbécile !

Le garçon eut juste le temps de voir le clin d'œil que lui adressait son amie qu'ils disparurent dans l'obscurité.

Spoty frissonna. Lui n'aurait pas aimé s'enfoncer dans les bois sans y voir clair. C'est alors qu'une idée lui vint. Comment n'y avait-il pas pensé plus tôt ? Il prononça la formule qui lui fit prendre sa forme sorcière. Une fois cela fait, il ferma ses yeux et se concentra sur les couleurs qui dansaient devant ses pupilles. Lorsqu'il rouvrit ses paupières, sa vision du monde avait changée. Il voyait partout où il tournait la tête. Pas en couleurs, mais il voyait. Il avait activé sa vision nocturne.

Zed le regarda avec insistance.

— T'as allumé tes phares ? lui demanda-t-il.

Spoty, encore trop impressionné de sa propre capacité, hocha la tête sans pouvoir prononcer un son. Cela donna le sourire à Zed.

Peu après, Ethel et Thomas débarquèrent les bras chargés de fruits aux formes et aux tailles variées.

— Ce qu'on a de la chance d'avoir une porteuse de Jupiter, remarqua Spoty en se léchant les babines.

— À table ! cria Lumia. C'est bien comme ça que disent les humains ?

— Mais on n'est plus humains, lui rappela Thomas.

Lumia haussa les épaules.

— Pour moi, vous le resterez toujours.

Ethel grimaça. Décidément, le courant ne passait pas entre l'Innée et elle. Zed s'amusa de la tension que les adolescentes faisaient monter et s'assit aux côtés de sa sœur avant de prendre sur une pierre un morceau de viande cuite qu'elle y avait posé.

— Eh ! J'en veux aussi ! s'écria Spoty en se précipitant vers Zed.

— Calme-toi l'Transfert, le coupa Lumia dans son élan en lui tendant une part. Y'en a pour tout le monde.

Ethel et Thomas furent servis à leur tour et chacun mangea à sa faim. En dessert, la troupe avala la moitié des récoltes de fruits.

Ils se distribuèrent ensuite des tours de garde et s'endormirent la tête sur leurs sacs, à même le sol, enveloppés d'une simple couverture de toile. Sourds aux bruits de la forêt qui s'amplifiaient, ils tombèrent peu à peu dans les limbes d'un sommeil profond, la faune nocturne prenant la relève sur la faune diurne. Leur voyage prévoyait d'être mouvementé et une bonne dose de sommeil en plus d'un ventre plein ne pouvaient leur faire de mal.

___________________________________

*dernière mise à jour : 05/12/18*

Et voilà qu'on retrouve notre troupe d'aventuriers ! Alors ? Comment le sentez-vous ? Moi j'dis, ça promet d'être épique ! x)

A bientôt !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top